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 N°593
 
 
 
     23 mars 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Application de la loi sur la fin de vie

Nicole Bétrencourt lui écrire

L’originalité du comité d’éthique clinique de Cochin à Paris (CEC) a fait l’objet d’une LEM écrite par le Dr F.M Michaut. Des « cas de conscience » sur des malades peuvent se poser à leurs proches et aux soignants qui s’en occupent. Pour trouver un avis, ils sollicitent le CEC. Ce dernier peut être consulté pour des personnes en phase terminale ou souffrant d’une maladie incurable nécessitant l’application de la loi sur a fin de vie votée au-delà des partis politiques le 22 avril 2005 . Sur ce thème sensible, un colloque a été organisé sous son égide en décembre dernier. Son fil conducteur a été qu’aux portes de la mort, toute personne peut recevoir des soins raisonnables et attentifs visant à le soulager des souffrances physiques et psychiques causées par une maladie incurable. La loi du 22 avril 2005 propose un « laisser mourir », et s’oppose clairement à l’aide active à mourir en écartant la transgression de l’homicide.

retrouver la confiance

Ce « laisser mourir » n’est pas à interpréter comme une négligence de soins envers le malade S’il préconise l’arrêt des traitements qui altèrent la qualité de vie du malade, cette décision doit être relayée par une stratégie de soins palliatifs à domicile ou dans un cadre hospitalier. Le vide juridique de l’actuelle loi a bien été évoqué, et une étape supplémentaire sera à franchir pour qu’elle réponde aux cas exceptionnels. Même si elle est améliorée, elle ne pourra jamais tout prévoir, se substituer aux patients et à leur famille. Elle tient déjà compte d’un grand nombre de situations sensibles cernées après des auditions de soignants, de familles de malades, de juristes et d’associations. Et comment définir les conditions exceptionnelles qu’on peut se demander comme le fait Alex Khan si elles ne relèveraient pas d’une pure abstraction ? Cette loi doit être comprise comme un cadre et non comme un ensemble d’injonctions. L’idée serait de créer un observatoire de la fin de vie, et d’établir des recommandations de fin de vie. La loi du 22 avril 2005 serait mal connue et(ou) insuffisamment appliquée par le corps médical. Selon le rapport de la mission d’évaluation publié fin 2008, cette méconnaissance serait imputable aux pouvoirs publics qui n’ont pas suffisamment informé les professionnels de santé et le grand public. Ce dernier ignore souvent l’existence du numéro Azur (0811 020 300) “Accompagner la fin de vie” ouvert en 2005.

restaurer la conscience

On reproche souvent aujourd’hui la médicalisation de la mort contribuant à la rendre tabou. Et pourtant, on ne pas se passer des soignants pour arrêter les traitements, soulager les souffrances physiques et morales de ceux qui sont en fin de vie. Dans l’acte de soin, il existe entre le malade et son médecin une alliance thérapeutique. Différente en fin de vie, elle n’en reste pas moins cruciale pour aider le malade. Dans cette optique, la loi de 2005 est une avancée majeure avec le concept de double effet. Ce dernier respecte la mission du médecin qui est selon Ambroise Paré de « guérir parfois, soulager toujours ». Son maillon fort résiderait dans la reconnaissance de « l’obstination déraisonnable » de l’acharnement thérapeutique.
Les mots qui entourent la fin de vie sont chargés de sens. Chacun d’eux est susceptible de véhiculer une connotation susceptible de dérives éthiques au gré de la subjectivité de chacun. Dans d’autres pays, les mots d’euthanasie active, et de suicide assisté se substituent à ceux du « laisser mourir » français.
Euthanasie ou suicide assisté, formes de suicide par procuration ? Du moins, c’est ce que certains avancent quand ils font remarquer que la psychiatrie cherche à éviter le suicide due à une dépression, et que certains malades souhaitant un acte d’euthanasie présentaient une dépression passée inaperçue.

renforcer la compétence

Sur ce point, l’histoire des pays qui ont légiféré sur l’euthanasie ou le suicide assisté est éloquente. En 1995, le territoire nord de l’Australie a été le pionnier du suicide assisté. Deux ans après, la loi a été abrogée. Depuis 2006, pour encadrer des dérives de suicide assisté sauvage, l’Australie réprime toute référence au suicide. Un nouveau projet inspiré de l’Orégon sur le suicide assisté est en cours de débat depuis l’an dernier. Il inclut deux obligations pour le patient : celle de voir un psychiatre pour écarter les éventuels troubles psychiques, et l’autre d’être éclairé sur les soins palliatifs.
En 2001, les pays Bas ont dépénalisé l’euthanasie. Inattendu, la Hollande a montré que les soins palliatifs étaient une réponse encourageante. Depuis 2004, la diminution des cas d’euthanasie s’expliquerait par la hausse du nombre de patients en soins palliatifs. Toutefois un bémol: entre 2001 et 2005, la sédation palliative administrée si l’espérance de vie ne dépasse pas une à deux semaines est en forte hausse. Elle serait due à des actes de clandestinité chez certains membres du corps médical qui l’appliquerait chez des personnes dont l’espérance de vie dépasse ce délai.
Dépénalisation également en 2002 pour nos voisins belges. Les cas d’euthanasie auraient doublé entre 2002 et 2003, D’autres chiffres troublants fournis par certaines sources : Parmi les 9 cas d’euthanasie pour cause neuropsychiatrique, 4 auraient souffert de dépression majeure. Une association flamande de soutien aux dépressifs a qualifié certains cas d’euthanasies (déclarées entre 2004 et 2005) de dangereux précédents. La sémantique exprime le fossé idéologique entre la culture palliative et le droit à l’euthanasie (ou le suicide assisté) Pour se démarquer des soins palliatifs, les actes entourant l’aide active à mourir sont qualifiés de « soins supporters ». En Suisse, ont été dénoncées des dérives mercantiles émanant d’une association qui exploiterait la relative permissivité au suicide assisté.
Quelle est la tendance de l’Europe pour légiférer sur la fin de vie ?
La balance pencherait plutôt de notre côté. L’année dernière, la république tchèque a écarté la transgression de l’interdit de tuer. L’Allemagne et le Royaume Uni ont eux aussi choisi de renforcer le droit des malades. « Soutenir un mourant ou sa famille peut s'apprendre, mais cet apprentissage repose sur une valeur majeure : l'humilité. Existe-t-il un protocole pour cela ? ». C’est le sentiment du Dr Soize Dencuff, bénévole dans un service de soins palliatifs du sud de la France »

Précisions : L’euthanasie est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d’autrui pour mettre fin à ses souffrances. L’aide au suicide est le fait d’aider quelqu’un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les renseignements ou les moyens nécessaires, ou les deux.
L’euthanasie est volontaire lorsqu’elle est pratiquée conformément aux voeux d’une personne capable ou à une directive préalable valide. L’euthanasie est non volontaire lorsqu’elle est pratiquée sans qu’on connaisse les voeux d’une personne, qu’elle soit capable ou non. L’euthanasie involontaire, qui est assimilée au meurtre ou à l’homicide involontaire coupable, est pratiquée à l’encontre des voeux d’une personne capable ou d’une directive préalable valide.

Sources
Centre d’éthique clinique de Cochin
http://www.ethique-clinique.com/
Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loiN° 2005-370 DU 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et présenté par M. Jean Leonetti,
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1287-t1.asp

Discours d’inauguration sur le numéro azur”Accompagner la fin de vie”:
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/33_050519pdb.htm
Audition par la Mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et la fin de vie. Mardi 15 juillet 2008-07-23. Professeur Daniel Brasnu
http://www.espace-ethique.org/doc2008Assemblee_Nationale_mission_evaluation_Basnu_150708.pdf

Site Exmed, Dr Soize Dencuff, La grande illusion,
http://www.exmed.org/archives08/circu534.html

HAS-santé; Recommandations sur la prise en charge des complications évolutives d’un épisode dépressif caractérisé de l’adulte.
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_607702/prise-en-charge-des-complications-evolutives-d-un-episode-depressif-caracterise-de-l-adulte

Euthanasie, le suicide d’une société ? Site ICHTUS, 19 juin 2006.
http://www.ichtus.fr/article.php3?id_article=169

Béatrice Wershlinger, La légalisation de l’euthanasie et de l’aide au suicide au Pays Bas: un défi pour les pays européens, CAIRN, INFOKara 2001
L’euthanasie et l’aide au suicide: Expériences internationales, Bibliothéque du Parlement, révisé le 18 juillet 2008
http://www.parl.gc.ca/information/library/PRBpubs/prb0703-f.htm#australie

L’euthanasie d’Hugo Klauxs en question, Éditorial, L.Puybasset, professeur de médecine, Espace ´Êthique, avril 2008.
http://www.espace-ethique.org/fr/popup_result.php?k_doc_lan_pk=293

Euthanasie : la nausée des soignants, Louis Puybasset
http://www.portstnicolas.org/la-plage/l-ethique-en-question/euthanasie-la-nausee-des-soignants.html

Les soins palliatifs et l’euthanasie en pratique de médecine générale hospitalière, Jean-Daniel Lelièvre
http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=ESLM_120_0095
"L’assistance médicale au suicide a été implicitement légalisée",Annick Hovine, 28/01/2009
http://www.lalibre.be/societe/sciences-sante/article/477885/l-assistance-medicale-au-suicide-a-ete-implicitement-legalisee.htm


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

 


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