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Lettre
d'Expression médicale n°269
Hebdomadaire francophone de santé
25 Novembre 2002
La voix d'abord
par Dr Jacques Blais
Comme souvent, les mots sont à double sens.
Admettons même comme toujours. Et ce titre là, en nous
mettant sur la voie, nous plonge également au coeur de l'interprétation.
Il va être question, car c'est ici une habitude, de relationnel,
de communication, d'écoute, et de dialogue.
Retrouver la confiance:
"La voix, d'abord. " Elle met en confiance, aborde, présente,
expose. Trahit aussi, parce que parfois elle se fêle, souvent
elle trébuche, constamment elle accentue ou au contraire
minimise, voile, tait presque, et toujours elle livre. L'accent,
celui qui est acquis, celui du milieu social, de l'éducation,
de l'environnement, de l'ethnie, des origines. Ou l'accent "mis
sur" qui, celui-ci, est induit, qui insiste, indique, désigne.
Il souligne le point sensible, douloureux, ou vulnérable,
inquiétant, fondamental en tout cas, consciemment ou non.
Le tout assorti d'une gestuelle et inclus dans des manifestations
non verbales, une mimique, des attitudes, des comportements. Nous
avons déjà évoqué cela, mais le sujet
du jour est double. La voix, premier contact, première rencontre
de l'échange entre patient et professionnel de santé,
et d'abord, considéré ici dans son sens chronologique,
"en premier" . Ceci même lorsque la rencontre concerne
un "praticien instrumental", ce qui nous mène dans
la suite du développement de ce thème.
Restaurer la conscience
:
Un chirurgien, et nous ne verrons là qu'un exemple valable
pour bien des spécialités dont la technologie, l'équipement,
l'instrumentation ou l'appareillage sont les outils, le support,
les moyens, et une partie des caractéristiques, ne possède
pas une perception identique, des critères semblables, à
ceux d'autres spécialités. Rien que de parfaitement
logique et lucide en cela. Ne lisez, ne traduisez pas une seconde
en une critique ou une forme de discrimination. Il est maints chirurgiens,
ou de nombreux radiologues, des gastro-entérologues, etc,
bien plus communicants et à l'écoute que certains
généralistes, et l'inverse est tout autant exact.
Le propos souligne simplement qu'un des outils fondamentaux du généraliste,
du psychiatre, du thérapeute de dialogue en général,
sera la voix, quand l'instrumentation, la technologie, l'équipement
requis entreront bien davantage dans l'arsenal d'autres spécialités.
Et nous voilà au coeur du sujet. Double sens encore, le sujet
du dialogue étant pour ce qui concerne la voix, visé,
quand la personne, le sujet support de l'action, est celui qui intéresse
la voie d'abord du chirurgien. Nous nous retrouvons à la
jonction exacte de deux manières d'aborder une situation
finalement du même ordre. Comment "entrer dans le vif
du sujet ?" Pour les activités de dialogue,
de relation, d'échange, par la voix, d'abord, quand pour
un chirurgien qui réfléchit à la méthode
adaptée pour atteindre aisément le site à
opérer il s'agira de la voie d'abord. On ne "parle pas"
de la même chose, s'exclameront certains, quand d'autres répliqueront
qu'il s'agit seulement d'un abord différent de la personne.
Passionnant. Comme un échange, un jeu de mots dont les cartes
employées varient selon les joueurs.
Renforcer la compétence:
Abordons ce chapitre précisément, par la référence
à une Etude publiée dans le British Medical Journal
(2002;325:682-3) intitulée, si nous la citons directement
dans la traduction pour simplifier : le temps de parole spontané
du patient en début d'une consultation externe. Apparemment,
les praticiens laissaient un temps moyen de vingt-deux secondes
à leurs patients pour exprimer leurs doléances en
début d'entretien, frustrant leurs consultants. Et cette
étude montrait qu'en tentant l'expérience de s'obliger,
pour les médecins, à deux minutes de silence total,
ne provoquait pas de sentiment de débordement chez les professionnels,
et permettait aux 1137 consultants testés d'éprouver
la sensation d'avoir pu tout dire à leur interlocuteur. Une
minute 38 de bonheur en plus, et tout (ou presque) devient possible
à dire !
Nous allons illustrer un objectif de cette réflexion par
une situation exemplaire, dans le sens non de modèle que
l'on donne souvent, mais d'une opportunité réalisée.
Un établissement hospitalier voit disparaître, pour
des raisons de réorganisation, son service de soins palliatifs.
Au sein duquel exerçait un médecin psychologue thérapeute.
Par un raisonnement derrière lequel on pourrait lire une
allusion mathématique à la mort, le service de cardio-vasculaire
qui succède à "feu le département de soins
palliatifs", car objectivement on meurt encore plus d'affection
cardio-vasculaire que de cancer, décide de garder à
titre partiel la psychologue. D'autres secteurs réfléchissent,
et estiment par exemple pour la Procréation Médicalement
Assistée, que les tracas moraux et psychiques éprouvés
pour se décider à fabriquer un bébé-éprouvette
valent l'assistance d'une psychologue. Et l'unité d'orthogénie
convient également que les Interruptions Volontaires de Grossesse
méritent une aide. Le médecin psychologue reste donc
à bord, avec des morceaux de temps partiels ajoutés qui
lui constituent un emploi complet.
Et du coup, un service de chirurgie très hautement spécialisé
amené à traiter par recherche technologique éminente,
et mises au points chirurgicales affinées, des cancers spécifiques
de l'homme, se met à avoir recours plus souvent aux services
et à l'aide du médecin psychologue. En constatant
que, si le chirurgien a de fait expliqué la technique, les
conséquences, il est parfois aussi désemparé
que son patient pour évoquer, et encore plus pour devenir
thérapeute, au moment des suites spécifiques à
type d'incontinence urinaire et d'impuissance. Que dire des problèmes
du couple, de retour au domicile, de la dépression réactionnelle,
des demandes insistantes à distance, des appels téléphoniques
? Finalement l'idée vient que, si un travail en amont a
été déjà entrepris depuis plusieurs
mois, proposant une écoute par un médecin, une orientation,
un temps et un lieu de dialogue, de parole, d'expression des angoisses
et des interrogations sur les perspectives post-opératoires
de tous niveaux, tant en direction du patient que de sa conjointe,
compagne ou complice, ou des proches, poursuivre cette approche
pendant le séjour du patient en chambre avec l'intervention
à la demande du médecin psychologue serait un indéniable
progrès. L'attention aux démarches et aux mouvements
systémiques de l'établissement tendrait à démontrer
que le département du digestif vient de songer que la psychologue
serait plus que bienvenue auprès de certain(e)s opéré(e)s
de pathologies "péjoratives"... Et quelque
chose laisse à penser que des interventions ponctuelles pour
quelques agités par l'angoisse, agressifs par la peur, révoltés
par leur sort injuste, des êtres bousculés par la maladie
qui se mettent à haïr les bien portants, voire même....
allons jusqu' à cette forme de rêve éveillé,
une participation à des formations pour le personnel, à
des échanges systémiques entre sous-groupes, toutes
ces formes d'aide finiraient par nécessiter d'augmenter l'effectif
des thérapeutes psychologues intra-muros.
A terme, les spécialistes de la voie d'abord, essentiellement
des chirurgiens, mais aussi des soignants d'autres natures, anesthésistes,
infirmiers, etc, vont convenir que les utilisateurs de la voix,
d'abord, les praticiens du dialogue, de l'écoute, de l'échange,
de la thérapie, peuvent et ont intégralement intérêt
à s'unir à eux, à se complèter,
se parler, coordonner et additionner leurs actions, s'aider à
comprendre et échanger en permanence, dans un but commun
et unique, la qualité des soins aux êtres humains.
l'os court :
<< Sil me répugne de
dire tout haut ce que je pense tout bas, cest uniquement parce
que je nai pas la voix assez forte>> Erik
Satie
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Lettre
d'Expression médicale n°270
Hebdomadaire francophone de santé
2 Décembre 2002
Lettres de médecins
par Dr Jacques Blais
Le médecin parle, il ou elle écoute, il n'est pas
exclu d'écrire aussi. Sujet parfois évoqué,
nous n'aborderons pas ici les courriers professionnels d'introduction
ou d'adresse à des confrères d'autres spécialités,
mais des missives particulières, à teneur inhabituelle.
Qui peuvent absolument faire partie de la vie du praticien, tant
l'exercice, au fil des années, est varié, imprévisible,
bousculé parfois par des évènements et des
perturbations relationnelles. Nous abordons très souvent
ce thème de la relation, en réfléchissant sur
ce qui peut la rendre meilleure. Aujourd'hui songeons aux aléas.
Naturellement toutes ces lettres sont fictives, mais toutes ces
situations ont existé le plus réellement qui soit,
à l'identique.
Retrouver la confiance :
Mon cher Paul, j'ai été comme toi heureux d'évoquer
un instant nos années d'autrefois, ravi aussi d'avoir pu
te dépanner ce samedi soir où tu n'avais plus trouvé
que le mien comme cabinet médical ouvert dans la région.
Lorsque tu as appelé de nouveau récemment, ma secrétaire
t'a fort bien expliqué les conditions de mes disponibilités
auprès des patients qui ont besoin de mes soins. Comme en
apparence ceci semble t'avoir posé problème, je voudrais
te confirmer par écrit que le fait pour nous deux d'avoir
fréquenté les mêmes salles de classe en primaire
ne saurait désormais pas d'assurer une priorité dont
même mes proches ne disposent pas. Que, dans le commerce que
tu tiens je crois à la satisfaction générale,
tu organises comme tu l'entends tes priorités demeurera un
phénomène sans comparaison. Mon métier est
celui d'un thérapeute, et je ne pourrai donc me rendre disponible
pour toi à toute heure alors que les patients qui font appel
à mon aide respectent nos conventions d'horaires, et de lieu.
Je pense raisonnable que tu poursuives ton parcours avec ton praticien
habituel, et te prie de croire, chez Paul....."
"Madame, mon secrétariat m'a rapporté vos demandes
et votre réaction semble-t-il surprise, voire offusquée,
quand il vous a été répondu que je ne
me rendrais certainement pas à votre domicile entre 10h et
13 heures parce qu'avant vous étiez au marché et après
chez votre coiffeur. Je vous confirme donc que si des patients souhaitent que
nous échangions une relation de confiance à but thérapeutique,
ils se déplacent à mon cabinet, sauf cas d'impossibilité
absolue justifiée. Le fait que vous ayez, paraît-il,
bien connu mes parents autrefois n'apparaît pas comme un argument
susceptible de modifier ma disponibilité. Vous avez expliqué
que votre médecin traitant habituel a pris sa retraite, à
proximité immédiate de votre habitation exercent les
Docteur H, B, et F, et je vous encourage à prendre contact
avec eux..."
"Madame, je vous ai expliqué, à la suite d'un
long entretien récent consécutif à un accident
de travail dont vous avez convenu, devant mes interrogations, qu'il
n'en avait aucune caractéristique, survenu en dehors du lieu
de travail, nullement durant un trajet, mais dans votre jardin le
dimanche, que je ne souhaitais pas, malgré les formulaires
administratifs que vous présentiez, poursuivre dans ces conditions
heurtant mon éthique professionnelle, à prendre en
charge votre pathologie. Je vous ai administré les soins
de départ nécessaires à l'état
de votre genou, et en portant "acte gratuit" sur les documents
puisque sans justification liée à votre travail. Mais
nous ne saurions à présent prolonger ce type de relation,
puisque je comprends à votre nouvel appel que vous persistez
à vouloir tirer bénéfice d'une situation que
je ne peux approuver, d'autant que nous avions déjà
eu à plusieurs reprises quelques litiges dans nos conceptions
réciproques de mon travail. Je vous prierai donc de trouver
un autre lieu de soins à l'avenir, et vous prie de recevoir,
Madame..... "
"Madame, Monsieur, lors de ma très récente visite
à votre domicile, je vous ai fait part de ce que je considère
comme inacceptable : vous avez donné à mon secrétariat
un prétexte faux, de manière inadmissible, pour me
faire déplacer à domicile et éviter ainsi les
désagréments de l'attente au cabinet, en prétendant
que votre fille présentait une forte fièvre, alors
que vous aviez seulement à renouveler un traitement trimestriel
d'adulte. Je vous confirme par ce courrier que je ne souhaite plus
que vous fassiez appel à mes services d'aucune façon,
8 autres praticiens exerçant sur la commune il vous sera
aisé d'opérer un choix. Pour ma part, je ne peux absolument
pas travailler en thérapeute sans un climat de confiance.
Avec mes meilleures salutations...
Restaurer la conscience
Madame, Monsieur, vous avez une première fois fait appel
à moi pour voir à domicile votre grande fille de 25
ans. il m'est apparu évident que la coïncidence de la
célébration mal vécue de ses "Catherinettes"
et de la perte de son chat dénote un très réel
état de détresse et de chagrin, indépendants, qui
méritent incontestablement une écoute attentive et
des soins appropriés. Pour lesquels je vous ai expliqué
qu'ils devaient, pour être profitables, s'effectuer à
mon cabinet. Ce que vous paraissiez avoir admis, puisque vous avez
accompagné votre fille pour la séance suivante. Lors
de laquelle vous aurez remarqué que je l'ai longuement
écoutée, seule, pendant une séance de
50 minutes, qui lui a permis de beaucoup parler. Or vous m'appelez
de nouveau à domicile, d'où ce courrier. Je souhaiterais
que vous réalisiez l'importance d'un travail qui ne saurait
se pratiquer entre vos meubles, votre télévision,
et votre présence que je vous sens souhaiter. C'est
bien votre fille qui est concernée, je la recevrai de nouveau
volontiers à mon cabinet, et il serait bien qu'elle prenne
elle-même ce rendez-vous ou cette décision. A défaut,
je vous rappellerai que deux confrères sont installés
dans votre rue, si l'éloignement relatif primait sur le reste...."
"Madame, Monsieur, j'ai pris à plusieurs reprises la
peine, durant une de nos consultations, de vous expliquer combien
il me semblait déraisonnable pour Monsieur G. de continuer
à consulter deux cardiologues différents, un gastro-entérologue,
un psychiatre, deux rhumatologues, trois généralistes,
un ostéopathe, deux dermatologues, tout en plaçant
à chaque fois les uns en contradiction avec les autres. Que
ceci traduise chez vous une angoisse extrême de la mort, au
delà des manifestations de santé usuelles à
bien des individus est acceptable; Mais vous venez de constater,
en ce soir tardif où, en désespoir de cause, vous
vous êtes précipités fort tard chez moi en raison
de l'effet iatrogène cumulé de quatre produits identiques
prescrits par quatre de vos praticiens sous des noms différents,
que cette pratique n'est pas dénuée de risques. Pour
moi, je vous redis ici que ce mode de fonctionnement, trahissant
une absence de confiance relationnelle, d'observance, et de projet
thérapeutique réel n'est absolument pas compatible
avec mon éthique et ma vision de mon métier. Je vous
demande donc de nouveau que nous cessions très simplement
et sans aucune arrière-pensée ce qui ne ressemble
en rien à une collaboration thérapeutique..."
Renforcer la compétence:
Madame H., j'ai bien reçu votre lettre, que je vous restitue
aussitôt avec ce même courrier. Je pense qu'il y a une
erreur d'interprétation manifeste dans votre manière
d'être et votre comportement à mon égard. Que
j'aie pu vous écouter longuement à plusieurs reprises,
vous offrir une aide médicale dans un moment d'intense détresse,
être amené de ce fait à découvrir tout
ce que vous avez bien voulu me confier de votre existence douloureuse
ne doit en aucun cas être confondu avec quoi que ce soit d'autre
qu'une attitude purement professionnelle et thérapeutique.
J'admets que votre tourment émotionnel actuel a pu vous égarer
quelque peu. Il est indispensable, pour ne pas aboutir à
une impasse, que nous cessions désormais de nous rencontrer
à mon cabinet. Dans la ville où vous demeurez sont
installés six praticiens, vous allez vous adresser à
l'un d'entre eux pour poursuivre un travail qui, je le répète,
ne saurait être que thérapeutique, neutre, objectif,
et sans aucune interférence avec la vie privée qui
existe indépendamment du cabinet. Rassurez vous, j'oublie
cette erreur et vous retourne votre courrier, vous demandant bien
sûr avec insistance, de votre côté, de contacter
un autre médecin, car je ne peux définitivement vous
proposer qu'un abord thérapeutique..."
Professeur V. à Madame L. "Madame, vous avez insisté
auprès du service de régulation de mon Département
de Chirurgie spécialisée pour obtenir spécifiquement
un rendez-vous auprès de moi pour votre frère. Comme
il en a la mission, le médecin régulateur s'est enquis
de la pathologie de votre frère, parfaitement bénigne
et suivie actuellement par un spécialiste de votre région,
vous expliquant très longuement que mon orientation de spécialité,
les travaux de recherche qui sont les miens, et l'éthique
de notre service, nous mènent à proposer une intervention
spécialisée sur diagnostic positif uniquement. Il
vous a été suggéré de demander à
votre frère si nécessaire d'appeler lui-même
pour informations, ou de nous écrire, solutions que vous
avez refusées avec véhémence et un brin d'agressivité,
si vous me permettez cette remarque. En invoquant le droit des malades
à choisir. Vous avez raison, à partir d'un diagnostic,
et vous devez comprendre que le médecin et le chirurgien
ont également leur droit de récuser les patients qui
n'entrent ni dans leur spécialité ni dans leurs indications
technologiques. Car, comme vous l'a certainement exposé aussi
le médecin régulateur, recevoir un patient qui bénéficie
déjà de soins parfaitement adaptés dans sa
région revient à priver d'accueil un autre patient,
nécessitant lui des traitements spécifiques pratiqués
uniquement dans quelques centres de soins adéquats. Vous
insistez dans votre courrier sur votre propre cas, un cancer
traité avec succès, mais derrière votre intense
angoisse je crois m'autoriser à percevoir une confusion entre
votre situation, vos désirs, et la situation qui reste à
décider par votre frère lui-même... "
Aucune intention ici de laisser une impression désagréable,
un autre jour j'évoquerai des courriers inverses : une lettre
laissée dans une boîte un soir de Noël chez plusieurs
patients solitaires ou malades, une autre glissée chez un
homme sur le chemin d'un de mes départs en vacances, pour
lui dire que je ne l'oublierai pas dans sa détresse morale,
encore une comme seule capacité de communiquer avec une jeune
femme si brutalement veuve, ou une en réponse à une
patiente qui n'avait pas osé d'autre solution pour aborder
un sujet "impossible" que d'écrire au lieu de parler...
Le but ici, suite à des échanges nombreux, était
de mettre en évidence la réalité pour le praticien,
lorsque la relation thérapeutique avec le patient n'est plus
envisageable, ou valable, ou devient nocive, d'une solution à
trouver pour dire ce fait. Oralement le plus souvent, comportementalement
aussi si cela s'avère suffisant, et en cas de besoin insistant,
pourquoi pas par écrit, en respectant les règles de
la déontologie ?
l'os court :
<< Qui leût cru ? Il est
cuit ... >> Cath Hoche
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un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°271
Hebdomadaire francophone de santé
9 Décembre 2002
Santé et science chrétienne
par Dr François Michaut
Qui connait encore de nos jours Mary Baker-Eddy, cette américaine
qui naquit en 1821 ? Pourtant elle exerça une influence spirituelle
considérable sur des millions de gens dans le monde. Son
histoire mérite quon sy arrête si lon
veut comprendre un peu mieux comment peut naître et prospérer
une secte puissante (cf LEM 266 La grande illusion).
Nous allons ensemble tenter de démonter aussi simplement
que possible la façon dont la mayonnaise collective dun
mouvement sectaire peut prendre, y compris, comme on en parle dans
les échanges de la liste Exmed, dans les rangs de nos métiers
de santé.
Retrouver la confiance :
Après quarante ans dexistence misérable dans
la campagne de lEst américain, Mary découvrit
lidée de sa vie, et sut sy tenir jusquà
sa mort contre vents et marées. Dans cette ambiance rurale
puritaine, il nétait même pas pensable de ne
pas croire en Dieu. Mary se convainquit rapidement dans sa triste
vie que ce Dieu étant, par définition, la bonté
même, il ne pouvait pas vouloir que de mauvaises choses arrivent
aux hommes. La maladie, et même la mort, navaient pu
être créées par lui. Conclusion de Mary : elles
nexistaient tout simplement pas. Ce nétait quune
erreur de perception de nos esprits humains aveuglés par
leur manque de foi en Dieu. Retrouvez la confiance en Dieu comme
je lai fait, plus de maladie, comme cela mest arrivé
malgré limpuissance des médecins : tel est son
unique credo.
Restaurer la conscience
Pour Mary Baker-Eddy, dans sa vision très personnelle
de la réalité, il nest dautre science
envisageable que la connaissance de la Bible. La médecine,
bien quelle fut dabord mariée avec un médecin,
est donc pour elle une aberration totale. Les médecins sont
des gens qui ne font que renforcer notre fausse vision de la souffrance
et de la maladie. Il faut donc les fuir avec horreur, pour ne faire
confiance quaux dirigeants diplômés
de la Science Chrétienne. En femme daffaire avisée
quelle fut ( elle la pauvresse mourut multimillionnaire à
90 ans ), elle organisa avec soin la formation de son clergé
guérisseur pour que son message demeure intact. Pour qui
aimerait en savoir plus, il existe un excellent livre de 1932 de
Stephan Zweig : La guérison par lesprit
( Livre de Poche). Comment ne pas se poser de question sur la parenté
de la Science Chrétienne de Boston avec la toujours actuelle
et vivace Église de Scientologie ? Lafayette (sic) Ron Hubbard
, linventeur de cette philosophie religieuse appliquée
selon ses termes, naquit en 1911. Lannée exacte de
la mort de Mary , limmortelle selon sa doctrine.
Curieux quand même ce silence dans nos sphères médicales
sur lune des aventures humaines les plus fascinantes qui purent
exister au pays et à lépoque de Buffalo Bill.
Naturellement, la médecine, aussi lourdement attaquée,
se sent mal placée pour parler de tels sujets dans son enseignement.
Voilà qui laisse la porte largement ouverte à tous
ceux qui souhaitent recruter des médecins et autres soignants
dans les rangs de leurs sectes pour conforter leur impact sur les
hommes confrontés à la souffrance. Encore un aspect
négligé de la métamédecine qui ne peut
être corrigé par aucune mesure réglementaire
ou administrative.
Renforcer la compétence:
Pour Mary Baker-Eddy, dans sa vision très personnelle de
la réalité, il nest dautre science envisageable
que la connaissance de la Bible. La médecine, bien quelle
fut dabord mariée avec un médecin, est donc
pour elle une aberration totale. Les médecins sont des gens
qui ne font que renforcer notre fausse vision de la souffrance et
de la maladie. Il faut donc les fuir avec horreur, pour ne faire
confiance quaux dirigeants diplômés
de la Science Chrétienne. En femme daffaire avisée
quelle fut ( elle la pauvresse mourut multimillionnaire à
90 ans ), elle organisa avec soin la formation de son clergé
guérisseur pour que son message demeure intact. Pour qui
aimerait en savoir plus, il existe un excellent livre de 1932 de
Stephan Zweig : La guérison par lesprit
( Livre de Poche). Comment ne pas se poser de question sur la parenté
de la Science Chrétienne de Boston avec la toujours actuelle
et vivace Église de Scientologie ? Lafayette (sic) Ron Hubbard
, linventeur de cette philosophie religieuse appliquée
selon ses termes, naquit en 1911. Lannée exacte de
la mort de Mary , limmortelle selon sa doctrine.
Curieux quand même ce silence dans nos sphères médicales
sur lune des aventures humaines les plus fascinantes qui purent
exister au pays et à lépoque de Buffalo Bill.
Naturellement, la médecine, aussi lourdement attaquée,
se sent mal placée pour parler de tels sujets dans son enseignement.
Voilà qui laisse la porte largement ouverte à tous
ceux qui souhaitent recruter des médecins et autres soignants
dans les rangs de leurs sectes pour conforter leur impact sur les
hommes confrontés à la souffrance. Encore un aspect
négligé de la métamédecine qui ne peut
être corrigé par aucune mesure réglementaire
ou administrative.
l'os court :
<< Il vaut mieux être piqué
par un insecte que par une secte >> Cath Hoche
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un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°272
Hebdomadaire francophone de santé
16 Décembre 2002
Ecrits de patients
par Dr François Michaut
Dans une LEM récente ( LEM 270), Jacques Blais exprimait
comment un médecin pouvait régler certains problèmes
relationnels délicats en utilisant le courrier comme moyen
de communication avec quelques patients. Le plus souvent, et les
psychanalystes nous en ont montré limportance, le paiement
des honoraires met un point final à ce qui sest passé
au cours de la consultation. Rarement , pour répondre à
la demande dune colistière dExmed-1, des patients
choisissent aussi de prendre la plume pour exprimer quelque chose
dautre à leur médecin. Voici trois extraits
de lettres différentes, présentés de façon
telle que, pour des raisons évidentes de discrétion
et de déontologie, ne puissent être reconnus par une
tierce personne ni leur auteur, ni leur destinataire. Leur seul
point commun est davoir été écrits quand
la relation de soin avait pris fin. Auraient-ils pu exister autrement
? Probablement pas.
Retrouver la confiance :
Je regrette votre départ, pour le motif des rapports
privilégiés qui ont marqué la longue période
durant laquelle jai fréquenté votre cabinet
médical .... Simple, direct, efficace, presque administrativement
désincarné, est ce message qui insiste sur la valeur
reconnue à la durée de la relation thérapeutique,
et au climat humain particulier qui en résulte. On imagine
parfois difficilement, quand on est étudiant, ou extérieur
à la profession, limportance du temps dans le travail
du médecin de famille. Temps qui nest jamais saucissonné,
ou presque, par la durée dune seule consultation médicale.
Il se passe aussi des choses importantes pendant lintervalle
entre deux séances, autant chez le patient que chez le praticien.
Restaurer la conscience
Sachez que, depuis plus de 17 ans, jai su et pu
apprécier vos qualités de docteur et vos qualités
humaines. Vous mavez remis sur les rails à
de nombreuses reprises ... . Ici encore, les mots frappent
par leur sobriété et par leur pudeur. Pas de témoignage
hyperbolique de reconnaissance éternelle à quelquun
qui serait pris ( ou se serait pris ) pour un démiurge, un
gourou ou un guérisseur en faveur de qui il faudrait apporter
un soutien devant la justice. Vous mavez reconnu comme homme,
je vous reconnais comme homme : nous sommes quittes. Tout simplement.
Renforcer la compétence:
Je ressens aujourdhui le besoin de dire merci
à ceux qui me permettent dêtre encore en vie
et surtout dapprécier le plaisir de vivre. Vous êtes
de ceux-ci. Alors, Merci. En 1978, je suis venue vous consulter
pour une simple angine. Après de longs mois dhospitalisation
à P... pour un syndrome de Behcet (*), je suis à nouveau
venue vous consulter en 79 ou 80, alors que je prenais toujours
un traitement anti-inflammatoire. Vous mavez simplement dit
: Mme ... vous nallez tout de même pas bouffer
du C... toute votre vie. Javais alors trente ans. Dix
sept ans après cette phrase est toujours dans mon esprit.
Il y a bien longtemps que je nai plus recours à ce
genre de médicaments. Mais surtout, jai beaucoup appris
de cette période de vie. Il suffit parfois de quelques paroles
pour que le déclic se fasse. Notre propos nest
pas dentrer, par effraction dans une relation thérapeutique
entre une patiente et un médecin. Cet écrit librement
rédigé, cest à dire sans attente dun
quelconque bénéfice secondaire, nest-il pas
une expression particulièrement concentrée de lessence
même dune relation médecin-malade quand on cesse
dêtre obnubilé par ses impératifs strictement
technoscientifiques ? En vérité, si on veut bien leur
en donner la possibilité, les patients disposent dun
talent fou dexpression médicale. Plus que jamais, nous
avons absolument besoin de leurs paroles, tout simplement pour renforcer
notre compétence médicale dans ce quelle a de
plus subtile, peut-être de plus thérapeutique, au delà
de lindispensable maîtrise technique.
(*) La maladie de Behcet, pour les lecteurs non médecins,
est une maladie rare, se traduisant notamment par des poussées
géantes daphtose sur les muqueuses. Elle serait causée
par la fabrication par le sujet danticorps contre ses propres
cellules. On parle alors en jargon médical de maladie systémique
auto-immune. NDLR
l'os court :
<< Il faut quune porte soit
ouverte ou fermée. Autrement, cest un trou dans le
mur >> François Cavanna
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Lettre
d'Expression médicale n°273
Hebdomadaire francophone de santé
23 Décembre 2002
Manipulation mentale
par Dr Philippe Deharvengt
Nous vivons une époque particulièrement
propice à la manipulation mentale . Nous sommes de plus en
plus submergés de messages subliminaires , nos
boîtes aux lettres débordent de publicités racoleuses
, les médias nous abreuvent de pseudo-informations mercantiles.
Comme si notre cerveau , notre capacité de réaction
, notre sens critique en étaient saturés et donc annihilés
.
Ceci est une évidence connue
de tous , mais certaines évidences méritent d'être
réaffirmées , même au risque de paraître
rabâcheur et . . . rabat-joie .
De récents écrits sur
la LEM , et les nombreux échanges qui s'en suivirent sur
Exmed , ont démontré combien le sujet était
sensible , et passionnées les positions des uns et des autres
.
Retrouver la confiance:
L'inculture de notre esprit critique
, de notre faculté à refuser une information invérifiable
, a pour conséquence le règne de la naïveté
et de la crédulité . C'est bien là le moteur
de toutes les actions menées à notre encontre pour
nous faire prendre les vessies pour des lanternes . C'est ainsi
que fonctionnent et s'enrichissent les charlatans de tous poils
, les experts en communication et publicitaires de toutes espèces
, bref , les professionnels de ce qu'il faut bien appeler
la manipulation mentale .
Le problème est qu'au réveil
, à la fin de l'anesthésie , le manipulé ,
même s'il a pris conscience d'être une victime grugée
, n'osera pas admettre sa crédulité . Ce déni
s'appliquera tant à lui-même qu'à autrui . C'est
notamment ce qui garantit la relative impunité des gourous
, guérisseurs et autres charlatans . Pourquoi ce déni
? Par orgueil , tout simplement . Nous avons du mal à admettre
d'avoir été trompés . Notre naïveté
ainsi révélée nous est insupportable .
Ainsi des sectes , dont il fut récemment
question tant sur la LEM que dans les échanges sur la liste
Exmed .
Restaurer la conscience
Dans la LEM
n° 266 , notre rédactrice Odette Taltavull évoquait
"Landmark Education" , dûment répertoriée
comme secte . Ce qui n'est pas toujours le cas . Ainsi de ce site
Internet qui vous propose le plus sérieusement du monde d'adresser
à votre très lointaine progéniture un message
qui sera embarqué à bord d'un vaisseau spatial qui
reviendra sur Terre , "intact" , dans 50 000 ans pour
délivrer sa précieuse cargaison . Vous n'y croyez
pas ? Mais regardez-donc la liste des entreprises qui nous soutiennent
: Aérospatiale-Matra , Arianespace , Commissariat à
l'Energie Atomique , Centre National d'Etudes Spatiales , EADS ,
etc. . . Excusez du peu , c'est du solide ! Oui , mais quand vous
interrogez les sites de ces prestigieuses entreprises, vous constatez
qu'ils ignorent tout de ce canular . De même que les présumées
personnes physiques associées à ce projet , dont certaines
revendiquent leur appartenance à de grandes entreprises ,
elles n'ont, on est en droit de le craindre, qu'une existence toute
virtuelle . Mais où le canular devient beaucoup moins anodin
, c'est quand , à la fin du message qu'on vous a invité
à rédiger , qui comporte des informations très
personnelles , voire intimes vous concernant , on vous dit : <<
Afin d'aider nos lointains petits-enfants à mieux identifier
l'auteur de chaque message , des champs de question vous sont proposés
, dont certains sont obligatoires ( champs obligatoires suivis d'un
* ) >> . Et voici les champs : Nom , prénom , sexe
, date de naissance , nationalité , pays de résidence
, pays d'émission du message , langue d'écriture du
message , langue maternelle , profession , hobbies , votre adresse
e-mail , l'adresse e-mail d'amis qui pourraient vouloir envoyer
un message . . .
A n'en pas douter , dans 50 000 ans
, votre très lointaine descendance sera fort intéressée
de connaître vos "hobbies" , ainsi que votre adresse
e-mail . . . A moins que ce ne soit l'Hyper-Marché le plus
proche de chez vous, votre banquier ou votre assureur qui soit intéressé
aujourd'hui ?
Renforcer la compétence:
Naturellement , nous sommes tous
et toutes des victimes potentielles de ce qu'une analyse un peu
attentive fait clairement apparaître comme , au mieux un énorme
canular , au pire une vaste escroquerie . Mais qui d'entre-nous
aurait le courage de s'avouer victime de ce genre de pratique ?
N'est-ce pas la vocation de la LEM que d'oeuvrer pour faire progresser
un peu la santé physique et mentale ? Alors , cette Lettre
n'a d'autre ambition que d'apporter sa modeste contribution à
la prévention de l'anesthésie mentale qui nous menace
si facilement.
Retrouvons la confiance , restaurons
la conscience , renforçons la compétence , mais aussi
redoublons de vigilance , et soyons ainsi de moins en moins facilement
manipulables .
L'os court :
<< Le plus amusant des mensonges,
cest de faire semblant de croire un menteur >> Léopold
Marchand
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