Indépendance des dépendances ?

20 mai 2013
Docteur François-Marie Michaut lui laisser un message

L'affaire de la validation scientique de l'usage du baclofène comme traitement de la dépendance à l'alcool continue d'agiter les milieux médicaux en France. Faut-il ou non accorder une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication pour ce remède utilisé depuis les années 1960 comme relaxant musculaire dans des maladies neurologiques ?
Des médecins ont découvert dès 2004 que des sujets souffrant de dépendance à l'alcool voyaient leur addiction se modifier sensiblement , parfois même disparaitre, quand ils prenaient du baclofène (probablement, du moins je le suppose, prescrit pour des contractures musculaires). Une sorte d'effet secondaire comme disaient jadis les pharmacologues. Il s'est trouvé qu'un des bénéficiaires de cette action thérapeutique innatendue, dans un domaine où les traitements sont peu nombreux, soit un interniste et cardiologue français, professeur de médecine aux États-Unis (mais pas en France) : Olivier Ameisen. Convaincu de sa «guérison», il a publié un livre à succès intitulé : Le dernier verre.

Il faut bien dire que la petite communauté des alcoologues n' a pas, dans l'ensemble, partagé l'enthousiasme militant d'Ameisen. Un médicament bien connu, peu toxique en regard de la tueuse qu'est la maladie alcoolique, qui est crédité par nombre d'expérimentateurs non spécialistes d'une efficacité sur l'envie irrepressible de boire, pourquoi ne pas en faire une utilisation généralisée ?
Le schéma habituel de l'alcoolisme pour tout le monde est celui d'une toxicomanie causée par l'usage devenu incontrôlé de l'alcool. L'éthanol, nom chimique de la molécule incriminée, est alors considéré comme la cause de la dépendance à l'alcool. Il suffit donc, dans cette optique mécaniciste, de supprimer le produit en question, et le sujet est guéri aussi longtemps qu'il demeure abstinent.

C'est oublier un peu vite que l'être humain est doué d'un conscience et d'un psychisme complexe, qu'il vit dans un monde dangereux, contraignant et angoissant, dans des réseaux de relations familiales, sociales et professionnelles qui ne sont jamais simples ni paisibles. Le recours à l'alcool est toujours une démarche volontaire, et cela choque beaucoup de gens, dont la finalité est une tentative désespérée d'automédication. Boire pour se sentir moins mal. Mauvais remède à une vraie maladie indéfinissable tellement personnelle et collective qu'elle échappe le plus souvent au diagnostic médical traditionnel. Voilà où est le drame dont tant et tant de gens sont victimes, et dont beaucoup meurent.

Chacun peut alors comprendre que le mécanisme d'addiction est une béquille pour notre humanité qui ne marche que d'un pied. Supprimer telle ou telle substance ( ou un quelconque comportement) comme l'alcool, les différentes drogues, le tabac, les jeux, le sexe, ne peut être qu'une illusion trompeuse. Le sujet qui est demeuré lui-même, donc ayant profondément besoin de ce mécanisme addictif, ne peut alors que chercher un autre substitut. Plus de cet alcool qui me rendait si malade ?
Il me faut absolument mettre autre chose à la place.
Autrement dit, les dépendances addictives se comportent comme des poupées russes. L'une cache les autres, mais toutes sont étroitement dépendantes. En faire disparaitre une fait surgir celle qui est au dessous.
Alors, demeurons très attentifs à la réalité de chaque être humain avant de crier à quelque miracle que ce soit.

   Prétendre soigner des malades souffrant d'addiction (alcool ou tout autre produit ou comportement) en se bornant à leur prescrire un traitement médicamenteux et sans se soucier de la façon dont les patients vont pouvoir vivre au mieux leur vie est une erreur médicale manifeste.

 


Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant.»
Pierre Dac
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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