Obama l’a dit

Docteur François-Marie Michaut lui écrire

xxxUne des choses qui nous choque le plus dans le pays le plus puissant et le plus riche du monde est l’exclusion de fait de 47 millions d’américains du système d’assurance maladie. Et la crise économique actuelle augmente le nombre de ces exclus des soins de santé. Cinq millions de plus depuis novembre 2008, soit 14 000 chaque jour ( source citée infra). Le président Obama, dans sa campagne électorale, avait promis de trouver un remède pour faire disparaître cette inégalité dramatique.
Oui, il l’a dit, Obama : il veut lutter contre la maladie.

xxx<< Avant la fin de l’année >>, comme le rapporte le Figaro du 24 juillet. Mais tout cela ne va pas tout droit. La réforme de la santé, sur laquelle se sont cassés les dents Bill et Hillary Clinton, coûte cher. Très cher, trop cher disent ses détracteurs. L’enjeu humain est considérable. En ces temps d’incertitude, toute maladie, ou même tout changement de travail ( l’assurance maladie, généralement privée et fort chère, est liée à l’entreprise elle-même ) peut faire plonger une famille entière dans la misère.

xxxIl n’est pas de notre compétence de porter un jugement sur le projet lui-même ou sur la façon dont il doit ou peut être financé (1). C’est uniquement aux américains eux-mêmes d’en décider souverainement.
Mais un point me semble vraiment capital, pour nous européens, au moins tout autant que pour nos cousins d’outre Atlantique.
Les experts de l’administration démocrate ont prévu que les deux tiers de ce système, ce qui est énorme, seraient financés par des économies sur les dépenses actuelles de soins de santé.
Enfin, au plus haut niveau mondial, une idée aussi simple que peu partagée est mise en avant. Nous, les pays de même niveau économique, pouvons, et même devons, faire tout ce qui est indispensable pour soigner moins cher les malades. Penser un système de santé intelligent, c’est à dire tournant le dos au diktat de l’idéal du profit maximum, se démarquant des principes généraux de l’économie de marché, c’est une révolution culturelle. Comprenons-nous bien, il ne saurait être question d’un retour à un simple empirisme à base de recettes de cuisine toutes faites, mais d’un accès à tous les mécanismes qui nous enferment actuellement dans des routines dont les redondances (2) sont, à tous les points de vue tant individuels que collectifs, une véritable ruine.

xxxLe chantier est gigantesque. Ce sont tous nos métiers de santé qui doivent être revus dans ce sens. Une médecine économe, au sens de la modeste économie domestique d’antan, oui, c’est possible. Changement de paradigme, rien de moins.
Je l’affirme d’autant plus fort que j’ai eu la chance incroyable de le vivre, il y a déjà bien longtemps, sous d’autres cieux.
Je l’affirme, car des pans entiers de la médecine, de ses relations avec les systèmes écologiques et humains dans lesquels elle vit, sont restés en friche, il est possible de soigner beaucoup mieux en dépensant beaucoup, beaucoup moins.
Je le dis haut et fort, comme je le ressens depuis plus de quarante ans : nous sommes d’énormes gaspilleurs dans notre univers de la santé des pays riches.
C’est au prix d’un gigantesque travail de recherche, et non de mesurettes ponctuelles et locales vouées à l’échec qu’il est indispensable de construire une nouvelle médecine capable de répondre à tous les défis mondiaux.
Il se trouve qu’il existe, certainement un peu partout dans le monde, de gigantesques bases de données, déjà constituées ou encore virtuelles et à mettre en forme, comme ce site Exmed. De multiples aspects, généralement laissés dans le silence des lieux d’enseignements traditionnels, des impasses et gaspillages évitables des soins de santé, des pistes de solutions à ces maux y sont décrits et analysés. C’est à partir de là, et non des plus hautes sphères de la science médicale, que peut être élaborée, de la façon la plus pragmatique qui soit une autre médecine. Sans renoncer à une once de ses exigences scientifiques et de sa rigueur intellectuelle, elle peut amener les médecins à devenir, enfin, économes des moyens qu’ils mettent en oeuvre dans leur travail. Tout ne doit surtout pas être fait en médecine simplement parce qu’il est possible économiquement, techniquement ou scientifiquement de le faire. Le médecin doit, en permanence, et en toute indépendance, pouvoir faire les meilleurs choix possibles pour la santé bien comprise de ses malades.
Monsieur Président, comme on vous nomme chez vous, il n’est pas certain que vous réussirez dans votre entreprise, mais permettez à un citoyen étranger sans grade, de vous remercier de nous ouvrir les yeux à nous aussi, qui avons facilement la gloriole facile avec notre système de soins à la française, alors que nous sommes exactement sur le même bateau du gaspillage des ressources que vous. Vous dites : oui, vous pouvez. Chiche, vieille Europe et vieille médecine ?

Notes :
(1) Pour plus de détails, lire << Une réforme de la santé qui aura un coût politique >> , Sheryl Gay Stoleberg (The New York Times) et << Décryptage La couverture médicale bientôt obligatoire >> in Courrier international n° 978 du 1 au 19 août 2009, page 15

(2) du latin redondare, regorger, déborder, et, par extension, répéter de façon excessive. Par exemple revacciner contre le tétanos est une action redondante quand on sait que le taux utile des anticorps est encore présent au bout de 10 ans.