ARCHIVES DE LA LEM
N°469 à 472
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Lettre d'Expression médicale n°469
Hebdomadaire francophone de santé
23 octobre 2006

Polka des mandibules
Dr Gabriel Nahmani

A PNNS 2 : le guide pour bouger et bien manger est arrivé  (paru le 3/10 dans Egora.fr,
sous la signature de Candice Moors) . Conformément à l´annonce faite, non pas à Marie, mais à tous les français le 6 septembre par Xavier Bertrand lors du lancement du 2e programme national nutrition santé (PNNS) 2006-2010, le guide grand public sur la nutrition à partir de 55 ans est désormais disponible. Jusqu´au 29 novembre 2006, il sera envoyé gratuitement à tous ceux qui le demanderont au 0 821 22 22 21 (0,12 euro/ minute depuis un poste fixe) de 8h à 21h, du lundi au samedi.

Retrouver la confiance:
Diffusé par l´Institut national de prévention et d´éducation pour la santé (Inpes), le guide « Bouger et bien manger pour rester en forme à partir de la cinquantaine », est tiré à 1,5 million d´exemplaires.
Grâce à un partenariat avec le Comité d´éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm), il sera disponible dans 3 900 pharmacies signalées par le logo PNNS, du 19 octobre au 1er novembre. D´autres réseaux seront également chargés de sa diffusion : l´Assurance maladie, la DDASS, les réseaux associatifs et mutualistes. Simultanément, deux autres guides seront distribués : l´un destiné aux professionnels de santé (500.000 exemplaires) et l´autre aux « aidants » de personnes âgées fragilisées (1,5 million exemplaires).
Ce petit livre est un outil qui s´intègre dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, l´ostéoporose et le surpoids.
( Fin de citation)

Restaurer la conscience
Qu’en pensent les innombrables millions de français qui hantent quotidiennement les allées riches en gondoles alimentaires des grandes surfaces ?
D’un côté, il y a un saint homme de ministre généreux entièrement préoccupé à protéger notre santé ( la mal-bouffe, le sommeil, les migraines, l’état de la douleur en France…,)
De l’autre, l’industrie alimentaire -mon cher Watson- qui s’ingénie, et y réussit fort bien, à créer de nouveaux besoins, surtout chez les jeunes ( qui auront un jour plus de 55 ans) en présentant avec moult astuces des tas de nouveaux produits enrichis en ceci et aussi en cela, avec des coloris de présentation très accroche-l’œil et des boni- menteurs proposant de goûter ce sauciflard pur porc ou ce morceau de fromage à 60%MG…
Quand les chalands de 7 à 77 ans feront la queue pour payer, on peut affirmer que le poids des victuailles pèsera bien plus lourd que celui du Guide Grand Public.

Renforcer la compétence:
  Il serait intéressant de surprendre un jour le ministre en question pousser son trottineau chez Leclerc-Auchan-Carrefour et estimer à vue de nez - que j’ai grand comme celui du bon roi Henri IV - la quantité de calories et le choix des aliments choisis.
Un tel Guide, qui n’a rien de Suprême, peut-il changer quoi que ce soit au manque de bon sens, d’esprit critique, de jugeote et, surtout, d’habitudes anciennement ancrées ? C'est le rôle élémentaire de chaque médecin de conseiller, d’éduquer et de prévenir les conséquences de la mal-nutrition auprès de ses patients, mais il existe aussi des médecins obèses et qui fument et qui sont sédentaires et cumulent les facteurs de risque cardio-vasculaire.

l'os court : « Les animaux se repaissent  ; l'homme se nourrit : l'homme d'esprit seul sait manger. » Brillat-Savarin


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Lettre d'Expression médicale n°470
Hebdomadaire francophone de santé
30 octobre 2006

Des sociologues jouent au psy
Dr. Françoise Dencuff

C'est dans l' Expansion qu' un article, paru le 06/10/06, m' a réveillée de mon coma dominical. Titre accrocheur : L' acte d' achat est une forme de thérapie.
Gilles Lipovetsky, sociologue éminent, auteur du Bonheur paradoxal, essai sur la société d'hyperconsommation (Gallimard, 2006), s' emploie à déchiffrer le curieux paradoxe suivant : la consommation des Français croît bien plus vite que leur pouvoir d' achat.
Et de s' étonner : Les inquiétudes relatives à l'avenir sont fortes et pourtant les ménages dépensent comme des cigales, en recourant même massivement à l'endettement. En fait, la dynamique de la consommation est désormais de plus en plus déconnectée de la sphère économique. Plus encore, les aspirations au bien-être compensent les incertitudes de l'avenir. Nous avons définitivement tourné le dos à la société de tradition. Le mieux vivre est devenu une passion de masse, le but suprême des sociétés démocratiques. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase du capitalisme: la société d'hyperconsommation. Et cette spirale est également le moyen de compenser une autre forme d'inquiétude : la solitude sociale. En ce sens, l'acte d'achat est une forme de thérapie.

Retrouver la confiance:
Je vous avoue que j' ai du relire cette assertion deux fois. L' acte d' achat, une forme de thérapie? Heureusement que les murs n' ont pas d' oreilles, ils eussent été choqués par un chapelet de jurons bien sentis.
Soit il s' agit d' un niveau d' incompétence, ce qui me paraît fort peu probable, soit d' un endoctrinement effarant. Comment comprendre autrement une telle analyse ?
Tout d' abord, il fait une confusion majeure entre compensation et thérapie. En effet dans ce monde qui s' égare, l' achat, la consommation, la bouffe, la drogue sont autant de moyens pour évacuer notre stress, fuir les réalités du quotidien. Si tous ces ersatz du bonheur étaient vraiment thérapeutiques, nous serions tous guéris et heureux.
La suite renforce encore mon impression de malaise : L'hyper-consommateur est sans cesse à la recherche de sensations nouvelles pour se sentir vivre.
Certes, encore une fois la fuite en avant.
Dans les sociétés traditionnelles, le système culturel était profondément incorporé dans une vie quotidienne très souvent difficile. Aujourd'hui, c'est l'inverse : les satisfactions matérielles sont grandes tandis que les insatisfactions culturelles et politiques prolifèrent.
Voilà qui ne démontre en rien la valeur thérapeutique de l' hyperconsommation, mais nous donne du grain à moudre. Nous avons le ventre plein et la tête vide. Pas étonnant quand nous sommes à longueur de temps harcelés par des informations toutes plus catastrophiques les unes que les autres. Et ce ne sont pas les rodomontades pré-électorales qui vont nous remonter le moral.
Nous continuons… L'hyperconsommateur a donc acquis une liberté qui n'existait pas avant. Si notre société est une fabrique d'insécurité et de fragilité, elle offre aussi une multitude de points d'appui pour combattre plus vite les malheurs qui nous affectent. Si les insatisfactions sont nombreuses, les occasions de nous en délivrer le sont également. Et, au final, rien ne réduira la passion consumériste si ce n'est la concurrence d'autres passions.
La démonstration est parfaite. Nous sommes malheureux mais les rayons de nos supermarchés sont là pour nous redonner le moral. Quelques lignes plus haut, G.Lipovetsky nous démontre aussi que les barrières sociales sont tombées puisque tout peut être acheté par n' importe qui. Rendez-vous compte les ouvriers achètent du parfum et des produits de luxe.

Restaurer la conscience
Qu'est ce que la conscience : la présence à soi et plus couramment la capacité à revenir sur ses pensées pour les juger (Philagora)
La conscience…peut-on penser un instant que cet article ait été écrit en conscience ? De quelle conscience s' agit-il ? Celle qui fait grandir ou celle qui abaisse.
La conscience d' avoir en lieu et place de la conscience d' être.
Le rôle des médias et des penseurs ne serait-il plus d' être des « éveilleurs ». Pourquoi faire croire aux lecteurs…, parfaitement impliqués dans la grande foire d' empoigne (Expansion à tout crin !), qu' ils ont raison de continuer à endormir les masses laborieuses par une digestion sans fin de produits de grande consommation… ? Pire, que ce sont des bienfaiteurs de l' humanité, ils guérissent !
Il n' est pas question de réfuter les données de cette analyse. Il est évident que la passion de la consommation, orchestrée par les médias, les publicitaires et les industries, vise à compenser le vide de nos existences. Mais en aucun cas elle n' a le pouvoir de guérir nos âmes et nos cœurs.
Plus grave, l' endettement finit par dévorer le plaisir de posséder. Comment l' Expansion analyse-t-il le niveau record des dépressions, de l' usage des psychotropes, l' augmentation du taux de suicide ? Nous devrions tous être les plus heureux dans cette réplique du Meilleur des Mondes. Nous devrions tous, mes chers confrères, être au chômage, puisque l' hyperconsommation est une thérapie.

Renforcer la compétence:
 Hélas ! La folie de la consommation ne fait qu' accroître le désarroi. Nous remplissons nos caddies et nos étagères pour ne pas voir nos vides affectifs, les harcèlements au travail, les pressions sociales, les incohérences scolaires, les politiques grandguignolesques. Autant de raisons pour compenser avec frénésie, pour oublier les lendemains qui déchantent. Notre sociologue aurait-il oublié qu' il ne sert à rien de se transformer en fourmi quand on pressent que l' avenir sera gelé dans la vanité de quelques uns ?
Il est de notre responsabilité, à nous soignants, de dévoiler sans cesse, les charlatans des soins. Peut-on un seul instant imaginer que le dernier gadget à la mode nous permettra de guérir cette indicible langueur qui nous envahit dans notre impuissance face au déferlement des hordes barbares, le samedi, dans les zones commerciales?
Oseriez-vous prescrire devant les larmes de vos patients, leur épuisement, d'aller chercher le dernier écran plat ou le si joli petit sac L...? Peut-être serait-ce une judicieuse réponse aux errements de nos tutelles. Je demande à voir la tête des contrôleurs de la sécu.
Notre compétence est dans l'accueil de la souffrance, certainement pas dans sa compensation. La consommation n'est pas, ne sera jamais une thérapie. Tout juste un instant de satisfaction vaniteuse, vite culpabilisée par les reproches de nos banquiers.
Honte à vous, médias, de faire croire que la passion ne peut et ne doit être que consommatrice. Même si la sociologie nous affirme que le consommateur est exigeant, informé, critique. Il reste malgré tout enfermé dans un esclavage morbide où à force de consommer, il se consumera.
Je laisserai le mot de la fin à Saint Augustin: « Il ne peut donc jamais être trompé ni mentir celui qui dit qu'il sait qu'il vit »

l'os court : «Tout le monde a des idées. La preuve, c' est qu' il y en a de mauvaises. > » Coluche


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Lettre d'Expression médicale n°471
Hebdomadaire francophone de santé
6 novembre 2006

Bons médecins
Dr Gabriel Nahmani

Parmi quelques titres relevés ces jours derniers dans la presse:
L'Express du 19/10: sous le titre " Médecine, un check-up inquiétant ", un tableau effectivement inquiétant de certaines pratiques médicales, tiré d'un ouvrage promis, comme souvent, au succès, Patients, tout ce que l'on vous cache.

Retrouver la confiance:
Sept plaies de la médecine française sont ainsi dénoncées:
• Ablations trop vite décidées des amygdales,
• Efficacité toute relative des traitements du surpoids,
• Activité chirurgicale insuffisante pour certains services dont 1 établissement sur 5 ne répondrait pas au critère des 2000 interventions minima nécessaires pour s'assurer de la qualité du service rendu,
• Médecine anti-âge: Pratiques ruineuses ( bilans biologiques exagérés, consommation illogique de produits à l'efficacité douteuse et souvent dangereuse ) et les auteurs de conseiller, évidemment comme toujours, le recours au seul spécialiste endocrinologue, comme s'il n'existait guère de généralistes scrupuleux, honnêtes, avisés, attentifs, capables de conseiller, de traiter, et aussi d'orienter si besoin.
• Syndrome de la " Cataracte niçoise": interventions trop rapidement programmées alors même que seuls les patients dotés d'une acuité visuelle supérieure à 5/10 sont susceptibles d'en tirer profit.
• En dermatologie, usage exagéré du Laser, par des praticiens pas toujours qualifiés, pour traiter tatouages, verrues, rides, cicatrices, pilosité,
• Pléthore des tarifs de consultation en fonction de l'âge du patient, du statut du médecin, généraliste référent ou non ou spécialiste, patient en ALD.
L'article se termine par " Bien choisir" : qu'est-ce qu'un bon médecin ?

Restaurer la conscience
Différents auteurs exmédiens de la liste ont déjà abordé ce sujet:  
ÊTRE bon médecin, ce serait, bien sûr, être, IDÉALEMENT, mais ce n'est pas toujours facile, à l'écoute vraie du patient, ce serait être curieux, attentif, compréhensif, et aussi prendre son temps et ne pas se montrer obsédé par le temps qui court, ce serait en permanence savoir réfréner ses dégoûts, son impatience, ne pas montrer sa fatigue, avouer parfois et même souvent ne pas savoir résoudre tel problème et passer la main à plus qualifié.
Mais nous devons aussi poser la question: pourquoi fustiger uniquement le médecin dans le couple plus ou moins mal assorti qu'il forme avec le patient ? Le BON PATIENT sait-il toujours exprimer correctement ses problèmes en AR-TI-CU-LANT correctement, en respectant l'autre s'il veut en échange l'être, en n'abusant pas du temps du médecin, en ne le sollicitant pas pour un oui pour un  non au risque de lasser sa disponibilité et d'en faire le mauvais médecin redouté ?

Renforcer la compétence:
 Le Médecin, comme n'importe quel autre membre de la Société, peut-il, au contraire du " doit-il" souhaité, être parfait, infaillible et honnête en toute circonstance ? Chacun de nous est certain d'avoir, dans quelque domaine que ce soit, des lacunes, des insuffisances et connaît ou connaîtra ou aura connu des échecs.
En face du médecin, il y a l'autre, le partenaire multiple que sont les patients: le " Chevalier blanc" de la Sécu, directeur de la CPAM de Nantes, démissionne et règle ses comptes: il dénonce les innombrables abus et fraudes qui grèvent le budget de la SS et aussi la convention de 2005 qui a créé " la plus extravagante usine à gaz jamais inventée par les technocrates qui nous gouvernent désormais".
Qu'en pense Bernard ( de la liste Exmed aux propos toujours judicieux), des tares des uns et des autres, puisqu'il a passé sa vie professionnelle au sein de la grande maison SS, et qu'en pensent aussi tous les autres exmédiens, d'ici ou d'ailleurs ?

l'os court : «Ne permets pas à ta bouche d' accabler un médecin qui aurait commis une erreur, car la mauvaise heure peut sonner pour tout le monde. »
Isaac ISRAÉLI, 850/953, de l' école de médecine arabe de Kairouan


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Lettre d'Expression médicale n°472
Hebdomadaire francophone de santé
13 novembre 2006

Un homme seul
Dr François-Marie Michaut

Les premiers contacts que beaucoup d' entre nous ont pu avoir avec Sigmund Freud ont eu lieu en cours de philosophie lors de notre dernière année d' études secondaires. Osons le dire, ce voisinage obligatoire avec Aristote, Spinoza, Descartes, Kant ou Kirkegaard n' a pas été de nature à nous faire vibrer.

Retrouver la confiance:
Dans les écrits médicaux destinés aux étudiants, une formule rituelle a constitué pour beaucoup de générations médicales un signe de défiance aussi discret qu' efficace. Le classique “ Selon Freud” introduisait un discours de formulation souvent absconse sur des notions bien étrangères aux nécessités d' acquisition des matières sur lesquelles sont notés les carabins. Voilà donc l' état des lieux : les médecins n' ont aucune idée précise de ce qu' a fait Freud, mais partagent généralement depuis leurs jeunes années le scepticisme que l' institution médicale a toujours entretenu avec notre confrère de Vienne.

Restaurer la conscience
Le rouleau compresseur des pratiques cognitivo-comportementalistes importées des États-Unis, mettant en avant le gommage des symptômes psychiatriques les plus gênants (*), associé à la lame de fond juteuse des molécules pharmaceutiques psycho-actives nous font volontiers nous contenter de reprendre les idées toutes faites sur Freud qui traînent partout dans les médias. Un type dont on dit, depuis toujours, tant de mal sans parvenir à le faire disparaître, cela vaut certainement la peine de tenter de le connaître un peu mieux. Comme nous sommes des gens pressés, nous n' avons guère envie de nous plonger dans des montagnes d' écrits dont la valeur intrinsèque est bien difficile à juger.

Renforcer la compétence:
Un petit bouquin de 116 pages intitulé “ Idées reçues, Freud” ( Éditions le Cavalier Bleu, mai 2006, 9 euros) nous a emballé. Son auteur, Luc Magnenat, est un psychiatre et psychanalyste suisse, qui, avec une expression parfaitement limpide et précise, nous fait examiner une vingtaine d' idées reçues sur Sigmund Freud. De là ressort un portrait très vivant de l' un de nos confrères, qui malgré toutes les contraintes et pressions institutionnelles, sut rester jusqu' au bout, et quel qu' en fut le prix à payer, un homme seul. Un homme seul, comme un médecin de famille qui passe toute sa vie avec sa clientèle dans son cabinet. C' est peut-être surtout cela qui nous a touché profondément dans cet ouvrage que nous ne saurions trop recommander à ceux que des sujets d' intérêt comme ceux d' Exmed ne laissent pas de marbre.


(*) Faire disparaître un symptôme invalidant, comme une phobie, ne peut avoir aucune influence sur les facteurs qui ont produit ce symptôme. De la même façon qu' un médicament de la douleur n' a jamais fait disparaître une carie dentaire.


l'os court : «L' être vivant préserve pour ainsi dire sa propre vie en détruisant celle d' autrui. »
Sigmund Freud, lettre à Albert Einstein 1933.