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La Lettre d'Expression Médicale
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 N° 548
 
 
 
    13 mai 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Sortir des vieux cadres de référence

Photo de l'auteur Odette Taltavull lui écrire

De plus en plus de médecins se désespèrent de ne plus savoir comment exercer leur beau métier. Mais ne sont-ils pas formés à penser, à réagir, et à travailler selon la médecine d’ « avant », et dans un cadre de référence dépassé ?
Nous sommes devant des paramètres sociétaux et individuels qui sont en rapide mutation, et, dans le domaine de la prise en charge médicale, face à des attentes qui ne sont pas uniquement la guérison du corps. Comment faire pour que les nouveaux médecins cessent d’être agacés par des patients exigeants, par les « faux malades », par les abus de ceux qu’ils perçoivent comme des profiteurs du système ?
Volontairement candide, j’ai envie de mettre un instant mon imaginaire au service d’une réflexion à ce sujet. N’étant absolument pas compétente à faire une véritable analyse, je me contenterai donc de partager avec vous quelques idées, même si elles peuvent sembler saugrenues aux médecins.

retrouver la confiance

De nos jours, si leur corps est resté anatomiquement le même, les patients se trouvent confrontés à des changements ultrarapides et déconcertants à plus d’un titre quant à la prise en charge de leur santé. A écouter les discussions dans les salles d’attente de Cabinets Médicaux ou sur les parvis des Urgences Hospitalières, je ressens un décalage significatif entre ce qu’attend le patient réellement, et ce que le médecin pense que le patient attend de lui. Un peu comme un décalage temporel ...
Alors, qu’attendent les patients ? Ne serait-il pas intéressant de leur poser la question dans un sondage à l’échelle nationale, prenant en compte les changements des cinq dernières décennies (en médecine mais aussi sur les plans économique et social).
Est-il stupide d’imaginer que les patients attendent une approche différente de leur santé, une approche qui aurait quelque chose de révolutionnaire dans le sens où le médecin leur ferait à priori CONFIANCE lorsqu’ils expriment une plainte ?
Autrefois le patient restait aveuglément confiant et remettait son corps malade au médecin qui, lui, savait. A présent, lorsque les gens ne se sentent pas bien et que ça dure, ils cherchent à comprendre. à participer, à apprendre ; ils se renseignent parce qu’ils en ont les moyens techniques avec Internet, se font balader par les médias parce que ces derniers s’appliquent à les rendre suggestibles, et finalement s’égarent parce que jamais rien ne remplacera un vrai dialogue avec leur médecin.

restaurer la conscience

De leur côté, les médecins ne campent-ils pas en première intention un rôle correspondant au modèle qui leur est donné pendant leurs études, avec l’idée que c’est eux qui mènent la barque puisqu’ils ont le savoir nécessaire à soigner ?
Admettons que les patients actuels manifestent l’envie d’être soignés différemment et surtout dans plusieurs dimensions ? Pourquoi ne pas imaginer une médecine « en 3D » ?
Par exemple, le médecin se positionnerait autant en receveur d’informations qu’en pourvoyeur de soins ... ainsi le message serait perçu soit clairement (la plainte correspond à une pathologie décrite et à celle-ci correspond une thérapeutique), soit d’une façon complexe (la plainte se révèle être à priori sans substrat anatomique), soit d’une façon discordante (la plainte dévoile nettement un intérêt secondaire). Dans cette vision en 3D de sa consultation, le médecin se trouverait donc face à plusieurs possibilités de réponses thérapeutiques.
Concernant le dernier cas de figure, j’en parlerai plus loin.
Pour ce qui est du second cas, plutôt fréquent d’après les témoignages des médecins, comment faire pour que ces derniers ne soient pas agacés, qu’ils restent des professionnels compétents, tout en renvoyant au patient une réponse adaptée qui satisfasse ce dernier ?

renforcer la compétence

Si le patient qui se plaint sans signes pathologiques apparents sent qu’il est écouté et entendu, il acceptera plus facilement de la part du médecin un discours raisonnable (dans le sens de faire raisonner le patient) du style « nous allons tout de même faire les examens nécessaires, et si ceux-ci ne montrent rien d’anormal nous allons suivre ensemble l’évolution de ce que vous ressentez. Vous allez noter au fur et à mesure ce que vous qualifiez de gênant ou de douloureux physiquement dans votre vie de tous les jours, et vous revenez me voir dans trois mois afin que nous fassions le point ensemble. »
Et pourquoi pas ? Trois mois ça passe vite ... le patient s’interrogerait ainsi lui-même, dans l’intimité de sa vie, sur ce qu’il ressent vraiment. Il se sentirait considéré comme un humain qui souffre (que ce soit explicable ou non médicalement), et trois mois plus tard la suite du dialogue pourrait être engagée en toute confiance.
Il est à parier qu’alors le patient ne partirait pas tous azimuts chercher des explications à ses maux, exigeant la répétition de toutes sortes d’examens, trimballant son mal-être dans toutes les salles d’attente, à se demander ce qu’il peut bien avoir !
Quant à ceux qui attendent un intérêt sous forme de bénéfice secondaire, tel ou tel avantage (voir les exemples donnés dans les échanges sur le forum), la Sécurité Sociale a dans son système de contrôle médical des médecins contrôleurs dont la mission est précise et qui disposent d’échelles et de critères d’attribution de certains « droits ». Les médecins généralistes savent-ils toujours comment sont exécutés ces contrôles dans la réalité et quels sont les critères d’attributions des droits ? Peut-être qu’en fait ils ne le savent pas exactement, et qu’ils perçoivent - avec raison à leurs yeux - que certains patients obtiennent des avantages qui leur semblent à priori médicalement non justifiés ...
Même s’ils sont souvent critiqués, les médecins contrôleurs à la CPAM ( scurité sociale) n’ont-ils pas en pratique une approche plus élargie du cas d’un patient ?
Pour terminer je poserai la question suivante : que signifie être « malade » aujourd’hui ?
Est-ce uniquement souffrir d’un dysfonctionnement dans son corps ?
Déjà en 1986 l’OMS expliquait en quoi la santé de la population devient une responsabilité collective. Alors pourquoi la formation des médecins ne tient-elle pas compte de cette évolution-là alors qu’elle est annoncée depuis vingt ans ?
Serait-il si hardi de sortir des vieux cadres de références ?



Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :<< L’inventeur de l’escalier habitait sûrement au premier étage. >>
Philippe Geluck


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