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 N° 624
 
 
 
       26 octobre 2009  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Joyeux anniversaire, quatre-vingts ans

Jacques Grieu Jacques Grieu lui écrire

 

«  Mon bon ami Étienne supporte mal ses douleurs ;
Les maux de son vieil âge lui semblent un grand malheur.
Il cherche un responsable : c’est, bien sûr, son toubib,
Ce pauvre médecin traitant, qu’il maltraite et inhibe,
En le … traitant de mou, de dissimulateur,
D’exigeant tortionnaire, ou d’avare prescripteur.
Il lui critique sans cesse ses graves diagnostics,
Tout en lui reprochant son manque de pronostics.
- Ma date de péremption, cher docteur ? Dites-la-moi !
Aujourd’hui, pour toutes choses, c’est public, j’y ai droit !
Je veux un beau constat, comme ferait un huissier
Avec une prédiction à laquelle me fier.
Maintenant, gémit-il, le sol devient trop bas
Mes jambes s’allongent-elles ? Ou bien seraient-ce mes bras
Qui soudain raccourcissent pour nouer mes lacets ?
De bonne soupe, étant jeune, n’aurais-je pas bu assez ?
«  Ô, âge ! Ô dépotoir ! Ô vieille carcasse honnie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette vilenie !
Bougies d’anniversaire, comptables de ma vieillesse,
Vous m’êtes condoléances, bien plus que feux de liesse.

- Étienne, ressaisis-toi ! Avant d’être un jeune vieux,
Tu es un ancien jeune, et ça c’est beaucoup mieux !
Tu me fatigues tant de ton glorieux passé,
Qu’à trop loin t’y pencher, c’est sûr, tu vas tomber.
Pour toi,  ce « coup de vieux », est un coup bas reçu,
Un honteux croc-en-jambe dont tes tares sont issues,
Et tu recherches en vain qui donc te l’a donné
Comme après un coup de poing durement asséné.
- Pourquoi tous les acteurs, parlent-ils chaque jour plus bas ?
Les speakers, tous les jeunes, susurrent, n’articulent pas !
Tous, maintenant chuchotent, au lieu de parler clair,
Y compris les oiseaux, les clochers, les concerts.
Les journalistes se plaignent, ils n’ont plus de lecteurs :
Leurs caractères rapetissent qui sont cause du malheur !
Mes lunettes se cachent, excitant ma fureur
Les escaliers grandissent  qui provoquent mes douleurs.
Mais les nuits raccourcissent qui m’éveillent aux aurores.
Quand je ne souffre pas, je crois que je suis mort.
Bougies d’anniversaire, comptables de ma vieillesse,
Vous m’êtes condoléances, bien plus que feux de liesse.

Holà, mon cher Étienne ! Ne sois pas si morose !
Nos vies de retraités sont quand même parfois roses !
- La vie, me répond-il, n’est qu’un long effritement
Qui finit toujours mal. Un décès permanent.
Ça commence par les dents, les cheveux, la mémoire
Et puis la libido, les illusions, l’espoir.
D’ailleurs, on dit des vieux qu’ils sont des « petits » vieux :
Nos tailles aussi se tassent aux vertèbres tortueux.
Tout ce que j’ai appris, mon expérience, mes dons
Tous mes diplômes acquis, toutes mes décorations,
Finiront comme les soldes, par « tout doit disparaître »
Et dans ces conditions, pourquoi nous faut-il naître ?
Car si l’homme est poussière et termine en poussière,
Nos vies qui volent au vent, commenceraient au cimetière !
- Mais Dieu, dans sa sagesse, a visé nos passeports
En plaçant la naissance, toujours avant la mort.
Le processus du temps, nul ne peut l’inverser
Et l’immortalité, elle reste à inventer.
- Mon CV , aux archives, est pour les biographes,
Et ne pourra servir qu’à une belle épitaphe.
Bougies d’anniversaire, comptables de ma vieillesse,
Vous m’êtes condoléances, bien plus que feux de liesse.

- Souffle-les, ces bougies dont la rengaine fatigue,
Si leurs flammes innocentes de tristesse sont prodigues !
- Tout change et tout s’aggrave ; la terre vieillit, comme moi !
Toutes ses merveilles, se fanent ; des rides elle est la proie :
Nos avenirs s’assombrissent, conscients de ces fléaux
Malgré la taxe carbone et les congrès mondiaux.
Rien que des autoroutes, jamais plus de sentiers,
La mer devient déserte et ses rivages souillés.
Plus de livres papier ; romans électroniques
Avec une page sur deux en pub autocratique.
Jamais plus d’hirondelles, de tigres et d’éléphants ?
Plus de fruits naturels, de lait sans adjuvant ?
Les forêts disparaissent où nichaient les oiseaux
Qui déposeront leurs oeufs sur les toits, les chêneaux.
Demain plus de rivières, ce seront des canaux.
Et les glaciers d’antan auront fondu en eau.
Les visites aux amis, de plus en plus souvent,
Se font à l’hôpital, ou bien aux enterrements ….
Bougies d’anniversaire, comptables de ma vieillesse,
Vous m’êtes condoléances, bien plus que feux de liesse.

Assez des idées noires ! Vieillir est ennuyeux ?
C’est pour que la vie dure ; et tu n’es pas gâteux !
On a ses opinions, son idéal final ;
On ne lit pas toujours, chacun le même journal !
Rien ne sert de mourir, il faut partir à temps,
Mais pas mourir trop vieux comme un déchet pesant.
Le naître et le mourir, disparaître et renaître :
Il faut nous résigner à n’en être pas maître.
Voilà quatre-vingts ans que tu dois y penser
N’était-ce pas assez long pour pouvoir aviser ?
Écoute donc Épicure et savoure l’ordinaire
L’ordinaire de ton âge acceptant ses artères …
Mais jeter aux orties tout ce que, dans ma tête
Péniblement j’ai mis, est bien une défaite !
La mort vole mon passé sans me le demander !
Et c’est pour quoi en faire et à qui le donner ?
On ne sait pas mourir sans perdre aussi la vie,
Une vie devenue destin, plus que nécrologie.
Et puis, partir tout seul est quand même une épreuve
Sans un bon cataclysme qui fait d’un coup mille veuves.
J’aimerai bien choisir un grand tremblement de terre
Qui m’écraserait la nuit en plein sommeil pépère.
Ou bien mieux, la grande fin, celle du nucléaire :
Car plus on est nombreux et moins c’est mortifère …
Bougies d’anniversaire, comptables de ma vieillesse,
Vous m’êtes condoléances, bien plus que feux de liesse.

- Bref, la semaine dernière, Étienne était bien bas
Et vous sentez combien son moral était las.
Je fus donc tout surpris, en le voyant hier
De le trouver fringant, la mine cavalière :
Tu sais pour mes piqûres, j’ai changé d’infirmière.
Celle-ci a les yeux bleus et de fort bonnes manières,
Une queue de cheval blonde, un très grand savoir-faire.
Sa piqûre est un baume. Son sourire est sincère,
Ses soins appropriés me sont fort salutaires
Et sans que je l’ai su, tout à fait nécessaires.
Quand on parle musique ou bien littérature,
Elle est très au courant et de même en peinture.
Elle me fait réfléchir : on se demande soudain,
Pourquoi le mot « vieillard », n’a pas de féminin ?
Son pas, dans l’escalier, m’est déjà un remède
Et son bel optimisme, la meilleure de mes aides.
S’il fallait donc qu’un jour, je devinsse vraiment vieux,
Elle en serait peinée, je vois ça dans ses yeux.
C’est ma papy-sitter, elle me rend mon allant
Et depuis qu’elle me soigne, j’ai quatre fois vingt ans !
Bougies d’anniversaire, comptables de mes prouesses,
Vous m’êtes récompense, bien plus que vaine tristesse … »

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