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 N° 520
 
 
 
    15 octobre 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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La médecine, science dure ou science molle ?

Photo de l'auteur Professeur Bruno Blaive lui écrire

Dans la LEM 514 (1) qui traite de l’avenir de la médecine clinique, la place des sciences fondamentales dans les programmes d’enseignement n’a pas été abordée. Ce point essentiel, qui concerne de nombreuses disciplines universitaires, mérite à ce titre d’être individualisé, et la médecine en permet une bonne analyse.

retrouver la confiance

On distingue classiquement, dans les disciplines scientifiques, en fonction du niveau de preuves apportées, les ‘’sciences molles et les sciences dures’’. Dans cette distinction, la médecine, même si elle est classée en dernier, fait partie des sciences dures. L’Evidence Based Medicine’ (EMB) mise au point par l’anglais Cochrane est appliquée dans tous les domaines de la médecine (2), y compris pour justifier le déremboursement des médicaments n’ayant pas fait ou pas pu faire leurs preuves.
De fait, les sciences fondamentales et ceux qui les enseignent, ont pris une place importante dans la formation des médecins, et dans les pouvoirs de décision. Parmi ceux-ci, certains se sont convertis à la pédagogie à la demande des doyens eux mêmes, sous la pression des théoriciens des ministères de l’éducation nationale. N’ayant pas de vision générale de l’histoire de la médecine, ni d’imagination, la plupart d’entre eux ont fait leur éducation dans des pays référents en pédagogie médicale (Canada, USA.). A leur retour ils ont importé les techniques pédagogiques apprises et les ont fait appliquer. Ces nouvelles méthodes d’enseignement ont justifié de nouvelles méthodes d’évaluation (QCM,..) et un remodelage des contenus et de la façon d’enseigner. Ce qui aurait dû rester expérimental avant d’être généralisé a été rapidement recommandé par les conseillers de l’éducation nationale issus de Mai 68 et appliqué (jusqu'à ce jour). Que d’heures perdues pour avoir oublié que nous étions des gaulois et non des saxons, que notre système de formation universitaire (du médecin généraliste) était en concurrence permanente avec celui de la formation hospitalière et des spécialistes (Internat) ou encore que notre encadrement en personnel enseignant était en moyenne deux à trois fois inférieur à ceux de ces pays de référence.
Ce pouvoir acquis par les théoriciens et les fondamentalistes au sein des Universités médicales s’est étendu aux sociétés savantes, aux conseillers ministériels, aux comités de lecture des revues scientifiques, aux experts des techniques et des médicaments (en fait souvent les mêmes). Sous prétexte d’une rénovation de l’enseignement traditionnel et sans véritable opposition, ils ont influencé efficacement la commission pédagogique des facultés et cela d’autant plus facilement que les cliniciens étaient souvent inférieurs en nombre, absents ou muets. Responsables mais pas coupables direz vous, oui mais il est vrai aussi que la majorité d’entre eux, saturés de tâches quotidiennes et de responsabilités médico-légales de plus en plus lourdes, en ont sous estimé les conséquences. Ainsi, on peut constater que depuis 1970, la part des sciences fondamentales n’a fait que s’alourdir notamment dans les 3 premières années, et ce au détriment de l’enseignement clinique. Cette réforme pédagogique étalée sur 30 ans, lourde, inadaptée, critiquée n’a jamais été intégrée en dehors de quelques Facultés pilotes et de fanatiques de la pédagogie. De ce fait progressivement dans de nombreuses facultés, les bonnes volontés initiales ont fait place à la contestation puis à l’indifférence.
Enfin, on ne peut ignorer dans l’installation de cette hégémonie des sciences fondamentales l’importance d’un élément purement technique utilisé pour sélectionner les futurs médecins et les internes. En effet, pour réduire les contestations et les suspicions sur l’égalité des chances des candidats (sujet très sensible en France), il est plus simple d’utiliser des questions d’examen incontestables et donc issues des sciences exactes (Physique, chimie, ..). Par ailleurs, il est plus facile, rapide, économique de corriger des questions informatisées (QCM, CROQ..) qu’écrites. L’ennui de ce type de sélection, c’est qu’elle conduit les candidats à acquérir non pas un savoir faire et un savoir être mais un diplôme (permis de conduire). L’objectif essentiel dans la course au diplôme sera donc de répondre correctement à un maximum de questions.Cette modalité de sélection est surtout utilisée pour évaluer ponctuellement la compréhension des étudiants à un cours ou évaluer les acquis d’un groupe.  Lorsqu’elle est utilisée pour sélectionner ou recruter, elle doit être couplée à d’autres systèmes d’évaluation (entretien oral, psychologique…).
Ainsi la médecine, discipline relevant des sciences humaines et enseignée pendant des siècles dans des écoles de médecine, allait perdre, dans les Facultés converties à la science, une partie de son identité clinique et de ses doutes au profit d’une identité plus scientifique et technique ( et forcément plus sûre).

restaurer la conscience

Cette modalité de sélection est surtout utilisée pour évaluer ponctuellement la compréhension des étudiants à un cours ou évaluer les acquis d’un groupe.  Lorsqu’elle est utilisée pour sélectionner ou recruter, elle doit être couplée à d’autres systèmes d’évaluation (entretien oral, psychologique…).
Ainsi la médecine, discipline relevant des sciences humaines et enseignée pendant des siècles dans des écoles de médecine, allait perdre, dans les Facultés converties à la science, une partie de son identité clinique et de ses doutes au profit d’une identité plus scientifique et technique ( et forcément plus sûre).

renforcer la compétence

Chacun devrait faire ce qu’il est sensé savoir faire :
-Ainsi les cliniciens qui se sont orientés vers la clinique sont qualifiés pour les soins et l’enseignement de la clinique. Le terrain de formation pratique doit être ouvert aux structures privées ou publiques qui le souhaitent et qui auront été validées et évaluées par des organismes indépendants et par les étudiants.
Ainsi les maladies seront enseignées là où elles sont présentes et par ceux qui s’en occupent au quotidien (urgences et pathologies lourdes ou non codifiées à l’hôpital, pathologies courantes et bien codifiées en ville et dans les structures Privées
-Les fondamentalistes (médecin ou non) participent à l’enseignement et à la recherche médicale. Ils élaborent avec les cliniciens les programmes (les connaissances théoriques nécessaires seront adaptées aux besoins de la pratique médicale . Ceci nécessite de revoir tous les contenus et de justifier leur poids en heures notamment dans les premières années.
-Les chercheurs cliniciens participent à la recherche, à l’enseignement et aux soins dans les grands Pôles cliniques qui peuvent regrouper moyens humains et financiers.
Cette différenciation des fonctions et des responsabilités n’exclut pas, comme dans les pays anglo-saxons, de passer d’un secteur à un autre après quelques années de pratique médicale (3 à 5), d’enseignement ou de recherche. Ce mode de gestion est plus efficace et plus confortable mais son prix de revient est naturellement plus élevé. Ainsi par exemple, un service de clinique universitaire au Canada disposant d’un effectif de 12 médecins plein temps, et doté en France à charges égales d’un effectif moyen de 5 à 6 médecins.
Dans les pays où la santé est planifiée , les besoins en personnels médicaux sont calculés par rapport aux besoins de la population ce qui permet de limiter en partie l’inflation des soins mais aussi de réduire la concurrence injustifiée, anarchique, coûteuse, inégalitaire qui grève notre système de santé.
Cette analyse est faite en France depuis 30 ans et par de nombreux responsables de la politique et de la santé, alors jusqu'à quand et à qui ferons-nous illusion ? (Budget de la santé 200 milliards /an soit 2500 euros par français).
Aujourd’hui la réforme complète de notre système de santé et de nos comportements sont liés. Nous souhaitons faire partager cette nécessité car rien ne se fera sans la participation des citoyens et une bonne connaissance des enjeux.

(1)Blaive B. La sémiologie clinique a-t-elle encore un avenir ? LEM 514 3 sept. 2007
lien : http://www.exmed.org/archives07/circu514.html
(2) Dencuff F. L’EBM, une question de choix. LEM 517 24 septembre 2007
lien : http://www.exmed.org/archives07/circu517.html

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« On mène la belle mort.»
Antoine Blondin


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______________________

Lire La LEM 519 Le défit d’un humanisme médical - François-Marie Michaut

Lire La LEM 518 Evolution du monde infirmier et médical - Bruno Blaive

Lire La LEM 517 L'EBM en questions - Françoise Dencuff