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La Lettre d'Expression Médicale
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 N° 602
 
 
 
     25 mai 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Femmes, médecins d’avenir

Dr Cécile BourDocteur Cécile Bour lui écrire

xxxJésus n’a pas choisi d’apôtre femme. Il lui fallait des acolytes à « disponibilité totale », des comparses travaillant à temps plein. Et puis, depuis le coup de la pomme, Eve, on s’en méfie. Elle est à l’origine de toutes les complications de ce bas monde pour certains dinosaures , heureusement en voie de disparition, vieux mandarins ou patrons machistes compris, qui n’ont pas encore admis que l’évolution de la société passe par l’intégration et la reconnaissance de la femme pour ses vertus professionnelles particulières, pour ses capacités qui lui sont propres, à mener de front vie familiale et professionnelle, entre autres. Ce sont elles qui ont permis ce mouvement de moindre adhésion au concept de la disponibilité permanente, très partagé par nos aînés.
Il est de plus en plus exclu pour le jeune confrère qui veut s’installer, de sacrifier l’intégralité de son existence à son activité, par souci d’une meilleure qualité de sa consultation, et aussi pour échapper au phénomène de « burn-out » que l’on constate malheureusement de plus en plus souvent chez les médecins débordés, ne comptant plus leur temps. La société et le malade en particulier ont donc tout à y gagner en matière de qualité.
Retrouver la confiance.
La progression féminine dans le domaine professionnel, fruit de son émancipation arrachée de haute lutte lui a valu de pouvoir empiéter sur des domaines symboliquement dévolus aux hommes. Le problème est que l’émancipation de l’homme, qui demandait autant d’efforts et de volonté d’adaptation, n’a pas eu lieu. L’homme est à sa place depuis la nuit des temps et a du mal à ménager un peu d’espace à l’avancée féminine. Pour preuve, là où les femmes utilisent le temps libre à la famille, on constate que les hommes, arguant travailler moins pour s’inscrire plus dans la vie de famille, restent malheureusement dans les faits encore loin derrière l’activité féminine en matière de partage des tâches domestiques et d’éducation des enfants. Et cela ne s’intensifie pas, même en cas d’augmentation de l’activité de la mère-médecin.

retrouver la confiance

xxxLa féminisation de la vocation médicale est chiffrée et réelle, de plus en plus de femmes s’y engagent ET terminent leurs études. Ces études ne sont pas réputées pour être faciles, or on constate en ce moment une meilleure réussite des femmes aux concours par rapport aux étudiants. Il est reconnu qu’elles sont des étudiantes souvent plus sérieuses et plus appliquées que leurs collègues masculins. Par ailleurs , ce « boom » féminin en médecine est bien la preuve que le métier requiert des qualités dont elles disposent, réputées plus « féminines », telles que la proximité avec les malades, une écoute plus patiente et plus douce. En effet, à quoi servent les compétences techniques et le savoir scientifique si le médecin est dénué d’aptitudes relationnelles et d’attention envers autrui ? Les femmes disposent très certainement d’une capacité d’écoute et de dialogue forte, de qualités relationnelles, tournées vers autrui plus présentes que celles des hommes, qualités qui étaient dévolues antérieurement aux infirmières et que la femme-médecin possède en elle, en plus de ses compétences médicales.
Une des capacités incontestable de la femme est sa faculté d’organisation afin de mener de front plusieurs vies, notamment la vie de famille comme on l’a vu plus haut. Ce qui amène naturellement à considérer le temps de travail féminin et le problème du mi-temps, que souvent elle revendique. Examinons les chiffres de la durée hebdomadaire du temps de travail chez les médecins et surtout leur évolution durant les trente dernières années. Dans les années soixante, la proportion des hommes chez les médecins était de 90%, effectuant en moyenne 50 heures par semaine, les 10% des femmes effectuant 40h hebdomadaires, cela nous donne 45 heures de travail hebdomadaire pour les médecins hommes, contre 4 heures pour les femmes, donc 49 h de disponibilité médicale hebdomadaire. Il est difficile d’apprécier exactement l’évolution des choses mais on peut raisonnablement se baser sur une répartition de l’activité médicale entre 50% d’hommes et 50% de femmes vers 2020. En admettant que les hommes conservent leur activité de 50% (ce qui risque de ne pas être le cas) et que les femmes augmentent la leur à 44 heures (elle ont déjà augmenté leur temps de travail de 40 à 42 heures entre 1977 et 2007), nous obtenons 25 heures hebdomadaires d’exercice médical pour les hommes et 22 pour les femmes, donc au total 47 heures de temps de travail médical par semaine. Le temps de travail tout confondu va donc diminuer vers 2020, même en admettant une hypothétique conservation du temps de travail chez les hommes, alors même que les femmes travailleront plus. (Selon un des rapports Berlan, il est prévu qu’en 2025, femmes et hommes aient atteint la même activité professionnelle moyenne, mais l’égalisation du temps de travail des femmes par rapport à celui des hommes sera en bonne partie due aussi à la réduction du temps de travail masculin.)

restaurer la conscience

xxxLe fait que la proportion des femmes ait triplé dans ces trente dernières années dans le corps médical ne compense donc pas, comme on le voit, la réduction du temps de travail des médecins, mais sans cette expansion toutefois, le corps médical aurait enregistré une réduction du temps de travail encore plus importante . Il ne s’agit donc pas d’incriminer bêtement la féminisation médicale comme une mise en péril de la profession, mais bien, et c’est le rôle des pouvoirs publics, d’intégrer cette donnée, au même titre que le vieillissement de la population, que l’inversion de la pyramide des âges, que la pénurie médicale globalement dans la gestion du numerus clausus. Mais quand donc, enfin, nos politiques réaliseront que l’aménagement du numerus clausus doit être plus drastique ? Car ce qui est concédé actuellement ne suffira même pas, vers 2020, à stabiliser le temps de travail actuel des médecins. Il est injuste et démagogique d’accuser les femmes de la dégradation de la disponibilité médicale, car le travail au sein de la famille, à l’éducation des enfants, est profitable à la société tout en n’étant pas valorisé, pas rétribué, et même pas « visible ». Autre problème, celui de la « visibilité » justement de l’activité féminine professionnelle moindre, lorsqu’elle travaille à mi-temps, ce qui compromet ainsi souvent ses chances de promotion en milieu hospitalier.
Après l’examen quantitatif, considérons l’aspect qualitatif, évidemment plus difficile à chiffrer, mais il est notoire et reconnu que la productivité est bien meilleure à temps partiel, ce qui est logique. Plutôt que d’exiger des femmes de choisir entre vie professionnelle et vie familiale, il serait plus judicieux d’améliorer les systèmes de garde d’enfants et de leur permettre une meilleure disponibilité dans leur métier. La reconnaissance du temps partiel servirait également la cause des hommes qui visent à réduire leur temps de travail, de concert avec une meilleure productivité dans l’exercice professionnel et un partage plus équitable des tâches à la maison. La meilleure qualité de vie est également revendiquée par les hommes. En mettant en place plus de postes à mi-temps, on éviterait sûrement une fuite du personnel médical et on orienterait vers ces postes la relève féminine.
Un reproche souvent fait aux femmes est l’interruption de leur activité pour grossesse. Ce que les hommes ont parfois tendance à considérer , un peu jalousement, comme le « privilège » féminin, les femmes ont l’intelligence de ne pas en tirer de sentiment de supériorité. Tout est dans la présentation des choses, on peut évidemment considérer cet acte de donner la vie comme purement égoïste et narcissique. En vérité il est motivé de générosité, c’est un acte citoyen, naturel qui plus est, qui mériterait bien plus de valorisation, surtout en ces temps de lamentations au sujet de la baisse de la natalité.
Et le malade dans tout ça ? Eh bien, il serait temps de l’habituer à cette nouvelle donne, la féminisation ayant pour avantage de laisser aux patients, mais plus spécifiquement aux patientes une plus grande liberté de choix d’un médecin de leur sexe.
Le problème des femmes aussi, inhérent peut-être à leur nature plus pacifiste, est qu’elles ne contestent pas l’ordre établi. Il ne s’agit pas pour elles de contrer des stéréotypes qui leur donnent la responsabilité de tâches sexuées . Elles ne remettent pas non plus en question le fait que l’homme ne conçoive toujours pas de nos jours que sa femme s’investisse davantage professionnellement que lui. Elles ne veulent pas « dominer », capter le « pouvoir », mais seulement que l’homme leur laisse un peu de sa place au soleil, pour être leur complément, leur égal, et leur prouver, ainsi qu’à la société que l’on peut progresser vers d’autres horizons, vers d’autres schémas d’organisation du travail et de la société. Le système médical français va devoir s’adapter à cette nouvelle démographie, tendant vers une amélioration de la qualité de vie de chacun mais aussi une meilleure qualité du travail et une meilleure organisation du temps de travail.

renforcer la compétence

xxxEn conclusion, pour faire face intelligemment à la féminisation de la profession médicale et de toute façon à la pénurie médicale, pour une organisation plus humaine de la médecine, il faut :
-impérativement et en premier lieu reconsidérer le numerus clausus à la hausse, pour gérer la pénurie prévisible et déjà en marche, les hommes aussi bien que les femmes qui veulent s’investir dans ce métier devant le faire sans craindre la surcharge de travail.
-organiser le transfert des compétences, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays européens.
-développer le temps partiel, en organisant des postes à mi-temps, avec la création de maisons de santé, qui hébergent plusieurs médecins, et plusieurs spécialités, des multi-sites avec des professionnels paramédicaux.
-gérer mieux les choix de spécialités, en rendant entre autres les postes à pourvoir en chirurgie plus attractifs aux femmes.
-améliorer les systèmes de garde d’enfants
-espérer un investissement masculin supplémentaire extra-professionnel….
C’est sûr, Le Christ de nos jours, avec un peu de bonne volonté, il aurait pris une apôtresse dans son équipe…..



NDLR : Cette lettre illustre l’article 1 de notre
CHARTE D'HIPPOCRATE
. Lien
- 1°) Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif .
Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble.


Os court :<< On est toujours plus vieux que l’on croit et plus jeune que l’on pense.>>
Romain Gary ( Émile Ajar )


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