Nos belles inventions

16 septembre 2013
Docteur François-Marie Michaut

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Nobel, prénommé Alfred, parlons-en. Tout simplement parce que l'actualité en Syrie nous y invite. Ceux qui ne sont pas indifférents aux choses de la santé ne peuvent pas l'être devant la terrifiante utilisation des gaz toxiques dans des conflits guerriers.
Le procédé n'est pas nouveau. Des légionnaires romains, vers l'an 100, sur le site de Doura Europos au sud-est de la Syrie (déjà), auraient été victimes d'une attaque des Perses (les Iraniens d'alors) au moyen d'une amphore contenant du bitume et des cristaux de souffre utilisés dans un espace confiné (source : Wikipedia).

Pouvoir utiliser des substances asphyxiantes pour combattre des adversaires humains ou animaux nécessite des connaissances précises. Des esprits ingénieux et observateurs ont de tout temps consacré leur énergie et leur talent à explorer ces propriétés bien particulières des substances tirées du corps de la terre, ou même de certains organes animaux ou végétaux. La frontière entre médicaments pour soigner et poisons pour tuer a toujours été difficile à tracer. N'est-ce pas la mission historique de la pharmacie ? Les limites entre ce que nous nommons la chimie, jusqu'à Lavoisier, nommée indifféremment alchimie selon le mot inventé par des savants arabes au 7ème siècle, et la pharmacie sont floues.

L'histoire des découvertes dans lesquelles les substances les plus dangereuses ont été mêlées à la médecine a eu parfois une allure de feuilleton.

En 1825, le jeune pharmacien Antoine-Gérard Balard découvre le brome. Corps chimique dont le sel de potassium a longtemps été utilisé en médecine comme sédatif. La rumeur publique colporte aussi l'utilisation du fameux bromure destiné à calmer les ardeurs génésiques des jeunes gens longuement confinés dans des communautés militaires fermées.
Notre Balard, dont j'avoue n'avoir longtemps connu le nom que grâce à une station de métro parisien, ne s'est pas arrêté là dans ses travaux.
En 1844, c'est le nitrite d'amyle qu'il parvient à synthétiser. Le produit en question est explosif, mais son inhalation produit une rougeur intense du visage. Un médecin écossais, Sir Thomas L. Beenton a l'idée en 1867 d'utiliser cette trinitrine à effet vaso-dilatateur puissant en prescrivant d'en respirer une dizaine de gouttes sur un mouchoir en cas de crise d'angine de poitrine. Un corps explosif de manipulation redoutable devenant un médicament jusqu'à nos jours utilisé pour soigner des malades, dame Nature ne manque pas d'humour.

À l'université de Turin, le chimiste Ascanio Sobrero découvre en 1847 l'ester trinitrique du glycerol. Ce que nous connaissons sous le nom de nitroglycérine. Vous savez, comme dans le film célèbre le salaire de la peur.
C'est une usine de fabrication industrielle de cet explosif que crée en 1860 le suédois Alfred Nobel. L'entreprise n'est pas sans risque, son frère Emil est lui-même est tué avec cinq personnes dans une explosion de nitroglycérine survenue au travail.

   En 1866, Alfred Nobel découvre la dynamite. L'observation de la fuite d'une bonbonne du liquide explosif dans un sable siliceux bien particulier stocké à côté lui fait découvrir que cette patte molle est devenue insensible aux chocs et qu'elle ne peut plus exploser que grâce à l'usage d'un détonateur. L'invention ne peut que séduire tous ceux, civils ou militaires, qui ont besoin d'un explosif puissant et maniable.
Fortune faite, Nobel s'installe à Paris et mène grande vie. Un jour de 1888 un journal annonce par erreur sa mort avec l'article nécrologique suivant (source Wikipedia) « Le marchand de la mort est mort. Le Dr. Alfred Nobel, qui fit fortune en trouvant le moyen de tuer plus de personnes plus rapidement que jamais auparavant, est mort hier. ».
Troublé par cette réputation peu flatteuse, Alfred Nobel se retire en Italie jusqu'à sa mort en 1896 et lègue toute sa fortune pour créer le fameux prix qui est depuis décerné chaque année sous les feux de la rampe médiatique mondiale.

   Oeuvre de vie, oeuvre de mort, tout se tient si étroitement lié dans les productions de nos cerveaux. Voilà qui devrait rendre moins catégoriques et plus prudents dans leurs jugements en noir et blanc tous nos donneurs de leçons, petits, moyens et grands.

 



Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : «

Le prix Nobel, c'est une bouée de sauvetage lancée à un nageur qui a déjà atteint la rive.

»
George Bernard Shaw
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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