Intérêts, conflits
ou convergences

29 avril 2013
Docteur François-Marie Michaut
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Il est bien laborieux de ne pas se laisser engluer les synapses par l'arsenal d'expressions dont nous bombardent les professionnels de la communication. Encore au début du siècle dernier, on parlait fièrement de rhétorique, si possible en latin, la langue mondiale des savants d'alors. Convaincre un auditoire était un art de première importance pour qui avait « fait ses humanités». Insolence des plus jeunes générations avides de « dépoussièrage » oblige, cette technique, jugée dépassée pour convaincre les interlocuteurs les plus coriaces, fut qualifiée de « baratin ». Le vieux français disait barater pour signifier tromper. Nous n'avons conservé du verbe que la fabrication du beurre.
Une expression des plus employées en ce moment avec les fameuses affaires tournant autour de la santé, que vous me permettrez de ne pas détailler tant elles sont familières à tous, est le conflit d'intérêts.

La notion d'intérêt, si l'on veut bien laisser au second plan l'usage volontiers en pourcentages qu'en font les hommes d'argent, ne pose guère de problème de compréhension. Le verbe latin originel est limpide, interest dit : il importe. Sa dissection en deux mots constitutifs enfonce le clou : ce qui est entre. Manifester une marque d'intérêt à quelqu'un est lui signifier qu'une relation avec lui s'est établie en soi. Et plutôt sur le versant de l'empathie et de l'encouragement que sur celui de l'affrontement à visée dominatrice.
   Que des esprits soient capables d'éprouver de l'intérêt pour des domaines variés plutôt que de rester cloitrés dans une sphère unique, souvent déterminée par leur statut social, ne peut être qu'une possibilité d'enrichissement de toute une culture. Une sorte de métissage, selon l'expression de Michel Serres.

Qu'il puisse exister des contradictions entre les différents intérêts qui donnent du corps, parfois de l'âme aussi, à une existence humaine, n'a rien de surprenant. Qu'un homme de science soit en même temps un homme animé par une foi religieuse ou politique, ce qui n'a rien ni d'exceptionnel ni de critiquable sous nos cieux, voilà qui le contraint à une gymnastique intellectuelle pas toujours confortable. Ce ne sont pas les intérêts qui sont en conflit. Chacun d'eux a sa propre logique, et chacun est totalement indifférent à l'existence possible d'autres intérêts. Le seul point douloureux ne peut résider que dans l'humain qui est le porteur actif, pour ne pas dire le metteur en acte, de tout le faisceau d'intérêts donnant une direction à sa vie.

Faut-il recentrer la problématique des conflits d'intérêts sur les choix que chacun est conduit à faire pour vivre au mieux avec les cartes dont il dispose ? Ne serait-ce pas plus productif que de tenter d'imposer des contrôles, avec l'espoir peu crédible de mettre en place une transparence dans la grande tradition puritaine ? Le terme même de «moralisation» est-il acceptable à l'égard de quelque groupe que ce soit, ainsi implicitement cloué au pilori des sans foi ni loi ?

La seule question qui surgit de façon imparable est purement individuelle. Tous les intérêts, et ils sont de toute nature du plus admirable au plus abject dans notre espèce, ont leur raison d'être. Et ils existent tous, même les plus destructeurs, nous le voyons chaque jour.
Ces intérêts sont-ils ou non convergents pour une personne donnée ?
S'il y a convergence d'intérêts, les choses sont claires.

   Mais s'il y a divergence d'intérêts dans une même personne, plusieurs moteurs de ses actions tournent en même temps sans aller dans le même sens, la plus grande circonspection collective est de prudence élémentaire. Les fameuses déclarations d'intérêts, depuis longtemps de mise dans les articles publiés par la presse médicale internationale, prennent ainsi une toute autre connotation.

 

Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « En occupant les autres de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l'intérêt d'autrui. »
Beaumarchais
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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