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    17 décembre 2007

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Confiance et victimisation en médecine

Photo de l'auteur Docteur X.Antoine lui écrire

« La victime est un mot ». Je crois que c'est de Bourdieu. En tout état de cause, notre société n'inventerait-elle pas insidieusement, en médecine comme ailleurs, le besoin d'aider à outrance les « victimes » ; même si les personnes en question ne se sentent pas elle-mêmes concernées ? Doit-on d'ailleurs laisser à la victime le choix de son statut ?

retrouver la confiance

En santé, nous sommes très vite passés de l'aléa thérapeutique à l'erreur médicale. La médiatisation transforme la fatalité en négligence du soignant. Le temps a réduit le paternalisme en peau de chagrin pour faire place à l'autonomie totale du soigné (l'extrême du consentement éclairé, aussi
futile que le paternalisme d'antan), jusqu'à celle qui consiste à se définir « victime ».
Le chirurgien qui travaille au bloc douze heures d'affilée oublie un fils non résorbable sous la peau : le voilà bon pour l'erreur grave. Un malade dépité d'être non dépisté pour sa douleur à l'entrée de l'hôpital, alors que l'infirmière « aurait dû ... » et le voilà en « perte de chances » selon le langage autorisé de la médecine judiciarisée.
Il faut dire qu'il est de bon ton d'être victimisé. Au pire, vous obtenez des plates excuses du directeur de l'hôpital local, au mieux, vous passez à la télévision. Je ne parle pas là de vraies erreurs graves, celles que commettent volontairement certains individus avides d'argent et cupides jusqu'au bout, je ne parle que de l'erreur humaine.

restaurer la conscience

Au final, pourquoi les enquêtes d'opinion font état d'une confiance intacte des patients vis à vis de leurs soignants et que, dans le même temps, on ne compte plus les publications médicales, et ce de façon internationale, sur le malaise des soignants ?
Le malaise du soignant est en partie lié à cette peur d'avoir en face de soi une future victime. Ce soignant a perdu l'idée même de la confiance qu'il pensait inspirer a priori. Il doit remettre chaque jour à l'oeuvre une capacité inédite: soigner et apporter un service après-vente (ce petit quelque chose en plus qui n'est plus de l'ordre du soin) qui lui évitera peut-être d'être sous les feux de la rampe.
Surfons sur internet, il n'est pas un forum santé qui ne fustige les soignants, leurs insuffisances, leurs incapacités, leurs ignorances, leur absence d'écoute (écoutons-nous facilement, stoîquement j'oserais dire, dix heures d'affilée ?), leurs oublis, leurs négligences, leurs peurs, leur incapacité à susciter la confiance d'ailleurs (doit-on plaire ?).
Cette dichotomie donc entre ce que les médias supposent de la bonne relation soignant-soigné et la réalité de ce qui se dit dans les livres et magazines grand public ou « pointus », le Net (sauf EXMED !), le coin de la rue, la boucherie centrale ou la pharmacie de centre commercial, devient difficile à assumer pour un soignant, toutes catégories confondues.

renforcer la compétence

La symbolique de la fonction médicale a-t-elle disparue ? Je ne le crois pas, du moins je n'ose pas le croire; car si cela était le cas, si le soignant était si « désacralisé » que cela (pardon: je pense qu' un soignant n'est pas à mettre au-dessus des autres mais je pense qu'il hérite du caractère sacré du soin), il deviendrait alors extrêmement difficile de retrouver la confiance. Cette dernière n'est autre que la conséquence d'une rencontre sans a priori, d'une alchimie que personne ne saisit, pas même Balint, mais qui est basée sur le respect mutuel. Si à un moment clé de cette relation, le respect
tombe dans un sens ou dans un autre, la confiance est rompue et la « victimologie » voire la « victimophilie » en santé fait son entrée si le malade s'estime lésé, à tort ou à raison. Nous devrons penser à l'avenir à apprendre aux soignants durant leur formation ce qui définit le respect dû aux malades et nous devrons informer au-delà des média grand public que le pendant du respect est, à l'autre bout, la confiance, cet a priori qui fait que nous remettons nos maux et nos souffrances entre les mains d'un soignant qui, lui aussi, a ses insuffisances au point de ne pas mériter la suspicion voire l'opprobre.

Note de l’auteur : cette LEM a été suscitée par des cas relatés ces derniers mois dans les médias faisant porter aux médecins des responsabilités indues, et par le constat inquiétant de ce qui se lit à travers les blogs et les forums santé.

Os court : « - Docteur, j’ai plus de mémoire !
- Payez d’avance. »

Coluche


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