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Lettre
d'Expression médicale n°434
Hebdomadaire francophone de santé
6 février 2006
Conte du Kanem (*)
Docteur François-Marie Michaut
Sous la case à palabres de ce village poussiéreux
au milieu des sables plats du Sahel, les langues vont bon train.
Les anciens sont tous là, accroupis sur quelques nattes en
lambeaux. On nest pas nimporte où ici. Juste
à quelques heures de méhari de ce que nous pensons
être le nombril de notre humanité. Là où
nos chercheurs découvrirent les restes dun certain
Toumaï, qui vécut, dit-on, il y a la bagatelle de 7
millions dannées. Aucun doute, nen déplaise
à nos racistes et ségrégationnistes ordinaires,
nous sommes chez nos frères. Que se passe-t-il donc dextraordinaire
?
Retrouver la confiance:
Un mal jusqualors inconnu touche les jeunes adultes. Oui,
filles et garçons, sans distinction, paient un lourd tribu
à ce qui ressemble à une malédiction. Elle
est étrangement limitée à ce que les Blancs
- ici on dit les Nazaras - qui ont létrange habitude
de tout compter, y compris les hommes et les années dune
vie, nommeraient des jeunes gens entre 18 et 25 ans. Dans les temps
davant, il y a bien longtemps quinitiés, ils
seraient devenus des membres à part entière de la
communauté villageoise, bergers, marchands, musiciens, éleveurs,
forgerons, guerriers ou caravaniers.
Restaurer la conscience
Linstituteur aux impressionnantes lunettes noires, interrogé
par le chef de tribu, est formel. Comme paralysés par des
forces supérieures invisibles, un sur cinq de ces jeunes
passe ses journées assis, sans avoir la force de faire quoi
que ce soit. Tous ces bras qui ne servent à rien, toutes
ces bouches à qui il faut bien fournir la ration quotidienne
de boule de mil ! Cela ne va pas sans commentaires et imprécations
des plus anciens qui nont jamais vu cela, ni même entendu
parler dune telle épidémie. Que se passe-t-il
donc pour que la tradition ne fonctionne plus ? Un premier marabout
est consulté. Il reste un bon moment silencieux, puis sort
de sa poche un gri-gri qui contient un verset du Coran ainsi quune
mystérieuse poudre rouge : Que chacun des jeunes atteints
mette à son cou jour et nuit ce porte-bonheur , et absorbe
un peu de cette poudre au coucher du soleil. Sommé
den dire plus, il ne sait pas formuler autre chose que :
Faites ce que je dis, il ny a pas dautre possibilité
.
On interroge aussitôt un second marabout. Celui-ci, en échange
traditionnel du don dun poulet, va parler. Les esprits
de nos morts sont très fâchés contre les esprits
des marchands dau delà de la grande mer. Cest
pourquoi nos enfants sont ensorcelés - Mais, alors que pouvons-nous
faire ? demandent les sages. On ne peut rien faire
que dattendre que les esprits aient fini leur guerre .
Renforcer la compétence:
Et voilà nos anciens dans le plus grand embarras. Quelle
peut être la meilleure formule pour le village ? Le premier
remède, il est certain quils nen connaissent
pas lefficacité, personne, à leur connaissance,
ne la jamais utilisé. La seconde attitude proposée,
celle de ne rien faire pour tenter de lutter contre le mal mystérieux,
ne manque pas de partisans. Surtout , disent-ils haut et fort, respectons
lhéritage de nos ancêtres, ne touchons pas à
la tradition. Ce serait la mettre en danger.
Le clan des indécis réfléchit. Si lon
tente un remède, ou, au mieux il sera efficace et, au pire,
il naura aucun effet. Si au contraire, loption est prise
de ne prendre le risque daucun traitement contre cette maladie,
le résultat est garanti. Elle continuera à frapper
les jeunes gens, et le village où la vie est déjà
si difficile a toutes les chances de disparaître.
Maintenant que vous avez en main toutes les cartes de ce conte,
choisissez vous-même, ami lecteur, la façon dont les
choses vont évoluer là-bas. Il est temps de nous retirer
sur la pointe des pieds pour respecter la liberté de nos
amis Kanembous et revenir ici.
Toute ressemblance avec le curieux débat qui se déroule
en France autour du projet gouvernemental de contrat de première
embauche ( CPE) nest pas fortuit. Que dans un pays comme
le notre de 20 à 40% ( selon leur niveau de qualification)
des jeunes de 18 à 24 ans soient sans emploi est, hélas,
le symptôme dune bien mauvaise santé de notre
société. Nous noublions pas que la santé
est notre seul sujet ici. Pour chacun, être dans les meilleures
conditions pour bien se porter, cest pour une grande part
parvenir à un statut dadulte. Faute dinitiations
traditionnelles (comme dans les tribus africaines, ou avec lancien
service militaire), cest laccès au monde du travail,
avec son apprentissage de la vie en société, avec
les revenus financiers personnels qui en découlent, qui en
tient lieu.
La question dépasse infiniment les simples problèmes
de police des explosions juvéniles à grand spectacle,
elle va beaucoup plus loin que les comptes dapothicaires des
économistes et des gestionnaires des protections sociales.
Les préoccupations électorales nen sont quune
vulgaire tentative de récupération. Cette question
de la liberté de pouvoir travailler touche tout simplement
au respect de chaque humain. Jamais avant nous, aucune société
aussi primitive, barbare, dictatoriale ait-elle pu être, et
jusquau fond des prisons, des galères et des camps,
navait encore osé mettre ou laisser croupir certains
des siens dans limpossibilité de travailler.
(*) NDA : Le royaume du Kanem a occupé un vaste territoire
à lest du Lac Tchad. Fondé au 9ème siècle
après JC par des Toubous venus de leur Tibesti, son roi se
nommait le maï. De la conjonction de ces deux mots est probablement
né celui de notre vénérable Toumaï. Au
XIème siècle, le maï se convertit à lIslam.
Lempire atteignit son apogée au 13ème siècle.
Mao la minuscule capitale actuelle du Kanem est encore le siège
dun sultanat totalement ruiné.
l'os court : « En napolitain le
mot travailler nexiste pas. On dit fatigare
» Roberto Rossellini
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Lettre
d'Expression médicale n°435
Hebdomadaire francophone de santé
13 février 2006
Infirmières
Docteur Françoise Dencuff
Difficile daborder ce sujet lorsque lon est médecin.
Les générations qui nous ont précédés,
en tout cas jusquaux années 50, avaient statué
sur la place des unes et des autres. Le métier de médecin,
reconnu, glorieux et celui dinfirmière tout au service
à la fois du seigneur des lieux (le médecin) et des
patients. Il est vrai que lorigine du métier est liée
très fortement et anciennement à celui de religieuse.
Se donner toute entière au service de Dieu et des malades,
sous le regard autoritaire du chef de service.
Il me semble pourtant que dans la maladie qui gangrène notre
corps de santé, les infirmières comme les médecins
ont leurs responsabilités. Le corpus economicus nest
pas le seul à blâmer.
Comme souvent le balancier des comportements est allé trop
loin, trop vite, trop fort dans la remise en cause sans discernement
de tout ce que prônaient nos anciens.
Retrouver la confiance:
Comme toujours pour retrouver la confiance il nous faut revenir
aux origines. En premier lieu létymologie : de firmus,
ferme qui donnera firmitas : solidité et infirmitas : faiblesse.
Lorigine de ce mot contient donc lessence même
du rôle de linfirmière. Vous avez du remarquer
que nous parlons de ce métier au féminin. Vieille
habitude des anciens temps, toujours dactualité puisque
le sexe faible est bien plus important en nombre.
Donc des femmes, en grande majorité, se devant dassister
Le médecin au chevet du patient. Comme pour le corps médical,
la disponibilité était une valeur sure.
Que sest-il donc passé pour que la pénurie se
fasse grandissante (comme chez les toubib) ?
Il est évident que nous avons certainement confondus le but
et les moyens.
Je mexplique. Jusquà peu, le but était
la réalisation dune sorte didéal de service.
Le sens était clair : être utile à plus souffrant
que soi. Les moyens étaient la disponibilité, la générosité,
une certaine qualité de présence, de toucher, de sécurité
dans les gestes techniques.
Je reste convaincue quun certain nombre de soignants, médecins
ou pas, ont toujours cet idéal au fond du cur. Mais
ce qui a changé cest que la société a
transformé la notion de service. En mieux lorsquil
faut remplir le frigidaire mais en pire lorsque la notion de gratuité
se retrouve casée sur létagère des antiquités
poussiéreuses.
Restaurer la conscience
Il est parfaitement normal que lon puisse tirer profit de
lexercice de son métier. Ce nest donc pas vraiment
de la rémunération dont je parle. Plutôt de
lesprit dans lequel on choisit de servir lautre. Linconscient
collectif assimile encore la notion de service à la servitude.
Pas très loin de lesclavage. Et il est certain que
dans des services souvent surchargés, soumises aux exigences
de plus en plus « féroces » des patients le sentiment
dêtre esclave de son métier doit exister. Sans
parler des rémunérations.
Et que dire de la relation avec nous, les médecins. Las !
Quil est loin le temps béni de ladoration sans
partage ! Nous étions les grands couturiers de nos petites
mains dévouées. Sauf que dhumiliation en parties
fines, nous avons montré trop souvent les limites de notre
humanité. Et voilà, plus dadoration, les syndicats,
les 35 heures et de jeunes infirmières formées par
des protocoles qui ont oublié lindividu. A force de
vouloir tout sécuriser leur formation ressemble de plus en
plus à la nôtre : grosse tête et cur absent.
Il ne faudrait quun pas dénarque pour inventer
le minutage des poses de perf.
Plus grave encore, elles ont enfilées le costume préféré
des médecins : lurgence. Souvenez-vous : de longs couloirs
traversés à toute vitesse par les internes et chefs
de cliniques, cols relevés, blouses flottantes
qui me
faisaient penser au lapin dAlice au Pays des Merveilles. Pas
le temps pour sourire, pour échanger, partager, toucher.
Pourtant quelle que soit notre rapidité, nous mourons tous.
Alors prenons notre temps.
Renforcer la compétence:
En 2004, d'après la Revue de l'infirmière, 60 % des
infirmières travaillant dans des services de long séjour
ne participent aux soins dits " de base " qu'entre 0 et
1 fois par jour. Comme l'écrivent les auteurs de ce numéro
de la revue: " Pour ce qui concerne des tâches relevant
théoriquement du rôle propre infirmier avec l'aide
à l'alimentation, à la mobilisation et à l'hygiène,
l'organisation actuelle du travail écarte de fait les infirmières
de ces tâches. "
La partie de ce rôle propre concernant l'hygiène et
la toilette serait-elle en fait un " rôle sale ",
qui ne serait bon qu'à être délégué
à une sous catégorie de soignants que seraient les
aides soignantes. Quel ressenti ces aides-soignantes peuvent-elles
alors avoir de leur travail et du corps des patients ?
Entre les soins techniques, les réunions, les formations
et lavalanche de paperasseries les soins de base sont en effet
dévolus aux aides soignants. Avec chez eux aussi un tel sentiment
de dévalorisation que les gestes deviennent impersonnels.
Dailleurs ce sentiment existe dans toute la chaîne de
la santé : le patient dévalorisé dans sa plainte,
le médecin dans la reconnaissance financière des ses
années détude et par les Grands Administrateurs,
les infirmières par les médecins et les patients,
les aides soignants et les administratifs par tout le monde. Est-ce
donc là que nous pouvons trouver lorigine de la pourriture
du corps de santé ? Est-ce que la maladie aurait le pouvoir
étonnant denlever de la valeur aux personnes ?
Alors en ce début dannée, nous pouvons rêver.
Rêver que les études valorisent enfin « les humanités
», que les médiatico-politico-technocrates nous laissent
travailler en paix, que les soignants soient déchargés
des contraintes administratives (téléphone, rendez-vous
radio
, course à la place en soins de suite
).
Oui, nous pouvons rêver que le mot vocation soit encore une
invitation au service et pas une voix qui crie dans le désert.
l'os court : « Si tu regardes l'avant
de la pirogue, regarde aussi l'arrière. » Proverbe
du Bénin
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Lettre
d'Expression médicale n°436
Hebdomadaire francophone de santé
20 février 2006
Aux portes de la mort
Nicole Bétrencourt (*)
E.M.I, N.D.E. Abréviations qui désignent un
phénomène clinique aux frontières de létrange:
lExpérience de Mort Imminente ou
en anglais Near Death Experience . Les E.M.I./N.D.E
se produisent dans des circonstances particulières. Des personnes
supposées cliniquement mortes, rescapées de
noyade ou de tentatives de suicides, tombées
dans le coma, et ramenées à la vie déconcertent
leur entourage médical et familial par un étrange
récit, très X FiLes .
Retrouver la confiance:
Les expérienceurs ( comprendre ceux qui ont vécu
une E.M.I) décrivent plusieurs impressions. Ils ont
eu limpression de quitter leur corps et de lobserver
de lextérieur (la décorporation). Dautres
voient un tunnel ou se trouvent sur le seuil dune porte
virtuelle, aveuglés et attirés par une lumière
blanche, brillante et chaude. Ils affirment avoir conversé
avec des anges ou leurs cher disparus. Une sensation de paix,
de légèreté, de bonheur perdurera chez
les expérienceurs lorquils reviendront à la
conscience. Gardant à lesprit une certaine nostalgie
pour les paradis célestes entrevus, leur
vie va sen trouver bouleversée.
Restaurer la conscience
Mais quelle est la validité scientifique de lE.M.I
? Pour les neuroscientifiques, elle résulte dun mode
de fonctionnement particulier dune zone du cerveau située
dans le lobe temporal droit, le gyrus angulaire, lui même
proche de zones impliquées dans la vision, louïe,
léquilibre et le toucher.
En 2001, une étude hollandaise sur les N.D.E., chez les rescapés
darrêt cardiaque, a été publiée
dans la prestigieuse revue anglaise The Lancet . Menée
par le Dr P.Van Lommel, elle porte sur 344 patients, qui après
un arrêt cardiaque, ont été ranimés dans
10 hôpitaux hollandais. Les résultats de cette étude
montrent que lE.M.I nest pas une constante. Seuls
18% disent avoir vécu une N.D.E parmi lesquels 12% relatent
une expérience profonde. Si lon sen
tenait à une explication purement physiologique, telle quune
anoxie cérébrale, la plupart des patients déclarés
cliniquement morts devraient avoir vécu une N.D.E. Ce nest
pas le cas!
Chantre des travaux sur les N.D.E, le Dr Raymond Moody, philosophe
et psychiatre, sest toujours montré prudent pour aborder
ce sujet sulfureux. Selon lui, le phénomène des N.D.E
nest pas rare du tout. Les N.D.E équivaudraient au
deute roptmos (deux fois évanoui) des Grecs. Il est reproductible
à volonté. Il est possible, selon létat
des connaissances actuelles en neurologie dinjecter
toutes les expériences virtuelles dans le système
nerveux central. Dans les années 50, un programme de manipulation
mentale de la C.I.A sest beaucoup intéressée
à ce genre de recherches avec le L.S.D et dautres produits
psychoactifs.
Les explications scientifiques des E..M.I et létude
de ses mécanismes psychologiques sont rares. Si elles
rendent compte des aspects cognitifs des croyances religieuses,
impliquant des aspects affectifs et motivationnels, elles sont difficilement
évaluables et compatibles avec la rigueur scientifique.
Renforcer la compétence:
Force est de constater quil est difficile pour les acteurs
de la santé de prendre au sérieux le phénomène
clinique des N.D.E lorsque la plupart des explications relèvent
de lirrationnalité, voisinent avec le spiritisme, la
parapsychologie, la réincarnation, les OVNI, les voyages
astraux et autres phénomènes surnaturels.
En janvier dernier, selon les propos tenus dans une émission
de vulgarisation médicale consacrée aux E.M.I,
diffusée sur une chaîne du groupe France Télévisions,
la France négligerait létude scientifique de
ce phénomène, laissant le champ libre aux sectes.
Les chemins de lau-delà seraient-ils eux aussi semés
dembûches ?
Sources: Revue Cerveau et Psycho n°3, sept-nov 2003
Dr P.Van Lommel, Expérience de mort imminente chez
les rescapés darrêt cardiaque: une étude
prospective aux Pays Bas, The Lancet, 2001; 358: 2039-2045.
Émission diffusée le 10/01/2006 sur France 5 : le
magazine de la santé au quotidien: lExpérience
de Mort Imminente.
(*) Psychologue clinicienne
l'os court : « La mort, cest
tellement obligatoire que cest presque une formalité.»
Marcel Pagnol
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Lettre
d'Expression médicale n°437
Hebdomadaire francophone de santé
27 février 2006
Aimer ce quon fait
Dr. François-Marie Michaut
Tous nos spécialistes des chiffres semblent daccord
sur un point. Plus nos jeunes gens peuvent se prévaloir dun
itinéraire scolaire de bon niveau, plus grande est leur chance
de trouver un emploi. Toutes choses dans les handicaps habituels
à lembauche étant égales, par ailleurs.
Que navons-nous entendu à en devenir sourds ce slogan,
sous forme dinvocation quasi magique : Formation, formation,
formation ! La question cependant reste entière, pour ne
pas dire incongrue : se former certes, mais à quoi et surtout
pourquoi ?
Retrouver la confiance:
La grande machine de lenseignement happe nos tout petits afin
de les brasser en tout sens pour ne les laisser échapper
quà regret bien après la fin de leur croissance
physique. Telle une machine automatisée, elle ne semble obéir
quaux programmes concoctés dans le secret dun
laboratoire puis exécutés par les exécutants
de terrain. Certes, fidèles à une antique tradition,
nous subissons à lécole lacquisition dun
grand nombre de connaissances livresques réparties en matières.
En vérité, quelle chance nous avons de pouvoir en
un temps si bref nous initier à ce que lhumanité
mit tant et tant de siècles à découvrir laborieusement
! Que de temps gagné pour chacun de nous ! Mais, une fois
encore, pourquoi ? Juste pour accumuler comme un collectionneur
les connaissances des autres ? Cest bien peu attrayant.
Alors, si vous voulez bien, inversons les choses. Au lieu de laisser
la parole aux responsables de nos sociétés, prenons
la question du côté des enfants. Si nous prenions la
peine de lobserver en silence, chaque enfant, quelles que
soient ses capacités, aime faire certaines choses. Ladulte
qui le constate a le plus grand mal à ne pas porter un jugement.
Comment, ce que tu aimes avant tout, cest jouer au
ballon avec tes camarades ? Pense donc dabord à bien
travailler à lécole . Et voilà
sapée la confiance que le petit peut avoir en la valeur de
son jugement personnel sur ce qui est important pour lui. Pourquoi
ne pas cultiver une autre attitude ? Je suis content de voir
que tu aimes le foot. Alors, vas-y, fais le mieux que tu le peux
dans cette voie. Documente-toi au mieux là dessus, rencontre
des gens qui en savent plus que toi là-dedans, pose-leur
toutes les questions qui te viennent à lesprit, demande-leur
comment réussir au mieux dans cette activité. Peut-être
découvriras-tu ainsi que cest finalement autre chose
que tu as vraiment envie de faire. Tu vois que tu nas aucune
crainte déchec à avoir, jai confiance
en toi, fais-toi toujours confiance dans tes choix .
Restaurer la conscience
Sagit-il là dune attitude dune complaisance
excessive de la part dun adulte sil se risquait à
agir ainsi ? La question mérite dêtre examinée
de près. Chacun de nous, adulte, se souvient probablement
davoir subi le poids de la pression de ceux qui ont voulu
nous imposer leur volonté à eux pour orienter notre
vie personnelle. Nous nous souvenons très bien combien nous
avons souffert de nous contraindre à devenir qui nous devions
être à leurs yeux. Ou des efforts épuisants
que nous avons accompli pour échapper à leur manipulation.
Car, finalement nous sommes restés fondamentalement les mêmes
que quand nous étions petits. Voilà où nous
pourrions en arriver dans notre perception des choses si nous acceptions
vraiment de restaurer notre conscience, au lieu dobéir
à des slogans idéologiques, sociaux, politiques, philosophiques
ou religieux qui nous sont extérieurs. Oui, favoriser le
commencement de tout apprentissage humain par ce que lon aime
nest-il pas la seule méthode pour ne pas nous éteindre
avant même davoir vécu ? Ces foules de jeunes,
fréquentant de ruineuses écoles, qui ne savent pas
ce quils aimeraient faire, quels adultes cela peut-il donner
? Des humains bien dans leur peau et dans leur tête ou des
citoyens robotisés cherchant en permanence à fuir
leur vide intérieur, au besoin dans la maladie. La pression
constante de tous ceux qui exercent un pouvoir fait que cest
la deuxième solution qui triomphe, pour notre plus grand
malheur personnel.
Renforcer la compétence:
Comme lorganisation actuelle de notre vie sociale fait que
cest en milieu scolaire que nous vivons le plus longtemps
avec des adultes, cest là où nous devrions être
le plus exigeants. Car cest à lécole,
au milieu de ceux qui ont notre âge, et en contact direct
avec les personnes chargées par la société
de notre éducation que se trouve le seul lieu où il
nous soit possible de renforcer notre compétence. Oui, je
dis bien la renforcer, pas la créer de toutes pièces,
pas limposer au nom de tel ou tel principe collectif camouflé
sous létiquette trompeuse de la pédagogie. Lembryon
de notre compétence personnelle a jailli dans la famille,
dans la rue, nimporte où, vraiment cela ne compte pas.
Cette étincelle, cest elle quil faut tout faire
pour quelle ne séteigne pas. Comment ? Certainement
pas par des discours. Nos oreilles juvéniles, rappelons-nous,
ont une telle facilité pour ne pas entendre ce qui nous ennuie
ou ne sonne pas juste. Peu importe que les adultes chargés
de lenseignement disposent de telle ou telle qualité,
ou au contraire soient atteints de tel ou tel défaut. Pas
plus que tout autre humain, pas plus que tout parent, ils ne peuvent
être des gens parfaits. Il nest pas raisonnable de leur
demander de se comporter comme des modèles à imiter.
Alors quattendons-nous donc de nos enseignants ? Quelque chose
de tellement simple quon semble loublier. Tout simplement
quils aiment la discipline quils enseignent. Si un professeur
dhistoire aime vraiment lhistoire, ou un instituteur
lorthographe ou le calcul, ses élèves immédiatement
le perçoivent. Comment ? Parce quil va transmettre
tout naturellement son amour, sans effort et sans violence. Il aime
alors en vérité ses élèves, il les respecte.
Les enfants sentent fort bien si cest authentique, et là,
leur respect se créée naturellement. Un peu plus tard,
au cours de nos études supérieures, les seuls professeurs
qui nous ont laissé une empreinte durable, et quel que soit
notre intérêt personnel pour leur discipline, ont été
ceux qui aimaient vraiment le métier quils faisaient.
Aimer,aimer quoi que ce soit, il ny a pas dénergie
plus contagieuse. Il ny a pas dénergie plus irremplaçable.
A linverse les foules innombrables de ceux qui se sont orientés,
ou pire encore ont été orientés de force par
le niveau de leurs performances cognitives, vers les études
réputées les plus prestigieuses, les plus sûres
pour obtenir un emploi à vie ou qui rapporte le plus dargent
, dhonneurs, de pouvoir sont condamnées au terrible
sort de morts vivants. Une vie qui na pas de sens, un travail
qui est un fardeau permanent : quel programme de non vie. Malheureux
eux-mêmes, ils ne peuvent semer que le malheur et la destruction
autour deux. Avec une fois encore toutes les répercutions
sur la santé de la société comme de tous ses
membres que cela génère obligatoirement, ce qui ne
nous laisse pas du tout indifférents sur ce site.
l'os court : « Il vaut mieux regarder
avec sa tête quavec ses yeux. » Cath Hoche
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Lettre
d'Expression médicale n°438
Hebdomadaire francophone de santé
6 mars 2006
Epître à notre
ministre
Dr. Françoise Dencuff
Monsieur le Ministre,
Au nom de tous les soignants et surtout de tous les patients, je
vous demande : POURQUOI ?
Pourquoi la santé est-elle devenue un enjeu pour les pouvoirs
en place ?
Pourquoi la santé nest-elle à vos yeux, comme
à ceux de vos prédécesseurs, quune série
de chiffres dont vous ne retenez que la colonne déficit ?
Pourquoi faites-vous de la santé un champ de bataille entre
les différents corps de métier ?
Pourquoi divisez-vous pour mieux régner sur des professions
déjà moribondes ?
Pourquoi faites-vous croire à vos concitoyens que la santé
coûte cher, alors que seule la maladie demande des moyens
?
Pourquoi le traitement appliqué aux établissements
publics est-il si onéreux ?
Retrouver la confiance:
Pourquoi
?
Malheureusement nous ne pouvons envisager quune seule hypothèse
: la santé et la maladie sont à la solde de quelques
grands groupes dont les intérêts sont à des
années lumières du soin. Par grands groupes il ne
faut pas seulement penser à Big Pharma mais aussi à
lAP-HP, à la Générale de Santé,
aux industriels de la technologie médicale
Quavez-vous fait de la relation de confiance entre le patient
et son médecin, où sont passés les médecins
de famille ? Le temps indispensable à létablissement
dune solide relation ? Vous venez de trahir la profession
médicale en refusant dhonorer le contrat que nos syndicats
avaient signé. Mais ces derniers ont tellement délaissé
leurs adhérents pour soccuper de leurs petites parcelles
de pouvoir, et depuis si longtemps, quils ont beau jeu de
parler de trahison.
Restaurer la conscience
Vous continuez, fidèle serviteur du profit sans âme,
à dépecer peu à peu la santé de toute
sa chair : la qualité du soin. Car vous ne pouvez croire
que lamoncellement de protocoles en tous genres ou la publication
des fameuses listes noires pourront améliorer les soins.
Ce ne sont que des mesures destinées à rassurer les
assureurs. Les voilà les véritables décideurs.
Le fameux bénéfice-risque est le maître tout
puissant de lattention que nous devrions prioritairement avoir
du bien-être de nos frères humains. Soigner mais uniquement
si cela ne met pas en péril les bénéfices monstrueux
des assureurs.
Pendant combien de temps encore les médecins mal formés,
montrés du doigt dès quils se rebellent pourront-ils
assurer les soins ?
Pendant combien de temps encore les patients supporteront-ils trop
souvent en silence les consultations minutées par manque
de temps, les soins expédiés par des infirmières
surchargées, les hôpitaux à ladministration
pléthorique, les mensonges éhontés sur les
traitements, le prix exorbitants de thérapeutiques mise sur
le marché sans précaution
?
Pendant combien de temps Big Pharma sera-t-elle pratiquement lunique
source dinformation des soignants ?
Pendant combien de temps pourrons-nous encore accepter la mise en
pièce des soins de proximité pour conserver les privilèges
des usines que deviennent les CHU ? Pourquoi refuser la multiplication
des maisons de naissance, des hospitalisations à domicile
? Pourquoi réduire les cliniques à la misère
alors quelles satisfont pour la plupart à toutes les
exigences de qualité des soins et coûtent beaucoup
moins cher que les centres hospitaliers ?
Renforcer la compétence:
Vous accusez les praticiens privés de dépenser sans
compter largent des contribuables mais quand remettrez-vous
en question ce que coûte la gestion administrative de la santé,
les rapports sans fin, les fameux plans bleux-blancs-rouges, les
campagnes dites de prévention, lInstitut du Cancer
La médecine a besoin doutils et de recherches de pointe
pour quelques maladies et vous sacrifiez pour cela lhumanité
simple du soin. Vous préservez les privilèges de quelques
grands patrons en massacrant la médecine du quotidien. Par
vous, il faut entendre vous, les ministres, les députés,
si loin, même si vous avez un jour été médecins,
de la relation complexe avec les patients. Pourtant un jour ou lautre
vous serez humble et nu face à la maladie et à la
mort. Que désirerez-vous alors pour vous comme pour vos proches
?
Monsieur le Ministre, nous nattendons pas de réponse
à cette lettre
juste que vous la lisiez comme un homme
qui peut se laisser toucher par la souffrance de soignants qui ne
méritent pas, dans leur grande majorité, dêtre
désignés comme les boucs émissaires du malaise
dune société en pleine mutation.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, lexpression de notre
considération désolée.
l'os court : « Il faut éviter
qu'une idée de derrière la tête ne vous descende
finalement dans le derrière.» Erik Satie
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Lettre
d'Expression médicale n°439
Hebdomadaire francophone de santé
13 mars 2006
Réformationnisme
Dr. François-Marie Michaut
Rassurez-vous, ce mot dallure savante est, à ma connaissance
comme à celle de notre fouineur virtuel Google, une pure
invention. Sans la moindre parenté avec le sinistre révisionnisme
que chacun connait. Ce qui nous intéresse ici, et comme toujours
en observant ce qui se passe dans notre fragile monde de la santé,
donc aussi de la santé du monde, cest une pathologie
aussi étrange que chronique. Une maladie systémique,
comme nous les aimons ici à Exmed.
Retrouver la confiance:
Pas un mois ne se passe avant que des esprits observateurs ne détectent
plusieurs failles dans les rouages de nos organismes sociaux et
professionnels. Peu importe que cela prenne les habits tonitruants
dun scandale, comme dans laffaire de Vincent Humbert,
forts prisés des gens de la presse et du spectacle, ou bien
lapparence austère dun rapport ou dune
étude scientifique. Nous arrivons à la même
conclusion sous forme de constat : quelque chose ne va pas dans
notre façon de faire. Vite, il faut mettre une rustine à
cette chambre à air qui fuit.
Restaurer la conscience
Émeutes dans les banlieues, crimes crapuleux - dont nous
noublions pas ceux commis contre des médecins dans
leur cabinet, - dégâts provoqués par lamiante,
le sang contaminé, le tabagisme passif, la délinquance
routière, lapparition dépidémies
que nous ne savons pas éviter, les sujets ne manquent pas.
Chacun a de plus en plus conscience que nous sommes très
loin de maîtriser tous les risques de notre vie humaine. Alors
que nous propose-t-on pour remédier au déficit de
la sécurité sociale, à linsécurité
routière, à la désertification médicale
des campagnes et mille autres sujets ? On se hâte de construire
une réforme. Oui, on réforme à tour de bras,
comme on réformait jadis les appelés du service militaire
inaptes physiquement ou psychiquement. Réformer, cest
donner une autre forme à quelque chose. Tout comme Luther
et Calvin voulurent purger léglise de Rome de bien
évidentes dérives.
Ce qui nous intéresse cest que notre manie, pour ne
pas dire notre frénésie, des réformes, celle
qui pourrait être nommée le réformationnisme,
sattaque toujours à un système déjà
existant. Le jeu, si lon peut dire, consiste à en analyser
les divers éléments constitutifs, sans chercher à
en éliminer aucun, pour simplement les agencer autrement.
Cest un peu comme si on conserve les 52 cartes dun jeu,
toute réforme nen changeant habilement que lordre
dutilisation. Si lon prend vraiment conscience de cette
vision systémique, lillusion disparaît delle-même
: aucune réforme ne peut réussir quand elle nest
fondée que sur une redistribution des éléments
existants. Le fait que la réforme prend rituellement la forme
dun texte législatif ou réglementaire afin de
contraindre chaque personne concernée nest pas de nature
à stimuler les énergies individuelles.Le réformationnisme,
nayons pas peur de parler sans détour, est une impasse
pour résoudre nos problèmes humains.
Renforcer la compétence:
Faut-il alors en conclure que jamais rien de ce qui ne va pas ne
peut changer ? Que nous sommes condamnés à vivre éternellement
les mêmes malheurs, à subir les mêmes injustices
? Cest alors compter pour nulle toute possibilité de
changement en nous, en chacun dentre nous. Voilà qui
est de nature totalement différente : dun côté
ce qui nous est imposé, et dun autre côté
ce que nous faisons parce que nous sommes persuadés que cest
la meilleure voie. La société nest pas une abstraction
désincarnée : elle commence dabord par être
ce que chacun de nous est, donc parce que chacun de nous fait. Cest
ce que nous sommes, pas ce que nous voudrions, devrions être
ou paraître, pas ce que les autres nous imposent, qui nous
amène en vérité à agir. Si nous avons
clairement en tête que la société ce nest
pas uniquement les autres, que la, notre, santé, ce nest
pas la seule affaire des professionnels, des industriels et des
politiques, notre manière de comprendre, notre façon
dagir en sont profondément et définitivement
changés.
Quun sang impur abreuve nos sillons ; qui oserait
actuellement proférer en France un tel appel au racisme et
au meurtre ? Pour cela, ami lecteur, aucune réforme des paroles
de notre hymne national na été nécessaire,
nest-ce pas ? Cest uniquement notre perception des choses
qui sest réformée delle-même ...
sans tambours ni trompettes. Tout simplement, parce que nous avons
changé.
Pour les praticiens systémiciens, la différence entre
les deux types de changement que nous venons dillustrer est
fondamentale. Quon le nomme faux changement et vrai changement,
ou quon préfère changement de type 1 dans le
premier cas, et changement de type 2 quand on parvient à
passer dun niveau logique où on était enfermé
à un autre encore inexploré, ne change rien. Voilà
de quoi alimenter nos réflexions, sans oublier, il nest
pas superflu de le redire, den tester chacun pour son propre
compte la pertinence.
l'os court : « «
Moi, je nai pas dopinions. - Alors prenez les miennes.»
Edgar Faure
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