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N° 634
 
 
 
    4 janvier2009

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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     les LEM 2009

xxx


Après l’année de toutes les fractures

Docteur François-Marie Michaut ,

xxxLe rideau de l’actualité 2009 est festivement baissé, comme pour saluer sa mise aux oubliettes. Pas trop vite, s’il vous plaît. Nous allons utiliser, pour tirer les lignes de force principales de ce qu’a été notre actualité en matière de santé, les 51 lettres hebdomadaires de ce site, que nous nommons entre nous les LEM. Elles ont été écrites en toute indépendance, pour le choix du sujet comme pour la manière de le traiter, par onze auteurs différents, de tous les âges, non médecins comme médecins de tous les types d’exercice actuel ou passé. Pour moitié, cela mérite d’être souligné, parce que cela aussi s’est fait de façon spontanée sans le moindre calcul de parité, ce sont des rédactrices qui ont pris la parole. Voici comment y accéder pour en avoir une vision d’ensemble : http://www.exmed.org/archives09/lem2009.html
Le titre de cette lettre parle d’une année de toutes les fractures. Ceux qui nous font l’honneur de nous lire régulièrement , en particulier dans notre Coup d’oeil du jour, savent bien que le catastrophisme à tout bout de champ n’est pas notre tasse de thé. Et que nous avons en horreur la manipulation des esprits en utilisant la peur. Voilà donc qui mérite quelques explications.


retrouver la confiance

xxxCe qui a le plus marqué l’opinion en France, comme probablement dans d’autres pays, est, sans aucun doute, la pandémie grippale. Le virus variant A H1 N1, qui causait tant de crainte aux experts internationaux, obsédés par le souvenir de la si meurtrière grippe espagnole de 1918, s’est, jusqu’à ce jour montré assez bénin. Le 29 décembre, la Hollande a même déclaré la pandémie terminée. Tant mieux pour nous. Car le plan grandiose des pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie, construit à grand frais sur un modèle absolument stalinien, avec une propagande digne d’une époque au bras droit si honteusement érigé, a fait beaucoup de dégâts dans nos esprits. Parce que trop c’est trop. Parce qu’à vouloir trop prouver, on fait naître une atmosphère de doute. Doute sur la crédibilité, et surtout l’impartialité, des experts mis en bouclier des décisions officielles afin d’éviter toute discussion sur la stratégie appliquée. Internet, malgré des excès, des débordements et des tentatives de récupération par des causes douteuses, a parfaitement joué son rôle de contre-pouvoir.
Les citoyens endormis, qui faisaient majoritairement confiance en la bienveillance de nos dirigeants en cas de menace collective, se sont réveillés en refusant de suivre la voix de la vaccination généralisée.
Cette première fracture, malgré toutes les overdoses de prétendue communication médiatique, est irréparable. Les Français ne font plus confiance, et ne pourront plus jamais faire confiance au monde politique pour régler leurs problèmes de santé. La pandémie grippale, comme la grippe aviaire, la maladie de la vache folle, l’hormone de croissance et le sang contaminé : l’addition devient salée dans nos esprits pour la crédibilité de la médecine dite publique. Qu’il serait plus conforme à la réalité de nommer la médecine politique.


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xxxLes généralistes n’oublieront pas non plus la façon dont ils ont été écartés de la campagne antigrippale. Comment, pour eux, ne pas y voir un mépris profond de la part des états majors des cabinets ministériels et une méconnaissance dramatique de leur capacité unique de convaincre des populations de se soumettre à une vaccination massive, mais raisonnée, raisonnable et humaine, donc crédible ? Encore un trait de fracture entre une profession, toujours très aimée du public, et un pouvoir politique qui prétend faire mieux que ses généralistes, dont ils ignorent visiblement tout, dans une action purement médicale. Échec encore, dont il faudra bien payer le prix.
xxxParce que l’année s’achève aussi avec un divorce entre les médecins privés, dits pour leur grand malheur libéraux, et le tandem flou de l’assurance maladie et du gouvernement. Depuis 1960, les soins médicaux aux assurés sociaux ( toute la population de France ou presque ) étaient régis par un accord, dit convention, entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux. La question du niveau des honoraires était naturellement de grande importance pour les parties concernées. Plus personne ne veut signer d’engagements avec personne, tant les griefs de part et d’autre se sont accumulés avec des expériences désastreuses et destructrices autant pour l’assureur obligatoire incapable de maîtriser ses déficits que pour des professionnels qui se sentent de plus en plus emprisonnés par des contraintes administratives.
xxxLa situation n’est guère plus brillante du côté de l’hospitalisation publique dans laquelle la lutte entre le pouvoir administratif de plus en plus fort et contraignant et des médecins en révolte ouverte n’augure rien de bon. Une mèche ici aussi est allumée, sans que personne ne puisse savoir jusqu’où cela peut aller. Mais là encore, le résultat est la démobilisation de plus en plus grande des soignants (1). Comment bien soigner quand on devient un professionnel aigri et qui ne peut plus être fier de son métier ?
xxxL’Ordre des médecins, durant la même année, a constaté l’accélération de la désaffection des praticiens pour la médecine individuelle. Le chiffre est là : neuf sur dix des jeunes qui s’inscrivent au tableau de l’Ordre ( obligation légale ) sont actuellement des salariés. Devenir responsable à tous les niveaux de son propre cabinet personnel fait fuir nos jeunes confrères. Et il serait bien téméraire de leur donner tort tant l’avenir qui les attend demeure aussi lourd d’incertitudes et de menaces.
Faut-il y voir là le résultat logique et paradoxal de notre mode d’études et de formation médicale à la française? Une énorme et coûteuse machine qui se montre inapte à former les médecins dont la population du pays, y compris dans les zones dites difficiles et désertées, a le plus grand et urgent besoin, ce constat clinique (2) mérite toute notre attention
.

renforcer la compétence

Pour réparer toutes ces fractures trop rapidement diagnostiquées ici, qui sont loin d’être les seules ( médecine du travail, médecine carcérale, recherche etc...), il nous faudrait un grand orthopédiste. Hélas, où que nos regards se tournent, pas un seul chirurgien capable d’une telle opération curative n’est en vue. La méthode consistant à dénoncer tout ce qui ne va pas, ou ne va plus, en se livrant à une quelconque chasse aux sorcières ou à un lobbying intensif ne peut qu’entrainer encore plus de troubles, de confusions et de divisions. Nous avons le sentiment aigu, l’ayant vécu directement, qu’aucune réforme d’ensemble ne peut réussir, tant les conservatismes sont lourds et stérilisants de tous les côtés.
Si les choses vont si mal, c’est parce qu’on a négligé depuis des dizaines d’années une vérité élémentaire : un médecin n’est pas un être humain comme les autres. Ni plus grand, ni plus petit, ni pire ni meilleur que les autres, juste différent parce qu’il vit la médecine, la confrontation quotidienne avec la vie, la maladie, la souffrance et la mort comme horizon. On est passé à côté de la plaque quand on a pensé qu’il suffisait de “ faire médecine” pour que, par une étrange magie, des jeunes gens ordinaires se transforment en vrais médecins. Nous sommes envahis, à tous les niveaux, de tous ces diplômés et qualifiés, qui ont été laminés par des études déshumanisantes, au nom de la science néopositiviste, de l’efficacité pragmatique à la britannique et d’une idée primaire de l’égalité.
Nous sommes bien obligés de constater qu’il est impossible de faire quoi que ce soit pour améliorer la situation avec ces produits industriels standardisés et stérilisés intellectuellement et moralement qui sont déjà << sur le marché >>, puisqu’on nous serine que la santé est un marché. Des gens de tout premier plan s’y sont cassés les dents (3).
Alors, devons-nous, nous aussi admettre que rien n’est possible pour un avenir moins sombre ? Ce serait en contradiction avec tout ce que nous faisons avec Exmed. Riches de toutes les expériences que nous avons pu accumuler avec tous ceux qui soutiennent ce site, et comment ne pas penser ici à nos fertiles listes internes de discussion, voici la démarche que nous proposons.
Elle s’articule sur ce qui est le coeur même de la médecine des hommes, dont la méconnaissance, même aux plus hauts niveaux de nos responsables, donne lieu à tout le gâchis actuel. Nous le nommons << L’être médecin >>. Il doit, pensons-nous, être conçu avant tout pour ceux qui ne sont pas encore engagés, et si vite déformés à vie, dans les études de médecine ( ou toute autre fonction de soin, cela va de soi). Nous l’avons écrit et le maintenons (4). Il ne s’agit pas d’une sorte de guide qui donne des renseignements ou des trucs en dix leçons pour devenir médecin mais d’un accompagnement humain, aussi peu directif que possible, pour ceux qui veulent consacrer leur vie à soigner celle des autres, et en faire une vie épanouie.
L’idée est lancée. U
ne fidèle d’Exmed, s’est proposée pour piloter notre tentative de donner vie sur ce site, et par le biais de l’Internet, seul outil dont nous disposons, à << L’être médecin >>.
Vos réactions, plus que jamais, nous sont nécessaires pour que 2010 soit vraiment une bonne année pour l’avenir harmonieux de notre monde de la santé.


(1) X.Antoine, Le temps de la méfiance, 12 octobre 2009 LEM 622
http://www.exmed.org/archives09/circu622.html
(2) Bruno Blaive, François-Marie Michaut, Les dessous pas toujours chics des CHU , 2 mars 2009 LEM 590
http://www.exmed.org/archives09/circu590.html
(3) François-Marie Michaut, Jubilatoire expression , 7 septembre 2009 LEM 617 à propos du dernier livre de souvenirs de Bernard Hoerni
http://www.exmed.org/archives09/circu617.html
(4) François-Marie Michaut, Bravo les lycéens ,19 octobre 2009 LEM 623 http://www.exmed.org/archives09/circu623.html

 


Les principes qui ont conduit à la rédaction de cette lettre sont issus de notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court : << Le talent, c'est la hardiesse, l'esprit libre, les idées larges. . >>
Anton Tchekhov



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