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 N° 605
 
 
 
      15 juin 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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<< Home >>, air d’alors

FMMDocteur François-Marie Michaut lui écrire

xxxQui n’a pas entendu parler du film << Home >> de Yann Artus Bertrand qui, deux jours avant les élections pour le parlement européen du 8 juin 2009, a bénéficié d’un lancement international, avec séances gratuites dans les cinémas, et diffusion simultanée sur une chaîne publique de la télévision en France ? Internet a pris le relais de la diffusion pour les retardataires (1).

retrouver la confiance

xxxConcert d’applaudissements quasi unanime du public. Des images très travaillées à la manière d’affiches publicitaires, un parti pris de montrer la planète vue d’en haut, certainement pour donner au spectateur l’illusion que l’auteur domine vraiment son sujet. Hélas, de nombreuses séquences ont déjà été vues et donnent un sentiment de réchauffé.
Mais, là où les choses se gâtent franchement, c’est dans les commentaires du film. L’argumentaire est simple, pour ne pas dire simpliste. C’est depuis cinquante ans que les activités humaines chauffées à blanc par la recherche du profit immédiat maximum portent à la planète des coups la modifiant de façon dangereuse pour notre survie. Autrement dit, c’est de notre faute à nous, humains de ce temps, ces erreurs que nous faisons ( pour ne pas dire des péchés contre dame Nature ). Si la boule va si mal, c’est à cause de nous.
Et nous voilà embarqués dans la galère,connue comme le loup blanc, de ceux qui cherchent, pour leur intérêt personnel, à manipuler les foules.
Grelot classique de la culpabilité, ou, clin d’oeil régional oblige, de la << culpabilitude >>. Merci, nous avons déjà beaucoup donné dans le domaine de la santé pour refuser lucidement ce genre de manœuvre parfaitement contre productive.

restaurer la conscience

xxxIl est plus que temps de rétablir la vérité. Les dégradations que nous infligeons à la terre avec nos activités humaines de datent pas du dernier demi-siècle. Nos moyens de mesure, d’investigation et d’analyse scientifique ne sont pas à mettre en doute. Les dégâts des activités humaines sur l’environnement sont de plus en plus patents, et lourds de menace pour notre survie et celle de nos descendants. Nous en avons de plus en plus largement conscience, même si ailleurs sur le globe la nécessité immédiate de ne périr ni de soif, ni de faim, ni de misère demeure prioritaire. C’est, en réalité, depuis les débuts de l’humanité que nous jouons à un jeu bien particulier avec le monde dans lequel nous vivons. Ce monde, notre monde, comme nous disons sans chercher si ce possessif est légitime, nous avons toujours agi comme s’il était à nous. Nous n’avons jamais cessé de vouloir en accaparer, pour notre seul usage, les richesses et les territoires. Cueillette, pêche, chasse, agriculture, élevage, habitation, mines, artisanat puis industrie, jamais l’activité humaine n’a cessé de piocher aveuglément dans ces réserves naturelles. Nous n’avons jamais cessé, sciences, dont la médicale bien entendu, arts, cultures et religions de vouloir maîtriser la nature. Même si les guerres entre les hommes ont été, avant d’être remplacées peu à peu depuis la Terreur de la révolution française par des terrorismes, une immense tuerie qui a fait depuis nos origines (2) trois milliards et demi de morts, c’est une autre guerre jamais dite que nous gardons en tête. C’est, écoutons Michel Serres, cet inclassable réputé difficile et peu compris car navigant librement d’un savoir à un autre et d’une discipline de l’esprit à une autre : << La Guerre mondiale >> (2).
Oui, nous sommes en guerre permanente contre le monde. Nous en faisons notre chose à nous comme s’il était et ne pouvait être que notre esclave.
Le temps est venu où nos moyens de détruire peuvent déclencher, par retour de bâton, la fin des temps pour les humains, l’apocalypse des textes évangéliques.
Sans avoir recours à l’hypothèse anthropomorphe Gallia de Lovelock, il est évident qu’il y a une formidable inégalité. Le monde n’a aucun besoin de l’homme pour continuer son existence, le vivant lui-même peut s’accommoder d’un environnement totalement hostile pour nous. Mais l’humain, quels que soient ses rêves et ses techniques pour dominer, parfois même pour surpasser, oublier ou << corriger >> dans ses délires eugéniques la nature, ne peut pas vivre sans le monde.
Les grandes colères de la nature, tremblements de terre, inondations, avalanches, tsunamis, vagues de froid, de chaleur, orages, incendies ou sécheresses, sans oublier les virus et autres parasites, nous laissent presque nus et vulnérables comme les vers prétentieux et arrogants que nous sommes.

renforcer la compétence

xxxLa Guerre mondiale dont nous venons de parler, nous ne pouvons que la perdre. Nos armes contre le monde se retournent contre nous, sans avoir besoin de prêter je ne sais quelle conscience et quelle volonté de revanche belliqueuse à notre ennemi de toujours.
Alors, toutes les actions imaginées, toutes les idéologies qui se revendiquent du drapeau vert de l’écologie, Artus Bertrand en montre quelques aspects pour rassurer le public à la fin de son film, sont certes intéressantes, mais insuffisantes, car trop étroites et ratant l’essentiel.
C’est dans notre tête à chacun que le pas d’une nouvelle vision de l’homme doit être effectué. Un homme véritablement nouveau qui ne se reconnaît plus le droit de faire n’importe quoi pour exploiter le monde dont il n’est ni le maître, ni le propriétaire, ni l’exploitant, juste le vulnérable compagnon de route.
Alors, oui regardons vraiment le monde, admirons-le comme il le mérite, et pas dans des images trafiquées pour titiller nos émotions superficielles. Prenons la peine de lever la tête et de respirer l’air plutôt que de regarder religieusement la météo à la télévision.
Le monde mérite tout notre respect, c’est à dire d’être regardé deux fois, car si nous n’avons pas ce souci en permanence, même pour les choses les plus futiles du quotidien, c’est l’homme que nous condamnons à mort. L’homme vaincu définitif de La Guerre mondiale ?
Est-ce vraiment cela que nous voulons, dans un immense suicide collectif inscrivant sans retour possible le mot fin à notre aventure humaine ?

(1(1) Pour visionner ce film : http://www.youtube.com/homeprojectfr
(2) Michel Serres, La Guerre mondiale ? Éditions du Pommier, 2008



Remerciements
Les propos tenus par l’auteur ne sont que l’expression de son opinion personnelle. Le sujet a été débattu sur notre liste de discussion Exmed-1 depuis le 12 juin 2009 à l’initiative de Danou Zuinghedau. Les réponses, apports, critiques, analyses et encouragements de Françoise Dencuff, Philippe Deharvengt, Odette Taltavull, Tony Lambert, Cécile Bour, Gabriel Nahmani et Nicole Bétrencourt ont été des stimulants puissants pour l’auteur.
Enfin, l’obstination patiente depuis des années de Bruno Blaive pour que les facteurs écologiques fassent partie intégrante des préoccupations des médecins au cours de leur exercice quotidien trouve ici un écho afin qu’il sache qu’il a été entendu.
Qu’ils en soient tous chaleureusement remerciés.


Os court : << La faim, chez les pauvres, les presse-t-elle moins que la soif d'argent, chez les riches >>
Michel Serres


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