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 N° 604
 
 
 
    8 juin 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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La médecine libérale est morte, vive la médecine libérée

FMMDocteur François-Marie Michaut lui écrire

xxxLes internautes qui ne participent pas à notre liste de discussion interne Exmed-1 ne peuvent pas avoir une idée de la richesse de nos échanges, non médecins comme médecins, sur tout ce qui tourne autour de la santé. Il y a quelques jours un intense débat a eu lieu sur les jeunes médecins, leur sélection et leur orientation professionnelle.
Cette LEM, qui en est largement inspirée, va défriser beaucoup de confrères et de responsables de l’organisation de notre système de santé, s’ils ont la curiosité d’en faire une lecture attentive. Qu’il soit bien entendu que la provocation n’est pas l’objectif visé ici, et, de grâce, que nous soient épargnées, car parfaitement infondées, toutes les remarques sur notre supposée inféodation à quelque groupe de pression que ce soit ! Nous avons clairement annoncé la couleur en nous attaquant en toute indépendance, dès le début déjà lointain de ce site, à la notion de méta-médecine. Ou, si vous préférez, l’étude de la santé de notre médecine elle-même, et les remèdes les plus adaptés à lui apporter.

retrouver la confiance

xxxLe fait est brutal. Nous ne l’inventons pas. C’est Michel Legmann, le président de l’Ordre des médecins qui l’écrit (1). En 2007, l’Ordre a enregistré quatre fois plus de médecins salariés que de libéraux. Actuellement, seulement 9% des nouveaux inscrits s’installent en libéral. Durant les vingt dernières années, le nombre des remplaçants “ professionnels” a bondi de 523%.
Alors quand on continue à se battre autour de sucettes financières comme nos syndicats, l’assurance maladie et les mutuelles complémentaires, ou quand on rêve encore de << mobilisons-nous vite pour redorer le blason de la médecine libérale >> comme Legmann, je suis désolé de le dire, mais on est en retard d’une guerre.

restaurer la conscience

xxxNos étudiants ont déjà , par leur observation personnelle de notre société, pleinement pris conscience qu’ils ne voulaient plus vivre la situation économique professionnelle archaïque et aliénante de leurs anciens. Ils ont regardé autour d’eux, et ils ont bien vu que notre société n’est plus faite que pour des citoyens salariés. Impossible de leur cacher qu’il n’y a plus le moindre président général ou tout autre collaborateur de société, plus aucun élu politique ou responsable administratif qui ne soit salarié. Les commerçants et artisans eux-mêmes se versent chaque mois un salaire sous la direction de leur expert comptable. Car, avec le salariat doit être établi un contrat de travail, des niveaux de rémunération sur lesquels pouvoir compter pour assurer son train de vie et, cerise sur le gâteau non négligeable, des perspectives de carrière permettant de ne pas consacrer toute sa vie professionnelle à un seul poste.
Bien entendu, des contreparties existent, et la question de l’indépendance professionnelle de gens qui exercent des métiers de service et d’aide aux personnes fragilisées par des problèmes de santé demeure particulièrement épineuse.
Mais, quelle que soit notre appréciation personnelle sur les meilleurs modes possible d’exercer la médecine, et plus spécialement la médecine générale, quel que soit notre attachement à la nécessaire indépendance des médecins, nous sommes maintenant dans l’obligation de fournir à nos jeunes de nouvelles modalités de vivre leur exercice. Sinon, c’est simple, nous n’aurons plus de médecins pour nous soigner.

renforcer la compétence

xxxIl y eut naguère des exemples de travail médical salarié comme les dispensaires, plus récemment les centres de santé municipaux et la fameuse médecine des mines. Toutes ces initiatives ont capoté pour plusieurs raisons qui méritent dêtre étudiées. N’oublions pas les médecins militaires au service des populations civiles dans de nombreux pays, notamment en Afrique au titre de la coopération.
C’est cette << nouvelle médecine >> dont les acteurs pourraient bénéficier du salariat qu’ils souhaitent, tout en préservant les impératifs d’un respect absolu des personnes et de leurs valeurs éthiques qu’il faut mettre en chantier.
Quand nous demandons à Exmed, sans grand écho malheureusement, des écoles professionnelles des métiers de la santé, c’est bien parce qu’elles peuvent devenir la pépinière d’initiatives vraiment novatrices et capables de soulever à nouveau, enfin, l’enthousiasme de notre jeunesse qui a fait l’énorme effort d’études longues et difficiles. Avec, au bout, la déception de ne pas trouver la voie d’avenir qu’ils désirent.
De nouveaux métiers encore inconnus, comme celui de gestionnaire de cabinet médical, sont devenus des nécessités. Il leur faut une place pour naître et se développer.
Les voilà prêts, les nouveaux médecins, à se brader pour un travail sans grand intérêt, juste pour avoir, à n’importe quel prix, le salariat dont ils rêvent pour vivre leur vie ? Quel gâchis de talents épouvantable pour tout le monde, dont personne ne sait comment sortir !
Bien entendu, cela pose de multiples questions en ce qui concerne les sources et les modalités de fonctionnement de ces nouvelles entreprises médicales, leur articulation avec les grands groupes financiers et leur capacité de déterminer leurs propres règles de fonctionnement. Là encore, même s’il est pensable que certains puissent gagner de l’argent avec ces nouveaux cabinets, cela ne peut pas être sous la règle unique de la réalisation du profit maximum.
Des lignes d’action, dans l’esprit de notre Charte d’Hippocrate, y auraient naturellement toute leur place comme colonne vertébrale.
Saurons-nous, pour une fois écouter vraiment nos jeunes, et les aider à conduire leur vie professionnelle comme ils le veulent ? Ne plus tenter de les faire entrer de force dans un système déjà mort, comme nous, les vieux, l’avons fait jadis, non sans de multiples difficultés qui ont laissées en nous leurs cicatrices indélébiles, même si ne nous en vantons pas.
Utopique, irréaliste, impossible, une telle modification ? Les critiques des << gens raisonnables >> ne peuvent pas manquer.
Et pourtant, nous venons de célébrer en Normandie le débarquement de la plus formidable armée du monde des années 1940. Se souvient-on bien qu’à l’entrée en guerre des États Unis d’Amérique en 1941 à la suite de la destruction de Pearl Harbor, ce pays n’avait pratiquement aucune armée ?
Ce qui fut possible ailleurs pour faire la guerre deviendrait impossible ici pour construire une médecine libre, c’est à dire libérée de quelques unes de ses contradictions internes les plus paralysantes ?

(1) Bulletin de l'Ordre des médecins n° 5 mai-juin 2009 : La médecine libérale a-t-elle encore un avenir ? Michel Legmann

 



NDLR : Cette lettre illustre l’article 1 de notre
CHARTE D'HIPPOCRATE
. Lien
-- 1°) Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif .
Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble.


Os court :<< Le silence de l’auditoire signifie que tout le monde est d’accord. Ou alors, personne n’écoute. >>
Franklin P. Jones ( homme d’affaire américain 1896-1929 )


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