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 N° 535
 
 
 
    11 février 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Lecture de l’article 1 de la Charte d’Hippocrate

Photo de l'auteur Docteur Brune Blaive lui écrire

‘’Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif. Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble’’
Voici , de mon point de vue, un certain nombre de propositions concrètes pour que nous, médecins, puissions aller dans le sens de ce premier article de la Charte d'Hippocrate (1), tant dans notre formation que dans notre organisation professionnelle .

retrouver la confiance

Répondre au premier objectif de la charte d’Exmed nécessite de définir de quels médecins nous avons besoin pour demain. On peut répondre en citant Charles Boelen (OMS) (2) : former des soignants pour répondre aux besoins des patients’’, c’est-à-dire à leurs besoins de santé et de bien être, de maintien de leur autonomie, mais également à leurs demandes d’information et de participation à la gestion de leur santé . Cette réponse complexe impose de respecter les règles d’éthique, d’équité et d’humanisme et de prendre également en compte les nouveaux défis de notre société. Dans cette approche il est cohérent d’appréhender dans un même temps la gestion des soins individuels et de la Santé collective car les besoins d’un patient et ceux d’une population sont étroitement liés. On se rend alors rapidement compte que définir le profil du futur médecin ne saurait s’envisager sans reconsidérer en même temps l’organisation globale de notre système de santé. On conçoit alors l’ampleur du problème lorsque l’on connaît les enjeux humains, politiques, économiques, corporatistes, sociaux que cela implique, mais en cette période de voeux rien n’est impossible en Exmédie !.

restaurer la conscience

Le moyen d’aborder un problème complexe est de partir de son plus petit dénominateur commun, on choisira ici le binôme médecin-malade
1-Aujourd’hui l’enseignement de la séméiologie clinique n’est plus valorisé or le symptôme est l'élément essentiel de la relation médecin malade. Car même si son interprétation est parfois difficile, subjective, trompeuse, c’est lui qui amène le patient à consulter et c’est lui qui est le fil conducteur du médecin. L’examen clinique est lui aussi dévalorisé, au profit des explorations et des techniques médicales, car considéré comme insuffisamment fiable ou exhaustif pour guider à lui seul le médecin dans son diagnostic. Cette défiance vis-à-vis de la clinique a de lourdes conséquences car, sans fil conducteur, le médecin aura peu de chance, en dehors du hasard, de faire la bonne approche. Ceci est d’autant plus probable que chaque patient est un cas particulier et qu’on ne peut trouver, par définition, que ce que l’on cherche. La revalorisation de l’enseignement clinique est donc une priorité dans la formation des futurs médecins.

2-Aujourd’hui le niveau de santé d’une population dépend en grande partie des comportements (addictifs, alimentaires, sexuels, écologiques ...) des individus qui la compose. Nos modes de conduite sont en grande partie conditionnés par notre environnement (Médias, publicité) sans que l’accès à une information libre - mais le plus souvent pléthorique et peu critique -puisse en modifier notablement les effets. Demain l’offre et la demande d’informations médicales ou de santé ne peut que s’amplifier. Or seul le médecin a le recul suffisant, du fait de sa très longue formation (10-15 ans), pour donner une information médicale juste, utile, adaptée. Demain il devra donc posséder des qualités humaines et des compétences scientifiques mais également être un professionnel de la communication pour remplir sa fonction dans le domaine de l’éducation, de la prévention et de l’environnement.

3-Aujourd’hui les coûts liés à la santé sont en inflation alors que les moyens financiers disponibles sont limités. L’équilibre recherché entre les sources de financements et les dépenses de santé dépend en grande partie du comportement des médecins comme de celui des malades. Les médecins étant à la fois ordonnateurs des dépenses et bénéficiaires des prestations du système de santé, il serait pertinent qu’ils gèrent les dépenses tout en étant informés régulièrement du niveau de ressources du système. Dans cette situation où ils seraient responsabilisés, les praticiens pourraient établir leurs priorités de santé, en respectant le maintien d’une égalité des soins au sein de la population dont ils auraient la charge.
A la fois responsables et comptables, ils retrouveraient une partie de leur autonomie perdue et de leur notabilité. Cette nouvelle charge nécessiterait qu’ils soient formés à être de bons gestionnaires et habitués dans leur pratique à proposer le meilleur rapport qualité /prix/ efficacité pour toute action de santé prescrite.
Par ailleurs, en cautionnant l’épargne de ce qu'on nomme le Capital Santé et l’Education au bien être de leurs patients, ils participeraient indirectement à la limitation des dépenses de santé.
Les ‘économies dégagées par cette nouvelle gestion des soins et de la santé pourraient être redéployées au profit d’autres actions de santé ou pour prendre en charge de nouvelles pathologies. On conçoit dans cette optique que les capacités et compétences habituellement demandées aux médecins soient complétées par une formation continue de Gestion en Santé Publique.

4-Aujourd’hui les responsables de Santé Publique ne disposent pas de données médicales précises concernant les maladies, notamment celles liés à l’environnement ou au climat. Dans ces conditions il est difficile de répondre aux interrogations des politiques où à celles du grand public concernant par exemple les effets à moyen ou à long terme des pollutions chroniques. Une politique globale de santé nécessite de disposer d’un Observatoire de la Santé capable de croiser en permanence des données environnementales, météorologiques, climatiques, sociales, professionnelles, et des données d’épidémiologie de santé. Celles ci permettent de mettre en évidence d’éventuelles corrélations significatives ou non qui peuvent être confirmées ou infirmées ultérieurement par des études de terrain.
Par ailleurs, la constitution, à partir des cabinets médicaux de réseaux d’informations (type réseau de la grippe) couvrant l’ensemble du territoire et centralisant les données au niveau des centres hospitalo-universitaire permettrait un suivi épidémiologique des pathologies courantes ou rares ciblées. Cette implication placerait nécessairement le Corps Médical et les Facultés de médecine en véritables partenaires de Santé Publique, légitimant là encore institutions médicales et médecins. Dans cet objectif le médecin de demain devrait recevoir une formation universitaire en Épidémiologie de la santé et une formation continue concernant les effets de l’environnement sur la santé

5-Aujourd’hui la formation médicale doit être adaptée à la fois à la grande variété des besoins de santé et à leur évolution permanente. Les médecins doivent donc être capables de les identifier pour les prendre en charge et les suivre. Former un médecin de campagne, de quartier à risques, ou un hospitalier, implique certes des connaissances de base communes mais aussi des connaissances spécifiques à ces différents milieux (sociales, culturelles, économiques, psychologiques, géopolitiques.) Enfin, former un médecin pour demain c’est le préparer à travailler en réseaux de soins, en groupe ou en associations pluridisciplinaires : ceci nécessite une formation pratique en informatique, en télécommunication, mais surtout de lui inculquer le plus tôt possible dans sa formation universitaire la notion d’esprit d’équipe, c'est-à-dire de corps médical, notions totalement absente de la formation médicale actuelle.

renforcer la compétence

Une politique de Santé efficace devrait permettre d’apporter une synergie entre l’éducation, l’exercice médical et la gestion de la santé, mais également assurer une cohérence et une pertinence entre la formation et les besoins de santé. Elle gagnerait pour cela à replacer le médecin au cœur du système de santé à condition de lui assurer une formation de qualité dans le domaine des soins, et de la clinique, de la gestion et des dépenses de santé, de la communication et des réseaux. Cet ensemble de propositions pourrait faire évoluer notre système de santé en le rendant plus juste et plus efficace. La plupart de ces propositions ont été testées ponctuellement, certains organismes internationaux(3) ont mené des réflexions et fait quelques propositions (4) dans ce sens mais celles-ci sont restées sans effet à ce jour.
Pour résumer, nous ferons référence, en le citant, à Charles Boelen auteur du concept du “médecin 5 étoiles’’où chaque étoile représente une aptitude acquise par le futur médecin : garant des soins de qualité, communicateur, décideur, partenaire en santé publique, gestionnaire. Ce label ne représente pas seulement ‘’l’image d’excellence du médecin de demain, elle est celle du médecin de toujours, celle de la profession de santé tout simplement, qui tente de se mettre au service de l’individu et de la société indépendamment du temps et du lieu’’.
Un des grands malaises de la médecine d'aujourd'hui vient de son fonctionnement et de son financement ambigu. Les médecins auront-ils le courage d'en changer , c'est à dire de (re)prendre le pouvoir qu'ils ont abandonné ? Responsabilité médicale, juridique, morale, sociale, oui ça on veut bien dans nos instances dirigeantes, mais pas financière, car le médecin n'est pas jugé responsable ( traduire crédible en matière de gestion financière). Si le médecin veut retrouver ce pouvoir dans la cité et une certaine légitimité, il faut qu'il accepte une ''certaine responsabilité '' dans les dépenses qu'il engage que ce soit dans le système public ou privé.
Cette autonomie financière du médecin a pourtant été expérimentée en France pendant plusieurs années dans les départements de la petite couronne parisienne (Dr P. Bocquet) et contrôlée comme efficace et de bon rapport qualité/prix . Ceci impliquerait théoriquement une formation spécifique des futurs médecins et pratiquement un regroupement des cabinets médicaux (pour de multiples raisons nécessaire à court terme). . Un médecin du groupe pourrait se consacrer à la gestion ou celle-ci pourrait être tournante chaque année. Les cabinets isolés ou situés dans les régions désertifiées pourraient être regroupés à distance , ou encore une aide à cette gestion pourrait être apportée par un ''médecin conseil.'' C'est ce qui se passe actuellement dans les hôpitaux universitaires où les Services sont regroupés en Pôles et gérés par un médecin élu par ses pairs du pôle aidé d'un directeur administratif. Les hôpitaux qui utilisent ce mode de fonctionnement depuis plusieurs années ne veulent plus revenir à l'ancien système administratif de gestion car il apporte un peu de liberté aux médecins.
Cette organisation permettrait de réduire de moitié le nombre des quelques cent mille employés de la sécurité sociale qui contrôlent des papiers et dont une partie pourrait être utilisée plus intelligemment à aider les médecins ! Cela n'empêcherait pas d'avoir en parallèle un système de prise en charge gratuit pour les indigents ou les maladies lourdes.

Bibliographie
(1) La Charte d'Hippocrate, LEM 532, numéro spécial du 5 janvier 2008   http://www.exmed.org/archives08/circu532.html
(2)-Le médecin 5 étoiles : C. Boelen. OMS. Actes des journées d’études Internationales.1998
(3)-Éducation thérapeutique du patient vers une citoyenneté de santé Colloque à L’Unesco 1999. BEP V 19. 2000
(4)-Charte de l’éthique des facultés de Médecine conférences des Doyens et des Facultés Francophones (CIDMEF) la Faculté de Médecine face à ses responsabilités sociales et éthiques. Rapport 2001-2003

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




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