Soumission
et sous-missions

24 octobre 2011
Docteur François-Marie Michaut
lui écrire

Au fil du temps, des lois et des règlements, la question de la soumission de ceux qui ont la fonction, utile entre toutes, de venir en aide à leurs semblables confrontés à la maladie devient de plus en plus d'actualité. La gestion, l'organisation et les contraintes financières, toujours invoquées comme un bouclier, ont conduit à la mise en place d'un système de distribution des soins (injustement nommé «système de santé») autoritaire et dirigiste. Les médecins, et autres soignants, sont obligés de faire acte de soumission à des décisions prises unilatéralement par de lointains états-majors pour gagner chaque jour leur vie en exerçant leur métier.
Soumission veut dire de façon précise le fait de se trouver, en vue d'accomplir un travail, mis en dessous, donc placé sous le contrôle total d'une autorité.
La mission militaire en est un bon exemple.

Retrouver la confiance

La déontogie médicale, depuis les insoutenables lois anti-juives du gouvernement de Vichy des années 1940, de sinistre mémoire, place l'indépendance des médecins par rapport à tous les pouvoirs parmi les valeurs fondatrices de notre métier. Au fil du temps, l'obligation morale qui nous lie à rester toujours, et par principe intangible, aux côtés des malades (1) s'est délitée.
Les praticiens actuels ont plus facilement conscience qu'ils «tournent» pour, et aux ordres, de la sécutité sociale qu'ils ne sont les alliés idéfectibles des hommes qui ont recours à eux.
Même si le public, toujours aussi attaché, quasiment magiquement, à son médecin personnel, ne perçoit pas toujours clairement ce qu'il faut bien nommer une trahison. Ailleurs, on parlerait, en le fustigeant sans ménagement, de conflit d'intérêts.
Le résultat le plus visible en est, tout simplement, la gangrène progressive du climat de confiance, sans lequel aucun soin de qualité ne peut exister. Méfiance croissante qui, quoi qu'on ne dise pas, est bel et bien bilatérale et réciproque.

Restaurer la conscience

Quand les médecins de cabinet sont incités à signer des accords personnels avec l'assurance maladie, comme le prévoit la dernière convention, pour obtenir des primes dites « à la performance» pour gagner plus d'argent, la coupe déborde. Depuis longtemps, le code du travail des salariés ne reconnait que le salaire horaire, refusant la rétribution au rendement, «à la pièce, comme on disait dans les manufactures et usines au début du siècle dernier.
Nos confrères ont-il pris conscience de la perversité de l'engrenage dans lequel ils sont invités à mettre le doigt ?
Marginaux demeurent, malgré la sévère et inhabituelle mise en garde de l'Ordre (2), les praticiens qui, comme Didier Ménard, disent sans ménagement les choses qui doivent être dites à la profession, et, entendues du public (3).

Renforcer la compétence

Le vieux Stéphane Hessel a remporté un succès populaire incontestable en nous enjoignant son «Indignez-vous !». Il semble bien, hélas, que la profession médicale dans son ensemble, soit tellement anesthésiée par ses routines, par son farouche individualisme et par le souci de maintenir, au prix d'une activité sans cesse pousée à l'extrême, le confort de revenus enviés par beaucoup, qu'elle soit devenue incapable de s'indigner.
Faudra-t-il un jour introduire dans les universités, ou dans les programmes de formation médicale continue, des modules d'apprentissage à l'indignation ?
    Des médecins capable de s'indigner de la façon dont on ose instrumentaliser les patients, dont on ose les mépriser, enfin disposés à sortir de leur indifférence et, soyons francs, de leur peur infantile de se faire repérer par la sécurité sociale, et tout bascule plus vite qu'il n'en faut à un peuple pour liquider son tyran.
Parce que, en guise de mot de la fin, laissons les sons jouer leur jeu de la vérité : pour les patients comme pour leurs soignants, rien d'autre ne peut sortir de la soumission que des sous-missions.
    Et, bien, entendu, c'est mathématique pour n'importe quel clinicien, les sous-missions ne peuvent être que de la sous-médecine.

Notes et références
(1) Voir à ce sujet Charte d'Hippocrate article 6, Exmed
http://www.exmed.org/archives08/circu532.html
(2) F-M Michaut, L'Ordre des médecins s'exprime sans fard, Exmed, CO du 8-9 octobre 2011
http://www.exmed.org/exmed/co2011d.html
(3) Didier Ménard: La queue du Mickey. Pratiques, 8 octobre 2011
http://maj.pratiques.fr/La-queue-du-Mickey.html

Os court : « La plume est l'interprète de l'âme : ce que l'une pense, l'autre l'écrit.  »
Miguel de Cervantès
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

      Lire les dernières LEM:

  • Avec un grand «D»,  Jacques Grieu  LEM 727
  • Se soigner est de plus en plus cher,  Nicole Bétrencourt  LEM 726
  • La médecine shadok ,   François-Marie Michaut  LEM 725
  • Triade confiance, conscience, compétence ,   François-Marie Michaut  LEM 724
  • ENFANTILLAGES , Jacques Grieu   LEM 723