Consulter
un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°401
Hebdomadaire francophone de santé
6 juin 2005
Noui et ouon
Docteur François-Marie Michaut
En apparence, quoi de plus facile que de répondre à
une question par lun de ces deux simples mots de trois lettres
. Lesquels ? Ceux de non et de oui, comme vous laurez repéré
dans le mélange très personnel du titre de cette lettre.
Car, vous le savez bien, vous le vivez avec les étranges
referenda pour ( en fait contre ) la constitution européenne
que nous venons de vivre, ce nest pas aussi simple quun
jeu denfant. Selon notre méthode favorite, tentons
ensemble de lever le nez du guidon et des divers instruments de
mesure et danalyse que nous martèlent nos spécialistes
des comportements humains, chacun selon sa spécialité
et sa chapelle idéologique.
Retrouver la confiance:
Veux-tu donner ton jouet à ta cousine ?. A cette
demande de ladulte, le petit enfant va savoir rapidement dire
geste à lappui : Non. Période de
la découverte de lopposition nous dit-on. Cest
possible, à une nuance de taille près. Si au même
charmant bambin on pose la question : Veux-tu un bonbon ?,
combien pariez-vous que le oui sortira ? Autrement dit, nos jeunes
ans sont clairs dans leur façon dêtre avec les
autres. Car celle-ci sarticule sur une double notion. Celle
de donner et celle de recevoir. Recevoir, on le fait dès
la naissance, tout simplement pour pouvoir grandir. Et naturellement,
on nen a aucune conscience. Lhumain - comme sans doute
tout animal - est dressé avant tout à recevoir sa
nourriture, son abri et sa protection. Puis, il apprend en grandissant
comment se débrouiller tout seul.
Restaurer la conscience
Cette conscience que tout nous est donné au départ,
puis que, en grandissant, nous devrions normalement être amené
à apporter aux autres nest pas cultivée du tout.
Rien à faire, notre tendance demeure, consommation favorise,
de vouloir toujours continuer à recevoir. A tout âge,
recevoir sans fin, recevoir sans limite, recevoir de plus en plus.
Oui, oui, oui : je veux quon me donne. Dans le même
temps, notre tendance collective est de chercher à donner
le moins possible aux autres. Non, non, non, ce que jai est
à moi, je lai hérité, volé ou
gagné et je me battrai jusquau bout pour ne pas le
donner. A chacun dillustrer ces propos par les exemples multiples
quil peut connaitre dans la vie de tous les jours. La mascarade
médiatisée des dons dargent pour de bonnes
oeuvres ( cf LEM 400 Humanitaire...ment de Françoise
Dencuff) ne doit pas faire illusion.
Renforcer la compétence:
Comme les vieux paysans de nos campagnes, ce qui nous fait le plus
peur, cest celui qui nest pas dici, du village.
Celui qui demeure toujours létranger, dont létrangeté
( les mots savent de quoi ils parlent) ne peut rien laisser espérer
de bon.
La xénophobie demeure tellement vivace en nous quelle
ne demande que la première occasion pour se révéler.
Quelle que soit la robe dont on décore cette perception des
autres, des haillons repoussants des racismes les plus débiles
aux atours les plus chatoyants de grandioses campagnes contre des
chimères présentées comme de redoutables dragons,
le résultat est le même. Vite, on ferme les portes
et les fenêtres, vite on se replie sur soi, on tremble de
peur, vite on dit : non, non et non. Pas détrangers
chez nous.
Il y a donc encore un immense chemin à parcourir pour un
grand nombre dhumains afin que progresse la prise de conscience
que la vie est un mouvement permanent, que tout bouge, que rien
nest définitivement acquis, que nous avons quelques
possibilités limitées de modifier le cours de certaines
choses. A une condition cependant, cest que nous acceptions
de ne pas nous opposer à toute nouveauté. Que nous
apprenions à dire oui à la vie, oui au risque de vivre.
Car le culte du non conduit obligatoirement à un non à
la vie. Autre façon de voter oui à la mort, nest-ce
pas ? Ce quil est convenu de nommer - en dehors de nos frontières,
notons-le - le populisme serait-il une maladie chronique inguérissable,
comportant des phases aiguës et une évolution obligatoirement
fatale ? La vie, toujours aussi têtue et imprévisible,
nous lapprendra si nous savons regarder autrement quà
travers le prisme dune idéologie quelle quelle
soit et doù quelle vienne.
l'os court : «
Celui qui ne monte pas à larbre mangera des fruits
verts.» Proverbe africain
Consulter
un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°402
Hebdomadaire francophone de santé
13 juin 2005
Des soignants à
lécoute
Blandine Poitel
Si je suis, vous le savez sur la liste Exmed-1, la première
à râler quand cela ne va pas, je suis aussi la première
à applaudir quand je vois des initiatives plus qu'encourageantes
.
Je viens d'assister à un Colloque d'une journée à
Paris, sur la Douleur de l'Enfant à l'hôpital dont
voici le programme publié sur Internet :
http://www.pediadol.org/article.php3?id_article=459
Retrouver la confiance:
Une journée, une petite journée à écouter
de nombreuses équipes soignantes dans leurs démarches,
leurs approches et leurs réponses à la douleur induite
par les examens et les soins sur les enfants, du bébé
prématuré à l'adolescent. Les interventions
se sont succédées à un rythme très soutenu,
et la vaste salle qui nous accueillait n'était pas loin d'être
pleine. J'avais été invitée à ce colloque,
et je crois bien que j'étais la seule "non médicale"
de la salle ; et si ma présence a suscité questions
et étonnements, je n'ai senti aucun rejet, aucune réserve
... à entendre ces médecins, ces infirmières,
ces équipes soignantes, mon émotion était si
grande que je crains que ma voix n'ait tremblé en les remerciant
d'être ce qu'ils étaient, et d'être ainsi auprès
de nos enfants quand malheureusement il y avait besoin.
Restaurer la conscience
Tant que c'est encore tout chaud dans ma tête et mon coeur,
quelques remarques, en vrac :
- la présence massive des femmes : je ne crois pas être
loin du compte en disant qu'il y avait 9 femmes pour un homme
- infirmières, en majorité, puéricultrices,
pédiatres, médecins anesthésistes remplissaient
les gradins venant de France bien sûr, mais aussi de Belgique
- de façon conséquente, et de Suisse
- le changement et l'amélioration des pratiques sont souvent
initiées par les infirmières qui ne supportent plus
de pratiquer tel ou tel soin dans les conditions "protocolaires"
... au sein de leur service, elles se regroupent, présentent
des chiffres, des faits, des comparaisons, des protocoles différents
à l'équipe des médecins, et permettent ainsi
l'évolution de pratiques douloureuses vers des pratiques
de respect et de prise en charge de la douleur .
- la douleur induite par les examens et les soins PEUT et DOIT être
prise en charge dans tous les cas de figure : il est possible de
faire en sorte que cela se passe bien, que cela se passe mieux.
C'est possible aujourd'hui .
- le, les parents doivent être présents, s'ils le désirent,
auprès de leur enfant quel que soit le soin (hormis intervention
chirurgicale bien sur) ou l'examen .
- un parent bien informé, écouté, respecté
est un partenaire actif qui peut contribuer grandement à
ce que les choses se passent bien, à ce que l'enfant soit
en confiance, à ce que le séjour à l'hôpital
soit plus facile pour tout le monde .
- OUI de nombreux soins et / ou examens sont douloureux, voire très
douloureux : et cette douleur est bien souvent décuplée
par le flou qui les entourent, par l'incompréhension des
parents de ce que va subir leur enfant, par la peur qui les nimbent,
par les "fausses rassurances" données ici et là
pour "ne pas faire peur" ... Ces comportements "inadaptés"
sont nocifs et nuisent au capital confiance des parents et enfants
envers les soignants .
- il est plus facilement demandé voire ordonné au
parent de sortir que la douleur induite par l'examen ou le soin
n'est pas ou mal prise en charge .
- la parole, les attitudes, le visage de l'enfant ne mentent pas
: ils sont à écouter et à prendre en compte
quoiqu'ils expriment .
- il n'y a AUCUNE RAISON VALABLE à ne pas accepter qu'un
parent qui le désire accompagne son enfant jusqu'à
la perte de conscience avant opération chirurgicale, et à
ce qu'il soit là en salle de réveil . Les diverses
pratiques faites dans ce sens ici et là démontrent
sans conteste possible que cette pratique est bénéfique
à tous, enfants, parents, et soignants .
- un enfant coopérant et confiant, un parent attentif et
participant sont des promesses de soins plus faciles, plus efficaces,
et de gain de temps !
- l'accueil bienveillant, la prise en compte des caractéristiques
de chaque âge de l'enfance, le soulagement de la douleur induite,
la prise en compte systématique des réactions de l'enfant,
de ses peurs, l'explication détaillée adaptée
à l'âge (par le jeu, par les poupées, par les
jeux de rôles, par des cdroms ou autres ) dédramatisent
la situation et permettent à l'enfant de comprendre ce qu'il
va vivre, pourquoi, comment, et surtout font en sorte que l'enfant
et les parents soient en confiance, capital confiance qui apporte
un énorme bénéfice sur le présent et
pour l'avenir : un soin mal expliqué, dont la douleur est
mal prise en charge va entraîner peur, méfiance, refus
qui s'installent très vite, mais sont très difficiles
à faire disparaitre une fois qu'ils sont installés
.
- il ne faut pas que l'arbre cache la forêt : nous sommes
encore très loin du compte, entre les changements prometteurs
et si porteurs d'espoir de certains services, de certains hôpitaux
décrits par ce colloque et le fait que cela soit présent
et agissant partout, dans tous les hostos .
- il faut que les parents s'investissent et se battent pour faire
respecter leurs droits et ceux de leurs enfants auprès des
équipes qui ne travaillent pas encore ainsi ; il y a une
énorme résistance au changement, mais la patience,
le dialogue, l'obstination peuvent venir à bout de bien des
obstacles.
- et dans le même mouvement, il ne faut absolument pas hésiter
à écrire au directeur de l'établissement, avec
copie au service concerné quand votre enfant a vécu
des examens ou soins douloureux sans que sa souffrance soit soulagée,
quand on vous a refusé de rester près de votre enfant
lors d'un soin ou examen douloureux ... ET CE SONT DES MÉDECINS
QUI LE DISENT !
Renforcer la compétence:
Je suis sûre que j'oublie des points mais cela me reviendra
!
Je suis revenue avec des kg d'articles, les actes de ce Colloque,
de nombreux dépliants Sparadrap (voir sur : http://www.sparadrap.org/index.asp?i_lang=1
) sur les façons de prendre en charge la douleur induite
par tel examen ou tel soin , toute une documentation à éplucher
et à intégrer.
Je suis revenue la tête tellement pleine de ces paroles d'espoir,
heureuse, émue ... j'ai ri - oui, j'ai ri lors de certains
exposés, car il y avait un médecin qui débordait
d'humour et nous en faisait profiter, j'ai été en
colère, j'ai été bouleversée et par
le courage des enfants, et par l'investissement de certains membres
d'équipes médicales auprès de leurs patients-
j'ai découvert un monde dont certains professionnels de la
santé m'avaient entrouvert la porte - qu'ils en soient infiniment
remerciés - et que je n'espérais pas découvrir
.
l'os court : «
Tant que l'homme sera mortel, il sera stressé . » Woody
Allen
Consulter
un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°403
Hebdomadaire francophone de santé
20 juin 2005
Aussi tôt
dit ... ocytocine
Docteur Françoise Dencuff
Vous avez, toutes et tous, lu le clin dil du jour
(8 juin 2005 sur Exmed ) nous apprenant que locytocine peut
développer la confiance en soi. Les quelques réactions
amusées mont donné envie daller plus loin.
Dautant quun des objectifs dExmed est de ... retrouver
la confiance.
Retrouver la confiance
Retrouver la confiance:
Difficile en ces temps troublés de parler de confiance. Un
petit détour par le dictionnaire étymologique nous
apprend non seulement que ce mot a la même racine que foi
mais aussi que fiancer, défier, fidèle, confidence
ou même fédérer. Et donc bien sur leurs antagonistes
(infidèle
).
Donc il sagirait de foi, c'est-à-dire, au sens premier,
dun engagement solennel. Autrement dit pas dengagement
sans confiance et réciproquement. Au moment où nous
traversons une crise de confiance « européenne et politique
» et où nos patients doivent sengager auprès
de leur généraliste pour en faire leur médecin
référent, il semble que la question de confiance doit
être posée. Être ou ne pas être (en confiance)
?
Tout dabord examinons les critères sur lesquels nous
pouvons établir notre confiance : lhonnêteté,
la responsabilité, la cohérence, le respect
vous
pouvez bien sur ajoutez tous ceux qui vous viennent à lesprit.
Autrement dit faire confiance repose sur le paradoxe suivant : connaître
et maîtriser parfaitement le sujet auquel nous donnons notre
confiance.
Depuis une vingtaine dannées, surfant sur la vague
des thérapies nouvelles, il est de bon ton de faire un travail
sur soi. Et donc de retrouver ou renforcer la confiance en soi.
Encore un paradoxe, se donner à soi-même confiance
alors que nous navons pas assez de notre vie pour nous connaître.
Bref, la confiance, Ce nest pas gagné. Cf. : Clin dil
FMM
Heureusement les chercheurs suisses nous ont donné une bonne
nouvelle : locytocine (OT), hormone synthétisée
dans les neurones hypothalamiques dont la sécrétion
est augmentée par stimulation du col utérin, du vagin,
du sein, et diminuée par la prise d'éthanol. On utilisait
lalcool autrefois pour éviter les accouchements prématurés.
Donc un petit sniff dOT est nous voilà les maîtres
du monde. La raison a encore gagné « le lien de confiance
a une base biologique ». Mauvais temps pour les psys !
Les conditions de lexpérience étaient elles
aussi très particulières puisque les chercheurs étudiaient
les comportements de personnes durant un jeu de rôle avec
échange dargent et quils ouvrent le parapluie
en estimant que les résultats pourraient éventuellement
être détournés à des fins frauduleuses,
financières ou politiques.
Restaurer la conscience
Paradoxe encore, nous nous sentons plus confiants et donc lautre
peut nous manipuler.
Oui
mais ! Quelques lignes plus hauts je posais la question
existentielle : être ou ne pas être. Or dans presque
tous les débats, les conférences, les thérapies
il nest pas question dêtre mais davoir.
En loccurrence : confiance.
Jeu de mots ou jeu de maux ? Dans notre société où
tout sachète et tout se vend quoi de plus normal que
de payer pour avoir confiance en soi. Mais alors, comme pour tout
objet du désir, il peut être beaucoup trop cher pour
nos bourses mis à mal par la stagnation économique.
Par contre être na pas de prix. Et surtout, pas de recette.
Acheter un aérosol dOT pour avoir confiance
quelques minutes ou être confiant. Avoir confiance en ce soi
inconnu ou être en confiance avec soi.
La langue française est superbe. Avoir
dans, être
avec.
Et oui ! Être en confiance, cest établir un partenariat
lucide et responsable sans faire crédit, sans manipuler,
en acceptant ses limites, ses faiblesses et celles de lautre.
Bref : être honnête, respectueux, responsable
Renforcer la compétence:
Comment imaginer un instant que nous pourrions nous sentir bien
dans nos baskets si nous ne développons pas ce « être
confiant avec » par une patiente étude de nos peurs,
nos comportements, nos réactions. Du temps de mon exercice,
jai reçu une jeune femme qui avait confiance en elle
elle
samusait à traverser les autoroutes les yeux bandés.
Avoir confiance revient à masquer la peur et parfois ses
bienfaits. Avoir le trac lorsque nous entrons sur scène
cest
délicieux. Les médecins parleront de douleur exquise.
Nous mobilisons notre énergie, nous avançons comme
sur un nuage et alors la magie opère.
Mais nous ne pourrions jamais vaincre ce trac si nous nétions
en confiance, avec cette sensation si forte dêtre juste
à notre place.
La confiance procède de la transcendance. Exactement comme
la foi. Un au-delà de nous qui nous permet dêtre
au-delà de soi.
Cette différence entre être et avoir confiance est
au cur même de tous les problèmes humains. Nous
navons pas à signer un solde de tout compte à
ceux qui demandent notre confiance. Pour en faire quoi ? De même
nous navons pas à lexiger. La confiance se mérite
nous dit-on quand nous atteignons lâge de raison. Et
bien pas sûr que la majorité des parents lobtiennent
!
Et dailleurs si quelquun demande votre confiance dites-vous
quil y a sûrement un lézard. Lorsque nous sommes
en confiance avec nous-même, peu importe que lautre
essaie de nous « avoir ».
Lamour est aveugle
mais il peut avoir du nez !
l'os court :
« Le travail, c'est la santé. Mais alors, à
quoi sert la médecine du travail ? »
Laurent Ruquier
Consulter
un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°404
Hebdomadaire francophone de santé
27 juin 2005
Les bacillaires
Docteur François-Marie Michaut
« Rechercher les tubercules de Bouchut à lexamen
du fond doeil » . Tout étudiant en médecine
des années davant 1968 qui ne débitait pas cette
phrase rituelle était certain déchouer à
son examen. Sur la suggestion de Philippe Nicot, au cours dune
discussion fort animée de la liste Exmed-1 sur les dérives
charlatanesques de la médecine, penchons-nous un instant
sur cette maladie effroyable que fut la tuberculose dans notre pays.
Retrouver la confiance:
Un vieux confrère, nommé médecin en 1925 du
premier étage du sanatorium local ( ainsi nommait-on les
hôpitaux spéciaux que lon construisit dans toutes
les régions ) ma raconté. Cet étage était
réservé aux seuls jeunes gens jusquà
25 ans. Très rares étaient ceux qui en sortaient vivants.
Chez les enfants, nous racontaient nos maîtres, le diagnostic
de méningite tuberculeuse était un arrêt de
mort avant lère des antibiotiques. La panique qui sempare
encore des familles dès que le mot de méningite est
prononcé ny aurait-il pas ses racines encore aujourdhui
?
Restaurer la conscience
On imagine à peine la terreur que répandait le bacille
de Koch, dit BK . Dans les familles, il fallait cacher comme une
tare la survenue dun cas de maladie. Maladie tellement honteuse
quelle était innommable. Sa survenue chez une jeune
fille, si cela sébruitait la condamnait au célibat.
La question de lhérédité hantait encore
les esprits. Du côté des médecins, on préférait
parler de phtisie ou, plus mondainement de consomption, voir de
maladie de langueur. Pour ne pas prononcer devant les patients le
mot défendu, on utilisait lune des périphrases
que nous cultivons : les bacillaires. Ceux atteints de bacillose.
Renforcer la compétence:
Il suffit de consulter les manuels de pathologie médicale
et chirurgicale davant les années 1970 pour se faire
une idée de la véritable obsession que créait
dans les esprits cette gigantesque épidémie de tuberculose
au sein du corps médical. Au chapitre étiologie (
cause des maladies ) la tuberculose revenait avec une régularité
métronomique, avec sa soeur de misère la syphilis
pour tout expliquer. Combien de temps fallut-il pour que ce gigantesque
fléau ne disparût. Combien de tâtonnements
thérapeutiques, plus ou moins agressifs, des sels dor
au pneumothorax thérapeutique quil fallait faire exsuffler
régulièrement, de mesures dites hygiéniques
ou prophylactiques avec des des séjours déloignement
et disolation des gens sains prolongés;
Puis vint la période des antibiotiques, avec là encore
tout son lot dessais, ses enthousiasmes trop rapides, ses
erreurs parfois dramatiques comme les surdités définitives
avec lusage de la streptomycine. Ce fut aussi la période
des dépistages de masse, avec son lot de rayonnements dangereux
avec de simples radioscopie, la période des vaccinations
des enfants avec le bacille de Calmette et Guérin ( BCG).
Tous ces efforts, parfois ou souvent accompagnés de pratiques
dépourvues de toute rigueur scientifique, avec son lot de
charlatans diplômés ou non, et on commença à
crier victoire. La tuberculose tueuse était vaincue par la
science et ses prêtres de blanc vêtus, laissa-t-on entendre
un peu partout. Cependant, nous avions alors la mémoire un
peu courte, et la vue un peu étroite. Les médecins
des années 70 à la fin du siècle dernier ont
été frappés de la double observation suivante.
De nombreux clichés thoraciques chez des sujets âgés
ont révélé de lourdes séquelles calcifiées
- et guéries - de tuberculose ancienne, passée totalement
inconnue tant du patient que de ses médecins. La présence
dun rein muet à lurographie intraveineuse,
éventualité non exceptionnelle, signait sa destruction
par le bacille tuberculeux des dizaines dannées auparavant.
Et là encore, sans aucun signe clinique.
Si on a la curiosité de se tourner vers le continent africain,
la lèpre qui fit de tels dégâts chez nous au
Moyen-Age, était encore très présente à
lépoque coloniale. Soudain, la tuberculose, alors inconnue,
y fit des ravages dont nous avons quelques retours, et avec des
formes cliniques telles que les décrivait Laennec au 19 ème
siècle. Et dans le même temps, tout se passe comme
si la lèpre chère à Raoul Follereau avait tendance
à disparaître progressivement. Quavons-nous fait
en Europe pour faire disparaître la lèpre de chez nous
? En vérité, au regard de nos connaissances scientifiques
actuelles, rien du tout. Pour terminer ce rapide survol, ayons une
pensée pour le nombre important détudiants en
médecine qui ont été contraints de cesser leurs
études, ayant eux-mêmes été contaminés
par le redoutable bacille de Koch dans nos hôpitaux.
l'os court :
« De ses contradictions, lhomme ne peut se sauver
que par lironie » Lichtenberg ( 1742
- 1799 )
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°405
Hebdomadaire francophone de santé
4 juillet 2005
Métier ou
profession
Etymologie impertinente
Docteur Françoise Dencuff
LCI, samedi matin, Luc Ferry / Jacques Julliard. Autour du sujet
désormais classique de la crise de confiance des français
vis-à-vis de leurs gouvernants, deux grosses têtes
se penchent au chevet de notre situation économico politique...bloquée.
Comment conserver le « modèle français »,
comment relancer l'emploi, doit-on imiter les scandinaves ... ou
les anglais, quelle est la recette de Tony Blair, la nouvelle idole
des marchés ? Bref pourquoi sommes-nous les deux pieds dans
la mouise alors que les autres s'en sortent mieux ?
En dehors du classique « l'herbe est plus verte ailleurs !
» une réflexion de Ferry me paraît digne d'un
examen plus approfondi sur notre site préféré.
Retrouver la confiance:
Qu'est ce qui fait que nous n'ayons plus confiance dans nos politiques
? A cette interrogation, Luc Ferry propose l'interprétation
suivante : la dégradation serait apparue depuis que la politique
s'est professionnalisée.
Qu'est-ce donc que ce terme qui a envahi peu à peu notre
quotidien ?
Vous avez déjà compris que j'ai une prédilection
pour l'étymologie et bien là je ne suis pas déçue.
Profession (nel) vient de la racine indoeuropéenne : parler.
Mon mauvais esprit ne peut s'empêcher de faire un raccourci
avec la célèbre chanson de Dalida : Parole, Parole...
Autrement dit le professionnel est au choix : celui qui fait une
déclaration, qui promet. Pas étonnant que les politiques
se soient emparés du concept.
Juste pour le plaisir, cette origine a aussi donné des mots
comme : avouer, confesser, fable, hâbleur, mauvais, enfant,
fantoche, affabuler, fatal, blasphémer...A dire vrai, j'ai
un peu fait le choix dans les très nombreux sens développés
à partir de cette racine. Mais avouez... que leur juxtaposition
fait sourire !
Donc faire profession s'origine dans le fait de s'exprimer. Au siècle
de la communication médiatique nous l'avions déjà
repéré. Par contre l'usage de ce mot en lieu et place
du terme de métier laisse à réfléchir.
Et pour ce qui est de professionnalisme, les politiques ne sont
pas les seuls : les sportifs par exemple.
Alors devenir professionnel, ce serait se faire
payer très cher pour une passion?
Mes chers confrères et amis, il est plus que temps
que nous nous professionnalisions !
Il reste à se pencher sur le mot : métier. Origine
: famille latine min* exprimant
l'idée de petitesse. Mots de la même racine
:moins, ministre, administrer, minuscule...Plus
intéressant encore le métier
viendrait de la racine contractée de ministérium sous
l'influence de mystérium étant donné la fréquence
de l'expression le Dieu mestier autrement dit le service divin !
Bref, exercer un métier procède
du service divin.
Restaurer la conscience
Certes vous pouvez me reprocher une certaine tendance à l'exagération.
Quoique... !
Pouvons-nous quelques instants accepter ces deux définitions
? D'un côté une passion (le sport, la politique, la
bourse, l'amour...) de l'autre un service. L'argent et le pouvoir
contre le souci de l'autre ?
Caricatural, peut-être, vérifiable souvent.
Pour Christian Bobin : Le professionnalisme
est une maladie qui vient aux gens par leur métier, par la
maîtrise qu'ils en ont, qui les asservit.
Ce qui me fait hésiter à prendre Ch. Bobin au mot,
c'est que je ne suis pas certaine que le professionnalisme ait un
lien quelconque avec le métier...un médecin aux Affaires
Etrangères par exemple.
Par contre si l'application sans réfléchir de processus
et de protocoles signe la professionnalisation du métier
alors, certes, nous sommes asservis. Je suis sûre que tous
les soignants ont des masses d'anecdotes à raconter sur le
sujet et ce n'est pas le but de cette digression.
Nous exerçons le métier de médecin, nous ne
sommes pas des professionnels de la santé. D'ailleurs, lorsque
nos ministres en charge veulent nous planter un couteau dans le
dos, ils font référence à la professionnalisation
de la dite santé. Qu'est-ce donc encore que ce politiquement
correct ? Est-ce à dire que nous exerçons mal notre
métier ou que nous devrions laisser tomber l'idée
généreuse d'être utile à tous au profit
de quelques uns ? Est-ce encore l'idée aussi sotte que grenue
que la santé est une profession comme la politique, sérieuse
au demeurant ? Que nenni (il vaut mieux éviter le «
non » quelque temps), la santé est un état et
la politique est un mandat, de préférence pour l'une
et l'autre ... à conserver.
Renforcer la compétence:
Le gros mot est lâché...conserver. (de serf : idée
de faire attention, même racine qu'esclave, servir, garder
et...vergogne !)
A bien y regarder, vouloir conserver quelque chose relèverait
du « prendre soin ». Le moins que l'on puisse dire c'est
que beaucoup de professionnels l'ont parfaitement compris. Prendre
soin des privilèges, du pouvoir et de l'argent que procure
leur profession est leur souci premier. Il faut dire que l'on soit
un pro de Ligue I ou un pro...politique les places sont chères
et plutôt du style sièges éjectables. Alors
il faut se cramponner et avoir préparé son parachute
!
Pour ne pas être injuste, il me faut ajouter les directeurs
généraux de grands groupes, les agents artistiques,
les rédacteurs en chef, les entraîneur...bref tous
les pros qui font profession de faire bosser les autres en passant
à la télé.
Parce que la professionnalisation autorise avant tout à se
penser meilleur que les autres, nous avons des pros de la com, des
pros de la négo, des pros de l'humanitaire...Tout ce qui
devrait être du domaine du service (zut ! j'ai oublié
les seigneurs des pros : les pros de l'argent) est transformé
en vastes champs de bataille entre pros qui n'ont qu'un espoir :
rester et qu'une crainte : être viré par plus pro qu'eux
!
Et nous qui exerçons un métier nous devrions devenir
des professionnels ? La langue française évolue mais
de là à être mis dans le même panier que
de mauvais enfants hâbleurs
obligés d'avouer leur
fatal blasphème (voir plus haut...)il ne faut pas
exagérer !
Ne nous laissons plus prendre à la mode du pro à tout
prix, exerçons notre métier
minuscule pour servir...humblement
professionnels.
Et sans rancune pour tous les pros qui exercent malgré tout
leur métier.
l'os court :
«La plus grande des immoralités est de faire un
métier qu'on ne sait pas. » Napoléon Bonaparte
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°406
Hebdomadaire francophone de santé
11 juillet 2005
D'Olympie à
Epidaure
Docteur François-Marie Michaut
Nous l'avions pourtant tellement bien écrite, notre lettre
au Père Noël. Nous étions tellement intelligents,
tellement brillants, en un mot et en toute modestie tellement supérieurs
à tous les autres candidats aux Jeux Olympiques que Paris
- donc la France, pour nous - ne pouvait pas être éliminée.
Et, patatras, le 6 juillet, le comité olympique international,
nous fait l'affront de choisir Londres pour les jeux de 2012.
Cris et lamentations de tous côtés. Comme des enfants
gâtés, nous trépignons, le Père Noël
ne nous donne pas notre cadeau. Privés de joujou.
Retrouver la confiance:
Oui, nous avions confiance. Pierre de Coubertin, quand même
était français. C'est lui qui a lancé l'idée
de cette compétition pacifique entre des peuples dont les
gouvernants ne rêvaient encore que de se vaincre les armes
à la main. Bon, bien sûr, il est allé piller
la tradition grecque antique en la croisant avec cette invention
typiquement britannique - le mot continue de le dire - du sport.
Entre nous, avoir conçu qu'on pouvait dépenser une
énorme énergie physique pour faire quelque chose qui
ne sert strictement à rien d'autre qu'au plaisir d'être
le meilleur dans un simple jeu, nous en étions bien incapable
au pays de Montaigne et de Voltaire.
Restaurer la conscience
Se battre sur un terrain de sport, juste pour une médaille
symbolique disant qu'on est en tête, quel progrès,
par rapport aux guerres. Et pourtant, moins de 20 ans après
Coubertin, la plus grande boucherie européenne, celle dont
on ne s'est jamais remis nous a saignés. Pourtant, encore,
les dictateurs du monde ont tous utilisés les JO comme arme
idéologique, avec tous les excès que nous connaissons.
Et pourtant, le dieu argent a transformé cette kermesse mondiale
en une douteuse course au profit, par tous les moyens possibles.
Dont ceux des dopages et autre tricheries sous toutes leurs formes.
Alors il est grand temps de songer à donner à Coubertin
le repos qu'il a bien mérité. Non pas en supprimant
des jeux qui font plaisir à tant de gens, mais en leur donnant
un sens supplémentaire. Là encore, petit retour en
Grèce antique, direction Epidaure. Dans ce sanctuaire dédié
au dieu de la médecine Esculape, il y a aussi un stade, et
un théâtre. Et la fonction d'Epidaure est de soigner
les gens malades. Alors, j'en conjure tous ceux qui peuvent tomber
sur ces modestes lignes, pillez cette idée. Si on organisait
nos jeux modernes pour que l'argent énorme qu'ils génèrent
puisse profiter aux humains les plus démunis des démunis
? Je pense, en écrivant cela à ces armées d'enfants
des pays les moins riches qui meurent parce que les moyens manquent
de leur fournir les moyens élémentaires - et fort
peu onéreux- d'être soignés. Parfois encore,
c'est un enfant sur trois qui meurt avant l'âge de cinq ans,
de maladie facilement curable. Souvent, hélas, ces hordes
d'enfants victimes de malnutrition, s'ils survivent, présentent
des retards psychomoteurs irréversibles. On ne dit pas assez,
le tribut à payer à la misère est effroyable
pour toutes les sociétés qu¹elle touche. Leur
matière grise au plus bas niveau les enfonce de plus en plus.
Terrible réalité.
Renforcer la compétence:
La culpabilisation des peuples nantis est un moyen pour certains
cyniques de faire des quêtes larmoyantes au bénéfice
de leur business personnel. Ce sont peu ou prou nos organisations
dites humanitaires. Mais c'est la mauvaise voie : la mauvaise conscience
est de bien courte durée, et la bonne conscience conduit
aux pires bêtises. C'est sur place, avec des gens des pays
concernés - pas leurs dirigeants - que des moyens de fabrication
de nos vieux remèdes, et des moyens de distribution doivent
se mettre en place. Nous, citoyens, en avons tous les moyens. Nos
gouvernants ne l'ont jamais fait ? C'est vrai. Et bien passons par
dessus leur tête, ils seront obligés de suivre. Comme
l'a fait il y a un siècle, souvenons-nous, ce fou furieux
- pour l'époque - de baron Pierre de Coubertin. Après
la magnifique aventure olympique, pourquoi ne pas aller plus loin,
plus haut et plus fort dans la même direction ? Mais là,
outre le stade et ses jeux, le théâtre et tous les
arts d'expression devraient être associés avec un objectif
bien précis : grâce à la manne financière
ainsi collectée, celui de l'amélioration de l'état
de santé des enfants du monde entier, sans limites ni frontières.
Pensons une seconde à cette unité de lieu qui ne doit
rien au hasard : c'est dans le même lieu géographique
“neutre” qu'on toujours leur siège les deux grandes
organisations mondiales que sont le Comité Olympique International
et la Croix Rouge Internationale.
l'os court :
« Si les Anglais ont inventé beaucoup de sports,
c'est que, dès qu'ils se sentent dépassés dans
l'un d'eux par une nation étrangère, ils en inventent
un autre. » Peter Ustinov
|