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N° 700

 
 

      11 avril 2011
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Dessin de la LEM

 

 

 

 


    SUPER-TANKER
Pétrolages

      Jacques Grieu
lui écrire

 

                          


 

 

Venant du Golfe Persique, je ne passe pas par Suez
Je suis bien trop ventru, c'est trop lourd que je pèse
Lorsque j'embouque la passe, me prépare à entrer,
Les remorqueurs se pressent et viennent m'assister.
Plein à ras de mazout, un pareil mastodonte,
Lorsqu'il rentre à la CIM, les havrais en ont honte.
Les baigneuses sur la plage louchent déjà sur l'eau verte
Prêtes à se rhabiller comme si c'était l'alerte.
Elles montrent à leurs enfants : le vilain pétrolier !
Elles pensent à l'Erika et n'osent plus se mouiller.

Le brut a mauvaise presse. Le soir on sent qu'il pue.
Quand les vents d'est le portent, chacun dit qu'il pollue.
Les odeurs d'œufs pourris : c'est moi le responsable
Comme de la moindre tache qui noircirait le sable.
Voyez plutôt les tubes de leurs chères crèmes solaires
Qui pourraient perturber leurs manies balnéaires
En venant maculer et leur plage et leur mer.
Mais voilà, c'est la mode : le pétrole exaspère.
Sans doute parce qu'il est cher, chacun le vitupère.
Et moi qui vous apporte de quoi faire le super
Le fuel et le gazole, on me montre du doigt,
On se bouche le nez et puis on s'écrie : pouah !

Et pourquoi, s'il vous plaît, ne pas me regarder ?
Quand je reviens au port, pourquoi pas m'apprécier ?
Pourquoi vous dégoûterais-je ? Trop grosse mon immense coque ?
Mais il faut bien pourtant qu'en Arabie je stocke !
C'est bien par mégatonnes que le pétrole j'amène,
Pour qu'au prochain week-end la famille se promène,
Que l'hiver on se chauffe qu'on fabrique le plastique !
L'économie sans moi serait bien apathique !
Que feraient vos Boeing sans mon bon kérosène,
Pour sous les beaux palmiers, passer des vacances zen ?
Ce n'est pas en coquette qu'on me voit pétroleuse
Et mes formes replètes ne sont point aguicheuses.
Assez d'hypocrisie, admirez ma carène.
Elle fut faite en Europe, elle n'est pas coréenne.
Avec mes trois cents mètres, c'est qu'il faut du solide,
Pour tenir vers Le Cap dans les montagnes liquides.
Je n'ai rien d'une épave, d'un rafiot, d'un vestige,
Une ce ces poubelles comme était le Prestige.
Même si toutes les nations ont soif d'hydrocarbure
La vie d'un crude-carrier n'est pas une sinécure.
A la moindre tache d'huile on va dire qu'il suppure,
Et les pires injures il faudra qu'il endure.

Quoi encore qui vous gêne? Le vert de ma couleur ?
C'est pourtant hygiénique pour un navigateur, 
Sur cette superbe coque, cette teinte pharmacienne !
Le bulbe rouge de l'étrave, certains le disent obscène ?
Ce sont des obsédés ; le pétrole les dérange.
Ils ne peuvent s'en passer, il faut donc qu'ils se vengent.
Moi, je m'enorgueillis d'un pareil appendice
Attendu qu'un grand bulbe est proprement l'indice
D'une vitesse augmentée d'au moins un ou deux nœuds.
Sur mon retour du Golfe, j'y gagne un temps précieux .

Ma largeur ? Ah, non, c'est un peu court, jeunes hommes !
On pouvait dire … Oh Dieu … Bien des choses en somme.
Car comme Cyrano je brûle de vous moquer,
De vous faire réfléchir, de rabattre vos caquets.
En variant le ton. Par exemple, tenez :
De l'arrière à l'avant, pour pouvoir s'y promener,
Ce n'est pas un vélo , c'est une motocyclette
Qu'il faudrait normalement pour ne pas mettre perpette.
Ah, ça, monsieur, lorsque vous dégazez,
La vapeur du pétrole va-t-elle diffuser
Jusqu'à Nice, à Megève ou même vers Carnac
Sans que tous les havrais n'en deviennent patraques ?

On dit que pour passer les digues une telle bedaine,
Doit prier à chaque fois la bonne samaritaine.
Quand la marée est basse, elle traîne sur le fond.
Se grattant l'ombilic en jouant l'iguanodon
Etes-vous caïman ou bien hippopotame ?
Peut être un plésiosaure ? Ou quelque autre quidam ?
Si lentement dans la mer vous vous faite poussive
Qu'à côté une baleine nous apparaît fort vive !
Et ce serait plutôt côté alligator
Qu'un air de ressemblance chaque fois on déplore.

Sur votre pont immense les tuyaux et les pompes
Sont troupeaux d'éléphants qui brandissent leurs trompes.
Lorsque vos cuves sont vides, votre hauteur est telle
Que votre commandant, perché sur sa passerelle,
Se croit un alpiniste et est pris de vertiges
Comme sur un mirador où les mouettes voltigent.
Quand ainsi allégé vous ressortez du port,
Vous cachez le soleil, c'est pire qu'un dinosaure !
Comme de Chine la Muraille, vous voit-on de la lune ?
Votre ombre s'étend-elle sans limites aucunes ?

Voilà ce qu'à peu près, messieurs, vous m'auriez dit,
Si votre cher pétrole tombait en discrédit.
Mais encore pour trente ans, vous avez trop besoin
De toutes ses largesses qui font mon embonpoint.
Sans moi, plus de bateaux, ni d'autos ni d'avions,
La vie économique frappée de congestion.
Et si je n'étais là pour vous ramener le crude
Les méfaits de l'hiver vous sembleraient bien rudes.

Alors, consommateurs et vous, écologistes,
Calmez donc vos critiques. Sachez que si j'existe,
C'est que sans moi vous n'êtes, que des êtres démunis,
Et que l'affreux mazout n'est pas toujours l'ennemi.
Si vous criez trop fort, il y aura scandale,
Je serais condamné par les boss de Total
A ne plus fréquenter que le port d'Antifer
Et ne plus voir Le Havre serait pour moi l'enfer.
Adieu ma jolie baie, Sainte Adresse, les régates
J'aimais tant y revenir en me croyant transat !
La Villa Salacrou et le musée Malraux
Après tous ces derricks, je les trouvais si beaux !

C'est donc culturellement que j'ai mes élégances
Et qui ne méritent pas de telles pénitences ….
Pitié pour le pétrole et ceux qui le transportent,
Encore pour un moment, il faut qu'on les supporte.
Et puis, au glorieux jour où le pétrole fini,
On n'aura plus besoin de notre brut honni,
C'est peut être de vin que mes cuves seront pleines …
Ou encore d'eau bénite ? Ainsi soit-il. Amen.

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Louis Scutenaire

 

Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.

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