Quelle assurance

12 septembre 2011
Docteur François-Marie Michaut
lui écrire

Dans l'inventaire à la Prévert pour trouver de nouvelles recettes fiscales destinées, en ponctionnant le porte monnaie des particuliers, à dégonfler l'augmentation chronique des dépenses publiques en France, figure une étrange création nationale. Son nom est connu de tous : il s'agit des assurances dites, non sans un savoureux pléonasme, mutuelles complémentaires de santé.
Chacun de nous, car c'est quasi obligatoire, est un assuré social. C'est à dire qu'une partie non négligeable de son salaire ( plus de 40% du montant touché, si on tient compte de la mascarade des cotisations patronales) alimente notre fameuse «sécu». Pour être juste, ne pas perdre de vue que cette assurance sociale unique est destinée à pourvoir aux dépenses de maladie, d'invalidité, de grossesse et de retraite de base des salariés.

Retrouver la confiance

Depuis 1945 ou 1946, date de sa création au lendemain de la guerre, les modalités du financement de cette assurance créée sur le modèle travailliste britannique de Beveridge en 1942, avec le fameux National Health Service (NHS), n'ont jamais été revues.
Durant les soixante dernières années, le coût des frais de santé ont littéralement explosé dans tous les pays développés. Ce mouvement lié aux progrès sans égal des connaissances scientifiques, au bond des découvertes techniques et... des attentes de plus en plus pressantes de nos valeurs culturelles strictement matérialistes n'est pas maîtrisable.
Nous voici donc devant un système dont le financement demeure constant au fil du temps pendant que les dépenses s'envolent.
Des parades temporaires ont été inventées sans que jamais le principe même de cette immuabilité soit remis en question. Souvenons-nous du fameux ticket modérateur, laissant à la charge de l'assuré, pour les soins les plus courants, un pourcentage à payer de sa poche. La société de consommation gagnait aussi la médecine, et la quasi gratuité du remboursement des soins constituait une incitation à des abus manifestes de citoyens se considérant comme des ayant-tous-les-droits.

Restaurer la conscience

C'est ce recul des prestations de l'assurance maladie obligatoire qui a creusé le nid de nos mutuelles de santé. Vos caisses ne peuvent plus vous rembourser totalement, et bien, nous, toujours soucieux de votre bien, nous vous offrons tous les soins que vous souhaitez sans que vous ayez à payer. Gratuité, le grand mot était lancé. Et l'idée totalement folle d'un droit illimité à la santé faisait son chemin dans notre culture.
Une incroyable course des assureurs s'est livrée, avec une surenchère d'offres pour séduire des clients. Car, si les soins sont annoncés comme entièrement pris en charge, les citoyens, directement ou indirectement, sont priés de mettre la main à leur poche.
Car cela coûte cher, très cher, de pouvoir s'offrir une assurance pour combler les défaillances de la sécurité sociale. Une nouvelle cotisation qui vient encore amputer le revenu disponible des familles parce que la sécu se révèle défaillante. La potion de cette sorte d'imposition volontaire est amère. Et inaccessible aux foyers les plus modestes qui ne peuvent prétendre à la couverture maladie universelle.

 

Renforcer la compétence

Que des assurances, qu'elles soient vraiment mutuelles ou purement commerciales, puissent tirer des bénéfices importants des défaillances de la sécurité sociale pose deux problèmes.
Celui de la justification éthique d'un système vivant de la défaillance de notre système dit de protection sociale. Il suffit de regarder les messages publicitaires vantant les mérites de telle ou telle complémentaire avec des promesses mirifiques pour se sentir mal à l'aise de cette marchandisation de nos soins.
L'autre problème est celui du côté pousse à la dépense sans frein et sans limite de ce système d'assurance. Si je paye, j'ai droit au meilleur, j'ai droit à tout. Et si cela augmente dangereusement les dépenses dont la sécurité sociale continue de rembourser une partie non négligeable, bien peu de voix se font entendre pour faire connaître cet effet pervers.
Car, comment se fait-il que les mutuelles complémentaires parviennent à équilibrer leurs dépenses, et qu'une sécurité sociale qui disposerait des mêmes cotisations supplémentaires ne puisse pas faire la même chose ?
Voilà qui mériterait quelques explications.
Faut-il reprendre le slogan inusable : trop d'assurance tue l'assurance pour comprendre que le temps arrive où une gigantesque remise à plat ne pourra plus être évitée ?
Alors, surtaxer un peu plus ou un peu moins les complémentaires d'assurance maladie devient un expédient financier dérisoire.


Os court : « Le chat n'est pas tenu de vivre selon les lois du lion.»
Baruch Spinoza
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

      Lire les dernières LEM:

  • Vertes années, François-Marie Michaut   LEM 721
  • Clapotis La tempête d'Archimède , Jacques Grieu   LEM 720
  • Cécité systémique, François-Marie Michaut   LEM 719
  • Contradiction à haut risque, François-Marie Michaut   LEM 718
  • Sommeil BAILLEMENTS, Jacques Grieu  LEM 717