Le syndrome de Théodore

13 janvier 2014
Docteur François-Marie Michaut
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Théodore, prénom démodé s'il en est ! Son origine grecque signifiant don de Dieu n'est que l'alias d'un certain Dieudonné. L'affaire Dieudonné, car s'en est devenue une en France, pas sans rapport avec celle du lointain capitaine Dreyfus, va bien au delà de quelques piètres pitreries ne méritant pas une telle émulsion médiatique.
Un provocateur a pour objectif de contraindre, par ses manipulations, ceux qui sont en face de lui à répondre par des paroles ou par des actes. Machination diabolique : toute réponse directe est dans ce cas piégée. Elle ne fait que renforcer une publicité imméritée. Mais le silence lui-même, vous transformant en complice de fait, n'est pas une position tenable. Alors, tant pis, je plonge.

Le cheval de bataille utilisé ici est celui dit de l'antisémitisme. Mauvaise façon de nommer les choses. Sem, qui s'en souvient, était, selon le récit de la Génèse, le fils aîné de Noë.
Le déluge submergeant la terre n'a épargné que la célèbre arche et ses quelques passagers animaux et humains. C'est donc Sem qui, d'une certaine façon, et sans qu'on sache trop avec quelle dame, a joué le nouvel Adam. Les descendants de Sem, ce sont donc, selon le récit biblique, tous les hommes. Et pas seulement ceux des populations sémitiques comme nous nommons actuellement les juifs comme les arabes du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.
Il ne s'agit pas là d'un «détail» pour historiens pointilleux, mais d'une réalité. Peu importe si elle n'est que symbolique. Qui que nous soyons, que cela nous plaise ou non, comme aux gardiens patentés des dogmes religieux, nous sommes tous des fils de Sem. Semen, la semence des Latins, n'est pas loin.
Si l'on a simplement cette idée en tête, il devient alors suicidaire d'être l'ennemi mortel de qui on est soi-même ! Le serpent se mord la queue.

Et pourtant. L'histoire des persécutions et des exodes multiples qu'a pu connaître le peuple juif, jusqu'à l'horreur sans précédent de la Shoah (la Catastrophe) au siècle dernier, est une des pages les plus sombres de notre passé. Pourquoi tant de haine contre les Juifs, pourquoi un tel acharnement pour détruire ces hommes ? Serait-ce ce dont ils sont porteurs, et dont nous sommes dépourvus, qui nous fait si peur ?
La vieille justification des autorités chrétiennes selon laquelle ils seraient responsables de la mort de Jésus, donc déicides, ne convainc plus personne. Jésus était lui-même de religion juive, et ceux qui suivaient son enseignement, eux-mêmes juifs, lui donnaient sans hésitation le titre de rabbin.

Comment se fait-il, que cela soit caché ou que ce soit dit, que nous soyons en bien trop grand nombre aussi «anti-juifs» ? Quelle peur irraisonnée nous anime malgré nous ?
Je me suis rendu compte, bien au delà de la soixantaine, que bien qu'intéressé par les cultures et les religions du monde, et élevé dès l'enfance dans une famille catholique pratiquante, je ne connaissais pratiquement rien du judaïsme. Curieuse lacune pour un esprit de nature fouineuse : il y a anguille sous roche. Comme le répète l'humoriste Anne Roumanoff : «on ne nous dit pas tout».
Scotome culturel significatif diagnostiquerait un disciple de Sigmund Freud. En ce qui me concerne, il me semble avoir été atteint de ce que je ne peux nommer autrement qu'une «a-juivitude». Pardon pour ce néologisme, mais je ne sais pas dire mieux. Autant que je puisse en être conscient, je ne me souviens pas d'avoir été contre les juifs, et les stéréotypes dont ils sont affublés si facilement, et si légèrement , dans l'indifférence générale, me hérissent. Je me suis même laissé aller à publier ici, dans la LEM 750, une réflexion sur «La tradition juive» et tout ce que nous lui devons. Ce papier a été complété par le Coup d'Oeil du 4 et 5 avril 2012 sous le titre Références des plus utiles.

S'échapper par le haut de notre syndrome de Théodore, qui va bien au delà de notre pays, l'actualité planétaire le montre souvent, n'est pas une entreprise impossible. Cela suppose simplement de ne plus rester dans l'ignorance de ce que nous ont légué, directement ou indirectement, tous ceux qui nous ont précédé. Devoir de mémoire disent sagement les uns, travail de culture et de connaissance sans frontières prétendent avec raison les autres.

   Car finalement, notre grande aventure humaine individuelle ne représente pas tellement de gens quand on se souvient qu'un millénaire est l'affaire de seulement trente à quarante générations. On est vite au Déluge !


Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence

 

Os court : « Il vaut mieux enseigner les vertus que condamner les vices.»
Baruch Spinozza
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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