Humain, mode d'emploi

28 novembre 2011
Docteur François-Marie Michaut
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Dans la vie courante comme dans nos hôpitaux, les merveilles de la technique nous époustouflent. Bien entendu, pour les plus âgés, la familiarisation avec toutes ces petites merveilles se fait plus hésitante, pour ne pas dire plus ânonnante que chez nos enfants, gavés dès le berceau au lait de la technologie, du numérique, des ondes et des écrans.
   Toutes ces choses du quotidien de l'automobile à la télévision en passant par la machine à café ou le téléphone portable sont bourrées de commandes électroniques. Il est tout simplement devenu impossible de ne pas se plonger dans la notice technique pour les faire fonctionner ou... les dépanner quand elles présentent quelques troubles physiologiques ou pathologiques de fonctionnement.

Retrouver la confiance

Comparer l'être humain à une machine particulièrement perfectionnée n'est pas du meilleur goût pour tout le monde, même si certains prophètiseurs futuristes cherchent à nous convaincre des merveilles espérées de l'intelligence artificielle. Quand une telle machine se trouve dotée de capacités aussi extraordinaires que le langage parlé et écrit et de la capacité de se penser elle-même, le monde de la technoscience, aussi ambitieux soit-il, se sent géné aux entournures.
Les esprits qui ne veulent voir le monde qu'à travers les yeux de la science, la plupart d'entre nous qui avons eu la chance d'être scolarisés et instruits, considèrent que les humains sont des mécaniques, certes compliquées et pas toujours logiques dans leur comportement.
La vision médicale contemporaine, qui a poussé à l'extrême, de façon obsessionnelle et compulsive, l'étude de tous les détails accessibles aux moyens et méthodes scientifiques de notre condition humaine a été adoptée par la conscience populaire.

Restaurer la conscience

Voilà qui fait pour un large public,et certains journalistes pressés, des médecins, bien malgré eux, des sortes de maîtres à penser la réalité, avec tous les problèmes individuels, environnementaux, ou de société qu'elle trimbale dans sa musette. Un épouvantable fait divers, un pépin de santé d'un puissant de ce monde, de nouvelles façons de vivre ? En quatrième vitesse, les médias convoquent des experts, sommés de dire le vrai. La machine humaine (Zola parlait de la bête homonyme) fonctionne de travers, au secours, nos ingénieurs mécaniciens en blouse blanche vont nous donner la clé pour nous sauver.
   L'orgueil et le goût des honneurs n'épargne pas obligatoirement ceux qui ont choisi de consacrer leur vie à soigner les autres. Il y a donc parfois des personnes, et non des moindres, qui ne demandent pas mieux que d'aller parader sur les plateaux de télévision. Les références scientifiques utilisées dans ce genre d'exercice font facilement illusion devant un auditoire au niveau moyen de connaissance squelettique , alors qu'il ne s'agit, le plus souvent que d'une simple opinion personnelle pour défendre tel ou tel intérêt.

Renforcer la compétence

Il est grand temps regarder la vérité en face. La connaissance médicale, qu'elle soit scientifique ou empirique est fondée sur une fragmentation des objets dont elle s'occupe. Pour mieux saisir la complexité du réel, la méthode, depuis le 17ème siècle, est de concentrer tous ses efforts de compréhension sur une partie bien délimitée de notre être humain. Diviser pour mieux étudier, selon la prescription cartésienne. Les spécialités médicales que nous connaissons en sont la conséquence logique. La science médicale contemporaine se présente comme un feuilletage en permanente construction de ces différentes perceptions de l'humain. Une telle sédimentation se fait sans autre ordre que celui de la chronologie des travaux de recherche.
L'ensemble, en forme de patch work,manque tellement de cohérence qu'il devient de plus en plus difficile de conserver une vue générale, généraliste en fait, des différentes sciences.
Ce qui nous manque cruellement est ce dont sont obligatoirement dotées toutes nos si astucieuses machines: un manuel de fonctionnement. Un mode d'emploi de l'humain, si vous voulez.
L'initiative ne peut venir d'aucune des disciplines scientifiques que nous connaissons, chacune étant bien trop occupée à défendre bec et ongles son propre territoire. Les tentatives courageuses de ce qui a été nommé la «transdiciplinarité» dans les années 1990 sont restées sans suite.
La seule voie possible est celle du développement (encore jamais mis en acte) du mode de pensée systémique.
  Selon quel système fonctionne l'humain normal ? De quel système est-il éventuellement l'image ? Souvenons-nous de la théorie ancienne des homoncules pour se faire une idée des spermatozoïdes avant la microscopie. Dans quel autre système plus grand s'insère-t-il lui même à a façon d'une poupée russe ?
Et enfin, question sacrilège entre toutes car touchant le domaine sulfureux de la métaphysique (ce qu'il y a au delà de la physique), existe-t-il, même si c'est scientifiquement inaccessible, un système unique dont tous ceux que nous observons en action sont la copie ?
Une fois encore, une systémique médicale devient une nécessité. Et en insérer les racines dans une vision systémique plus vaste est un impératif tout simplement logique.


Os court : « Celui qui ressent sa propre vie et celle des autres comme dénuées de sens est fondamentalement malheureux, puisqu'il n'a aucune raison de vivre.»
Albert Einstein
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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