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 N° 677
 
 
 
    

  2 novembre 2010  


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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L'éducation thérapeutique, évolution ou révolution

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Docteur Bruno Blaive, lui écrire

( Illustration de Cécile Bour 2008 )

 

 

 

   La neuvième édition des journées nationales de médecine générale (Jnmg) organisées par la Revue du Praticien-Médecine Générale à Paris avait comme thème phare l'éducation thérapeutique (ET). Ce sujet, longtemps réservé à quelques services hospitaliers sensibilisés à l'éducation des patients, vient d'être relancé en 2010 par la loi HTPS. L'ET cible principalement les patients porteurs de pathologies chroniques et concerne l'ensemble des soignants. Quel est son avenir ? Ne restera t'elle qu'un concept théorique de plus concernant la prise en charge des malades ? Ou participera t'elle, et jusqu'à quel point à l'évolution de la pratique des soins et de la relation médecin malade ? La LEM 671 donne une approche de cette problématique (1).

retrouver la confiance

   Faire le bon diagnostic d'une maladie, prescrire le traitement adapté, ce n'est pas suffisant pour espérer un résultat thérapeutique favorable. Encore faut-il que le patient prenne le traitement prescrit, et à la bonne posologie, et pendant le temps nécessaire à son action. L'exercice médical au quotidien, montre que le comportement des patients au cours du suivi des traitements chroniques est loin d'être celui attendu. L'inobservance thérapeutique reste en effet élevée (50%) et ce malgré une sensibilisation régulière des patients et des soignants. Ce non respect de « l'ordonnance médicale » a de nombreuses conséquences négatives, tant vis-à-vis du patient (évolution, complications de la maladie) que vis-à-vis des organismes de prise en charge. «Surcoût de santé», dit leur jargon comptable.
  Peut on modifier le comportement des patients en matière d'observance thérapeutique et si oui quels rôles le médecin et les soignants peuvent-ils jouer ?



restaurer la conscience

   La médecine est une science à part entière et les thérapies médicales font appel aujourd'hui aux techniques scientifiques les plus modernes, mais la médecine est aussi un art et d'abord un art de la parole.
Cette parole c'est avant tout celle du patient. Après avoir écouté «religieusement» la plainte du malade, le médecin utilisera alors ce symptôme comme fil conducteur de sa démarche diagnostique et ce tout au long de ses consultations. A tout moment, au moindre doute, il devra revenir à cette parole initiale et s'assurer qu'il ne s'en est pas éloigné, à tout moment du traitement il devra s'assurer qu'il a bien répondu à l'attente du patient. Mais la médecine moderne peut aussi n'être que technique et tendre à ne rechercher que l'efficacité, la rentabilité thérapeutique. Dans ce cas, le dialogue médecin malade se réduit alors à l'extrême, laissant peu de place à la parole du malade et à l'écoute du médecin. Cette médecine qui valorise l'acte médical se fait le plus souvent aux dépens de l'écoute et de la parole. Ici le temps compté est un objectif et un obstacle dans le dialogue médical qui se réduit alors au mieux à une «instruction» et la prescription médicale (ordonnance) à une injonction thérapeutique. Ici le médecin est celui qui sait, celui qui à le pouvoir et le savoir pour guérir, le patient n'a le choix que d'obéir et de suivre la prescription. Cette modalité de prescrire est la forme enseignée par les facultés de médecine et donc celle pratiquée par les médecins. Mais dans cette relation traditionnelle qui est celle du maître et de l'élève, le patient est passif et il n'est pas étonnant alors qu'il adhère modérément à son traitement. Vouloir améliorer la prise en charge des patients nécessite donc d'améliorer la relation médecin malade et de «traiter» cette difficulté respective à communiquer, mais aussi de tenir compte d'un nouveau partenaire de cette relation : Internet.

renforcer la compétence

   Améliorer l'observance thérapeutique est depuis une quinzaine d'années un objectif des Autorités Sanitaires et, à ce titre, elle fait partie des formations médicales continues des médecins (FMC). Cette prise de conscience assez récente du poids de l'inobservance des malades chroniques s'est traduite essentiellement pour les médecins par des contraintes administratives (Guidelines) et par un contrôle accru des prescriptions médicales ; dans le même temps une sensibilisation des pharmaciens et des patients était mise en place pour mieux utiliser les médicaments.
Malgré cela, l'inobservance thérapeutique reste élevée en France. Eduquer le patient chronique à bien suivre son traitement reste donc un objectif d'actualité. Cependant, depuis sa conception,  la notion d'éducation thérapeutique a beaucoup évolué: considérée initialement comme un savoir faire permettant d'acquérir un équilibre et un contrôle optimal de la maladie (selon la définition de l'OMS), puis comme faisant partie intégrante de la prise en charge du patient chronique avec l'acquis de compétences lui permettant de gérer au mieux sa maladie (Définition Haute Autorité de Santé), elle est actuellement considérée comme devant permettre au patient de se «positionner dans ses connaissances et ses comportements afin d'envisager un éventuel changement».
Dans cette dernière définition, l'ET garde son sens étymologique (educare = conduire en dehors de plus qu'enseigner). Son évaluation porte donc sur d'autres critères que ceux d'un traitement traditionnel, ici le but c'est d'atteindre les objectifs, l'acquis des compétences et la satisfaction du patient.
  Dans ce contrat révolutionnaire, le médecin doit exercer une écoute attentive, empathique, avoir un discours ouvert et une bonne pratique de l'entretien motivationnel (2). Dans cette pratique de la relation médecin malade conçu comme une «Alliance», l'ET améliore l'observance des patients et participe ainsi à l'évolution de leur prise en charge, mais ceci a comme corollaire un changement radical du comportement médical et une révolution des modalités d'enseignement et de pratique médicale. Actuellement L'ET est bien codifiée (3) et enseignée dans quelques Universités sous forme d'un Diplôme Universitaire (DU), cet enseignement est ouvert en général à l'ensemble des soignants.

Références :
(1) Bruno Blaive : Construire l'université virtuelle des métiers de soins de santé, LEM 671 du 20 septembre 2010
http://www.exmed.org/archives10/circu671.html
(2) Stephen Rollinck et William Miller, L'entretien motivationnel
Ed Interéditions.2009
(3) L'éducation thérapeutique des patients
http://fr.wikipedia.org/wiki/Éducation_thérapeutique_du_patient

Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html


Os court :
<<Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. >>
Baruch Spinoza


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