ARCHIVES DE LA LEM
N°341 à 346
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Lettre d'Expression médicale n°341

Hebdomadaire francophone de santé
13 avril 2004

Respect et rituels
Docteur Jacques Blais

La place de la gare est relativement peu fréquentée à cette heure, un dimanche matin. Deux Mercédès se livrent à une curieux manège au ralenti, les portes extérieures droites grandes ouvertes, et si l'on regarde attentivement, on perçoit que les deux conductrices de cette noria ont dans les 15 à 16 ans. Le train de banlieue arrive de la ville voisine. A l'écart, rangées en épi, les 3 fourgonnettes blanches que les utilisateurs nomment "camions" attendent, postées en surveillance. Tout s'accélère bientôt, on entend quelques cris, de jeunes hommes sortent du tunnel en courant, ils plongent dans les voitures par les portes ouvertes, puis des coups de feu s'échangent, des voyageurs s'accroupissent ou se couchent au sol. En quelques minutes l'espace est nettoyé, à l'exception de larges traînées sanglantes sur le macadam. Et la devanture de la Pharmacie de la Gare a ramassé, pour la troisième fois de l'année, un nouvel impact de balle, un trou prolongé par une étoile de fentes... Un film ? Non, c'est la pharmacienne qui raconte la suite, elle était de garde en ce matin aussi réel que les autres.

Retrouver la confiance:
"La livraison de la drogue en provenance de la ville voisine s'effectue parfois bien. Mais souvent, un affrontement entre bandes, le non respect d'un contrat de vente, mène à ces scènes terribles. Et dans ce cas, outre ma vitrine perforée, je suis ensuite aux premières loges pour les steristrip, le sparadrap, et le mercurochrome. Car cela commence au cutter et se termine à balles réelles"
Une banlieue nord-ouest de Paris, un dimanche d'automne frais mais lumineux sous un ciel dégagé....
Affirmons le d'emblée, il ne sera jamais question de montrer du doigt une population, une ethnie, seulement une occasion de plus de réfléchir et de tenter d'observer. Les gens du voyage, a fortiori les non sédentarisés, tziganes, roms, manouches, vivaient il y a une quinzaine d'années dans le respect absolu de rituels religieux, profanes, ethniques, familiaux. Et le médecin, observateur au quotidien de la vie sociale, comprenait que dans ces populations on respectait les parents, la femme de celui qui était incarcéré, les préceptes du pasteur, les fêtes traditionnelles. On tentait de gagner sa vie dans le commerce des étains, le travail de la paille de vannerie et des sièges, les anciens étaient vénérés.
Depuis le passage des générations, la drogue a fait son apparition, infiniment plus lucrative, le grand et le petit banditisme, et les frères, les oncles, ne respectent même plus ni les anciens ni les épouses, dans les banlieues. Et le médecin nettoie les plaies par balles, les samedis après-midi, et constate les décès si nombreux par arme blanche. Le plus récent, un homme en permission de 48 heures de sa prison, qui a ainsi puni de la mort son oncle, qui avait mis sa propre femme enceinte...

Restaurer la conscience
Un homme de 45 ans, maghrébin, terrassé par un chagrin indicible, raconte à son médecin l'impensable : son fils de 16 ans vient de le braquer avec un revolver, pour lui extorquer de quoi acheter sa dose de came du soir. Trois jours plus tard, un autre père, Marocain bien inséré, travailleur, vient avouer qu'il a mis dehors son fils dès le lendemain de ses dix-huit ans. "Pouvez-vous imaginer, docteur, moi je travaillais de nuit, et lui interceptait le courrier, je viens d'apprendre d'un coup ses convocations chez le juge, ses condamnations, ses amendes, et je dois payer une somme égale à un an de mon salaire !!!"  La semaine suivante, un jeune beur arrogant descend de sa décapotable, me tend son formulaire de Couverture Maladie Universelle, et m'annonce "c'est pour les médicaments à emporter au pays, alors vous me mettez tout ce qu'il faut pour le mois hein docteur, ça va vous au fait ? Oh vous savez on peut y aller, moi je pars en avion, pas comme mon vieux, qui met trois jours avec sa guimbarde, c'est la folie ça.."
Caricature ? Non, tout est intégralement vrai, et partagé par tant de confrères. Le médecin est un anthropologue qui étudie l'humain à longueur de vie, même si cela déchire en lui des voiles de conscience et de désespoir, de terreur et d'horreur.
Il y a vingt ans, le jeune maghrébin saluait son père avec le plus immense respect, il écoutait les anciens raconter les rituels, et même s'il ne partageait pas la religion il l'admettait et la respectait aussi. Il vénérait sa mère, craignait son grand-père, et plaçait comme tous la plus âgée des veuves sur le piédestal de la reine du groupe familial. Et puis sont arrivés le chômage, la déchéance des pères, réfugiés dans le silence et la honte, les grands frères ont pris le pouvoir, accumulant tellement plus d'argent en dealant qu'en travaillant, les jeunes ont perdu le respect, les rituels, et sont allés vivre dans la rue, donnant à la bande ce qu'ils réservaient à la famille, ignorant tout du pays, de l'histoire, du labeur fantastique des pères pour les amener ici.

Renforcer la compétence:
La mère, caissière au supermarché, est épuisée, à cran, elle a pris les transports pour rentrer, est passée chez Leclerc au retour, a mis une machine en route, préparé un dîner, récupéré le plus jeune des enfants chez une nourrice énervée et en attente parce qu'elle avait dix minutes de retard. Le père, usé, repus de bière, de bruit, de cadence, et agacé par un pneu dégonflé sur sa voiture, et un pot d'échappement défaillant, furieux contre les trois factures du courrier et l'enveloppe du loyer, regarde la télé. Lagaf, Ruquier, Greg, Star Ac, tout défile et il zappe entre les gosses qui zappent autant.
A 22 heures la mère s'écrie : "Au lit, éteignez cette télé, et puis ne mange pas n'importe quoi, tu aurais mieux fait de dîner, et toi arrête cette game-boy, et toi tu ne pourrais pas un peu leur dire, non, et m'aider des fois ?" Le père hurle, boit, tape, et sort.
Le médecin est un sociologue qui écrit chaque jour avec son scalpel tragique l'histoire de la civilisation. Et dans notre civilisation occidentale aussi, les rituels aussi ordinaires que de se coucher quand il est l'heure, éteindre la télévision quand il n'est plus l'heure, manger aux repas et non en dehors, équilibré et non n'importe quoi, écouter ses parents, tous les rituels ont disparu également, quant au respect qui sait encore ce que peut signifier ce mot, comme d'autres, responsabilité, honneur, probité, honnêteté, travail, mérite, des vocables dont le respect s'apparentait autrefois à un rituel... Pourquoi alors respecter l'enseignant, le médecin, le policier, le conducteur du bus, le voisin, le pompiste, l'être humain ?

Vues d'un cabinet médical, quelques civilisations plus anciennes encore, mais tellement plus neuves en matière d'immigration, les africains, les asiatiques, persistent quelquefois à conserver une image du père un peu respectable, et des rituels religieux, profanes ou familiaux préservés. En provenance, cette fois, d'un même cabinet médical, ces observations de cet anthropologue, sociologue, écoutant, soignant, homme au service des hommes, semblent intéresser des minorités. J'aurai eu l'immense chance, ainsi, d'être invité à évoquer ces situations devant diverses assemblées. Les services sociaux de mon département, sur le sujet La systémique de la famille en un quart de siècle d'observation d'un cabinet médical. La fédération nationale des HLM sur le thème du Rôle non médical d'un médecin dans une cité. Une IUFM (Institut Universitaire de formation des Maîtres) départementale devant des profs, et une École d'infirmières, à propos de Culture, origine, religion, croyances et pédagogie ici, ou santé là. Ou une radio régionale récemment sur l'idée Saisir les opportunités de la vie pour donner sa chance à l'existence. Ou encore un congrès national de professeurs d'éducation physique sur La signification cachée d'un certificat de dispense de gym.
Ne jamais imaginer ou voir là aucune prétention, lucidité et chance sont deux mots que j'emploie sans cesse, et lucidement la chance a été de mon côté à moi, d'apprendre infiniment au contact de ces multiples professionnels et sociétés, comme à celui des ethnies et civilisations différentes rencontrées sans cesse. Non, ma remarque de conclusion est que, si d'évidence une clef des énormes difficultés de nos sociétés actuelles réside dans la disparition des rituels et du respect, si une autre évidence est que le médecin est perpétuellement observateur de ces évolutions, et serait donc utile comme témoin et acteur, les seuls à ne jamais jamais comprendre, admettre ou réaliser cela sont les médias, les éditeurs, les gouvernants, en fait tous ceux que mène d'abord le commerce, le pouvoir, le profit, l'audimat, bien avant les préoccupations réelles de la société. Celles qui, d'un bout à l'autre de son exercice, bousculent et mobilisent le médecin.


l'os court :  « Si vous voulez être respecté, commencez par être respectable et, en outre, assez costaud pour imposer le respect. » Somerset Maugham


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Lettre d'Expression médicale n°342

Hebdomadaire francophone de santé
19 avril 2004

Système modèle 1945
Docteur François-Marie Michaut

L ‘analyse systémique nécessite souvent un petit effort de mémoire pour devenir fertile. L’année 1945 a été, et demeure bien souvent de façon inconsciente, une période exceptionnelle pour notre nation française. Si nous nous y intéressons ici, c’est parce qu’elle a vu naître notre système actuel d’assurance maladie, dit de Sécurité Sociale. Au moment où de grands débats nationaux devraient se développer, (re)prendre conscience d’un certain nombre de faits et de réalités n’est probablement pas inutile. Ce devrait même être, en bonne méthode logique, sinon en stratégie électoraliste ordinaire, les indispensables prémices pour bâtir toute réforme digne de ce nom. Car tout changement véritable implique forcément la mort du système antérieur, afin qu’un nouveau puisse prendre sa place laissée libre.


Retrouver la confiance:
1945, soyons francs : la France est totalement broyée, affamée, ruinée, pulvérisée par la plus cinglante défaite des armes qu’elle ait jamais connue, par la plus longue occupation étrangère jamais subie. Le régime de Vichy, à l’évident tropisme fascisant, est détruit, avec toutes ses institutions de l’Etat Français. Devant ce vide, les plus anciens s’en souviennent, le mot d’ordre fut : la reconstruction. Reconstruction des ponts, des voies ferrées, des bâtiments, des entreprises et des institutions, afin qu’un peuple humilié au delà de toute expression, puisse reprendre confiance en lui-même et en son avenir.

Restaurer la conscience
Car, répétons-le, tout est cassé. Dans notre pays d’incurable tradition, un séisme a fait disparaitre nos vieilles institutions, et avec elles, nos vieux pouvoirs. La France vit le drame des règlements de comptes et des exécutions sommaires des “collabos”. Se souvient-on que du côté de Limoges ( selon un témoin direct) , l’un des spectacles les plus prisés du public fut alors d’assister à de telles scènes de tuerie et de torture. Presque tous nos intellectuels n’eurent plus alors, comme horizon enviable que ce qui, pensaient-ils, se passait à l’Est, du côté de cette Union Soviétique, dont l’Armée Rouge a été l’un des deux grands vainqueurs de l’Allemagne nazie. A Yalta, les Américains et les Russes coupaient la planète en deux sphères d’influence. Prémisses d’une guerre froide effrayante et ruineuse.

Renforcer la compétence:
C’est sur le modèle soviétique, quand un électeur sur trois votait communiste, que sur le vide créé par la guerre, se sont constituées nos institutions. Nationalisations des chemins de fer, de l’électricité, des usines Renault, de l’industrie de l’armement, de certaines banques et compagnies pétrolières etc ... Les fonctionnaires eux-mêmes, sous la poussée de Maurice Thorez, alors ministre, ont droit à un statut unique obligatoire. Notre assurance maladie ( maternité et vieillesse) fut construite sur le même modèle dit du centralisme démocratique et de la dictature du prolétariat, comme on le disait sans rire à l’époque. Est-ce bien, en vérité, à cette idéologie-là que nous autres Français, presque 60 ans après, sommes encore viscéralement attachés, comme le disent les médias ? N’avons-nous pas perçu que notre société vit dans un environnement national et international totalement différent ? Voilà la question systémique essentielle que personne, à notre connaissance, n’ose poser clairement. On préfère invoquer la force de la tradition “ à la française”. Nous avons parfaitement conscience de ce que cette mise en cause a de dérangeant pour ceux qui ont coulé leur vie dans de si confortables routines. “ Acquis social” indestructible dit le catéchisme syndical. Hélas, cet acte de foi aveugle n’a aucune incidence sur les possibilités matérielles de restaurer une antiquité aussi moribonde. Notre exception française en matière de protection sociale est devenue parfaitement inacceptable par et dans cette Europe à laquelle nous sommes si profondément mêlés. Quelles que soient les péripéties et les contorsions d’équilibristes auxquelles nous assisterons quand il faudra remettre sur pied l’assurance maladie, cette contrainte européenne sera toujours la plus forte. Que de temps gagné si les Français pouvaient le comprendre.


l'os court :  « Le jour où personne ne reviendra de la guerre, ce sera parce que la guerre, enfin, aura été bien organisée. » Boris Vian


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Lettre d'Expression médicale n°343

Hebdomadaire francophone de santé
26 avril 2004

Le clignotant de l’absentéisme
Docteur Jacques Blais

Il y a quelques mois, le 6ème épisode des Rencontres de Médecine de Famille organisées à Marseille par l'Union Régionale de Formation continue a été une excellente occasion d'évoquer un thème dont nous avons plusieurs fois signalé ici même l'importance et la nécessité d'en évaluer les conséquences, mais surtout la signification : l'absentéisme.
Dans le cadre de ces rencontres, qui avaient choisi pour thème "Être de bons parents" il s'agissait essentiellement de l'absentéisme scolaire. Mais nous essaierons d'étudier d'autres formes de cet absentéisme tout aussi symptomatiques.



Retrouver la confiance:
Parmi bien des points de repère mis en évidence par le Dr Michel Sokolowsky, pédopsychiatre intervenant au colloque, un constat très réconfortant : "le médecin de famille est aussi un conseiller pédagogique" pour les parents. Certes souvent empirique, peu formé, utilisant bien plus une compétence acquise sur le tas qu'une formation précise. Sauf, et là également nous avons plusieurs fois soulevé cette question, chez un petit nombre de praticiens ayant choisi de se perfectionner, ou d'acquérir une compétence en Thérapie Familiale et en Systémique.
Pour tout professionnel de santé, en étendant cette appellation aux médecins et infirmières scolaires bien évidemment, il va de soi que l'absentéisme des élèves d'un établissement est un signe, doit être une alarme, est un symptôme, et doit aboutir à des mesures d'enquête, pour comprendre, déchiffrer le message, pour découvrir en réalité ce que la systémique dans laquelle est inclus un enfant, un adolescent (et on percevra que ceci est parfaitement valable pour un adulte en milieu professionnel) est en train d'écrire, dans l'histoire et l'évolution de ce sujet, par le biais de cet absentéisme.

Restaurer la conscience
Je vais me permettre deux illustrations sur ce sujet. Dans le lieu d'exercice qui a été trente années durant le mien, nous avions avec le chef de service de psychiatrie local monté une sorte de réseau, baptisé "de santé mentale" au sein duquel se réunissaient tous les deux mois, les personnels associatifs, les représentants de la justice, de la police, des enseignants de toutes fonctions, des personnels de santé de secteur public et privé, médecins, infirmiers, également les éducateurs, les membres des services sociaux, en bref tous les intervenants se sentant concernés par l'entourage des adolescents. J'ai déjà eu l'occasion de faire allusion à cela. Un de nos thèmes de départ a précisément été l'absentéisme.
Et il a été extrêmement intéressant, et instructif pour beaucoup, de percevoir que parfois le tout premier signe d'une perturbation familiale, sociale, d'une problématique personnelle, d'une maladie d'un membre du groupe familial, etc, était l'absentéisme. Ce qui, curieusement, ne sautait pas aux yeux des enseignants, des administratifs, des personnels sociaux, des membres du système de santé scolaire. Et à bien y réfléchir, pour un soignant, un traitant, ce qui est un symptôme n'est qu'une formalité administrative de plus pour un surveillant, un conseiller, un responsable d'établissement, c'est finalement une logique de formation.
Nous avions convenu de consacrer de nombreuses séances à ce sujet, chacun découvrant peu à peu des ramifications non envisagées au problème. Le jeune absent était en garde à vue. La jeune maghrébine aînée de la fratrie est absente car elle "remplace la mère dans ses tâches" parfois même avec une allocation spéciale autrefois accordée. Un enfant cache des signes de maltraitance par trop temporairement visibles. Un deuil éloigne plusieurs membres d'une famille. Des jeunes dépriment, ou ont des comportements illégaux, sont occupés de trafics... En allant plus loin, combien de parents ignorent les absences de leurs propres enfants des établissements scolaires... Un enfant est absent les matins où il est chargé d'aller voler de quoi nourrir ses frères.
Autre situation concernant un autre domaine. Invité sur le même sujet à un Congrès National de professeurs d'Education Physique, j'avais pu aussi développer la même notion d'absence-symptôme, ou de "dispense-signal". Qui souhaite la dispense de sport, l'enfant ou les parents ? Quel malaise est-il sous-jacent ? Excès pondéral ? Religion avec ses rituels de défense et d'interdits ? Le père musulman refusant de laisser sa fille en short au milieu des garçons ? Une maladie non avouée, non signalée ?

Renforcer la compétence:
De tout ceci ressort une nécessité absolue, celle de la communication. Entre chefs d'établissements et professionnels de santé, entre médecins et infirmières scolaires et médecins traitants, entre parents et soignants, professeurs, enseignants, et administratifs, éducateurs, responsables associatifs, et en fait tous personnels participants de près ou de loin à l'entourage, l'éducation, l'enseignement, les soins. Car un jeune peut tout autant être absent, significativement, de ses cours de tennis, de judo, de musique, du mercredi, ou des terrains de sport collectifs de ses matches, avec une signification spécifique.
Il en va exactement à l'identique du travailleur salarié. Qui sont les absents ? Pourquoi ? Quels prétextes, certificats, quelle signification, quelle mise en garde, quelle alerte, sont en jeu, en cause ? Et alors la même coopération est nécessaire entre services de médecine du travail, direction des ressources humaines, hiérarchie, dans un respect absolu, ici comme là et comme partout d'un secret protégeant les personnes quand il doit avoir ce rôle.
Une notion derrière tous ces éléments déjà évoqués et parfois relativement évidents. Pour qui traite, s'occupe, est en relation, prend en charge, est responsable, des êtres humains, constater l'absence répétée d'un individu est un signe. Un appel, une manière de dire, un symptôme, un clignotant, exactement autant qu'une plainte, qu'une demande. Car pour le médecin existe, très souvent au départ, cette demande d'un justificatif. Et les questions ne manquent pas alors, si l'on décide de regarder en face l'existence des êtres, de comprendre, d'entendre, de lire derrière les mots, les attitudes. "De quoi voulez-vous vous mettre à l'abri ? De quoi, et encore plus de qui (Relire le livre de notre FMM) souffrez vous ? Où, pourquoi, comment, quand, voulez vous vous retirer, ne plus être, ne plus exister ? Quelles protections, quels motifs, quels non dits, quelles souffrances cachées, quelles circonstances ?" Et vingt autres interrogations.
Derrière l'absence, il y a la mise à l'écart, la fuite, la mise à l'abri, la vulnérabilité, le refuge, et bien évidemment la maladie éventuelle, mais la sienne ou celle d'un tiers, d'un proche, qui rend alors dépendant de sa dépendance, et puis tout autant le prétexte, l'interprétation, le bénéfice secondaire, l'abus, le profit... Derrière ce repli, ce recul, cet effacement il y a si souvent le secret, l'incapacité de dire, d'avouer, d'expliquer, le malaise, la phobie sociale ou spécifique, il y a ce feu qui clignote et ce cri qui hurle en silence et qui dit écoutez, entendez, lisez moi ne comprenez vous pas que je n'ai trouvé absolument aucune autre méthode que de disparaître pour ne pas affronter, ou que me dérober pour ne rien expliquer ?
Nous allons conclure sur un leitmotiv : pour lire les absences, pour traduire l'absentéisme, pour valider ou interroger une exemption temporaire, ou une dispense, il faut à TOUS les acteurs une formation, une écoute, une collaboration, un échange, un respect mutuel, et admettre qu'aucun seul ne possédera toutes les clefs pour ouvrir la porte, délivrer éventuellement, ou entrer dans un monde inconnu, insoupçonnable, parfois jusqu'à l'étrange, ou l'horreur, ou l'évidence mais après coup seulement.

l'os court :  « Les absents sont assassinés à coup de langue. » Scarron


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Lettre d'Expression médicale n°344

Hebdomadaire francophone de santé
3 Mai 2004

Histoire tragique
Docteur Iulius Rosner

Monsieur S., colonel retraité, 79 ans, patient fidèle, était en même temps un véritable ami. Il ne parlait jamais de son passé militaire, campagne de France, Vietnam, Algérie. Il aimait discuter avec moi des questions d’histoire et de religion et manifestait un sentiment presque douloureux devant mon agnosticisme. J’ai eu la tristesse de diagnostiquer un cancer gastrique et de l’envoyer se faire opérer par un « des dix meilleurs couteaux » de France. L’épouse du patient, à laquelle j’avais communiqué le diagnostic dès le début m’a demandé de ne pas en informer le malade. Leur fils aîné s’est associé à cette exigence. J’ai promis de les satisfaire.

Retrouver la confiance:
Presque trois après l’opération qui s’était déroulée dans d’excellentes conditions, l’apparition de nouveaux symptômes a indiqué une reprise du mal. Les examens ont confirmé le diagnostic. L’extension de la tumeur et les métastases hépatiques excluaient toute intervention à but curatif. Comme la tumeur envahissait le bas de l’oesophage, il fallait choisir entre une opération palliative - une fistule intestinale - pour pouvoir le nourrir et donc ajourner l’échéance fatale, ou le laisser mourir de faim et assurer des soins destinés à atténuer sa souffrance. Il devenait clair qu’une telle décision ne pouvait être prise que par le malade lui-même ; on était donc obligé de lui dire la vérité. Madame S., mise au courant, après avoir consulté ses enfants, me donne son consentement mais veut, par égard pour moi, que ce soit le chirurgien qui se charge d’éclairer le patient. « Vous êtes trop lié à notre famille pour qu’on vous demande ça. »

Restaurer la conscience
Le lendemain, coup de fil du chirurgien. « Cher ami, j’ai reçu votre patient. Je lui ai craché le morceau. Il a choisi l’opération, je l’opère après-demain. Il veut que vous assistiez à l’opération. » Une heure plus tard, autre appel téléphonique, c’est le patient : « J’ai vu le chirurgien; j’ai été très étonné. C’est vous qui, dès le début, avez connu la vérité. Par votre diagnostic, vous m’avez certainement ménagé une survie sans problèmes depuis plus de deux ans, et vous ne m’avez rien dit. » « Vous m’en voulez ? » « Non, mais je voudrais connaître les raisons de votre attitude. » « Monsieur, je pourrais vous répondre que vous ne m’avez jamais demandé ce que je pensais. En fait, la raison principale est, qu’avec un peu de chance, vous auriez pu ne pas faire de récidive. Dans ce cas, quel avantage auriez-vous eu à vivre le restant de votre vie avec cette épée de Damoclès du retour du cancer ? » « Voyez-vous, docteur, je vous comprends, mais vous savez qu’en choisissant le métier des armes j’avais décidé d’affronter la mort depuis ma jeunesse. A mon âge, je suis serein, je crois que la mort n’est pas une fin mais le début d’une autre vie. »

Renforcer la compétence:
« Vous êtes serein, Monsieur, mais moi pas. Vous êtes croyant et convaincu de rencontrer bientôt votre Seigneur ; mais moi, je ne suis pas croyant et je ne peux pas être serein quand je perds un ami. » Longue pause avant qu’il ne me réponde : « Docteur, acceptez-vous de continuer à me soigner jusqu’à la fin ? Je sais que ça ne doit pas être drôle d’accompagner un ami sur son dernier chemin. Je peux me faire hospitaliser ou demander l’aide d’un spécialiste de soins palliatifs. » « Il y a 20 ans, j’ai soigné jusqu’à la fin ma propre mère, morte d’un cancer. Je suis prêt à faire mon devoir envers vous. »

l'os court :  « La mort n’est, en définitive, que le résultat d’un défaut d’éducation puisqu’elle est la conséquence d’un manque de savoir-vivre. » Pierre Dac


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Lettre d'Expression médicale n°345

Hebdomadaire francophone de santé
10 Mai 2004

Pour des médiateurs du travail
Docteur François-Marie Michaut

Deux événements importants se télescopent en ce moment. En France, la disparition de l’association “ Mots pour Maux au Travail”. Nous en rendons compte dans notre page d’actualités sur le harcèlement. Au Canada, l’entrée en vigueur, dès le mois prochain, d’une nouvelle loi particulièrement novatrice. Il ne s’agit plus, comme en France ou ailleurs, de rendre condamnable par la justice des actions de harcèlement au travail. Ce sont, chez nos amis, tous les employeurs qui sont tenus de fournir à leurs salariés un environnement de travail indemne de ce type de maltraitance. Ici, c’est “ attention, on peut punir “ -si, toutefois, et c’est très difficile à réaliser, les juges ont des preuves. Outre Atlantique, le message est : “ vous avez l’obligation, en tant que patron, de prendre tous les moyens pour prévenir cette atteinte grave à l’intégrité psychique, et parfois physique, de ceux qui travaillent pour vous”.


Retrouver la confiance:
Nul doute à nos yeux, cette nouvelle loi va infiniment plus loin que la notre. Ce fut pourtant déjà une grande victoire que la France se dote d’une loi. La foi, le militantisme et le travail de réflexion, de gens confrontés sur le terrain à cette problématique, comme ceux qui ont tant donné à “ Maux pour Mots”, n’a pas été étrangère à la prise de conscience générale de cette question très grave. Et à l’adoption de la loi. La dissolution de leur association strasbourgeoise, et de ses antennes de Colmar, Brest et Paris mérite toute notre réflexion. Car il serait inacceptable et injuste que tout ce qui a été fait par eux tombe comme une pierre dans un puits. Ce serait finalement une formidable victoire pour les harceleurs. Inacceptable, non ?

Restaurer la conscience
La constitution d’une association sans but lucratif, telle qu’elle est instituée depuis 1901, est, depuis des années, une façon classique de répondre à des besoins que les structures habituelles, notamment politiques et administratives sont incapables de prendre elles-mêmes en compte. La vie associative se fonde avant tout sur le bénévolat. Denrée en vérité bien fragile et bien rare dans un monde où presque personne ne dispose de temps disponible pour les autres. “ Mots pour maux” a été aussi loin qu’il était possible dans l’utilisation de l’outil associatif pour lutter contre le harcèlement moral. Et, très courageusement, un constat d’inadéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens utilisables a été dressé par ses responsables. Ce sont les limites rencontrées dans cette action, qui doivent nous conduire à envisager ce qu’il faudrait faire pour marcher sur les traces des canadiens et de leur politique de “tolérance zéro” vis à vis du harcèlement psychologique.

Renforcer la compétence:
Sur Exmed, dans nos contacts avec les internautes, dans nos échanges sur nos deux listes, avec nos expériences diverses sur le terrain, nous avons acquis depuis 1997 une large vision du harcèlement psychologique. Voici une tentative de synthèse de tout ce qui est ressorti sur ce sujet douloureux. C’est de professionnels solides dont nous avons besoin, pas de bénévoles. Des professionnels compétents pour servir à la fois d’enquêteurs et de médiateurs quand surgit un cas, tant dans l’administration que dans les entreprises privées. Si plainte il y a, est-elle fondée ou non ? Y-at-il, ou non, harcèlement ? Comment en sortir au mieux ? Il est évident que ce type de consultant doit être indépendant de tout lien salarié ou institutionnel pour être crédible ... et libre de mener les éventuelles actions qui s’imposent avec les employeurs responsables. La justice elle-même, en ordonnant une expertise (comme elle le fait en matière de toxicologie ou de médecine), serait ainsi en mesure de savoir s’il y a harcèlement ou non pour que la loi soit appliquée, car ainsi applicable. Une connaissance académique approfondie de la psychopathologie, telle que celle des psychologues cliniciens ( que n’ont ni les médecins, ni les psychiatres, pas plus que les travailleurs sociaux ou autres professionnels de la comète “psy”) est indispensable pour de tels médiateurs du travail. Une formation complémentaire en systémique leur serait à l’évidence de la plus haute utilité. Enfin, une connaissance du droit de la personne et du droit du travail est indispensable. Comme des notaires ou des géomètres, ces médiateurs du travail ne peuvent être que d’exercice libéral pour assurer leur totale liberté d’action et d’expression. Il faut que chaque personne qui en éprouve le besoin ( harcelé, témoin de harcèlement, responsable de harceleur) puisse les saisir, sans que l’employeur soit informé. Leur rémunération en honoraires, à la mission, ne devrait poser aucun problème, car leur intervention, tant à titre curatif que, mieux encore, préventif, ne peut qu’améliorer la qualité du travail, et contribuer considérablement à la diminution de l’absentéisme des salariés. Le coût du harcèlement au travail est tellement énorme que le calcul serait vite fait par les responsables. Enfin, si un corps de ces médiateurs du travail pouvait se développer, non pas, répétons-le avec force, pour recycler des gens lassés de leur métier, mais bien pour lutter avec vigueur contre l’inadmissible gestion perverse des relations humaines, un code de déontologie rigoureux devrait être établi. Prévoyant notamment, qu’en cas de situation particulièrement difficile des collaborations entre médiateurs soient la règle. Dernière question, qui n’est pas la plus facile à résoudre dans un pays au fonctionnement aussi formaliste que notre vieille France. Qui, donc, peut prendre l’initiative de créer une nouvelle profession, car c’est bien de cela qu’il s’agit ? Les pouvoirs publics, dont ce devrait être un souci prioritaire de faire cesser le règne du harcèlement qui nous atteint si gravement ? La réponse ne dépend pas de nous.
Toutes vos réactions, toutes vos suggestions, toutes vos actions, toutes vos démarches nous intéressent. Ne vous privez surtout pas de nous en faire part.

l'os court :  « Quand la justice n’est pas juste, l’injustice est exacte. » Pierre Dac


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Lettre d'Expression médicale n°346

Hebdomadaire francophone de santé
18 Mai 2004

De tout premier choix
Docteur Jacques Blais

Passons-nous notre temps à choisir, c'est à dire à éliminer une ou des solutions, et à opter pour d'autres, et ceci dans tous les cadres de l'existence et de la vie ? La réponse est oui. Choisir une orientation professionnelle, un lieu de vacances, un médecin traitant, qui lui-même choisira de traiter ou non, et choisira un médicament plutôt qu'un autre... Choisir, entre cinq solutions pour traiter son cancer de prostate, celle qui sera la plus exactement adaptée aux craintes, aux appréhensions, aux espérances, à l'âge, à la condition physique...et naturellement aux meilleurs critères de guérison.
Car oui, il existera des choix de nature vitale, ou au moins fondamentale, existentielle, et des choix de niveau plus quotidien, mais non moins ardus pour certains. Cravate, ou col ouvert ? Tailleur ou robe ? Vert pâle, ou rose ? et le film de Bertrand Tavernier, ou la pièce de Schmitt, ou bien plutôt le concert d'Hélène Grimaud ? Ou encore la marque de la voiture, la capacité du réfrigérateur, le motif du papier peint de la chambre du petit, etc...

Retrouver la confiance:
S'il est une première évidence, mise en lumière par l'apport des thérapies comportementales proposées aux personnes qui peuvent éprouver une incapacité pathologique d'effectuer des choix, ou au moins le sentiment de ce blocage en position de décider, c'est celle de la confiance. Il apparaît que la toute première nécessité pour parvenir à un choix serein, efficace, à visée d’irréversibilité ou d'absence postérieure de regret, est l'estime de soi. Aux deux sens, d'une part d'une bonne évaluation correcte de ses qualités, carences, aptitudes et difficultés, d'autre part de se valoriser suffisamment soi-même pour s'accorder une valeur, un avenir, une existence, qui vaille alors des choix adaptés à ses critères propres et à ses aspirations personnelles.
Un deuxième élément tout aussi fondamental, mais plus habituel à chacun, est celui de la hiérarchie des critères. Il semble logique et admissible que telle décision, tel choix, apparaissant comme primordial, prioritaire, pour telle personne, devienne complètement secondaire pour sa voisine ou son proche, ou son parent. Et il est certain que tout le monde est capable de choisir.
Souvent, en thérapie, des gens qui avouent se montrer de très efficaces décideurs dans un cadre professionnel, plutôt entraîneurs que suiveurs, bien davantage créateurs qu'exécutants, se trouvent terriblement complexés, malheureux, ou souffrants de situations d'indécision totale en privé. Décider d'un budget industriel, d'orientations de marché, du recrutement d'un personnel, d'une solution technique, aucun problème, mais choisir entre parquet ou moquette, vacances à la mer ou montagne, nuance de la couleur de ses cheveux ou tenue pour le mariage du cousin, impossible, et source de conflits, de reproches d'inaptitude, d'indifférence au cadre domestique, ou de mauvaise volonté. Alors qu'il ne s'agit que de hiérarchie...

Restaurer la conscience
Le médecin est  parfois confronté à des constats qui le dépassent, le désarçonnent, ou le choquent, l'attristent. Pas seulement celui d'une décision d'arrêter de fumer pendant une grossesse, de cesser de boire avec excès, ou d'abandonner somnifères ou tranquillisants au profit d'une thérapie. Prenons un exemple précis, celui d'un traitement substitutif de ménopause. En tant que médecin, l'effet positif sur la préservation du capital osseux, la protection vraisemblable contre la maladie d'Alzheimer, la lutte contre la sécheresse des muqueuses, et donc des effets vaginaux, urinaires, oculaires, le bénéfice pour la peau, et les cheveux, le confort des nuits sans bouffées de chaleur, le sommeil et l'humeur améliorées, vont représenter autant d'arguments présumés très convaincants, et avérés tels dans une majorité de cas. Mais, mais le médecin est un homme, par exemple, et la patiente va, elle, choisir d'abord de ne plus sentir ses seins pesants et durs, ou bien avoir comme priorité de ne pas prendre de poids, voire d'en perdre à tout prix. Et à la surprise déçue du praticien, sa patiente va choisir, préférer traduira-t-il, d'avoir de nouvelles infections urinaires à répétition par insuffisance secrétoire vaginale, de devoir supprimer ses lentilles de contact en raison d'une intolérance oculaire par sécheresse, de risquer une moins bonne protection cérébrale, osseuse, en optant pour un autre traitement récent et moderne, ou une absence de traitement. Quand il reverra la patiente, développant de nouveau son argumentaire, elle lui répliquera dans un sourire "oui docteur, mais j'ai perdu mes dix kilos, et quand mon mari me prend les seins cela ne me fait plus mal..."
Admettre alors, accepter, que les choix des autres s'avèrent entièrement différents, ou même opposés aux siens et qu'ils en ont le droit absolu. Tenter alors d'entrer dans le personnage, la peau de l'autre, et imaginer qu'hommes et femmes, jeunes et vieux, gens d'ici et gens d'ailleurs, êtres de toutes natures puissent effectuer des choix résultant de leur vie, de leurs apprentissages, de leur éducation, de leurs expériences, de leur hiérarchie de critères et de leur capacité d'estime de soi.
"Votre estimation de moi est biologique et médicale" pourrait dire cette patiente à son médecin, "quand mon estime de moi est esthétique, psychologique et liée au plaisir que je lis dans les yeux de mon homme et pas seulement de lui..."

Renforcer la compétence:
La définition même de la thérapie comportementale, lorsqu'elle a été estimée utile ou nécessaire pour que quelqu'un retrouve la confiance dans ses capacités de choix et de décision, est très précisément de montrer aux humains que les tout premiers compétents en choix sont les intéressés eux-mêmes. On a pu définir cinq catégories de choix, réparties en "tris primaires" qui expriment les accès prépondérants hiérarchisés selon lesquels les personnes vont sélectionner informations et décisions. Chacun opérera en fonction d'une sélection avec un ou deux des points de choix primordiaux, qui sont action, lieux, personnes, objets, et informations. D'où le constat en apparence surprenant, mais dans la réalité logique, de ce décideur qui instantanément ou presque choisit un objet à acheter ou vendre, alors qu'il se montre en grande hésitation pour sélectionner un lieu où se rendre en vacances, ou bien pour accepter ou non une invitation chez une personne. Question de hiérarchie de critères, certains choix sont importants d'autres secondaires, et évaluation  de l'estime de soi : dans tel domaine, je sais que je sais, objectif qui est celui des thérapies que d'aboutir à cette estime par le patient lui-même, arrivez à définir vos stratégies de choix, et où vous savez parfaitement exécuter, faire, décider.
La compétence est également de percevoir que l'anxieux, l'angoissé, celui ou celle dont l'estime de soi est déficiente, ne percevra dans une hypothèse que l'accumulation des éventualités d'échec, d'effets secondaires, de répercussions péjoratives, de risques, de pièges et de chausse-trappes, quand l'individu à haute estime de lui sautera sur la première occasion, quitte à plonger dans un inconnu non dénué de périls et d'incertitudes à risque, en pensant par devers lui qu'il s'en tirera de toute manière, comme des épisodes précédents, avec de surcroît le bénéfice inestimable d'une expérience de plus.
Il va de soi que le médecin, le soignant, n'échappe pas le moins du monde à la règle, et qu'entre les convaincants, les persuasifs, ceux qui communiquent une confiance proche de la certitude, qui décident, traitent, proposent, émettent des hypothèses diagnostiques, et ceux qui hésitent, délèguent, s'entourent de multiples précautions sous forme d'innombrables examens complémentaires, ont recours à des spécialistes, et ne parviennent jamais à choisir, il existe exactement la même différence de hiérarchie des critères et d'estime de soi. Résultant comme toujours des apprentissages, de la vie, de l'existence, de l'expérience, de l'éducation, du psychisme, de circonstances et de conditions qui, pour beaucoup, résultaient déjà de choix, même si parfois ces choix  étaient ceux des autres....

l'os court :  « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant. » Montaigne