Humilité négligée

                                   24 mai 2021


   Quel mot démodé pour notre modernité pétaradante que celui d'humilité ! Et s' il est périodiquement invoqué, c'est pour camoufler stratégiquement une hypertrophie du moi. Le «en toute humilité» est un vilain faux-nez facile à repérer : celui de la fausse modestie. Au temps présent des communicateurs compulsifs et autres hommes-sandwich numériques que sont les «influenceurs» de toute facture, les ressorts actionnant les communications entre humains sont brouillés. Pour mieux nous manipuler, nous les toujours pressés, les adeptes du toujours plus, du moi d'abord.

   Les mots ne sont pas des briques interchangeables, chacun a sa propre force pour qui veut bien les regarder deux fois. C'est à dire les respecter dit le français.
   Alors humilité, cette façon d'être et de se jauger soi-même, si rare et si dépréciée, qu'est-ce que c'est ? Une vertu, dirait un moraliste, réservée aux plus faibles d'entre nous parce qu'ils ne chercheraient pas à écraser les autres ? Les Béatitudes évangéliques, franchement, ne militent pas pour la gloire des humbles, assimilés aux enfants, aux malades ou aux fous.

   Paradoxalement, c'est à la préoccupation croissante de l'écologie, sur fond de catastrophes annoncées si nous ne changeons pas nos instruments d'action, qu'il faut se référer. Humilité, je le sais depuis peu, a un rapport direct avec l'humus, la mince couche de terre fertile indispensable à toute vie.
L'humble est celui qui a une conscience aigüe et permanente de n'être qu'un maillon parmi tous les autres constituant notre terre mère. Ce qui lui rend impossible, sans être en contradiction avec lui-même, de faire n'importe quoi de sa vie, comme de celle de tous les vivants, sous prétexte de faire tout ce qu'on peut et sait faire. sans se soucier du pourquoi on le fait.
La vieille histoire de Voltaire, qui ne fut pas un modèle d'humilité en son siècle, nous conseillant dans Candide de cultiver notre jardin retrouve soudain une actualité non négligeable. Les inévitables retours de bâton des décisions prises en cette période covidienne vont être d'impitoyables révélateurs. Les dés sont jetés, la science fait son travail d'investigation, la réalité une fois connue parlera sans prendre de gants.

   Toute cette lecture systémique, j'en conviens volontiers, est bien sévère. Nous ne serions pas en France si une petite pirouette finale ne venait l'adoucir. Allons en Italie pour une expression familière réservée aux personnages qui veulent imposer aux autres leur importance : « rimuovere el tappo». Quelque chose comme enlever le bouchon ! Et, en prime pour la patience du lecteur, ne pas rater l'Os Court final signé de l'aigle de Meaux et emprunté à l'Ecclésiaste ce qui ne nous rajeunit pas.



Os court :
« Vanité des vanités et tout est vanité»

Jacques-Bénigne Bossuet (1670)

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