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 N° 629
 
 
 
      29 novembre 2009  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Les génériques, c’est tout automatique

Dr. Cécile Bour Docteur Cécile Bour , lui écrire

xxx   « Bonjour, je voudrais de l’acide acétylsatilic…, de l’acide acidilsalis…., non, de l’acide salisalécyl…., oh et puis zut ! ». Voilà une scène tout droit inspirée du fameux sketch des Inconnus, et qui risque de se renouveler dans bien des pharmacies, et le bafouillage de nos chers patients ne serait pas le plus grave…
Début novembre de cette année les députés de l’Assemblée Nationale votent un amendement obligeant les médecins à prescrire uniquement les médicaments << génériqués >> (1) .
Jusqu’alors, depuis 2002, les praticiens peuvent prescrire au choix le médicament dit « de marque » ou bien le générique, et c’est le pharmacien qui propose au patient de lui délivrer le générique, ce qui est accepté dans la grande majorité des cas.

retrouver la confiance

xxxNon seulement cette obligation imposée aux médecins est parfaitement contraire à la liberté de prescription et à l’indépendance professionnelle, mais il est curieux de constater qu’en parallèle, les mêmes députés adoptent un deuxième amendement « permettant » aux laboratoires de copier à l’identique (dans sa présentation : forme, couleur, saveur) le médicament d’origine. Une obligation d’un côté, une permission de l’autre ; une mise sous contrôle en perspective des prescriptions médicales par la Sécurité Sociale à droite, et une marge de manœuvre peu contraignante pour les labos à gauche (sans connotation politique !). Et pourquoi pas plutôt l’inverse ? Un contrôle plus rigoureux des agissements de l’industrie pharmaceutique, et pas seulement pour savoir si le suppositoire Y doit être rond ou conique ou si le sirop X doit avoir un goût à la fraise ou à la banane ? C’est utopique, ça ?
Les médicaments génériques sont sujets à certaines problématiques, justement entre autres le problème de repérage des boîtes par les couleurs et les formes des emballages et du produit lui-même, qui peut entraîner des confusions et des erreurs de posologie, notamment chez les personnes âgées ou étrangères ; le médecin prescrivait parfois sciemment un médicament de marque dont il savait que le patient en avait l’habitude et risquait moins d’erreurs dans sa prise.
Depuis l’arrivée des médicaments génériques, le médecin ignore complètement si le médicament prescrit sera remplacé par l’intervention du pharmacien et par lequel des différents génériques il pourra l’être. Il n’a aucun contrôle finalement sur sa propre prescription : « prescris et tais-toi »…., et ce d’autant plus que des « marges arrières », d’après un article du Canard Enchaîné en 2008, seraient rétrocédées par les laboratoires à des pharmaciens distributeurs de leurs spécialités génériquées.

restaurer la conscience

xxx   L’amendement, de par sa formulation , ne semble pas vouloir contraindre le fabricant à respecter également la composition excipiendaire. L’autorisation de mise sur le marché pour un générique s’attache essentiellement à vérifier sa non-toxicité. Mais son efficacité est-elle aussi sûre et aussi vérifiée, dans la mesure où elle dépend de la galénique, c’est à dire ce qui entoure le médicament, les co-principes qui conditionnent au principe actif sa durée de vie plasmatique, son absorption digestive, son « arrivée » aux organes concernés ? Qui peut garantir que le fabricant ne sera pas tenté d’envelopper son produit avec des excipients moins coûteux, dont l’efficacité en concomitance avec le produit princeps n’est pas vérifiée, et dont la toxicité ou le possible risque allergique ne sont pas recherchés ni même leur potentielle intolérance ?
On distingue trois types de génériques :
-la copie conforme : même produit, mêmes quantités, même forme galénique, mêmes excipients, même labo d’ailleurs souvent.
-les médicaments assimilables : il existe quelques modifications minimes de la forme galénique ou bien du principe actif même.
-les médicaments essentiellement similaires. L’excipient change, mais pas la forme galénique, ni la substance active.
Tous ces génériques doivent faire preuve de la « bioéquivalence » , qui stipule que les valeurs de la quantité et de la vitesse de passage de la substance active dans le sang ne diffère pas de plus de 20 à 25% de celle du médicament original. Ce qui pose plusieurs problèmes. D’abord on ne peut prétendre au patient, par honnêteté et à l’heure où on nous rebat les oreilles avec le consentement éclairé du malade, que le générique est tout à fait identique à l’original. Par ailleurs, la fameuse bioéquivalence est testée sur un panel de sujets sains, et encore panel assez réduit, et dans des conditions bien éloignées de la vraie vie, dans laquelle le médecin est confronté à de vrais malades, avec de vraies pathologies multiples et imbriquées, et possédant de vrais systèmes digestifs pas bien neufs, et qui n’ont pas non plus tous vingt ans !
On évoquera aussi la controverse des médicaments dits de « faible marge thérapeutique ». Il s’agit essentiellement de médicaments concernant la cardiologie, mais également des anti-épileptiques ou des antidiabétiques. Ces médicaments ont la particularité d’être très vite soit inefficaces soit très toxiques avec même une faible variation du taux plasmatique, à l’instar (ceci pour comprendre) de la toxicité de l’irradiation subie par les malades d’Epinal dès 7% de sur-irradiation, ce qui apparaît très peu avec pourtant des conséquences épouvantablement dramatiques. Ainsi des cas de recrudescence de crises épileptiques ont été décrits chez des malades pour lesquels on a substitué le princeps par le générique (lamotrigine). Certains cardiologues alertent sur un problème d’efficacité d’un générique anti-hypertenseur par rapport au médicament initial, avec des patients retrouvant leur tension artérielle normalisée après reprise du traitement d’origine (médicaments anti-calciques). Même constat avec des médicaments béta-bloqueurs sur le rythme cardiaque ou des produits destinés au traitement de l’insuffisance cardiaque.
L’argument de poids invoqué pour la prescription de génériques est leur plus faible coût. A-t on poussé la curiosité d’évaluer le gain pour la Sécurité Sociale, alors qu’il existe souvent plusieurs génériques possibles pour un même médicament, émanant de différents laboratoires ?
Le Spasfon par exemple coûte 2,82 euros pour 30 comprimés alors que le générique Phloroglucinol Orodispersible coûte 2,12 euros pour seulement 10 comprimés. Faites le calcul…
Et les éventuels effets adverses ou d’intolérance dus à des excipients mal supportés entraînant des surcoûts d’hospitalisation ou de prescriptions supplémentaires ont-ils été évalués, et sont-ils évaluables d’ailleurs ?

renforcer la compétence

xx   Alors en résumé, au lieu de s’évertuer à restreindre encore un peu plus la liberté d’action des prescripteurs , de chercher à enfermer le médecin dans un système contrôlé, si on s’attachait plutôt à EXIGER (et non pas « autoriser ») certaines garanties de la part des laboratoires fabricants de médicaments?
-Exiger des médicaments complètement à l’identique (pas seulement par la couleur ou la forme)
-Exiger une étude plus rigoureuse et plus représentative de la biodisponibilité et des bioéquivalences .
-Exiger une interrogation sur l’effet des excipients en matière de risque allergisant, de modification de l’absorption, de toxicité ou de tolérance.
revendiquer des médicaments dépourvus d’excipients connus pour être toxiques ou allergisant (soja) ou dont on ne connaît pas réellement l’impact.
-Exiger la non-fabrication de génériques pour les médicaments à marge thérapeutique étroite et permettre ainsi au médecin de prescrire le produit d’origine, dont lui, et son patient ont l’habitude, sans que le pharmacien ne substitue.
-Exiger une régulation sur la fabrication du générique afin de ne pas se retrouver avec dix génériques pour un même produit, et ainsi de ne plus savoir ce que le malade avale réellement.

On ne peut donc rester serein par rapport aux dérives possibles du marché du générique, et encore je n’aborde pas les cas survenus à l’étranger de lots retirés de certains produits en raison de dosages défectueux ou de fabrication défaillante…

Cela nous occasionnerait un mal de crâne épouvantable et il nous faudrait prendre rapidement de l’acide acilisali…., de l’acide acétasilaci…, de l’acide acétylsilila…., bon sang, de l’Aspirine quoi !

(1) NDLA: Peu de temps après la rédaction de ce texte, le Sénat n'a finalement pas entériné le premier des deux amendements proposés par les députés, et comme de bien entendu, une commission paritaire se réunit, entre autres, pour statuer sur ce sujet.



NDLR : Cette lettre illustre l'article 18 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :

- 18°) Je conserverai  en mémoire l'obligation de surtout ne pas nuire aux malades et les limites de ma compétence que constitue l'état actuel de la science.



Os court : << Quand on ne travaillera plus les lendemains des jours de repos, la fatigue sera vaincue. >>
Alphonse Allais


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