EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 564
 
 
 
    1 septembre 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Constat ... de divorce

Photo de l'auteur Docteur François-Marie Michaut lui écrire

La mère nourricière, plus doctement dite en latin alma mater, voici comme on aimait nommer en France notre université. Médiévale, et au départ exclusivement religieuse institution, il est indéniable qu’elle tient une des positions majeures de notre société.
Du côté de la santé, elle demeure la seule à délivrer le précieux doctorat d’Etat en médecine, sans lequel nul ne peut, en tout cas légalement, exercer les différents métiers médicaux.

retrouver la confiance

C’est donc au sein d’une faculté de médecine que chaque praticien a accumulé, plus ou moins facilement, la masse énorme de connaissances théoriques, et, dans une moindre mesure pratiques, censées faire de lui un professionnel capable d’exercer seul. Pour cela, l’important n’est-il pas, pour le jeune médecin encore bien inexpérimenté, de pouvoir inspirer confiance à ceux qui lui confient leur peau ? N’est-ce pas d’avoir acquis assez de confiance en lui, et en ses capacités personnelles de médecin, tout simplement pour pouvoir exercer son métier ? N’est-ce pas pour lui, face à des patients qui ne sont pas transformés par l’anonymat de l’hospitalisation, mais bien en chair et en âme, le temps impitoyable où il est obligé de passer à la moulinette de sa pratique en cabinet l’adéquation de ce qu’il a appris en faculté et à l’hôpital aux besoins et aux demandes de ses patients ?
En un mot, quel capital de confiance en la valeur de sa formation initiale peut conserver le médecin débutant ?

restaurer la conscience

Quel souvenir laissent les longues années passées sur les bancs de l’université, et des hôpitaux qui en dépendent ? Il est naturellement impossible de généraliser, mais quelques constats s’imposent. Nos échanges depuis dix ans avec ce site, venant s’ajouter à de multiples autres durant près de 40 ans, vont étrangement dans le même sens. Pour les médecins généralistes, comme je le fus, nos études ont ressemblé à un long pensum, surchargé de matières, dites fondamentales, envahissantes, et d’une course vers les spécialités hospitalières les plus prestigieuses, laissant dans l’ombre des emplois secondaires toutes les fonctions médicales dites libérales. Dont en tête, car elle ne peut être exercée autrement qu’hors les murs hospitaliers, la médecine générale. C’est un non-sens que de prétendre qu’il existe des services hospitaliers de médecine générale.
Tout simplement parce qu’on n’y exerce de façon préférentielle aucune spécialité ? Trouvons un autre nom, il en existe.
Dès son installation, parfois même bien avant, le jeune médecin généraliste se sent rejeté par l’Université. Il sent, à tort ou à raison, que son statut professionnel est considéré comme mineur, pour ne pas dire négligeable. Il a entendu ses aînés traiter sans le moindre respect les médecins de ville ou de campagne. Comment ne pas en être marqué ?
Il se produit alors un divorce total entre les médecins de clientèle et les universitaires. Incompréhension mutuelle, jugements à l’emporte-pièce, procès d’intention réciproque, tout y passe. Nous vivons dans un régime de ségrégation, exceptionnellement illuminée par quelques ouvertures, hélas bien trop rares. La règle du chacun chez soi et les malades seront bien soignés demeure, malgré les signaux d’alarme qui clignotent de toutes parts pour qui veut bien ouvrir les yeux.
Quel gaspillage insensé constitue cette séparation presque totale entre les différentes branches professionnelles de l’exercice médical, et le lieu où continuent de se former les plus jeunes, où la recherche médicale et les techniques de pointe sont une des raisons d’être de cette université médicale ! Comment se fait-il qu’aucune place ne soit prévue au sein même de l’université, tout au long de leur exercice professionnel , et même après, à tous ceux qui souhaiteraient garder le contact ? Tout simplement pour éviter de se trouver rapidement totalement isolés intellectuellement, et même humainement, du fait qu’ils sont vissés à leur propre cabinet médical et aux exigences de leur clientèle ? Comment se fait-il , inversement, que les universitaires soient si souvent boudés par les praticiens ? Que les contacts directs, en dehors de quelques shows, dûment commandités et financés par l’industrie pharmaceutique pour faire prescrire leurs médicaments les plus récents, demeurent aussi rares, et aussi difficiles à établir ?

renforcer la compétence

Comment ne pas comprendre quelle potentialité énorme pourrait représenter le renoncement à cette attitude de divorce ? L’université et les différents métiers de la médecine ne sont pas des entités opposées, mais deux systèmes complémentaires. La question n’est pas de savoir qui doit avoir la préséance sur l’autre, ou qui doit commander et qui doit obéir, mais bien comment potentialiser mutuellement nos capacités. Tout simplement pour mieux soigner nos malades, ce qui n’est pas un mince programme.
Dans les temps pas tellement lointains où n’existaient pas les moyens actuels de communication, c’était l’éloignement géographique qui imposait de fait cette séparation.
Actuellement l’Internet de santé ouvre des perspectives de collaboration totalement nouvelles. Tout le monde n’en a pas encore pris pleinement conscience dans le monde de la médecine, et les résistances à tout changement sont, comme ailleurs, extrêmement puissantes.
Des pistes pour l’avenir sont peu à peu dégagées, émanant le plus souvent de personnes et de personnalités isolées, alors que les grandes institutions semblent atteintes de frilosité. C’est tout un nouveau système de formation permanente à la médecine des études à la retraite, et même à vie, appuyé à la fois sur des données scientifiques solides et sur les besoins de santé des populations déterminés par leurs médecins dont nous avons la nécessité.
Pour terminer cette réflexion, l’auteur ( et donc le seul responsable des propos tenus ici ) tient à remercier les apports de tous ses amis d’Exmed, notamment au cours de nos échanges intenses sur la liste de diffusion Exmed-1.
Ont également généreusement accepté, dans des échanges privés, de faire part de leur vision de l’univers médical : Bernard Hoerni, professeur de cancérologie à Bordeaux et ancien président de l’ordre national des médecins, Patrick Berche, doyen de l’université René Descartes à Paris et Bruno Blaive, ancien professeur de pneumologie à la faculté de médecine de Nice.
Alors, comme dans tous les bons romans feuilletons, fermons provisoirement ce dossier avec la formule rituelle : A suivre ...

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :<< Les pères envoient leurs fils à l’université soit parce qu’ils y sont allés eux mêmes, soit parce qu’ils n’y sont pas allés. >>
Hendren


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________

Lire la LEM 563 Primes aux résultats - Françoise Dencuff


Lire la LEM 562 L'éducation à la santé par le Web - Bruno Blaive


Lire la LEM 561 Argent-content - Jacques Grieu