Pouvoirs publics ou pouvoir privé ?

14 août 2017
Docteur François-Marie Michaut


Elle n'est pas morte la vieille opposition entre le collectif et l'individuel, c'est à dire le public et le privé. Lequel doit primer l'autre ? Tels deux frères ennemis, ils semblent se livrer un interminable combat. Mais en silence : pas de débat public digne de ce nom. L'air du temps, pour nous depuis 1945, sous l'influence jamais démentie des élites intellectuelles nourries au biberon marxiste (1), favorise le collectif. Tout ce qui est personnel est considéré comme suspect, et le proverbe l'union fait la force est pris au pied de la lettre. La mythologie de l'équipe fédérant les forces disponibles, comme dans les sports collectifs a gagné les esprits. Brain storming, travaux de groupe, institutions, églises, partis et associations, tel est devenu notre catéchisme implicite. Un ensemble est plus et autre chose que la somme des éléments le constituant nous affirment les systémiciens : tel est le credo dominant du moment.

Pour tout esprit simplement curieux, des observations s'imposent. Toute découverte, en médecine comme ailleurs, ne sort que d'un cerveau qui prend la liberté de ne plus voir une chose comme les autres le font. Qu'il faille ensuite tout un dispositif, parfois fort complexe, pour aller jusqu'au bout d'une recherche ne change rien à l'affaire. Dans le domaine artistique, il n'est de créateur qu'une personne travaillant dans la solitude.

Ce propos pourrait sembler d'ordre purement théorique, voire métaphysique, s'il n'avait pas une implication dans les soins de santé. Tel un buldozer, le système hospitalier public est parvenu en quelques dizaines d'années à prendre le contrôle de l'exercice de la médecine. De la formation universitaire, sous son monopole exclusif, à la mise en place d'établissements se prévalant de «plateaux techniques» servis par un personnel nombreux, la machine publique veut investir tous les domaines.

Avec un échec cuisant : celui de la médecine générale. Et, que mes amis spécialistes ne s'en choquent pas, je classe dans ce tiroir, tous les praticiens exerçant individuellement. Cette survivante des temps anciens, où le médecin dans son cabinet médical, dans son quartier ou dans son village constituait un élément indispensable à la vie de ses patients. Oui, il fut un notable, souvent respecté, parfois haï, de temps en temps aimé. Fonction de facilitateur de liens sociaux,insoluble dans quelque organisation à plusieurs têtes que ce soit. Pas de nostalgie : on a tué les notables, ils avaient fait leur temps. La nature ayant, c'est bien connu, horreur du vide, quelque chose surviendra.

Il ne serait pas stupide qu'avant même de s'engager à tenter de devenir médecin, les candidats à l'entrée en faculté se posent une question. Moi, comme je suis (pas comme je voudrais/devrais/pourrais être), quelle option me convient le mieux ? Travailler comme médecin en acceptant et en revendiquant la responsabilité d'être mon propre maître (pouvoir privé) ? Soigner les malades en me soumettant aux seules orientations exclusivement définies par les autorités sanitaires, c'est à dire les pouvoirs publics ?
Où est ma liberté d'agir selon ma conscience propre, quel prix ai-je envie (ou besoin) de la payer ? Une fois cela clairement posé, tout le reste, dans ce que cela a de plus matériel pour organiser les soins les mieux adaptés, ne peut qu'en découler.

Note (1) :
L'Union Soviétique a été un grand vainqueur de l'Allemagne nazie. Le PC a été la force majeure de la Résistance. Avec environ un tiers du corps électoral votant communiste, il s'en est fallu d'un cheveu pour que la France ne devienne pas un pays satellite de l'URSS.




 Votre question


Os Court :

« Ceux qui pensent que le pouvoir est amusant confondent « pouvoir» et « abus de pouvoir». »


André Malraux, écrivain et homme politique


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