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Octobre Rose,
néo-religion sanitaire

    21 septembre 2015

Docteur Cécile Bour
 lui répondre

 

LA RELIGION DU ROSE

La plupart des religions se sont développées sur une révélation, celle d'un augure ou d'un prophète. Cette révélation se propage à un peuple, une communauté. L'inspiré est suivi par des disciples qui enseignent à leur tour le dogme, le credo.
La religion se définit ensuite par des rites et des pratiques religieux qui ne servent à rien mais autour desquels la communauté s'unit et dans lesquels elle se retrouve, avec des insignes reconnaissables (croix, étoile, croissant…).
Le sentiment religieux, c'est à dire la foi, est un liant de la communauté croyante, qui n'a pas besoin de preuves ou d'explications tangibles. La communauté croit, c'est tout.
Et son union est matérialisée par l'église, église dans le sens d'un ensemble de personnes professant les mêmes doctrines en visant le même but, ceci s'adaptant tout aussi bien aux sectes ou aux écoles de pensées d'ailleurs...
La célébration de la foi se fait souvent à un moment précis de la semaine, ou de l'année, avec des fêtes de façon assez codifiée. Dans certaines de ces religions, se pratique la quête, destinée à faire face aux frais de fonctionnement de la paroisse et aussi à financer le journal paroissial, organe de diffusion.

La Grand-Maître d'Octobre Rose, Mrs Evelyn H. Lauder a disparu en 2011, mais Rose merci (« Dieu merci » chez les Roses), en France, la résurrection s'est produite autour de deux apôtres réunissant leurs efforts : Estée Lauder Compagnie et le journal Marie-Claire. De nombreux partenaires-apôtres (Tuperware, Kitchenaid, Marionnaud ) vinrent se joindre à des associations, tout ce monde défendant un insigne sacré : le RUBAN ROSE !
Les grandes festivités ont lieu en octobre et le rite consiste à courir en rose avec un T-shirt informe et un ruban épinglé à la poitrine, à travers une ville illuminée en…devinez la couleur ! Comme dit plus haut, le rite ne sert à rien, mais c'est quand-même plus télégénique que des génuflexions ou des prosternations où il ne se passe pas grand-chose. Le prêche est effectué par des prédicateurs/trices en T-shirt rose et les sermons « faites-vous dépister » sont clamés à travers porte-voix et spots télévisuels. Au cas où on aurait loupé le spot (mais c'est difficile, peut-être les vacanciers partis en villégiature sur Mars ou Saturne) on peut retrouver l'homélie imprimée sur le papier glacé rose du simili journal paroissial qu'on appelle ici le « dépliant », ou la « plaquette-triptyque », qui constituera la lecture du mois pour l'adepte.
Parfois même un sacrifice humain est réalisé sous la forme d'une dénudation publique et quotidienne d'une femme, en général jeune et jolie à l'heure de la soupe.
Le don est facultatif mais fortement conseillé pour la tranquillité de l'âme et le repos de la conscience. Le don va au Dieu Recherche pour combattre le Malin, c'est à dire un vilain crabe, mais on ne sait pas très bien quelle recherche parce qu'on n'a pas vraiment de bilan à la fin de la Grand-Messe, et le Malin progresse malgré tout paraît-il, et pourtant le Dieu Recherche devait nous en délivrer. Mais la religion ça ne marche pas à tous les coups.
Notre Malin semble être une sorte de Léviathan insatiable, que nous nourrissons à fonds perdu par des courses et des dons censés le combattre….

L'HEURE DU CHOIX

Mais l'heure de la guerre de religion semble avoir sonné et les Lumières, émergeant depuis 2001 et émanant de chercheurs et scientifiques indépendants, commencent à trouver un timide chemin.
Dans un espace public et médiatique dominé par le discours univoque, écoutons enfin les voix iconoclastes de la Raison, qui nous expliquent que le problème du cancer du sein ne peut plus être traité par l'émotionnel, l'irrationnel, la croyance aveugle. Il nous faut aborder ce problème de santé publique avec science et courage, démythifier une superstition qui a conduit les femmes vers des comportements erratiques et dénués de bon sens médical, nous affranchir d'une dévotion délétère pour les femmes, et de l'illusion que la course en rose les sauverait du cancer.
Car, il faut le savoir, le dépistage du cancer du sein peut nuire, et il existe une convergence internationale d'études, anciennes et récentes, vers un bénéfice faible du dépistage que l'on espérait salvateur, et vers des risques et effets pervers que les femmes ignorent, faute d'information, les transformant abusivement en malades et les exposant à des traitements lourds et inutiles.
La femme a donc un choix, soit elle participe à une procédure au bénéfice incertain, mais en connaissance de cause sur les risques, soit elle la refuse, sans que quiconque ne puisse se permettre de la juger ou de la blâmer. Ce n'est pas parce que la campagne est d'initiative publique que la décision ne peut être individuelle, ni imposée, ni subie. Encore faut-il que la femme ait accès à une information loyale et complète…

J'ACCUSE

Ne craignant pas la mise au bûcher je t'accuse, toi, la coureuse en rose, qui s'arroge un droit, celui d'inciter des milliers de femmes à se rallier à ta cause. Tu pollues l'espace public et médiatique de tes harangues et slogans fallacieux, privant les femmes d'un discours serein et raisonné qui soit audible. Tu
prétends savoir et connaître un sujet dont tu n'es pas maître, tu culpabilises tes amies qui ne se soumettraient pas, tu amènes d'autres femmes à courir comme toi, telles des moutons de Panurge que tu conduis à se jeter dans un abîme de non-sens. L'information loyale et apaisée, à cause de tes clameurs n'a plus droit de cité, tu dénies ainsi l'accès aux femmes à des données auxquelles elles ont droit. Tu les terrorises, tu les angoisses de façon pernicieuse par ton orgueil à vouloir asséner tes certitudes infondées.

Je t'accuse, toi, la malade auto-proclamée « rescapée », toi qui brandis ta maladie comme un étendard prosélyte dans des « témoignages » médiatisés, faisant fi du fait que ta maladie n'est pas celle des autres et ne te donne aucun savoir ni compétence scientifiques. Vis, mais laisse vivre les autres.
Aucune femme ne peut se prétendre sauvée par le dépistage, les études démontrant l'absence de bénéfice en terme de mortalité par rapport à des femmes non dépistées, et aucune de ces soi-disant « rescapées » ne sait si elle ne souffrira à terme des effets du diagnostic par excès. De même, aucune femme tombée malade ne doit se laisser dire que sa situation eut été meilleure si elle s'y était pliée, car ce n'est pas vrai. (cf. brochure explicative)

Je vous accuse, tous et toutes qui prétendez « agir » en participant à Octobre Rose par des initiatives individuelles. Vous agissez pour vous valoriser d'abord, pour vous donner une dimension humanitaire caressant votre propre ego, pour combler un vide dans vos existences, vous berçant dans un doux leurre d'action philanthropique, dans une illusion grotesque de contrer une maladie en confectionnant de pitoyables petits rubans ou autres colifichets, dont la couleur renvoie la femme à un stéréotype infantile et débile. Ayez enfin l'humilité et un peu d'éthique personnelle pour vous mettre en retrait au profit de ceux qui savent, pas de ceux qui croient.

Je t'accuse toi, publicitaire, enseigne-partenaire, d'utiliser le corps féminin pour « glamouriser » une maladie, la transformant en outil d'appel aux dons pour de puissantes associations de patients dont tu te fais l'associé, permettant essentiellement à la marque d'être visible et de doper son chiffre d'affaires en transformant la femme en docile acheteuse-coureuse. Je vous accuse vous, marchands de T-shirts roses, de rubans, qui faites accroire que courir en rose va sauver des gens, toi l'animateur de fitness, le perruquier, le vendeur de lingerie et de maquillage, la revue féminine, vous tous qui participez de façon opportuniste et parasite aux manifestations d'Octobre Rose, qui vivez et prospérez au dépens de cette « cause » qui est surtout celle de vos affaires florissantes. Il n'y a aucune gloire à vouloir contribuer au bien-être de femmes malades si ces femmes malades auraient dû ne pas l'être.

Je t'accuse, toi, star et mannequin apparaissant dans des spots télévisés, de te soucier de ta propre promotion. Rhabille-toi, va-t en, laisse-nous tranquilles, nous toutes, femmes malades, femmes non-malades, femmes-médecins, pour réfléchir, et cesse de nous imposer ta plastique muette et ton regard inexpressif censés donner de la dramaturgie à la communication, qui t'utilise pour faire de toi un objet promotionnel sans que tu le comprennes.

Je t'accuse, toi le laboratoire pharmaceutique, partenaire et « soutien institutionnel » d'Octobre Rose, qui brasses des sommes énormes pour pouvoir faire croître ta cible et ton marché. Tu as même mis en place un « Observatoire » du comportement des femmes, afin de bien vérifier leur compliance au dépistage, de superviser le recrutement d'un maximum de femmes potentiellement transformables en patientes, comme un œil suprême vérifiant ses proies.

Je t'accuse, toi, le professionnel de santé et responsable de structure départementale incitant au dépistage sans délivrer d'information complète. Tu as appris deux principes fondamentaux dont tu t'es écarté : « primum non nocere », d'abord ne pas nuire, et délivrer une information « loyale, complète et appropriée ». Car en transformant toute femme saine en pseudo-malade qui s'ignorait, tu deviens bien un Dr Knock cynique.

Je vous accuse vous, pouvoir public, Ministère de la Santé, institutions officielles qui permettez que n'importe qui dans l'espace public et médiatique puisse dire n'importe quoi, que de puissantes associations de malades, nationales et européennes puissent passer leurs spots manipulateurs dans les grands médias et délivrer leurs messages sirupeux sans contrôle. Vous aussi délivrez une information partiale et partielle, et influencez dans un seul sens le public. Aucune femme ne peut trouver une information concrète sur les sites internet ou les dépliants, truffés de chiffres incompréhensibles et de fourchettes de valeurs approximatives.

S'AFFRANCHIR

J'accuse un système, et des lobbies en tout genre, de se préoccuper de leur propre bien-être et de leur prospérité plus que de réfléchir en amont du cancer, ce qui nous permettrait, non pas d'être les esclaves de croyances consensuelles et erronées, mais plutôt de devenir les maîtres de notions modernes et rationnelles, permettant aux femmes informées et émancipées de s'épanouir sans culpabilité, et de consulter sans peur et sans contrainte.


Notes de la rédaction :
- Pour plus d'informations et de détails, vous êtes invités à consulter le site de Cécile Bour : Cancer Rose

- L'illustration de cette LEM 929 est de Cécile Bour.




La publication de la LEM est annoncée sur Bloger

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Os court :

« S'il n'y avait pas la Science, combien d'entre nous pourraient profiter de leur cancer pendant plus de cinq ans ? »

                                  Pierre Desproges

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