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 N° 610
 
 
 
     20 juillet 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Ecopsychologie, avez-vous dit ?

Nicole BétrencourtNicole Bétrencourt lui écrire

xxLes souffrances de la psyché se mettent au vert avec l’écopsychologie. Cette nouvelle discipline arrive des États-Unis, et séduirait de plus en plus de psychologues de la région de San Francisco qui suivent une formation à l'université de Santa Barbara. La presse française encense depuis plusieurs semaines cette nouvelle discipline du développement durable à la rubrique Santé ou Bien-Être.

retrouver la confiance

xxxOr, elle ne figure pas dans la base de données Medline qui référence les études scientifiques contrairement à l’écosanté, à l’écologie comme science de l’environnement en relation avec la santé. Face à à cette lacune des cautions scientifiques, le scepticisme est de rigueur. L’écopsychologie est-elle un nouvel OPNI (Objet Psychique Non Identifié) ou véritablement une approche inédite qui s’appuie sur les connaissances actuelles de la science ?
Cette discipline n'est pas nouvelle. C’est le sociologue et auteur de science-fiction Theodor Roszak qui popularisa en 1995 le terme d’écopsychologie. Il se serait inspiré des travaux de Gregory Bateson, l’instigateur du courant systémique et l’un des piliers de l’école de Palo Alto. Gregory Bateson avait évoqué en son temps l’écologie de l’esprit où « les progrès en sciences proviennent toujours d’une combinaison de pensées décousues et de pensées rigoureuses. » Cette alliance permettant de faire progresser la science en fonction des besoins des sociétés.
En écologie, le pragmatisme est nécessaire. Depuis les années soixante, on assiste à une crise de la science au profit de l’inflation du pseudo-scientisme. Souvent, on observe que l’écologie en découd avec l’esprit scientifique en général, et c’est souvent l’auberge espagnole. Lorsque l’écologie parle de santé publique, la prudence est de rigueur pour ne pas jeter les gens entre les mains de charlatans sous le prétexte que la terre perd la boule, et que, par effet domino, les terriens aussi. Théodor Roszak est perçu comme un visionnaire critique de la science, mais ce n'est pas l'avis de tous . Pour le philosophe australien John Passmore, sa notoriété aurait provoqué une méconnaissance de la nature de la science, en la diabolisant car le sociologue n'a parlé que de ses dégâts, de la déshumanisation qui a créé un monde aseptisé. Afin de sauver l’humanité des désastres de la science, Théodor Roszack pense qu'il est urgent de réinstaurer l’imaginaire et la créativité. L'opinion de ses contradicteurs trouve sa genèse dans son passé . En 1969, le sociologue avait vulgarisé le néologisme de contreculture, et sa vision du monde est holistique. Terme dévoyé par le New Age avec le mythe de Gaia qui draine beaucoup d’émules de l’écologie fâchés avec la science .

restaurer la conscience

xxxL’écopsychologie étudie l’action de l’environnement sur la psychologie, et l’effet de la nature sur l’équilibre des êtres humains. C’est un sophisme de dire qu’il y a des interactions entre la santé et l’environnement. La dégradation des écosystèmes, la mutation des biotopes, et les pollutions diverses ont ou auront si on n'y prend garde une action néfaste sur la santé de milliard d’individus. Ainsi, les pesticides seraient incriminés dans la maladie de Parkinson, et on les soupçonne avec diverses pollutions d’être à l’origine de nombreuses maladies et de cancers. Face à ces dommages, la créativité scientifique permet de proposer des solutions. Du côté de la santé mentale, on étudie l’influence de l’environnement architectural sur l’équilibre psychologique. Des projets architecturaux sont élaborés pour favoriser les performances, renouer avec la convivialité. On construit des résidences avant-gardiste adaptées aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Des études anglo-saxonnes montrent les bienfaits de promenades dans des espaces verts pour les enfants hyperactifs et les personnes souffrant de dépression, permettant ainsi d'alléger la prescription de psychotropes. Ces interactions entre la santé mentale et l’environnement font écho à l’esprit écologique mis en exergue par Gregory Bateson, sans être légitimées en tant qu'actes écopsychologiques. La lecture des sites autoproclamés spécialisés dans cette nouvelle chapelle du développement durable a de quoi laisser rêveur. On apprend ainsi qu’on peut-être éco-anxieux (l’éco-anxiété étant liée aux comportements des autres), et que pour se soigner, on peut consulter un écothérapeute qui pratique une écothérapie individuelle ou de groupe. Probablement, rémunéré avec des écothonoraires à l'écoacte !

renforcer la compétence

xxxC’est déjà tout un poème d’être consensuel autour d’un diagnostic en psychopathologie, s’il faut encore faire rentrer dans la danse de nouvelles maladies mentales écologiques, on n’est pas sorti de l’auberge. Avec de l’imagination, on peut décliner toute la nosographie des troubles psychiques du DSM IV ou du CIM 10, les bibles internationales de diagnostic à l'usage des parfaits psys scientifiques. Le jeu consiste simplement à accoler devant le préfixe éco. On aurait l’éco-névrose, l’éco-dépression, l’éco-schizophrénie, l'écoaddiction à des écodrogues et ainsi de suite. Certains chantres de l’écopsychologie sont manifestement les héritiers du New Age. Ces écogourous définissent l’écopsychologie comme de la psychologie spirituelle qui vous éveille à la spiritualité en triturant vos chakras, votre kundalini , et le reste de votre anatomie occulte, pour vous faire accéder aux paradis verts de l'ère du Verseau. Damned !
Ce si sympathique néologisme d’écopsychologie est un piège abscons, et, dans le meilleur des cas un concept marketing. L'un des dangers est que cette discipline pseudoscientifique soit confondue avec l’éco-santé validée par l’OMS ( Organisation mondiale de la santé), où les interactions entre la santé et l’environnement font l’objet d’une véritable démarche scientifique. L’absence de rigueur scientifique risque de nuire gravement à la bonne santé de l’écologie en confortant les propos du très sceptique Freeman Dyson (1) qui y voit « une nouvelle religion séculière mondiale. »

(1) NDLR : Pour connaître un peu mieux Freeman Dyson et ses prises de position sur les dogmes en cours de l’écologie, notamment le réchauffement climatique, consulter l’article de Nicholas Dawidoff,<< Sceptique par principe >> publié dans le New-York Times et repris par Courrier International n° 974 du 2 au 8 juillet 2009.

Références :
Ecoanxiété

Pubmed:

Effets de l’environnement sur la santé

Idem sur PLOS

Bénéfices des espaces verts sur l’hyperactivité de l’enfant

Cerveau et Psycho N°34
Maladie de Parkinson, les pesticides incriminés.

Theodor Roszak



NDLR : Cette lettre illustre l’article 18 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :

-  18°) Je conserverai  en mémoire l'obligation de surtout ne pas nuire aux malades et les limites de ma compétence que constitue l'état actuel de la science.


Os court << Le rire désarme, ne l’oublions pas. >>
Pierre Dac


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