Rude journée,
24 heures d'une vie d'homme

7 novembre 2011
Jacques Grieu
lui écrire

Objets inanimés, n'avez vous donc une âme,
Que pour mieux comploter avec toutes ces dames,
Qui pour vous bien ranger, perfides, ont inventé
Des cachettes infernales, impossibles à trouver ?
Exceptionnellement, mon épouse est absente.
Je gère la maison pour la rendre pimpante.
Consciencieusement, je m'active et transpire :
Des tâches ménagères, il ne faut pas rougir,
Et la vie domestique a prouvée sa grandeur
Dans les humbles soucis de ces petits labeurs.

C'est dès potron-minet, (à mon âge, on dort peu),
Que déjà je fonctionne et fais ni une ou deux.
Consultant ma mémoire et mon emploi du temps :
Serait-ce ce jour là, chez mon docteur traitant,
Que j'ai un rendez-vous, et sans doute important ?
J'en ai souvenir vague, mais est-il encore temps ?
Vite, notre agenda  qu'on range avec grand soin …
Il n'est pas à sa place ! Il voyagerait au loin ?
Là où il devrait être, je retrouve … un portable !
Pourquoi a-t-il échoué en ces lieux improbables ?
Cet engin maléfique, aux appels implacables
Mais qu'en chœur ma famille annonce indispensable.

Comment le lave-vaisselle peut-il bien fonctionner ?
La lessive y charger ne m'est pas familier.
En cherchant sa notice, espérant m'éclairer,
J'en trouve pour frigo, aspirateur, télé
Bat-œuf ou bien radio et même pour PC.
Mais rien pour lave-vaisselle ! Et renonce, excédé.
D'ailleurs j'ignore aussi où trouver la lessive
En pastille ou en poudre ? A moi l'initiative …
Je retrouve ma bière, ouverte et entamée,
Qu'il me faut, au frigo, au plus vite, enfermer.
Direction : la cuisine ; une odeur m'interpelle :
Fasciné, hier soir, j'oubliai la poubelle,
En voyant sur Arte, l'émission médicale
Sur l'âge et la mémoire, aux carences anormales.

Posant là ma canette, il me faut rechercher
Pour sortir ces senteurs, les clés de mon entrée.
Mais de clés sur le mur, où elles devraient pendre.
Je n'y vois rien de mieux qu'un écriteau à vendre.
Celui que j'aurais dû montrer dans ma voiture
Si ses clés n'étaient pas parties dans la nature.
Allez savoir pourquoi, les clés, race maudite,
Ont tendance à fuguer vers des caches interdites !
Passant tout en revue, commodes et étagères,
Tiroirs, placards, recoins, là où sont leurs repaires,
J'abandonne, épuisé. Je vais ranger ma bière,
Tombe sur … l'agenda, caché au frigidaire !
Il est en compagnie de la télécommande
Dont la perte, hier soir, me mit en rage grande !
Objets inanimés, n'avez vous donc une âme,
Que pour mieux comploter avec toutes ces dames,
Qui pour vous bien ranger, perfides, ont inventé
Des cachettes infernales impossibles à trouver ?

Alléluia ! Hourra ! Voyons ce rendez-vous :
J'ai besoin de lunettes, me dis-je, tout à coup.
Elles ne sont donc plus suspendues à mon cou ?
Je retourne mes poches et y trouve de tout,
Même, devinez quoi, les clés de ma voiture !
Mais qui ne sont pas celles, amenant l'ouverture
De la porte d'entrée où stagnent les ordures.
Pour sortir la poubelle aux senteurs qui perdurent,
Je suis donc prisonnier. Et risque de manquer,
Un traitement subtil qu'on devrait m'appliquer (?)
Que voulais-je donc faire, au juste, l'instant d'avant ?
Ça va me revenir ... Et que fais-je à présent ?
Soudain, en un éclair, un trait de pur génie,
Je vois où mes lunettes, hier soir ont fini :
Tout bonnement au fond de ma table de nuit !
Je les chausse aussitôt et derechef, lis
Que ce grand rendez-vous devait être à dix heures,
Et que, chez le coiffeur, c'était hier, malheur !

Depuis belle lurette, (il est plus de midi),
Je suis archi-forclos et en suis fort marri.
Et si c'était urgent ? Et puis, c'est impoli !
Je ne souffre de rien. Ai-je une maladie ?
Je vais téléphoner, présenter des excuses,
Mais … où gît ce portable ? Il me nargue et m'abuse !
En vadrouille, parti dès que mon dos tourné ?
Sortir est impossible, il n'y a plus de clé ;
La sagesse me dit d'appeler les pompiers :
Il faut donc à tout prix ce portable trouver.
Le cherchant, ô miracle, une clé de l'entrée
Fait son apparition au milieu de l'évier !
Donc je fonce au plus vite évacuer ces ordures
Pour enfin respirer un air un peu plus pur :
J'accroche dans ma hâte un vase signé Sèvres
Souvenir d'une tante décédée dans la Nièvre.
Le balai n'étant pas à sa place habituelle,
Je racle les morceaux vers la petite pelle,
En me coupant les doigts pour pousser les fragments.
Où peuvent être rangées les boîtes à pansements ?
Je cherche dans l'armoire un mouchoir, un chiffon,
Mais rien à l'horizon. Je déchire un torchon
Pour colmater d'urgence un flux sanguinolent
Qui aurait eu besoin d'un bon désinfectant.

Il est plus de quinze heures, et mon docteur parti.
J'appellerai ce soir quand je serai remis.
Courbatu, épuisé, d'un tel travail fourni,
Assoiffé, mort de faim, je suis anéanti.
L'effort du marathon est sieste romantique,
Comparé à celui des travaux domestiques.
J'essaye un petit bain. Mais où trouver la bonde ?
Celle de la baignoire,? Ou qui lui corresponde ?
Je mets du sang partout en m'installant à table
Où je cherche le poivre. Il se cache, introuvable.
Devant quelques sardines, un quignon de la veille,
Abattu, je médite en vidant deux bouteilles.

Pourquoi toutes ces choses ont elles cette envie
De vouloir se cacher quand ma femme est partie ?
Elle ne se plaint pas quand se produit l'inverse
Que c'est moi qui m'en vais, sans qu'elle tergiverse. …
C'est donc un phénomène qui est métaphysique
Susceptible, je crois, de thèse statistique.
Ses conséquences alors, peuvent être dramatiques,
A moins que ce ne soit … de la pataphysique ?
Ces manifestations seraient … psychologiques ?
Je pencherai plutôt pour méphistophéliques…
Objets inanimés, n'avez vous donc une âme,
Que pour mieux comploter avec toutes ces dames,
Qui pour vous bien ranger, perfides, ont inventé
Des cachettes infernales, impossibles à trouver ?

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Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « L'illusion est trompeuse, mais la réalité l'est bien davantage.»
Frédéric Dard
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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