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LEM 172 du 23 novembre 2000

 

Accès au dossier médical

Dr Philippe Deharvengt

L'éditorial du Professeur Bernard Glorion dans le Bulletin de l'Ordre des médecins francais de novembre 2000 m'interpelle .

Le droit d'accès des malades à leur dossier médical ne va-t-il pas nous inciter à tenir un double fichier , comme certains commerçants véreux tiennent une double comptabilité ?

-Un fichier officiel , présentable au patient , à la Justice et à quiconque serait en droit d'y avoir accès ;

-Un fichier personnel stictement confidentiel et dont l'accès nous serait exclusivement réservé . Dans ce dossier seraient mentionné tout ce que le patient , sa famille , ses proches, son avocat , la Justice n'ont pas à connaître , soit à cause de la révélation d'un pronostic intolérable , soit à cause d'un trop grand risque de manquement grave au respect du secret médical .

Voici encore pour les médecins un travail supplémentaire , non rétribué , à prendre sur notre temps qu'un plaisant euphémisme qualifie de "libre" ( tout comme l'exercice de notre noble art est encore à mes yeux abusivement qualifié de "libéral" ) . Et que dire de l'humiliation et du déshonneur d'avoir à se plier à ce dictat qui nous contraindra à devenir malgrè nous des "petits magouilleurs" ?

 

PS: Cette interrogation me semblant d'importance pour les conditions de notre exercice médical à la française, j' envoie une copie de ce texte au Conseil National de l'Ordre des Médecins.

Retrouver la confiance

- C'est fait. Deux familles de victimes de la nouvelle forme de la maladie de Kreutzfeld Jacob ont porté plainte devant la justice française pour empoisonnement. D'après les informations de la presse, le motif invoqué serait celui d'une maladie causée par l'ingestion de viande d'animal atteint de l'Encéphalite Bovine Spongiforme. Il semble bien que les experts retiennent actuellement, comme le mode probable de contamination, la voie alimentaire. Mais on est encore fort loin d'avoir pu établir scientifiquement une relation directe de cause à effet. Faut-il également rappeler que nos connaissances sur les maladies à prions, et leur épidémiologie, sont rudimentaires, que nous ne savons presque rien. La nuance entre probabilité et certitude (ce mot qui fait si peur aux scientifiques) est de la plus haute importance. Le droit l'a bien compris.

 

Restaurer la conscience

- Justice hexagonale encore. Un adolescent handicapé par une rubéole maternelle in utero vient de se voir reconnaître un dédommagement financier du fait de son handicap lourd. Le médecin et le laboratoire d'analyse ont déjà été condamnés pour défaut de diagnostic. Par la même occasion, et quel que soit le cas d'espèce, les médecins se voient ainsi condamnés si, à l'avenir, ils laissent évoluer une grossesse qui sera jugée comme donnant lieu à une vie de qualité inférieure. Le droit à avoir un enfant parfait, comme une automobile sans défaut risque-t-il de s'introduire dans cette brèche ? Encore, semble-t-il un débat de société qui passe à la trappe. Qu'attendons-nous de nos médecins ? Où en est l'eugénisme ?

 

Renforcer la compétence

- La semaine dernière au cours d'un congrès à Metz ( France) des biologistes ont soulevé la question de la dimension éthique de leur travail. L'idée d'un " serment d'Hippocrate" des biologistes a été défendue. Voilà qui ne laisse pas les médecins indifférents. Jusqu'à présent, l'impression a plutôt été que les hommes de science menaient aussi loin que possible leurs recherches, sans tenir compte d'autre considération que de l'avancement de leur discipline. Et pas du tout des conséquences humaines des applications qui peuvent en résulter. La science pour la science céderait-elle la place à la science pour les hommes ? C'est une affaire à suivre de très près.

 

Os court : « Etant philosophe, j'ai un problème pour chaque solution. » Robert Zend

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LEM 173 du 30 novembre 2000

Calendrier

Dr Jacques Blais

« C'est la saison des calendriers, chacun s'attend à la visite des sapeurs-pompiers, des éboueurs (on dit professionnellement ripeurs) et des facteurs (officiellement préposés). Mais la société Française se charge de nous en apporter d'autres, ce qui signifierait que le temps qui passe ne se mesure pas de la même manière pour tous.

Calendrier électoral. Chacun sait que l'unité de mesure en est la VOIX, et qu'au delà de cette voix exprimée se trouve un choix de voies à prendre pour mettre les suffrages du bon côté au bon moment, en donnant l'impression de servir au mieux les intérêts du pays. S'agissant d'un calendrier, et le temps filant vite, il n'y a donc pas de temps à perdre pour que les calculs des uns et des autres augmentent les chances, ou préservent le peu qui restent, ou inversent une tendance. Rien n'empêchera d'orner ce calendrier là, le moment venu, d'une photo officielle d'élu national, avec des voeux. Les Américains, quant à eux, s'ils ont respecté le calendrier, laissent longtemps la case vide pour le portrait officiel.

Calendrier de la grossesse. Bizarrement, celui-ci également présente des unités de mesures différentes selon la couleur politique, la religion, la densité éthique, l'intensité ethnique, ou les a priori. Pour les politiciens de nouveau l'unique mesure est en nombre de voix perdues ou gagnées. Pour les medias la mesure est celle à ne pas dépasser dans la caricature, gagner deux semaines pour choisir le sexe ou éviter, comme on le lit et entend partout "de légères anomalies" sous-entendu très acceptables en fait par ces parents décidément bien délicats, voire difficiles.

Retrouver la confiance

Supprimons toutes les vaches en France pour quelques cas regrettables d'ESB, mais tout de même, éliminer des foetus pour des anomalies "mineures" à l'aide de deux semaines de rab, n'exagérons pas !

Reste bien sûr le point de vue du médecin. Ses unités de mesure à lui sont bâtardes, désuètes, on dit obsolètes cela sonne mieux, dérisoires. pensez donc : la souffrance, la détresse, la solitude, l'abandon, le viol, l'extrême désarroi d'une gamine, l'immense effroi d'une femme battue, forcée, l'affolement absolu d'un couple pourtant persuadé que la pub sur les préservatifs était vraie, le constat invraisemblable d'une séropositivité... Quelles sont ces voix là à entendre ? Rien d'électoral, rien de calculé, au contraire souvent le résultat d'un mauvais calcul, rien que de l'humain au quotidien, de la bagarre avec sa conscience, ses convictions, de l'écoute jusqu'au tréfonds du malheur dans une chambre suintante, comme suinte et coule et se vomit cette détresse parfois inimaginable. Du moins pour les bien-pensants, les politiciens, les moralistes. Les médecins eux, baignent dedans depuis leur choix de cette profession.

Restaurer la conscience

Quel médecin nanti de quelques souvenirs (cette petite turque violée dans un train de banlieue, menacée de mort par son père et ses frères si elle avait avoué la grossesse qui s'ensuivait, si les douze semaines avaient existé, son médecin n'aurait eu à échafauder une incroyable histoire d'examens à subir pour qu'elle parte clandestinement en Angleterre, avec de faux numéros de téléphone pour donner à la famille, et un petit cahier de phrases en Anglais rédigées par le praticien pour lui servir à toutes les étapes, gare, taxi, clinique, alimentation...) de péripéties hallucinantes se permettrait de juger quiconque ? Le médecin a appris, au fil des années d'exercice que l'invraisemblable existe chez les êtres humains.

Renforcer la compétence

Une dernière note : c'est bien à la douzième semaine que nos éminents spécialistes d'obstétrique nous conseillent de faire pratiquer en dépistage la mesure du pli de la nuque, quand le résultat est le plus fiable ? » .

 

Os court : « Le mauvais conducteur est celui qui vous double malgré tous les efforts que vous faites pour l'en empêcher » Woody Allen, via Dr François Gagnerie

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LEM 174 du 7 décembre 2000

 

Une vraie fausse bonne idée

Dr François-Marie Michaut

Tous les petits français écoliers, collégiens et lycéens, ainsi que leurs enseignants, vont avoir droit à une adresse de courrier électronique à vie. Passons rapidement avec un sourire amusé sur l'affirmation gratuite de la pérennité de cet outil technique pour un siècle. A première vue, ce cadeau offert par la Poste ( service public) est généreux. Treize millions de français ont ainsi la possibilité d'engager un pied dans l'étrier de la communication virtuelle. Voilà une tentative de démocratisation inédite d'un Internet encore assez élitiste dans notre vieux pays. Le coût d'utilisation reste élevé. Pourquoi le pouvoir politique se lance-t-il dans une telle opération ? Mesure-t-il bien les effets pervers possibles de cette internétisation de masse de toute la jeunesse de la 4ème puissance économique du monde, et de ses maîtres ? Que deviendra ce fichier de 13 millions de personnes ? Sera-t-il vendu par la Poste à des entreprises commerciales ? Risque-t-il un jour d'être utilisé à des fins policières ou politiques ? Qui peut garantir l'usage respectueux des citoyens qu'en ferait hélas à coup sûr un jour un éventuel régime autoritaire ? A d'autres niveaux de réflexion, les interrogations fusent. Que devient le droit des parents des enfants mineurs d'adhérer ou non à ce qui peut être vécu comme un embrigadement d'Etat ? Que deviennent les droits de la concurrence des fournisseurs d'adresses électroniques ? Enfin, qui peut dire actuellement quelle sera l'influence sur la santé des hommes du développement des échanges électroniques ? Strictement personne .

Retrouver la confiance

- Une mèche est allumée que personne n'est plus en mesure d'éteindre. Celle de la bombe d'une erre nouvelle dans les relations entre les citoyens et les pouvoirs en place. L'utilisation de plus en plus large des moyens électroniques de communication ne se limite pas au commerce virtuel et à tous ses miroirs aux alouettes. Plus discrètement, mais plus solidement, elle conduit à la formation de multiples groupes d'expression. Qu'importe leur taille, leur répartition géographique, leur contenu même. C'est une nouveauté dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences . Chaque personne peut accéder au droit de donner son avis sur ce qui le concerne directement. Depuis l'ère de la cité grecque antique, nous avons du trouver des moyens pratiques de représenter les avis des uns ou des autres. L'un des derniers avatars de cette délégation de pouvoir entre les mains d'un intermédiaire obligatoire accepté est le syndicalisme. Si des pays comme la Suède affichent 91% de salariés syndiqués, la Grande-Bretagne 32,9%, l'Allemagne 30%, les USA 24%, la France, y compris le secteur public ne parvient qu'à 6,1% ( M.Druon, La France aux ordres d'un cadavre, éditions de Fallois, octobre 2000 ).

Restaurer la conscience

- Cela veut dire que 93,9% des salariés non seulement ne s'expriment pas, mais en plus subissent les nuisances des multiples grèves qui empoisonnent leur vie. Cela veut dire aussi, si ces chiffres sont exacts, que l'assurance maladie obligatoire est entre les mains d'une toute petite partie de la population. La masse des cotisants se fait ainsi, en toute légalité, priver de son pouvoir de décision sur l'emploi des sommes considérables que représentent les cotisations fournies par son seul travail.

Renforcer la compétence

- Nous ne cessons de l'affirmer à Exmed, l'histoire des cotisations patronales est un leurre démagogique, pour laisser croire qu'on fait payer les patrons. Ouvrons enfin les yeux. Les employeurs facturent leurs services en tenant compte du salaire réel des travailleurs. Celui-ci est toujours le salaire net augmenté des cotisations sociales, comprenant la part ouvrière PLUS la part dite à tort patronale. Toutes les cotisations ne sortent que de la poche du salarié. Est-ce si difficile à dire ou à entendre ?

Os court : « Par un mécanisme curieux, grâce à l'absence de réponse, on a réponse à tout. » Marcel Conche


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LEM 175 du 14 décembre 2000

Travail et médecine

Dr François-Marie Michaut

Un débat plus acharné qu'il n'y en eut jamais anime la liste de discussion de la communauté Exmed. La mise en application de la loi française imposant aux médecins d'indiquer sur un document administratif le motif de l'arrêt de travail est violemment rejetée par les soignants. Sans broncher, et surtout sans se poser la moindre question, les médias transmettent le message de l'assurance maladie : les arrêts de travail ont récemment augmenté de 10%. Cela coûte cher à nos assureurs. De là à insinuer qu'il s'agit d'un laxisme mercantiliste des médecins cherchant à fidéliser une clientèle de plus en plus volatile, il n'y a qu'un pas. Surveillons donc, nous les hommes de pouvoir, ces irresponsables. Vérifions ces prescriptions. C'est oublier un peu vite quelques réalités. La prescription du repos est l'une des armes thérapeutiques du médecin. Demander à une personne de cesser son travail correspond le plus souvent à une stratégie de traitement d'une personne humaine qui est en souffrance. Bien souvent l'arrêt de travail reste le seul recours pour faire cesser des conditions de travail pathogènes. Qui peut en juger en dehors du médecin de la personne en danger ? Depuis des dizaines d'années, les médecins restent les seuls recours des individus de plus en plus broyés au nom d'intérêts collectifs et surtout d'intérêts économiques. Ce rôle de défenseur de la personne quoi qu'il arrive est à notre charge. Que les pouvoirs publics, les instances professionnelles, les élus et nos patients le sachent, nous le défendrons bec et ongles. On se retrouve ici en janvier 2001.

Retrouver la confiance

- Etre pris sans motif pour un tricheur potentiel est une expérience des plus désagréables. Comment peuvent le vivre autrement les patients dont le bien-fondé de l'arrêt de travail est suspecté par les caisses d'assurance-maladie ? Comment les citoyens peuvent-ils ne pas se rebeller contre la discrimination effectuée entre les salariés et les fonctionnaires ? Ces derniers, en effet échappent au mécanisme légal de contrôle prévu, et à la dangereuse signalisation de la pathologie. Deux poids, deux mesures, un État qui transgresse lui-même avec tant de régularité les lois dont il se dote, est-ce encore acceptable ?

Restaurer la conscience

- Pourquoi y a-t-il tant d'arrêts de travail pour maladie ? Les médecins le savent bien. Alors disons-le. Les conditions de travail deviennent de plus en plus broyeuses de l'humain. Leurs contraintes qu'elles soient réglementaires, organisationnelles ou économiques s'exercent au détriment de la santé de chaque homme. Longtemps, certains ont espéré une solution politique à cette " exploitation de l'homme par l'homme". Depuis 1989, cet espoir a disparu. Nous restons seuls devant cette réalité.

 

Renforcer la compétence

- L'obsession de l'augmentation à tout prix de la productivité du travail, dans le privé comme dans le secteur public est une réalité des plus dangereuses. La loi, comme c'est son rôle, cherche à protéger les plus fragiles des citoyens contre les abus de pouvoir. Alors, c'est la voie royale pour les utilisateurs des techniques perverses de harcèlement moral. Combien de nos patients tombent sous les coups de ces harceleurs ? Alors, ne laissons plus faire, nous médecins. Chaque fois qu'il y a harcèlement professionnel, demandons que soit établi un accident du travail, comme la jurisprudence nous y autorise. Ou mieux encore, selon un confrère médecin du travail, exigeons l'inscription en maladie professionnelle sur un tableau de pathologie liée au travail dans ce genre de cas particulièrement fréquent. Il n'y a aucune raison, un autre confrère y insiste, que les médecins couvrent sous une étiquette pathologique faussement explicative des troubles causés par un milieu de travail foulant aux pieds en toute impunité le respect élémentaire des humains. Les entreprises ne sont pas des lieux de non droit.

Os court : « Les conneries, c'est comme les impôts, on finit toujours par les payer. » Marcel Audiard


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LEM 176 du 10 janvier 2001

Je crache le morceau

Dr Annie Garing-Barbier

« J'ai décidé de tout avouer : je suis homéopathe. Je le suis devenue après quelques mois d'exercice libéral en médecine allopathique parce que j'en avais assez de voir les mêmes gamins pour la même rhino tous les 15 jours, que j'aie prescrit des antibiotiques ou pas - et aussi parce que j'étais écoeurée par les méthodes des laboratoires pharmaceutiques prêts à tout pour vendre leur panacée plus ou moins toxique. J'ai donc suivi l'enseignement du Dr Dominique Senn de Lausanne - médecine "bio-logique" et ce terme convient parfaitement (tout le contraire d'anti-bios !) En préambule, avez-vous déjà lu une matière médicale homéopathique ? Ca laisse loin derrière tous les traités de sémiologie ...d'ailleurs qui s'occupe encore de sémiologie puisqu'on soigne de la même façon une angine blanche ou rouge, avec dysphagie plus importante pour les liquides (froids ou chauds ?) - pire à droite ou à gauche etc. Quand un patient consulte, on commence par un interrogatoire sur le motif de la consultation, bien sûr, les antécédents et on ne manque pas de demander la date d'apparition des symptômes ( on voit plus des patients pour des troubles chroniques ou récurrents ). Immanquablement il y a un élément déclenchant sur un terrain favorable : il peut s'agir d'une vaccination, d'une anesthésie, d'un accident, d'une maladie soignée dès l'apparition des symptômes de façon trop brutale avant même que l'organisme ait pu amorcer une réaction ...

 

Retrouver la confiance

- C'est pourquoi je me méfie des vaccinations qui détraquent durablement ceux qui les subissent - par exemple je soupçonne fortement le vaccin antitétanique de jouer un rôle dans le diabète et l'hypercholestérolémie, le Rougeole Oreillons Rubéole dans l'asthme etc...En prescrivant des dilutions homéopathiques du vaccin on arrive à en atténuer les effets néfastes et l'état du patient s'améliore, les récurrences de la maladie s'espacent... et les consultations aussi ...au grand dam des labos qui ont la mainmise sur la santé dans ce pays - et des médecins habitués à voir 20 à 40 patients par jour !

J'ai reçu mon dernier RIAP ( relevé individuel d'activité du praticien ) : coût calculé par la Sécurité Sociale d'un de mes patients = 163,18 FF , alors que pour le référentiel régional =935,41 FF. Comment faire des économies, entend-t-on inlassablement de tous les côtés ? » Fin de la communication que le Dr Annie Garing-Barbier a bien voulu confier à Exmed. La rédaction précise que ce sont les propos et l'expérience personnelle d'un praticien, et qu'ils ne sont pas représentatifs de l'opinion dominante de la profession médicale en ce début de 3ème millénaire. Louis Pasteur ou Ignac Semmelweis furent longtemps minoritaires et critiqués de leur vivant. Étaient-ils pour autant dans l'erreur ?

 

Restaurer la conscience

- « Il est vrai que la profession médicale, clinique et humaine modèle quelque peu l'esprit. Il est vrai qu'écouter à la fois le pauvre et le riche modifie le sens des mots. Il est vrai aussi que le pire ou le plus sot des malades instruit encore, et leurs sanies ne sont pas plus infectes que celles d'un habile homme ou d'un juste. Continuons, aimablement, à essayer de comprendre, à tâter des pouls et non des âmes.

 

Renforcer la compétence

- Et, ce n'est pas à nous de décider si ce vieil avare atteint de cancer bronchique mérite de durer encore, ou s'il est bon que ce tyran meure. Aurions-nous honte d'avouer que la mort d'un seul misérable suffit à produire en nous une révolution noire ? Et pourtant, nous ne savons répondre si l'âme survit au naufrage du corps. Cette expérience doit continuer à être dite » .

Communication de notre ami belge Jacques Machiels MD, PhD, Service de pneumologie,Av. Reine Fabiola, 9, Clinique St Pierre B. 1340 Ottignies LLN

 

 

Os court : « C'est mieux qu'il pleuve aujourd'hui , plutôt qu'un jour où il ferait beau » Pierre Dac


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LEM 177 du 17 janvier 2001

Il y a grève et grèves

Dr Jacques Blais

« On le dit partout, cette dernière grève des cabinets médicaux français, sur les ondes, dans la presse, quelle ignominie ! Mais où est passée la conscience professionnelle, dites-moi ? Ces blouses blanches ne pensent qu' à elles, au moins les robes noires pensent d'abord aux autres, l'augmentation n'est venue qu'à cause de Noël. Du débardeur de camionneur, ou de la combinaison du pompiste, ce serait une affaire de couleur ? Quand la colère est noire, comme celle des avocats, elle gagne alors même que, si les professionnels de santé sont blancs, blêmes, ou livides, rien ne passe. Ou bien s'agit-il d une question d'habit, sans moines ? La robe aurait plus fière allure, et impact, que la blouse. N'évoquons même pas le simple vêtement du généraliste, qui n' aura jamais la puissance du bourgeron paysan, du débardeur de camionneur, ou de la combinaison du pompiste. Ce serait un problème de discours ? L'avocat a le verbe facile, et lorsqu'il réclame une augmentation, elle est traduite à destination de ces populations si démunies qui ne peuvent se défendre. L'aide juridictionnelle est la Couverture Maladie Universelle du médecin, en quelque sorte, mais toute demande des praticiens dans ce domaine de la part de ces ratiocineurs récriminants insatisfaits perpétuels n'évoquera pour les oreilles du bon peuple et les conversations des ministères que le scandaleux profit enrichissant des professionnels de santé. Jamais la nécessaire amélioration des soins, qu'ils soient paramédicaux, thérapeutiques, ou par le biais des aménagements de la prise en charge ...

Retrouver la confiance

- « Š Ce serait donc une simple affaire de moeurs ? Que n'importe quel corps de métier se mette en grève dans notre cher pays, la population apporte son soutien, sup- porte le désagrément, approuve au fond des coeurs généreux. Transports, agents de toutes catégories, enseignants déplorant leurs conditions de travail, conducteurs agressés, la grève est logique, et débouche sur des résultats. Jusque chez les avocats. C'est dans les moeurs françaises, dit-on. Mais que les professionnels de santé imaginent un seul instant ne plus se dévouer sans résultat, sans avenir, sans être jamais écoutés, n' admettent plus d être massacrés, agressés dans les cabinets, sur les ondes, dans la presse, quelle ignominie ! Mais où est passée la conscience professionnelle, dites-moi ? ». Fin du texte de J.BLais.

 

Restaurer la conscience

- A Paris, le contact devrait être repris le 25 entre les médecins et le ministère de la santé, afin de sortir de l'incompréhension mutuelle persistante. Souhaitons simplement que certains puissent rappeler à cette occasion une notion des plus simples. Quand on se sent malade et qu'on a le désir d'être soigné, on s'adresse à un médecin.

 

Renforcer la compétence

- Pour qu'un médecin puisse répondre à cette demande, la condition la plus essentielle est qu'il ait lui aussi le désir de soigner. C'est la rencontre de ces deux désirs, comme le souligne Zarifian, qui crée le miracle du soin et l'amorce possible du processus de guérison. La technique, la technoscience, quoi qu'en affirment ses chantres, n'est qu'un des outils secondaires de cette alchimie. Cela veut dire que tout ce qui peut porter atteinte à ce si fragile désir de soigner chez les hommes médecins enlève un peu de sa qualité soignante à la relation médicale. Que ceux qui multiplient ( ou laissent multiplier ) les tracasseries, les contrôles, aussi bien fondés théoriquement et budgétairement soient-ils, contribuent activement à la baisse de qualité des actes médicaux. Tout ce qui, de près ou de loin, aide le médecin (ou tout autre soignant naturellement) à préserver, voir à développer son désir de soigner est un facteur irremplaçable d'amélioration de la qualité des soins. Le célèbre "primum non nocere" est plus que jamais d'actualité pour tout ce qui touche à la santé, y compris dans ses aspects médiatiques, politiques, organisationnels et économiques. FMM

Os court : « Une information est une différence qui créée d'autres différences »

Grégory Bateson


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LEM 178 du 25 janvier 2001

 

Médecin servant de machines

Dr François-Marie Michaut

Le professeur Jean-Paul Escande, dont, nous ne l'oublions pas, les encouragements ont aidé la naissance d'Expression médicale, est furieux. Il l'écrit dans le Figaro du 20 janvier 2001. L'accusation est grave : " l'anéantissement programmé de l'autonomie médicale à l'hôpital repose sur une donnée de base : le scientisme ..., qui dans le cadre d'un état hypercentralisé, aboutit au pouvoir absolu du club des experts administratifs en chambre ". Poursuivant son analyse, notre professeur parisien de médecine parvient à la conclusion suivante. " Il faut une politique médicale, il n'y en a pas. Il faut une politique hospitalière, il n'y en pas... On a pris le chemin d'une médecine où le praticien devient le servant de machines soumises à l'administration. " Pour parler sans détour, vous avez pu donner l'impression, messieurs les confrères hospitaliers, de laisser les médecins libéraux se débattre seuls face aux contraintes qui leurs sont imposées par le pouvoir politique depuis 1997. Si peu d'entre vous, messieurs les professeurs de médecine se sont alors levés pour défendre les médecins de ville. C'était sans compter que nous les médecins, ainsi que bien malgré eux tous nos patients communs, nous sommes tous embarqués sur la même galère. La technique des machines et des écrans est dévoyée au point qu'elle ôte de plus en plus aux praticiens leur matière première la plus importante : leur envie de soigner ? Alors, n'hésitons plus, reprenons tous ensemble la maîtrise de notre métier médical. S'il faut pour cela détourner les machines à notre profit, prenons-les d'assaut.

Retrouver la confiance

- En 1997, personne ne l'a oublié, pour réduire les dépenses de santé on retire en France du marché médical les médecins les plus âgés, et on instaure tout un plan de contrôles, de contraintes, de pénalités et un taux de limitation annuelle des budgets par le parlement. Quatre ans après, les dépenses de l'assurance maladie connaissent une croissance annuelle de 5,9%, soit deux fois supérieure au taux prévu ( QDM 22 janvier). Quatre ans après, toujours, et après des années de numerus clausus à l'entrée en faculté, on se demande comment trouver les médecins généralistes dont on commence à manquer gravement dans certains endroits. Un échec d'évaluation et de gestion aussi criant ne fait toujours pas les grands titres de la presse nationale, et les responsables sont toujours immuablement en fonctions.

 

Restaurer la conscience

- Une fois encore, loin des projecteurs médiatiques et des campagnes publicitaires, se met en place une force d'échanges et d'informations dont on n'a pas fini d'entendre parler tant elle évolue vite. Vous savez que nous contribuons à une association regroupant une trentaine de médecins qui ont créé des sites indépendants de santé. Une enquête interne a montré pour le mois de novembre l'activité suivante pour 34 sites indépendants de santé. Le nombre d'internautes visiteurs est de 225027 et le nombre de pages consultées est de 2354124. Ces chiffres de fréquentation concernent à la fois les médecins et les non médecins.

 

Renforcer la compétence

- Il nous arrive de nous demander à Exmed si la lecture de publications virtuelles peut aider certains soignants à mieux faire leur travail. Nous nous interrogeons aussi sur l'incidence que peut avoir sur la force de guérir de certains malades la participation à des échanges sur l'internet. Pour l'instant, et en l'absence d'études menées avec toute la rigueur méthodologique nécessaire, nous ne disposons d'aucun élément argumenté de réponse. Le Net peut-il être un agent thérapeutique ? Peut-il, comme le craignent certains, être un agent pathogène ? Peut-il, selon les cas, et comme la langue d'Esope , être l'un ou l'autre ? Nous le saurons bien un jour, n'est-ce pas. Surtout si vous faites connaître votre opinion.

 

Os court « On fait pas d'aveugles sans casser des yeux » Coluche


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LEM 179 du 31 janvier 2001

 

En dissidence

Départ

Jean-Paul Escande

On ne replâtrera pas le système médical qui s'effondre. Il faut reconstruire.

Faut-il raser avant de reconstruire ?

Ce serait bien du temps perdu. Non : il faut créer en marge. Il existe des espaces de liberté. Et s'ils ne sont pas assez larges, il faudra se battre pour les dégager.

Il faut créer. A partir des forums qui se multiplient, il faut créer des lieux d'apprentissage où l'on travaille, réellement. Rebâtir des écoles, des lieux d'expérimentation praticienne : c'est l'avenir. Mais surtout, pas d'ambiance révolutionnaire. Pas de têtes à couper. Pas de compte à régler.

Du neuf dans les espaces libres ou libérés. Avec pour le monde orgueilleux, vaniteux, autosatisfait qui se lézarde de partout, pas même du mépris : seulement une indifférence totale.

Une médecine se meurt. Vive la médecine.

°-°

( Ndlr ) J-P. Escande est professeur de médecine de la faculté de Paris-Cochin. Cette première chronique " dissidence", sera, espérons-le, suivie de beaucoup d'autres. Elle est une réponse à l'interpellation de la LEM 178. Pour les patients en quête de thérapeutes de qualité, pour les praticiens en butte à des tracasseries administratives dévorantes, c'est un grand message d'espoir. Enfin construire une médecine à nos mesures d'hommes ! Que voilà un programme qui sonne juste aux oreilles de communautés d'internautes comme celle d'Exmed.

 

Retrouver la confiance

- « Le droit à la santé n'existe pas » affirme de son côté Guy Vallancien dans le Monde du 23 janvier. Un autre professeur de médecine de Paris ose rompre la loi du silence. Rendez-vous compte, il ose même parler des devoirs des malades et fustiger le classique : " on me doit bien toutes les dépenses qu'on fait pour moi quand j'en ai envie, avec tout l'argent que je leur donne avec mes cotisations d'assurance sociale ". Et comble du comble, ce confrère lance un pavé dans la marre : « Il n'y a pas de capitaine dans la plus grande entreprise de France, au budget de 630 milliards de francs, et dont le marché est en expansion croissante et sans doute indéfinie ».

 

Restaurer la conscience

- Des conclusions pratiques en découlent. Pour lui, comme nous en avons évoqué l'idée à Exmed à plusieurs reprises, les médecins généralistes doivent être payés au prix moyen d'un expert, c'est à dire 300 à 400 francs la demi-heure de vraie consultation avec le patient. Voilà un niveau de rémunération qui permettrait de disposer d'assistants pour effectuer les actes techniques de routine. Que voilà une mine d'emplois de qualité, quand on sait qu'un généraliste isolé dans notre pays ne même peut pas employer une secrétaire personnelle pour le dégager des obligations bureautiques ! Serait-ce un emploi plus discutable des cotisations d'assurance maladie pour chaque citoyen que l'entretien d'un salarié de la sécurité sociale pour deux médecins en exercice comme c'est le cas actuellement ? En nous envoyant cette coupure de presse, Odile Marcel, professeur de philosophie à Lyon II, nous écrit : « On évolue, les points de vue se déplacent, les choses bougent, peut-être, enfin ».

 

Renforcer la compétence

- Avec une grande justesse, Odette Tartavull, colistière d'Exmed, répond à notre interrogation de la LEM 178 sur l'utilité de l'Internet de santé. Elle insiste sur ce que peut représenter l'utilisation de ce type de communication pour aider à vivre les personnes atteintes par la maladie ou les handicaps. Sortir un peu de son isolement, échanger avec d'autres, même si c'est dans un univers virtuel , c'est retrouver un peu plus de plaisir. Un petit peu plus de participation au monde extérieur à la maison. Les médecins cliniciens constatent chaque jour combien est importante la compagnie, même factice, de la télévision chez leurs patients.

 

Os court « Le nouveau-né, c'est le dernier venu » Coluche


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