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 N° 439
 
 
 
     13 mars 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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“ Réformationnisme”

Docteur François-Marie Michaut Lui écrire

Rassurez-vous, ce mot d’allure savante est, à ma connaissance comme à celle de notre fouineur virtuel Google, une pure invention. Sans la moindre parenté avec le sinistre révisionnisme que chacun connait. Ce qui nous intéresse ici, et comme toujours en observant ce qui se passe dans notre fragile monde de la santé, donc aussi de la santé du monde, c’est une pathologie aussi étrange que chronique. Une maladie systémique, comme nous les aimons ici à Exmed.

retrouver la confiance

Pas un mois ne se passe avant que des esprits observateurs ne détectent plusieurs failles dans les rouages de nos organismes sociaux et professionnels. Peu importe que cela prenne les habits tonitruants d’un scandale, comme dans l’affaire de Vincent Humbert, forts prisés des gens de la presse et du spectacle, ou bien l’apparence austère d’un rapport ou d’une étude scientifique. Nous arrivons à la même conclusion sous forme de constat : quelque chose ne va pas dans notre façon de faire. Vite, il faut mettre une rustine à cette chambre à air qui fuit.

restaurer la conscience

Émeutes dans les banlieues, crimes crapuleux - dont nous n’oublions pas ceux commis contre des médecins dans leur cabinet, - dégâts provoqués par l’amiante, le sang contaminé, le tabagisme passif, la délinquance routière, l’apparition d’épidémies que nous ne savons pas éviter, les sujets ne manquent pas. Chacun a de plus en plus conscience que nous sommes très loin de maîtriser tous les risques de notre vie humaine. Alors que nous propose-t-on pour remédier au déficit de la sécurité sociale, à l’insécurité routière, à la désertification médicale des campagnes et mille autres sujets ? On se hâte de construire une réforme. Oui, on réforme à tour de bras, comme on réformait jadis les appelés du service militaire inaptes physiquement ou psychiquement. Réformer, c’est donner une autre forme à quelque chose. Tout comme Luther et Calvin voulurent purger l’église de Rome de bien évidentes dérives.
Ce qui nous intéresse c’est que notre manie, pour ne pas dire notre frénésie, des réformes, celle qui pourrait être nommée le réformationnisme, s’attaque toujours à un système déjà existant. Le jeu, s’y l’on peut dire, consiste à en analyser les divers éléments constitutifs, sans chercher à en éliminer aucun, pour simplement les agencer autrement. C’est un peu comme si on conserve les 52 cartes d’un jeu, toute réforme n’en changeant habilement que l’ordre d’utilisation. Si l’on prend vraiment conscience de cette vision systémique, l’illusion disparaît d’elle-même : aucune réforme ne peut réussir quand elle n’est fondée que sur une redistribution des éléments existants. Le fait que la réforme prend rituellement la forme d’un texte législatif ou réglementaire afin de contraindre chaque personne concernée n’est pas de nature à stimuler les énergies individuelles.Le “réformationnisme”, n’ayons pas peur de parler sans détour, est une impasse pour résoudre nos problèmes humains.

renforcer la compétence

Faut-il alors en conclure que jamais rien de ce qui ne va pas ne peut changer ? Que nous sommes condamnés à vivre éternellement les mêmes malheurs, à subir les mêmes injustices ? C’est alors compter pour nulle toute possibilité de changement en nous, en chacun d’entre nous. Voilà qui est de nature totalement différente : d’un côté ce qui nous est imposé, et d’un autre côté ce que nous faisons parce que nous sommes persuadés que c’est la meilleure voie. La société n’est pas une abstraction désincarnée : elle commence d’abord par être ce que chacun de nous est, donc parce que chacun de nous fait. C’est ce que nous sommes, pas ce que nous voudrions, devrions être ou paraître, pas ce que les autres nous imposent, qui nous amène en vérité à agir. Si nous avons clairement en tête que la société ce n’est pas uniquement les autres, que la, notre, santé, ce n’est pas la seule affaire des professionnels, des industriels et des politiques, notre manière de comprendre, notre façon d’agir en sont profondément et définitivement changés.
“Qu’un sang impur abreuve nos sillons “ ; qui oserait actuellement proférer en France un tel appel au racisme et au meurtre ? Pour cela, ami lecteur, aucune réforme des paroles de notre hymne national n’a été nécessaire, n’est-ce pas ? C’est uniquement notre perception des choses qui s’est réformée d’elle-même ... sans tambours ni trompettes. Tout simplement, parce que nous avons changé.
Pour les praticiens systémiciens, la différence entre les deux types de changement que nous venons d’illustrer est fondamentale. Qu’on le nomme faux changement et vrai changement, ou qu’on préfère changement de type 1 dans le premier cas, et changement de type 2 quand on parvient à passer d’un niveau logique où on était enfermé à un autre encore inexploré, ne change rien. Voilà de quoi alimenter nos réflexions, sans oublier, il n’est pas superflu de le redire, d’en tester chacun pour son propre compte la pertinence.

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




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