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Fond marin

Deux hommes d'influence

 



   Célébrés par les médias, sans défaillance ni l'un ni l'autre dans leur sillon de vie jusqu'au bout, chers au coeur d'une majorité de gens de tous les âges, le point final quasi simultané de leur passage vital vient de nous frapper.

   Émotion, ô combien légitime et respectable, de millions de personnes qui ressentent un profond sentiment de perte. Quelqu'un qui compte pour vous, qui vous aide à vivre, qui a le talent de traduire avec force aux yeux et aux oreilles de tous ce que vous ressentez profondément en vous, cela ne court pas les rues.

   En apparence, il étaient on ne peut plus opposés. D'un côté, né au milieu des années 1920, Jean d'Ormesson, rejeton d'une famille d'aristocrates, brillant produit de l'élite intellectuelle française, journaliste engagé, écrivain et académicien de longue date. De l'autre Jean-Philippe Smet qui vit le jour en 1943 dans un Paris en guerre, et sous le nom de Johny Halliday, surfa dès 1960 sur la vague de la fascination de toute une jeunesse pour une image magnifiée de ce qui venait des USA. Rêve collectif d'une génération confrontée à sa participation à la terrible réalité d'une incompréhensible guerre d'Algérie qu'on lui imposait de faire.

  Pourtant, il suffisait de les regarder et de les entendre, que la télévision soit remerciée de ne pas avoir raté une occasion de le faire, pour constater qu'ils étaient frères. Peu importe que l'un fut un prototype d'un esprit français plein de malice et de culture, d'une habileté consommée dans l'art subtil de la conversation et de l'échange. Aucune importance à ce que son cadet ne fut jamais un causeux et n'écrivit jamais seul le texte d'aucune de ses mille chansons, il était une incomparable bête de scène.

   Leur similitude ? Une même gentillesse inconditionnelle envers chaque personne qu'ils rencontraient. Pas un simulacre plus ou moins grimaçant pour mieux tromper son monde. Être gentil n'a pas bonne presse. C' est souvent vécu comme la seule vertu accessible aux plus faibles d'entre nous. Dramatique erreur qui ouvrent grandes les portes de tous les pouvoirs aux humains les plus dangereusement manipulateurs.

   Que ce soit avec l'écrivain ou avec le chanteur, merci encore la magie de la vision à distance - la télévision- on se sentait bien. Sauf allergie personnelle, bien entendu. Ces hommes, par leur façon d'être, nous faisaient, je me répète, du bien, quand le quotidien ne se lassait pas de nous plonger dans un monde de compétition, de confusion et de violence sans fin. Des types vrais, avec tous leurs défauts sans en oublier aucun, tant ils nous ressemblent en cela. On disait dans les églises bienfaiteur, à la synagogue tsadik et à la mosquée sadik.

  La leçon de l'affaire, si tant est qu'il en soit besoin, c'est à un ancien adjudant médecin auxiliaire de la Grande Guerre que nous la devons. Plus connu sous le nom d'emprunt (1) de Louis Aragon, c'est un extrait de son poème « Que la vie en vaut la peine » . Le voici : « Je dirai malgré tout que cette vie fut belle ». Juste le titre du dernier livre paru en 2017 de Jean d'Ormesson que je suis en train de lire en ce moment.
   Le feu que voulait allumer notre homme de la chanson, nous pensions qu'il n'existait plus dans notre culture nationale. Quelle joie de constater, manifestations collectives le démontrant, que, rendus myopes par notre pessimisme dépressif ambiant, nous ne percevions pas la force et la beauté de la réalité. De notre réalité.


Note de la rédaction:
(1) Son père, qui ne l'a jamais reconnu, était un ancien préfet de Police, et sa mère issue d'une famille ayant pignon sur rue. il fut doté, à sa déclaration par son père Louis, du patronyme d'Aragon en simple référence à la province d'Espagne où il avait été ambassadeur. (Source : Wikipedia).




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