Déserts médicaux ou
des airs médicaux

25 novembre 2013
Docteur François-Marie Michaut
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Le disque sans cesse repris de la fonte lente comme la banquise du nombre des médecins exerçant la médecine générale dans certaines zones du territoire français finit par lasser tout le monde. Les analyses des commentateurs de ce phénomène de «démédicalisation» dont j'ai pu prendre connaissance sont trop anecdotiques, partielles ou partiales pour se faire une idée de la profondeur de ce qui est en cause.

Comment, alors, faute de diagnostic correct, toute tentative à visée thérapeutique ne pourrait conduire qu'à un échec ? Pas besoin d'être grand clerc pour constater l'inefficacité de toutes les manoeuvres de lutte contre la désertification médicale. Incitations financières, obligations réglementaires, facilités pratiques d'installation, primes en tout genre : carotte ou bâton, rien ni personne n'inverse la tendance.
Notre communauté nationale a été aveugle pendant de longues années, en ne parvenant pas à mesurer ce qui se passait dans la tête des médecins travaillant de façon isolée au milieu de la population la moins nantie. Quelque chose d'essentiel s'est brisé dans la relation de chaque jour avec les patients. Dans l'indifférence générale de l'armée des métiers des soins de santé, si préoccupés par leur propre chapelle.
Comment l'exprimer ? Même les méthodes les plus sophistiquées, les plus scientifiques (donc réputée sérieuses et fiables) d'évaluation se trouvent devant une énigme. Des jeunes gens, qui ont eu le courage et le talent de subir, pendant de longues années, la formation difficile et éprouvante de médecin refusent finalement d'exercer le métier de la majorité de leurs prédécesseurs.

  Tout se passe comme si (juste pour parodier gentiment la prudence des hommes de science) la foi dans la religion médicale qui nous berçait naguère avait perdu toute signification. Parler de religion ne peut que faire grincer des dents, mais c'est bien de cela dont il s'agit : d'une crise de foi (sans e) des blouses blanches. La médecine, jusque dans ses profondeurs anonymes, après tant d'années de triomphes époustouflants, est obligée de prendre conscience de deux réalités :
-Les retombées parfois dramatiques, parfois dérisoires, de nos brillantes innovations nous remettent les pieds sur terre. Nous ne pouvons plus nous bercer de l'illusion que tout ce que nous avons fait a été bon pour la santé des hommes. Pas plus que nous ne pouvons être certains que ce qui sera découvert demain ne sera pas encore plus dommageable pour ceux que nous voulons soigner.
-Nous ne pouvons plus croire, comme jadis, que, comme par magie, le progrès des connaissances médicales sera infini et de nature à juguler un jour toutes les maladies que nous ne savons pas guérir aujourd'hui.

Voilà la nouvelle donne que les esprits médicaux ont à digérer avant de se laisser embarquer les yeux fermés vers telle ou telle forme d'exercice professionnel. Et ils ont mille fois raison.
Ce que j'ai l'audace d'appeler «des airs médicaux» conformes à la réalité du jour, c'est à eux de les chercher et de les trouver. Qu'ils ne comptent surtout pas sur les différentes autorités scientifiques, universitaires, administratives, professionnelles ou politiques pour le faire à leur place. Non pas parce que les cerveaux assurant ces hautes charges manquent de qualités de premier plan, mais parce qu'ils se trouvent mathématiquement bloqués par des systèmes qui étaient adaptés au monde d'il y a quarante ans !

Le désert, qu'il soit médical ou non, n'est pas toujours là où l'on veut bien nous le faire voire et nous le faire croire. La désertification des esprits médicaux, bien plus encore que des territoires nationaux qui en est le résultat, est tout sauf un détail.


Illustration : cliché Cébé 1998, le mont Sinaï


 


Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : «Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part.»
Antoine de Saint-Exupéry
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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