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La Lettre d'Expression Médicale
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 N° 666
 
 
    

  16 août 2010  


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Pour avoir encore des médecins demain

Photo auteur ;;;; ;;;;;;

 

 

 

Docteur François-Marie Michaut et al., leur écrire
Illustration docteur Cécile Bour

 

 

 

 

 

 

 

     Il y a deux semaines, ici a été établi un diagnostic sévère de l'état clinique de notre situation de médecin d'exercice privé en France ( Le prix du mépris, LEM 655 ) (1). Les débats que cela a entraîné chez les amis d'Exmed ont été particulièrement riches. Notre consoeur Elisabeth Hubert est chargée par le président Sarkozy de proposer des pistes pour sortir de cette impasse la médecine dite de proximité.
Cette lettre va tenter, pour lui répondre utilement, de reprendre quelques propositions qui ont été élaborées et discutées ici au fil des années.


retrouver la confiance

   La confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Elle a été perdue par les institutions qui auraient dû en être les garants. Toute chasse aux sorcières est inutile et contreproductive. On ne peut tout simplement plus compter sur ceux qui ont échoué à assurer la pérennité de nos professions de soignants. Nous sommes un peu dans la situation des USA au lendemain de Pearl Harbor : c'est une véritable armée inexistante qu'il faut constituer de toute urgence.
 Cela suppose une volonté politique forte, face à de solides oppositions pour que rien ne change dans les privilèges acquis au fil du temps, de rechercher les hommes qui sont encore porteurs d'un savoir faire et d'un savoir être unique pour redonner à nos professions des raisons d'avoir confiance en elles-mêmes et en leur avenir. Que l'on puisse à nouveau être fiers de faire le plus beau métier du monde, et tout devient possible.
 Le mépris, la lassitude, la désertion vers d'autres horizons moins bouchés, tout cela n'a plus alors raison d'être.

restaurer la conscience

   Ces hommes,il faut les chercher partout où ils existent, sans aucune exclusive autre que leur talent et leur volonté de partager avec d'autres ce qu'ils ont acquis au cours de leur vie.
Peu importe leurs titres, leur lieu d'exercice, leur statut professionnel, leur âge, et même - sacrilège suprême - leur diplôme : c'est de gens ayant une haute conscience et un amour vrai de leur métier à partager dont nous avons besoin.
 Voilà pourquoi, nous proposons la création d'universités des métiers du soin de santé (2) où ils ont toute leur place.
Sans hommes pouvant servir de référence, jadis on aurait dit de modèles d'identification, aucune envie de devenir praticien de proximité ne peut naître et grandir.
Sans possibilité de devenir soi-même un jour ou l'autre un acteur de ce type d'établissement particulièrement souple de formation professionnelle parce qu'on a envie de faire autre chose que des soins, on condamne les médecins à une vie sans autre perspective que de mourir dans leur cabinet.
 Le gaspillage humain d'un système qui ne fait qu'éliminer aveuglément des gens de grande valeur en ne se donnant que des objectifs quantitatifs est intolérable.


renforcer la compétence

   Ces universités des métiers du soin de santé doivent être ouvertes à toutes les professions reconnues officiellement s'occupant de malades : médecins, psychologues, infirmières, kinésithérapeutes, auxiliaires médicaux. Ceci est la seule façon d'apprendre aux soignants à se connaitre très tôt entre eux, à se respecter et à travailler ensemble avec un seul objectif. Soigner au mieux les être humains, et mettre l'humain au dessus de toutes les valeurs.
 Nous sommes là au coeur de ce qu'André Bourguignon dans un texte remarquable (3) a nommé la transdisciplinarité ( ce qui veut dire : qui fait communiquer des disciplines jusque là séparées) .
L'Internet est évidemment le vecteur idéal, et peu coûteux, pour organiser ce nouveau type d'université.
Ce dernier mot est utilisé à titre provisoire, faute de mieux. Il existe d'ailleurs déjà depuis plus de dix ans une Université virtuelle francophone fonctionnant sur le modèle académique traditionnel (4), alors que ce qui est dessiné ici ressemble d'avantage à l'esprit du vénérable Collège de France fondé par François 1er pour faire pièce au monopole du savoir de l'Université aux mains du clergé.
Il va sans dire que des espaces nouveaux, encore inexplorés faute de moyens, peuvent y trouver leur place, avec toutes les précautions nécessaires, tant au niveau de la recherche que de l'enseignement et de la formation.

 Ainsi en est-il pour la systémique médicale (5), sans laquelle la médecine générale ne parviendra jamais à sortir de son empirisme actuel, et les spécialités de leur enfermement source de multiples et ruineuses redondances dans l'utilisation des moyens médicaux.
 Ainsi en est-il de la formation aux nécessités de la gestion des cabinets de praticiens. Ainsi en est-il pour le perfectionnement aux nouvelles demandes d'intervention des médecins dans de multiples domaines.
 Ainsi en est-il de l'apprentissage du travail en équipe dès le début des études, et de tout ce qui touche à la relation soignant/soigné.

   Tout cela n'est envisageable que si certains principes éthiques sont solidement établis, évitant que les soignants ne puissent être des esclaves de fait ni des assureurs, même publics, ni des pouvoirs politiques, ni des industriels du médicament (6). Ce dernier point est capital : la santé ( comme on dit si mal quand on veut parler seulement de soins ) n'est pas la propriété des laboratoires pharmaceutiques, elle n'est pas la propriété de l'assurance maladie, elle n'est pas la propriété des hommes politiques. Nous avons ici élaboré une charte (7) qui pourrait être un modèle à adapter pour que la formation professionnelle des soignants tout au long de leur vie soit appuyée sur quelques points qui sont acceptés par ceux qui choisissent cette voie.
Enfin, il est indispensable que ces universités des métiers du soin de santé possèdent, dès leur départ, une dimension européenne, et mieux encore francophone. L'échange des soignants est un droit pour les européens, pour quelle raison ne pourraient-ils ( devraient-ils ?) pas avoir accès à la même formation sans limitation de durée ?
 Le sentiment de faire partie intégrante de la communauté des soignants, quel que soit son isolement géographique et sa discipline, en conservant toute sa vie un contact professionnel changerait agréablement avec le divorce actuel entre les lieux de formation initiale et le monde des praticiens proches de la population.
Ce projet s'articule tout naturellement sur son prolongement dont le besoin est évident : l'éducation thérapeutique des patients. Sous la plume de Bruno Blaive, la question sera détaillée comme elle le nécessite dans la LEM 667 à paraître le 23 août.

 Remerciements :
La rédaction de cette LEM n'a été possible que grâce à la collaboration, aux apports et au soutien des internautes correspondants et rédacteurs d'Exmed depuis de nombreuses années.
Docteur Philippe Deharvengt ( généraliste et médecin pénitentiaire retraité), Armand-Paul Jean ( ancien artisan et formateur ), Aude Guignard ( veille scientifique d'une association contre l'inceste et la pédophilie ), Docteur Françoise Dencuff ( soins palliatifs hospitaliers, psychothérapeute et formatrice), Nicole Bétrencourt, ( psychologue clinicienne experte HAS), Juliette Goldberg (ancienne psychologue, traductrice à Jérusalem), Docteur Roland Plumeau ( pédiatre hospitalier en retraite et Nutrinaute ), Docteur Gabriel Nahmani ( généraliste retraité, engagé dans la lutte contre l'Alzheimer et le Parkinson ), Odette Taltavull ( ancienne infirmière en longue maladie ), Docteur Emile Parquier ( généraliste, syndicaliste et responsable ordinal ), Docteur Bruno Blaive ( Praticien Hospitalier honoraire, Professeur des Universités émérite ), Jacques Grieu ( romancier et ancien ingénieur ), Danou Zuinguedau ( ancienne infirmière, directrice de plusieurs associations médicales), Claude Manautines ( infirmière scolaire retraitée), Docteur Cécile Bour ( radiologue libérale et caricaturiste à Exmed ), Anne Rohrer (patiente), Docteur Jean-Pierre Allain (médecin généraliste et enseignant en Bretagne), Docteur Tony Lambert ( généraliste).
Et cette liste n'est pas exhaustive, certains de nos correspondants fidèles sont en vacances : elle demeure donc ouverte.

Notes :

(1) Michaut F-M LEM 664 , 2 août 2010 http://www.exmed.org/archives10/circu664.html
(2) Michaut F-M LEM 544 , 14 avril 2008, Universités des métiers de santé ? http://www.exmed.org/archives08/circu544.html
(3) Bourguignon André, conférence, congrès de Locarno 1997 http://basarab.nicolescu.perso.sfr.fr/ciret/locarno/loca5c1.htm
Dencuff Françoise LEM 509 : La question de la transdisciplinarité http://www.exmed.org/archives07/circu509.html
(4)Université médicale virtuelle francophone http://www.umvf.prd.fr/ressources/sites_reco.html
(5) Michaut F-M Systémique médicale, formation http://www.exmed.org/exmed/syst.html
( 6) Ceci a été formalisé ainsi dans notre Coup d'Oeil du 4 août 2010 : Carabins, ce qu'on vous cache
n°1 : un médecin n'a qu'un seul et unique employeur : la personne à qui il donne ses soins. Donne et pas vend, nuance majeure.
n°2 : la direction des hôpitaux publics comme privés n'a aucun droit d'interférer dans les décisions et agissements des soignants
n°3 : les assureurs, et en premier lieu la sécu et les mutuelles, n'ont aucun droit de se poser ouvertement ou indirectement comme les employeurs des médecins
n°4 : les industriels du médicament n'ont aucun droit d'interférer dans les décisions médicales, notamment en tenant sous perfusion financière quasiment toute la presse médicale dans notre pays.
La liberté et la qualité d'information, comme toute chose, doit se payer à son juste prix.

(7) Collectif d'Exmed : La Charte d'Hippocrate, 7 janvier 2008 http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

Texte mis en ligne le 16 août 2010

 

Cette lettre illustre l'article 17 de notre Charte d'Hippocrate. Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 17°) Je participerai à la transmission des connaissances et des savoirs acquis.


Os court :
<<L'homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique. >>
Albert Einstein


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________

Lire la LEM 665 Sur un air de chanson, Gabriel Nahmani

Lire la LEM 664 Le prix du mépris, François-Marie Michaut

Lire la LEM 663 Prenons la mer avec Jacques Grieu, François-Marie Michaut

Lire la LEM 662 Ralentir. Enfance, Max Dorra

Lire la LEM 661 Joies de l'écriture , Jacques Grieu

Lire la LEM 660 Le conseil dans l'acte médical , François-Marie Michaut