ARCHIVES DE LA LEM
n°335 à 340
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Lettre d'Expression médicale n°335

Hebdomadaire francophone de santé
1er mars 2004

Drôle de médecin
Docteur Iulius Rosner

Après une réunion de formation médicale, je participe à un dîner. Je suis à une table avec quatre confrères sympathiques ( ça existe!). De quoi parlent cinq médecins ? De leurs malades, bien entendu. Le docteur A. m’interpelle : « Il paraît que vous êtes un drôle de médecin ; c’est du moins l’opinion d’un de mes malades que vous avez vu en garde. En tout cas, merci.» Je suis intrigué : « Pourquoi votre patient m’a-t-il attribué cet honorable qualificatif ? » « Parce qu’il pense que vous avez eu une attitude bien étrange : vous lui avez dit de me consulter si votre prescription ne le guérissait pas. Vous rappelez-vous de quoi il s’agit ? Que s’est-il réellement passé ? »

Retrouver la confiance:
Je m’en souviens. Il s’agit d’un patient que j’ai vu en garde deux ou trois mois auparavant : il toussait et crachait depuis six jours. Le traitement prescrit par son médecin de famille, le docteur A., ne l’avait pas guéri. Après examen, j’ai prescrit un antibiotique.


Restaurer la conscience
Le malade : « Donc le docteur A. a fait une erreur en ne prescrivant pas d’antibiotique.»
Moi : « Il n’a pas fait d’erreur : dans une maladie virale, les antibiotiques n’agissent pas.»
Le malade : « Alors, pourquoi m’en prescrivez-vous ?»
Moi : « Parce qu’après six jours d’évolution, il est très probable qu’une infection bactérienne ait compliqué la virose ; les microbes sont sensibles aux antibiotiques.»
Le malade : « Et si ça ne marche pas ?»
Moi : « Vous reconsultez le docteur A. »
Le malade : « C’est curieux, d’habitude, le médecin de garde recommande de venir vers lui.»
Moi : « C’est une mauvaise recommandation. Je vous fais une lettre pour le docteur A.»


Renforcer la compétence:
Autour de la table, mes confrères se sont bien amusés. Le docteur A. me dit : « Je ne m’attendais pas, de votre part, à une autre attitude, mais je ne savais pas que vous étiez “drôle”. En fait, c’est l’histoire qui est drôle, pas vous.»
On convient que pour certains “confrères”, la déontologie est une coquille vide et que le jardin de Dieu est grand et varié.


l'os court :  « Le microbe n’a pas le temps d’examiner le biologiste . » Henri Michaux


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Lettre d'Expression médicale n°336

Hebdomadaire francophone de santé
8 Mars 2004

« Papa est en voyage »
Docteur Jacques Blais

Sauf que Papa revient de ce voyage avec dix kilos en moins, et plus du tout de cheveux. Et il devient plutôt difficile d'expliquer à l'enfant. Quant à transformer "en voyage" par "au ciel" si Papa ne revient pas du tout, l'affaire s'avère effroyablement complexe. Vous aurez compris que le sujet de ce texte est celui de la manière de dire la mort des parents, ou des proches, aux enfants. Un premier souvenir professionnel, cette mère qui, désemparée par l'insistance de son petit de quatre ans, réclamant absolument de voir "la nouvelle maison de Papy" me demandait comment faire... "Emmenez le au cimetière, montrez lui la tombe, quoi de plus vrai, il aura compris enfin où et quelle est la nouvelle résidence de son grand père, l'enfant a besoin de vérité, de concret, d'acceptable, dans le domaine de la vie et de la mort, pas des légendes ou des fictions de ses histoires imaginaires, sinon il se crée cet imaginaire inadapté et en voudra aux adultes de l'avoir dupé".


Retrouver la confiance:
Un autre enfant, une autre situation. Un père en train de mourir d'une leucémie, et les adultes incapables de lui parler, me demandant de m'en charger. J'ai simplement posé une question à ce garçon de 10 ans :"tu sais de quoi ta Maman et les autres veulent que je te parle ?" Et de la façon la plus simple, le jeune m'a répondu, droit dans les yeux :" ben de mon père, qui va mourir... Vous avez déjà vu un type tout maigre, qui est sans arrêt à l'hôpital, qui a perdu ses cheveux, qui a l'air paumé, il ne répond plus, ne s'intéresse plus à rien, eh bien c'est une personne qui va mourir, mais je le sais depuis un temps fou, eux ils se cachent, chuchotent, ils font semblant, comme si je n'avais pas tout compris, moi comme je vois que ma mère elle ne veut pas en parler je me tais, mais je le sais bien..."
Le silence que les adultes présument protecteur, qui enferme en réalité leur peur à eux des mots, leur projection d'un avenir de douleur et de froid, d'absence et de chagrin, quand l'enfant lui raisonne sans cette projection vers un avenir lointain, uniquement dans ses sensations et sentiments de l'immédiat, réalisant bien que tout a changé, ce silence tue bien davantage que les mots.


Restaurer la conscience
Forts de ces constats de désarroi, de communication si impossible entre adultes élaborant un deuil futur, et enfants en nécessité de vivre leur présent, un important centre de cancérologie, l'Institut Gustave Roussy, à Villejuif (94) a décidé il y a neuf ans de monter un groupe de parole pour les enfants de grands malades atteints de cancer. Une psychanalyste, et une anesthésiste, parce qu'elle se trouve à la croisée de tous les chemins, pré-opératoire en bilan, opératoire en assistance, puis en suivi après, se chargent de cette démarche. Les enfants viennent seuls ou accompagnés d'un copain, d'une amie fidèle, de celui ou celle de leur âge avec qui ils partagent, s'ils en ont envie, et parlent.
Ils évoquent toujours les mêmes thèmes. La vérité d'abord : "on veut la vérité, avec des mots gentils, et on préfère savoir, sinon on croit des choses fausses, que Maman est partie, ou si ça se trouve qu'elle est morte alors qu'elle est malade..."  Les grands changements ensuite : la présence permanente de grands parents, la chute des cheveux, les modifications du comportement du malade, comme éloigné, absent, perdu, silencieux...  Ensuite la tristesse, l'abandon, le silence. Et puis l'espoir et le désespoir qui alternent. Et même les sujets pénibles, tragiques, ne sont pas éludés. ces instants où on se met à ne plus supporter le grand malade, "c'est comme s'il le faisait exprès de ne plus s'intéresser à nous", ou bien ces moments affreux où on lui en veut, où on voudrait que cela finisse, et dont on est si coupable ensuite.


Renforcer la compétence:
Quand la mort est parlée et nommée, un grand soulagement apparaît dans le groupe, dit la psychanalyste. Et l'anesthésiste d'ajouter "les enfants même tout jeunes ont une très grande qualité de réflexion sur les questions métaphysiques et existentielles". Toutes les études aboutissent à montrer que ne pas parler à des enfants, c'est ajouter et cumuler deux traumatismes, celui de la mort et celui du mensonge. Qui aboutiront à la dépression, dont le futur adulte ne saura se débarrasser.
De cette expérience est né un livre intitulé Hôpital silence, parents malades : l'enfant et la vérité. Par Nicole Landry-Lattée et Marie-France Delaigue-Cosset, chez Calmann-Lévy.
De ces idées revient comme un leitmotiv, pour les soignants, la notion perpétuelle de la nécessité bénéfique de dire, de parler. Nous revenons sans cesse sur cette évaluation d'un terrible déficit de communication des soignants, et plus le sujet est grave, pire est cette carence. Liée à un autre déficit, celui des apprentissages. De même que le futur médecin, si on ne lui jamais appris comment expliquer son refus motivé, légitime, construit, logique, d'un banal arrêt de travail ou d'un examen complémentaire inutile, cédera en se sentant coupable de surcroît, de même s'il n'a jamais évoqué le sujet, élaboré des stratégies et des réflexions quant à la manière de parler à un enfant, bien davantage encore de le laisser parler de la mort en route d'un parent ou d'un proche, se retrouvera dans la même incapacité terriblement mal vécue de communiquer, de savoir et de comprendre comment dire, parler.
Et la limpidité lucide et si observatrice des enfants a tant à nous apporter et à nous enseigner....

                                                                                                                      
(D'après un article du Quotidien du Médecin, 23 Octobre 2003)


l'os court :  « Le chagrin, c’est comme le ver solitaire. Le tout, c’est de le faire sortir. »  Marcel Pagnol


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Lettre d'Expression médicale n°337

Hebdomadaire francophone de santé
15 Mars 2004

Mal entendus fémino-masculins
Docteur Jacques Blais

Cela pourrait n'être presque qu'un gag. Celui d' annoncer d'emblée que des scientifiques qui réfléchissent ont abouti à un constat révolutionnaire : les hommes et les femmes sont différents les uns des autres, en particulier le mode de réaction émotionnelle des humains mâles et des femelles divergent sur bien des points.
Albert Jacquard, généticien, Catherine Vidal, neurobiologiste, travaillent depuis des années sur les différences entre êtres, races, ethnies. Doreen Kimura  professeur de psychologie au Canada, affirme études cognitives à l'appui que les filles ne sont guère faites pour les mathématiques, mais que, leur cerveau gauche étant plus développé que celui des hommes, elles sont douées pour la communication et la politique.


Retrouver la confiance:
Le médecin généraliste, celui qui livre son existence entière à lui à découvrir, observer, tenter de comprendre la vie des autres, est au fil de ses années de son exercice persuadé que les innombrables couples qui viennent lui narrer, lui pleurer, lui décrire et lui déplorer leurs troubles de communication relationnelle (dans lesquels le praticien reconnaît avec effroi les siens propres, mais s'il est lucide, objectif, vigilant et éventuellement de conseil en tant qu'observateur, il est piégé en acteur conjugal compromis et intéressé) sont victimes de cette "discrimination inexorable" entre hommes et femmes dans le domaine de la relation émotionnelle du couple.
Dans son livre "Le Sexe des émotions" (Odile Jacob), le Dr Alain Braconnier, psychiatre, estime, en tant que médecin, psychologue et être humain que la plupart des malentendus, et quel mot pourrait être plus adapté, entre hommes et femmes, relèvent d'une différence affective dans le langage propre à chacun des sexes.
Une sociolinguiste américaine, Deborah Tannen, explique : les femmes se réfèrent à un langage de rapport et d'intimité, alors que les hommes se situent dans le statut et l'indépendance.


Restaurer la conscience
Elle cite un exemple remarquable et accessible à tous. Un couple roule en voiture depuis plusieurs heures. L'homme est au volant. La femme lui demande : "veux tu t'arrêter pour boire ?"  Ce que l'homme reçoit dans ses registres habituels, celui du statut, chauffeur, et de l'indépendance, interrogation dirigée vers lui puisque formulée en veux TU ? Il répond alors "non". Peu après, sa conjointe boude, et finit par se mettre en colère. "Toujours pareil, avec toi et ta moyenne, il faut rouler sans s'arrêter !"   L'homme ne comprend absolument rien à cette poussée de fureur, il a simplement répondu logiquement à une question directe.
La passagère, elle, travaillant dans son registre féminin, de rapport et d'intimité, de relationnel, s'attendait à une réponse comme "et toi, ma chérie, tu voudrais un arrêt ?" ce qui aurait été une manifestation de couple, mais en aucun cas sa question n'était formulée selon ce code là. Il s'ensuit une tragique et fascinante méprise, aucun des deux partenaires de ce conflit naissant n'ayant compris, entendu, deviné, l'autre.
Il s'agit en quelque sorte d'une communication interculturelle, ce ne sont même plus des différences de dialecte, mais des différences de genre.


Renforcer la compétence:
C'est un peu comme si, se référant à leurs systèmes de valeurs réciproques, les deux protagonistes n'avaient plus aucune compétence pour savoir interpréter le message de l'autre.
Le médecin retrouve, entend, surprend, en permanence dans les décennies de son exercice, cette impossibilité relationnelle, liée simplement à ce que le registre des émotions n'est pas partagé. C'est l'illustration de ces appelants téléphoniques à la suite de l'annonce au couple du cancer de prostate du mari. L'homme va, là encore, réagir selon un statut "je vais être obligé de m'absenter de mon travail, je ne peux ni ne veux cela" ou bien "je vais devenir impuissant, et ne plus remplir mon rôle de mari, ma femme ne voudra plus de moi" (et l'expérience du médecin trouvera bien des exemples de cette conséquence très réelle parfois), et selon son indépendance. "Après tout c'est mon corps, je décide ou non d'être opéré".
La femme va souvent réagir selon le rapport relationnel et intime. "Tant pis s'il devient impuissant moi je le veux vivant et à mes côtés" ou bien "s'il meurt j'en crèverai de détresse, je l'aime trop". Mais aucun des deux n'ayant appris à parler à l'autre, encore moins à décrypter le langage de l'autre, on pourra aboutir à un désastre. "Tu m'envoies à la charcuterie, tu t'en moques ce que tu veux c'est que je ramène l'argent de mon boulot !" façon, encore, de raisonner en statut, travailleur et mari, et dépendance ou indépendance. Cet homme là, éventuellement même, incapable de dire "je t'aime tellement c'est pour cela que je ne veux pas devenir impuissant, donc pas me laisser opérer" prendra un biais lamentable : "d'abord je risque de perdre mon boulot, et puis je vais devenir une loque qui fait pipi partout et ne bande plus !"
Et la femme, tout aussi incapable de lui crier "mais je t'aime invraisemblablement, je veux que tu vives, que tu soies là" saisira une déviation catastrophique en accablant : "tu es bien un homme, peureux et pusillanime, mais bon sang tu n'es plus un gamin, apprends à te montrer courageux et volontaire !"

Fascinant et tragique, le théâtre quotidien de l'impossible communication entre des êtres qui n'ont pas appris, pas compris, pas imaginé ce que l'autre pense, ressent, et traduisent à l'envers ce qu'il ou elle aura dit. Le praticien, lui, naturellement uniquement s'il a eu envie d'aider, d'écouter, de comprendre, de donner ses soins, utilisera ses acquis et ses apprentissages de systémique, de comportementalisme, de relationnel, d'écoute, son expérience, et il pourra servir de traducteur. "Vous ne croyez pas, Madame, que lorsque votre mari exprime ainsi cette idée, c'est parce qu'il n'a pas réussi à vous dire réellement combien il a besoin de vous ?" "Vous ne pensez pas, Monsieur, qu'en lançant avec cette force sa demande presque provocante pour vous, votre femme vous crie en réalité à quel point elle vous aime, et qu'elle ne pourrait vivre sans vous ?"
Mais le tragique rejoint tous les praticiens, quand ils entendent, harassés par une incroyable journée de 14 heures, au service des autres, assurant malgré tout aussi à leurs proches les bénéfices secondaires d'une certaine aisance : "comme d'habitude tu rentres à pas d'heure, le petit t'a encore attendu pour rien, il dort !"  Réflexion selon les critères de rapport et d'intimité de la femme "je te voudrais davantage près de moi parce que j'en ai besoin" qui déclenchera le drame, le chagrin ou l'incompréhension aigrie de l'homme, selon ses critères de statut et d'indépendance "c'est bien grâce à mon statut de travailleur forcené et à mon métier que notre indépendance absolue est acquise, alors pourquoi me tue-t-elle de cette réflexion ?"
La vie est fascinante et tragique, souvent si mal comprise, l'existence est inexplicable et magique, souvent si peu rationnelle.

Références à un article du Quotidien du Médecin du 11/12/03, à la pièce de Théâtre "Vivant" du signataire, et à l'ouvrage "Le Sexe des émotions"  (Odile Jacob 1996) du Docteur Alain Braconnier, directeur du Centre Alfred Binet, Paris

l'os court :  « Expliquera, morbleu, les femmes qui pourra ! »  Nicolas-Thomas Barthe 1727-1775


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Lettre d'Expression médicale n°338

Hebdomadaire francophone de santé
22 mars 2004

Peut-on être mieux soigné ?
Docteur François-Marie Michaut

C’est sous ce sous-titre qu’est paru un ouvrage dont la diffusion a été injustement négligée, comme nous sommes, hélas, un certain nombre à Exmed a en avoir fait l’expérience . Car “ Requiem pour la sécu “ (1) a une caractéristique particulière dans un genre souvent marqué par l’actualité. Son âge. Publié en 1991, donc dans un contexte social, politique et médical très différent de celui que nous vivons, chacun pourrait penser que, sous l’effet de multiples réformes, bien des choses se sont modifiées depuis plus de dix ans.


Retrouver la confiance:
Nos lecteurs habituels ne seront pas autrement surpris que l’auteur de ce livre soit notre ami Iulius Rosner. La quatrième de couverture se demande “ quelle mouche a piqué ce médecin, clinicien, ancien chercheur, pharmacologue et journaliste médical, pour qu’il s’attaque à des problèmes de société nous concernant tous, et écrive ce livre qui dérange ?”. Que ce livre ait dérangé de multiples intérêts, c’est certain. Et cela lui a valu de demeurer confidentiel. Mais, les écrits restent, c’est, dit-on, leur grande vertu.


Restaurer la conscience
Alors autorisons-nous à nous fier à notre propre perception des choses, plutôt qu’à suivre les avis de ceux qui prétendent diriger l’opinion publique. Rosner se permet, avec toute l’autorité d’un témoin et acteur d’une des plus grandes tragédies du XXème siècle (2), de passer au scanner de son esprit critique inoxydable ce que nous avons fait de l’organisation de notre système d’assurance maladie en France depuis la seconde Guerre mondiale. Et 13 ans après ses propos, excusez du peu, 90 % des analyses sur les tabous, les mythes, les boucs émissaires, le rêve, les solutions fausses ou douteuses, les facteurs incompressibles des dépenses de santé, les facteurs compressibles : abus et dérapages, restent d’une parfaite actualité. Cela conduit à la question fondamentale sur le système dans lequel nous vivons, toujours soigneusement contournée : “ système de soins pluraliste ou hybride ?” . Juste une erreur d’appréciation est à noter : celle de l’évolution de la démographie médicale. Dans les années 90, nous avions plutôt trop de médecins en exercice. Au début des années 2000, nous savons que nous allons en manquer cruellement avant peu. Certaines spécialités comme l’ophtalmologie, la gynécologie, où la médecine de campagne ont déjà bien du mal à pourvoir les postes laissés vacants par les départs. Quoi qu’on fasse ce mouvement s’accentuera d’autant plus que les jeunes générations, contrairement à leur devancières, semblent peu attirées par les métiers de santé, à commencer par celui d’infirmier.


Renforcer la compétence:
Comme toutes ces questions concernant le triste état de l’économie des soins de santé ne sont pas particulièrement digestes pour des estomacs sensibles, et qu’en France, disait Beaumarchais “ tout finit par des chansons”, notre Iulius a illustré son propos de contes et scènes à la façon d’Alice au Pays des Merveilles particulièrement savoureux. Une mention toute particulière à l’annexe 8 intitulée “ Alice et la convention”. Voilà qui ne dépaysera pas les lecteurs habituels de la LEM.
En un mot comme en cent, il y a dans les propos de Rosner un sérieux, une rigueur d’analyse et une force de proposition qui devraient faire de ce bouquin un incontournable pour tous ceux qui s’intéressent - nous dit-on- à l’avenir de l’assurance maladie et à travers lui au devenir des professions de la santé et ... de tous les patients. Bien souvent et depuis toujours, ceux qui marchent un peu plus vite que le troupeau ne sont pas suivis. Peut-être fallait-il tout ce temps pour que Rosner devienne enfin audible au plus grand nombre.
Alors, si le coeur vous dit de découvrir cette perle au moment où le gouvernement de la France, après celui de l’Allemagne, est bien obligé de songer à des réformes inévitables, sachez que ce bouquin est éventuellement disponible auprès de l’auteur (3). Et si, malgré tout, vous ne parvenez-pas à mettre la main dessus, vous pouvez vous adresser pour le consulter à la Bibliothèque Nationale ou à la bibliothèque de l’Académie de Médecine.

NDLR : 1) Pour nos lecteurs peu familiers avec nos institutions françaises, et leurs étranges sigles, la sécu est la sécurité sociale ou assurance-maladie de statut semi-public, obligatoire pour tous les salariés de France depuis 1945 .
2) “ Dans les coulisses du rideau de fer, autopsie d’un régime totalitaire” Rosner , Le Cherche Midi éditeur. ( analyse dans la LEM 313 )
3) Dr Rosner, 8 quai Nicolas Rolin 21000 Dijon 03 80 43 11 06.


l'os court :  « Si, en vérité pure on a toujours raison de ne pas avoir tort, en réalité altérée on a souvent tort d’avoir raison. » Pierre Dac


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Lettre d'Expression médicale n°339

Hebdomadaire francophone de santé
29 mars 2004

De plus en plus piqués
Blandine Poitel

Il y a quelques dizaines d’années, nos grands mères l’appelaient « la petite vérole ». Un peu de fièvre, des boutons en plus en moins grande quantité, et comme traitement, du talc pour apaiser les démangeaisons parfois irrépressibles qu’elle causait. Les seules craintes qu’elle pouvait donner aux parents, étaient les cicatrices inesthétiques qui pouvaient subsister de son passage.
Aujourd’hui, elle s’appelle la varicelle. Et elle est dangereuse, nous dit-on : elle est susceptible de tuer ici 5 à 10 enfants par an. Donc un vaccin a été mis au point, il y quelques huit ans aux Etats Unis, et il arrive aujourd’hui en France (*).



Retrouver la confiance:
Il faut que je me fasse une raison : mes enfants sont un marché, et un marché juteux pour les laboratoires pharmaceutiques. Leur santé est le cadet des soucis de ces industries internationales. Leur santé est l'argument publicitaire par excellence, qui convainc les médecins et les médias, et montre du doigt les mères indignes, dont je suis, qui trouvent déjà la liste des obligations vaccinales bien assez longue, contraignante et à risques pour en rajouter une en plus.
Donc mes enfants ne seront pas vaccinés contre la varicelle. 5 à 10 décès par an - dont une bonne part de personnes et d'enfants déjà malades et/ou immuno-déprimés d’un côté , et de l’autre une diffusion massive dans les populations du virus atténué de la varicelle ... qui est également celui du zona. Sauver peut être cinq enfants en inoculant à tous ce virus susceptible d'engendrer des troubles et des problèmes bien plus graves à l'âge adulte, mon choix est vite fait. Sans compter que les effets négatifs de ces vaccinations apparaîtront dans vingt, trente ans et que ceux qui auront pris ces décisions ne seront sans doute plus là pour en répondre.
A l'heure où, notamment avec l'internet, les informations sur les vaccinations deviennent de plus en plus accessibles à un large public, le temps des vaccinations rendues obligatoires par des lois fort anciennes est-il encore d'actualité ?


Restaurer la conscience
Il est étonnant qu'un chiffre aussi faible (5 à 10 morts) d'incidence grave de la maladie soit mis en relief pour tenter de mobiliser la population en faveur de la vaccination. Les 8 à 10.000 décès français par maladies nosocomiales ne mobilisent pas vraiment les foules, pas plus que les milliers de suicidés par an, pas plus que les milliers d'enfants, d'adolescents et d'adultes tués à cause de l'alcool et/ou de la drogue sur les routes, pas plus que les milliers de morts des suites d'un tabagisme actif ou passif. Ces drames, évitables pour la plupart, provoquent de temps à autre comme un sursaut de conscience des « distributeurs d’informations » : quelques articles dans la presse, cinq minutes au journal, une ou deux émissions à la télé . Mais qui se sent vraiment responsable au point de s'engager, hormis ceux, celles touchés de près ou de loin par de tels drames ?
Alors que 5 à 10 enfants meurent par an des complications de la varicelle, voilà qui est insupportable, voilà ce qu'il faut combattre, nous laisse-t-on entendre, au mépris de la santé future de centaines de personnes.
La multiplication incessante des vaccinations fait-elle l'objet d'études scientifiques indépendantes des industries pharmaceutique ? Chaque inventeur d'un vaccin a-t-il ce souci éthique, ou simplement celui de "vendre" sa création ?


Renforcer la compétence:
Prix estimé du vaccin : 50 euros s'il n'est pas remboursé, 70 euros s'il est pris en charge. Nécessité de revacciner tous les huit ans, faute de quoi l'enfant risque d'être atteint plus gravement à un âge plus avancé. Population concernée : 600 à 700.000 personnes par an. Sortez vos calculettes. Le gouffre financier de la sécurité sociale, qui oblige à des décisions gouvernementales aberrantes dans l’urgence, n'est pas prêt d'être comblé.
Quel compte tient-on des désirs des citoyens en matière de soins, et de celle de leurs parents quand ils sont mineurs ? Des autorités, dites de santé publique, doivent-elle continuer à agir et imposer comme si les patients que nous sommes étaient incapables de s'occuper de leur propre sort ?
Pour reprendre une phrase célèbre, si la vie n'a pas de prix, elle a un coût, que les laboratoires pharmaceutiques augmentent à plaisir.

(*) 32ème Medec , Paris, mars 2004



l'os court :  « L’amour est comme la varicelle. Il faut être passé par là. » Jerome K. Jerome


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Lettre d'Expression médicale n°340

Hebdomadaire francophone de santé
5 avril 2004

Cure de lucidité
Docteur François-Marie Michaut

La question de la violence reste au centre des grandes énigmes du comportement humain, et des relations des hommes entre eux. Pour le citoyen, elle est tartinée en écran permanent des médias censés “l’informer” sur ce qui se passe dans le monde.
Pour le médecin qui choisit de voir un peu plus loin que le bout de son stéthoscope, elle est la compagne siamoise de presque toutes les situations qui défilent dans son cabinet. Parfois évidente et brutale, sinon sanglante, cette violence est habituellement infiniment plus subtile et masquée. Ce qui ne la rend pas moins dangereuse et inacceptable à tous égards.

Retrouver la confiance:
L’un des grands évènements au cours des dernières années en France a été la publication d’un livre, rapidement devenu un best seller. Écrit par un psychiatre, Marie-France Hirigoyen , “ Le harcèlement moral” ( Syros éditeur) a permis de donner un nom à ce mal dont tant souffrent. En lisant les descriptions cliniques, de multiples “cibles” de violences masquées ont pu se sentir un peu libérées. Non, il se s’agit pas d’une quelconque faiblesse de leur part, mais bel et bien d’une stratégie délibérée de destruction de la part d’un tiers. De multiples témoignages d’Internautes nous ont confirmé l’importance de cet ouvrage pour pouvoir enfin mettre un nom à sa souffrance, parfois après de longues années d’incompréhension. Gigantesque pas en avant.

Restaurer la conscience
Parallèlement, l’arsenal juridique pour mettre hors d’état de nuire les harceleurs s’est développé dans de nombreux pays. Reconnaissance indispensable. Certains particulièrement en avance sur la France, comme le Canada, se sont dotés de moyens puissants pour faire respecter la politique ambitieuse de “tolérance zéro” qui doit être appliquée dès le mois de juin. Avec des médiateurs au service de chacun dans toutes les universités.
Tout cela, cependant, demeure encore insuffisant pour ceux qui sont plongés dans le cauchemar de leur histoire personnelle. Car, au delà de la description clinique et des textes de loi, nous avons besoin de comprendre quels sont les mécanismes du harcèlement si nous voulons pouvoir nous y opposer de façon efficace. Tel est l’objectif ambitieux que s’est fixé Philippe Arquès dans son ouvrage “ Le harcèlement dans l’enseignement - Causes - Conséquences- Solutions” ( L’Harmattan, éditeur). (*). Le plus curieux est que l’auteur est un enseignant dans les études post-baccalauréat, et qu’il est également un chercheur dans un domaine scientifique technique a priori fort éloigné de ce thème. Ce n’est pas en clinicien mais en spécialiste de haut niveau des moteurs que l’investigation et la réflexion ont été menés. Donc, rien de larmoyant, de racoleur ni d’approximatif dans l’étude. Parfois même un souci du détail exact, une rigueur académique dans l’exposé, qui peuvent rebuter le lecteur, en particulier en ce qui concerne les rouages incroyables de l’enseignement supérieur, et de la recherche - dont on parle tant - dans son modèle français. Dieu merci, l’humour ne perd jamais ses droits.

Renforcer la compétence:
Dès l’enfance, avec, y auriez-vous songé, les contes et les comptines de nos bambins, les cours de récréation, l’école primaire et la famille, nous apprenons ce qu’est ce harcèlement dans lequel nous sommes bercés. Certains s’y épanouissent, certains y résistent, d’autres se recroquevillent. Puis, avec l’âge, les phénomènes s’aggravent, avec le bizutage, le houspillement, le dénigrement, les insultes. Et l’institution scolaire en n’assumant pas sa pleine responsabilité manque, hélas, régulièrement à sa mission de ne tolérer aucune atteinte perverse. Ses lacunes graves d’organisation, son manque d’éthique clairement définie creusent le lit d’une véritable école des harceleurs. Terrible constat, qui pourrait conduire à l’inaction. Et là Philippe Arquès nous mène la vie dure. Il n’y a pas de portrait robot qui permette de donner des recettes toutes faites permettant de sortir par le haut d’un harcèlement. Car, oui, on peut en sortir par le haut, au prix d’une expertise soigneuse et d’une stratégie méthodique parfaitement adaptée à chaque situation concrète. Ca, c’est la grande et bonne nouvelle : autre chose est possible que la simple fuite. Même si la forme de ce livre peut parfois rebuter le lecteur pressé, ce précis de la mécanique du harcèlement est un ouvrage indispensable pour tous ceux qui sont concernés par la question. A partir de là, de multiples actions sont certainement possibles pour que plus jamais aucun harceleur ne puisse dormir en paix. Philippe Arquès doit être entendu largement, et pas seulement dans l’Education nationale, doit être interrogé et incité à pousser encore plus loin et plus largement son engagement personnel remarquable dans la lutte contre le HM . Exmed lui apporte tout son soutien sans restriction. Et comme en plus, il est colistier de nos deux listes sur Exmed, utilisons-le sans vergogne pour “renforcer la compétence”. Car, le plus grand risque de ce type de livre est qu’il tombe à plat, tant les réalités exposées mettent en cause des comportements sur lesquels nous fermons si volontiers les yeux. D’ailleurs, jusqu’à ce jour, aucun journaliste n’a osé se lancer dans un commentaire. Il faut dire qu’avoir le culot de mettre en exergue la nécessité absolue de se plier au respect de règles morales dans les relations entre les hommes n’est pas ( encore) dans l’air du temps.
(*) NDLR : consulter également à ce sujet, du même auteur, la LEM 334 du 23 février 2004.




l'os court :  « Celui qui peint une cible sur la porte de son jardin peut être certain qu’on tirera dedans. » Lichtenberg