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             Formation 
              économique 9 
             
             
             
             
               D'un 
                caducée à l'autre n°30 
                  
               Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
               
               Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut  
               Une 
                pratique plus saine de la médecine   
               ... 
                par une conception renouvelée de l'économie 
                  
              Supposons 
                que gérer comme le Dr Sincère entre dans les règles 
                de l'art médical. Qu'en résulterait-il ? En première 
                approche, un progrès mineur. À y regarder de plus 
                près, un acte de grande portée.  
              Que 
                ne feraient plus les médecins en gérant presque 
                tous comme le Dr Sincère ? Ils ne feraient plus de leur 
                salaire un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils ne 
                feraient plus, tout autant, des rentabilités des cabinets 
                médicaux un mystère qui n'a pas lieu d'être. 
                Ils oseraient enfin dire qu'ils ont choisi de faire de la médecine 
                aussi parce qu'il y avait à la clé ces ordres de 
                grandeur. Personne ne leur en voudrait. Qui en veut à un 
                pilote de ligne de posséder les qualités qui lui 
                donnent accès à un haut salaire ? L'obsédé 
                de la réduction des inégalités sociales ? 
                Même pas !  
                
              En 
                gérant comme le Dr Sincère, les médecins 
                diraient leur acceptation des lois de marché. Ces dernières 
                ne sont rien d'autre que les régulations des prix que la 
                pratique des échanges marchands tend à établir. 
                Leur acceptation par les médecins améliorerait leur 
                image. Leur éthique s'en porterait mieux. Pourquoi annoncer 
                de tels bienfaits ? 
              L'aura 
                du corps médical dans le public est ternie d'hypocrisie. 
                Dès qu'il est question des rapports entre l'argent et la 
                médecine, la suspicion s'installe. Personne ne refuse aux 
                médecins de bien gagner leur vie. Mais personne n'accepte 
                qu'on fasse de la médecine avant tout pour bien gagner 
                sa vie. C'est clair. En réalité, ça fait 
                combien ici et maintenant de bien gagner sa vie dans le cas des 
                médecins ? Les intéressés n'avancent pas 
                de chiffres. On les comprend. Ils savent que si leurs prétentions 
                sont trop élevées, le reste de la population se 
                chargera de le leur faire savoir. Il existe, en effet, de toute 
                évidence, un niveau de gain à partir duquel la carrière 
                médicale est trop attrayante par l'aisance matérielle 
                qu'elle procure. Ce niveau est, bien entendu, relatif. 
              Le 
                Dr Sincère accepte pourtant que ce niveau relatif soit 
                testé par ses propres annonces et celles de ses confrères. 
                De ce test, il tire un plafond de gain ici et maintenant. Sans 
                cacher à qui veut l'entendre que ses mérites justifient 
                qu'il colle au plafond. En s'efforçant d'y arriver mais 
                en même temps d'en rester là. Car dépasser 
                est devenu pour lui une infraction au serment d'Hippocrate. Faut-il 
                dire que le confrère Sincère a un temps d'avance 
                sur nous ? Dans une vie antérieure, n'a-t-il pas suivi 
                jusqu'à son terme une formation à une conception 
                honnête de l'économie, et partant de la vie sociale 
                toute entière ? 
                
              Le 
                cas réel de la société S 
              Le 
                salarié sans mandat de gérant de la société 
                S est en fait son propre patron. Certes il rend des comptes aux 
                associés et leur soumet les décisions principales. 
                Mais c'est lui qui administre la société. Certes 
                il est assisté dans cette tâche par un cabinet comptable 
                choisi par l'un des associés. Mais c'est lui qui, au premier 
                rang, veille au grain fiscal et " social ". Ce qui incombe à 
                la société en tant qu'employeur, il le sait et il 
                en assume la responsabilité tant vis-à-vis du salarié 
                qu'il est que des associés. La condition de salarié 
                " du privé ", il la connaît aussi bien puisque c'est 
                la sienne.  
              Ce 
                Janus est dans la même situation que le Dr Sincère. 
                Pour la société S, l'unité d'Ïuvre est la 
                journée d'intervention. Pour le Dr Sincère l'unité 
                d'Ïuvre est la consultation. Pour la société S, 
                la quantité clé est celle du nombre annuel de journées 
                facturées. Pour le cabinet du Dr Sincère la quantité 
                clé est le nombre annuel de consultations. Pour la société 
                S le prix crucial est celui du prix de journée. Pour le 
                cabinet du Dr Sincère, le prix crucial est celui de la 
                consultation.  
              Le 
                salarié du cas réel de la société 
                S et le médecin du cas imaginaire du cabinet du Dr Sincère 
                ont en commun d'avoir à résoudre pratiquement le 
                même problème. Il leur faut fixer un salaire qui 
                laisse à l'entreprise qui les emploie une marge de profit. 
                Comment s'y prend le salarié de la société 
                S ? Quelle leçon d'économie faut-il en tirer ? 
                 
               
               
                 
              D'un 
              caducée à l'autre n°31 
               
            
            
             
               
                 29 
                octobre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
            Il 
              n'est pas sûr que ce qui suit soit très légal. 
              Pour quelle raison ? Nous entrerons plus tard dans ce débat. 
              Le salarié de la société S agit ainsi. Il ajuste 
              chaque mois ouvré sa rémunération R en fonction 
              du chiffre d'affaires C du mois. Il le fait parce qu'il considère 
              que la société doit, en priorité, dégager 
              un profit P. 
            Pour 
              estimer ce profit P, il applique un taux au capital de la société. 
              Ce taux, fixé par les associés, est avant impôt 
              sur les sociétés (IS). En ce moment, il est de 15 
              % l'an. Le capital de S étant de 200 mille francs, cela fait 
              30 mille francs par an de profit avant IS. Par mois ouvré, 
              cela donne 2 750 francs (30 mille / 11). 
              
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
              
            3.3. 
              Le profit se constate par différence (3, le cas d'école 
              du Dr Sincère).  
            Pour 
              constater le profit ou la perte du cabinet du Dr Sincère 
              ou de la société S, les mêmes opérations 
              sont à faire. Les voici, sans entrer dans leur détail. 
              Ces deux entreprises font du chiffre d'affaires. La comptabilité 
              dit qu'il s'agit de " produits ". Ces deux entreprises font des 
              dépenses. La comptabilité dit qu'il s'agit de " charges 
              ". La marge de profit est la différence entre les " produits 
              " et les " charges ". Il n'y a pas de profit si cette marge est 
              nulle ou négative. Il y a perte si elle est négative. 
            Ce 
              constat n'est jamais que celui d'un ordre de grandeur. Avec une 
              comptabilité exacte les produits sont connus au centime près. 
              Mais il n'en va pas ainsi de toutes les charges. Parmi elles figurent 
              très souvent au moins une sorte de provision. C'est celle 
              qui, en bonne gestion, doit être constituée pour renouveler 
              les équipements.  
            On 
              dit de cette sorte de provision qu'elle constitue un " amortissement 
              ". C'est un acte indispensable de bonne gestion. Sans lui, la valeur 
              investie dans les équipements n'est pas reconstituée. 
              Sans lui, la valeur du capital n'est pas conservée. Encore 
              faut-il que la provision soit effective. Il arrive souvent que ce 
              ne soit pas le cas. De plus la fiscalité s'en mêle. 
              Toute une affaire en soi. Nous y reviendrons. 
            Le 
              profit se constate par une différence donc le profit est 
              une différence.  
            Vrai 
              ou faux ? Reconnaissons que ce " donc " est bien tentant. Regardons-yÉ 
              donc de plus près. Légions ont été et 
              restent les économistes qui admettent qu'il est dans la nature 
              du profit d'être un reste. La preuve réside pour eux 
              de la façon dont le profit est constaté dans les comptes 
              des entreprises.   
            N'est-ce 
              pas une inversion qui conduit, de proche en proche, à prendre 
              toute une série d'effets pour des causes ? 
            Peut-on 
              " déduire " la nature d'une chose de la façon dont 
              on la constate ? Prenons pour exemple le constat du nombre de médecins 
              en activité en France. Un des moyens de dresser ce constat 
              est d'aller consulter un annuaire spécialisé. Peut-on 
              en conclure que le corps médical français est un annuaire 
              ? De son côté , comme la sardine est à l'huile, 
              l'économiste est distingué. Enfin, il faudrait qu'il 
              soit un champion de la distinction juste dans le champ qu'il a choisi 
              d'étudier. Or l'économiste qui assure du profit qu'il 
              est un reste parce que c'est ainsi qu'il se constate se livre à 
              un sophisme. Il lui faut alors d'autres propositions fausses mais 
              justes entre elles pour donner le change. En premier lieu, il y 
              a une vraie fausse science. En finale, il y a un imbroglio de sophismes 
              qui ne sont même plus cohérents entre eux. Chacun peut 
              en juger sur l'exemple suivant. 
            La 
              conception dominante de l'économie admet à la fois 
              que le profit est un reste et qu'il fait partie de la " valeur ajoutée 
              ". Conséquence pratique de cette contradiction ? La rentabilité 
              invoquée à tout bout de champ sans que nous soyons 
              parvenus à nous mettre d'accord sur ce qu'est le profit et 
              à quoi il sert. On laisse faire ? Tant pis pour nos enfants 
              et petits-enfants qui risquent d'en payer le prix ? Après 
              nous le déluge ? 
             
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°30 
                 
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
             
               
                ... 
                par une conception renouvelée de l'économie 
                 
              
            
            Supposons 
              que gérer comme le Dr Sincère entre dans les règles 
              de l'art médical. Qu'en résulterait-il ? En première 
              approche, un progrès mineur. À y regarder de plus 
              près, un acte de grande portée.  
            Que 
              ne feraient plus les médecins en gérant presque tous 
              comme le Dr Sincère ? Ils ne feraient plus de leur salaire 
              un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils ne feraient 
              plus, tout autant, des rentabilités des cabinets médicaux 
              un mystère qui n'a pas lieu d'être. Ils oseraient enfin 
              dire qu'ils ont choisi de faire de la médecine aussi parce 
              qu'il y avait à la clé ces ordres de grandeur. Personne 
              ne leur en voudrait. Qui en veut à un pilote de ligne de 
              posséder les qualités qui lui donnent accès 
              à un haut salaire ? L'obsédé de la réduction 
              des inégalités sociales ? Même pas ! 
             
              
            En 
              gérant comme le Dr Sincère, les médecins diraient 
              leur acceptation des lois de marché. Ces dernières 
              ne sont rien d'autre que les régulations des prix que la 
              pratique des échanges marchands tend à établir. 
              Leur acceptation par les médecins améliorerait leur 
              image. Leur éthique s'en porterait mieux. Pourquoi annoncer 
              de tels bienfaits ? 
            L'aura 
              du corps médical dans le public est ternie d'hypocrisie. 
              Dès qu'il est question des rapports entre l'argent et la 
              médecine, la suspicion s'installe. Personne ne refuse aux 
              médecins de bien gagner leur vie. Mais personne n'accepte 
              qu'on fasse de la médecine avant tout pour bien gagner sa 
              vie. C'est clair. En réalité, ça fait combien 
              ici et maintenant de bien gagner sa vie dans le cas des médecins 
              ? Les intéressés n'avancent pas de chiffres. On les 
              comprend. Ils savent que si leurs prétentions sont trop élevées, 
              le reste de la population se chargera de le leur faire savoir. Il 
              existe, en effet, de toute évidence, un niveau de gain à 
              partir duquel la carrière médicale est trop attrayante 
              par l'aisance matérielle qu'elle procure. Ce niveau est, 
              bien entendu, relatif. 
            Le 
              Dr Sincère accepte pourtant que ce niveau relatif soit testé 
              par ses propres annonces et celles de ses confrères. De ce 
              test, il tire un plafond de gain ici et maintenant. Sans cacher 
              à qui veut l'entendre que ses mérites justifient qu'il 
              colle au plafond. En s'efforçant d'y arriver mais en même 
              temps d'en rester là. Car dépasser est devenu pour 
              lui une infraction au serment d'Hippocrate. Faut-il dire que le 
              confrère Sincère a un temps d'avance sur nous ? Dans 
              une vie antérieure, n'a-t-il pas suivi jusqu'à son 
              terme une formation à une conception honnête de l'économie, 
              et partant de la vie sociale toute entière ? 
              
            Le 
              cas réel de la société S 
            Le 
              salarié sans mandat de gérant de la société 
              S est en fait son propre patron. Certes il rend des comptes aux 
              associés et leur soumet les décisions principales. 
              Mais c'est lui qui administre la société. Certes il 
              est assisté dans cette tâche par un cabinet comptable 
              choisi par l'un des associés. Mais c'est lui qui, au premier 
              rang, veille au grain fiscal et " social ". Ce qui incombe à 
              la société en tant qu'employeur, il le sait et il 
              en assume la responsabilité tant vis-à-vis du salarié 
              qu'il est que des associés. La condition de salarié 
              " du privé ", il la connaît aussi bien puisque c'est 
              la sienne.  
            Ce 
              Janus est dans la même situation que le Dr Sincère. 
              Pour la société S, l'unité d'Ïuvre est la journée 
              d'intervention. Pour le Dr Sincère l'unité d'Ïuvre 
              est la consultation. Pour la société S, la quantité 
              clé est celle du nombre annuel de journées facturées. 
              Pour le cabinet du Dr Sincère la quantité clé 
              est le nombre annuel de consultations. Pour la société 
              S le prix crucial est celui du prix de journée. Pour le cabinet 
              du Dr Sincère, le prix crucial est celui de la consultation. 
               
            Le 
              salarié du cas réel de la société S 
              et le médecin du cas imaginaire du cabinet du Dr Sincère 
              ont en commun d'avoir à résoudre pratiquement le même 
              problème. Il leur faut fixer un salaire qui laisse à 
              l'entreprise qui les emploie une marge de profit. Comment s'y prend 
              le salarié de la société S ? Quelle leçon 
              d'économie faut-il en tirer ? 
             
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°32 
                 
              
            
             
               
                 5 
                novembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
             
               
                ... 
                par une conception renouvelée de l'économie 
                 
              
            
             
               
                Le 
                cas réel de la société S  
              
            
            Que 
              doit couvrir la différence entre le chiffre des ventes V 
              d'un mois ouvré et le profit P ? Les amortissements A, les 
              frais généraux F, la rémunération R 
              du salarié. D'où le calcul de R par la formule V - 
              (P + A + F). Exemple chiffré, en milliers de francs. Pour 
              le dernier mois ouvré, la vente V est de 40. P étant 
              de 2,75 et A de 1,25, R = 40 - (2,75 + 1,25 + 7,25) = 30. Est-ce 
              à dire que la société S va pouvoir virer au 
              compte du salarié 30 mille de francs ?  
            Les 
              salariés ne sont-ils pas, c'est bien connu, des ivrognes 
              ? Leur paie, ils ne songent qu'à la boire. Il leur faut des 
              employeurs, et un État tutélaire, pour gérer 
              à leur place une partie de leurs affaires. Cette partie est 
              très importante. Plus de 50 % du vrai revenu de leur travail 
              y est consacré. Et sur la petite moitié restante, 
              il y a encore à payer les impôts indirects et directs. 
              La réalité brute est là, combien  
              
            Un 
              article du credo " social " actuel est qu'il faut assurer des congés 
              payés aux salariés. Cela fait partie des " avantages 
              acquis ". On laisse croire que c'est l'employeur qui les paie. La 
              réalité est que les salaires seraient plus élevés 
              sans cet " avantage acquis ". La différence serait égale 
              au coût du versement d'un salaire pendant les congés. 
                
            Sur 
              ce point, la société S est gérée de 
              manière peu orthodoxe, voire illégale. En été, 
              son salarié prend bien un plein mois de vacances. Mais il 
              n'est pas payé ce mois là. C'est à lui de mettre 
              de côté l'argent dont il veut pouvoir disposer pendant 
              ce mois. 
            La 
              capacité de placement du salarié s'en trouve augmentée. 
              Celle de l'employeur s'en trouve diminuée. Or l'argent dont 
              il s'agit appartient au salarié et à lui seul. La 
              façon de faire de la société S est économiquement 
              justifiée. Si cette façon était ouverte à 
              tous les salariés qui en font la demande, est-ce que ce serait 
              un recul de nos mÏurs ? Qu'à une époque les congés 
              payés aient été un progrès fait-il que 
              le droit à congé doit continuer à faire l'objet 
              pour toujours du même dispositif financier ? Est-il ou non 
              souhaitable que le salarié soit enfin conduit à disposer 
              de toute l'autonomie qui lui revient ? Et vos congés de médecin 
              libéral ? 
              
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
            3.4. 
              Le profit est une marge ajoutée aux autres coûts de 
              production.  
            À 
              la conception du profit en tant que reste s'oppose celle du profit 
              en tant que marge ajoutée aux coûts de production. 
              Comment trancher entre les deux ? 
            On 
              a souvent reproché à la théorie de l'économie 
              d'abuser de la clause " toutes choses égales par ailleurs 
              ". Dans la réalité les choses ne sont jamais égales 
              par ailleurs. C'est vrai. Mais il est vrai aussi que la seule observation 
              des faits bruts est loin de fournir les réponses à 
              toutes les questions que cette observation suggère. Le recours 
              à la clause " toutes choses égales par ailleurs " 
              s'impose souvent pour faire dire à la réalité 
              ce qu'elle ne donne pas à constater de façon directe. 
            La 
              réalité ne donne pas à constater de façon 
              directe si le profit est un reste ou une marge ajoutée aux 
              autres coûts de production. Le raisonnement utilisant un " 
              toutes choses égales par ailleurs " peut-il nous éclairer 
              ? Si la marge moyenne de profit en proportion des ventes s'abaisse 
              ou s'élève et que tous les autres coûts restent 
              égaux par ailleurs, les prix des produits vendus par les 
              entreprises ne peuvent que baisser ou augmenter. On peut en dire 
              autant de n'importe quel autre coût de production. C'est notamment 
              le cas des salaires. 
              
            En 
              comptabilité d'entreprise, le profit ne doit pas être 
              assimilé aux autres coûts, dits aussi charges. C'est 
              nécessaire puisqu'un des objets essentiels de la comptabilité 
              est de déterminer le montant du profit. Faut-il étendre 
              cette nécessité à la théorie des échanges 
              marchands ? Le profit est la contrepartie de la fourniture en échange 
              du service du placement en capital. Le profit est un prix pour qui 
              le touche, un coût pour qui le verse. 
             
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°33 
                 
              
            
             
               
                 10 
                novembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
            Malgré 
              la façon de faire de la société S sur la question 
              des congés payés, c'est à peine plus de la 
              moitié des 30 mille francs qui vont pouvoir être payés 
              par S à son salarié. Si l'employeur devait provisionner 
              les congés payés, ce serait moins de la moitié. 
              Notre mentalité et nos lois jugent, sans même en être 
              conscientes, que le salarié est incapable, au sens de cette 
              notion en droit civil, de gérer par lui-même plus de 
              la moitié du revenu de son travail. Sur l'autre moitié, 
              du tiers au demi part en impôts dont aucun citoyen ne peut 
              faire le total en ce qui le concerne. La France, pays démocratique 
              ? Bien plus en paroles qu'en actes ! La France capable de former 
              des médecins et de leur fournir des patients qui les uns 
              et les autres, au sens littéral de l'expression, se rendent 
              compte ? Pas encore. 
              
            Entrons 
              dans le détail. Un médecin qui veut se rendre compte 
              doit savoir ce qu'il advient des 30 mille francs de salaire entier, 
              SE, alias " coût du travail " (une manière de ne pas 
              dire qu'il s'agit du vrai salaire). La doctrine officielle est qu'ils 
              se décomposent en trois parts sur la base, pour l'essentiel, 
              d'une somme (laissons ici de côté les tranches qui 
              servent d'assiette à la plupart des cotisations sur salaire). 
              Cette somme est le " salaire brut ", SB. C'est elle qui fait fonction 
              de prix du travail. C'est un prix faux mais c'est ainsi, non sans 
              conséquences. La différence entre SE et SB est constituée 
              par les cotisations réputées " patronales ", CP. Seules 
              les cotisations " salariales " sont réputées être 
              à la charge du salarié - " salariales ", notons-le 
              au passage, comme si n'importe quelle cotisation faisant partie 
              d'un salaire n'était pas, par définition, salariale. 
              SE diminué des CP donne le salaire net, SN, à payer 
              au salarié. 
              
            La 
              relation SE - (CP + CS) = SN, avec SB +CP = SE et SB - CS = SN, 
              n'est pas simple d'emploi. Les plus récents logiciels de 
              paie sont maintenant programmés pour calculer " à 
              l'envers " un SB à partir d'un SN. Mais encore faut-il, dans 
              le cas que nous examinons, parvenir à déterminer d'abord 
              un SN correspondant à un SE de 30 mille francs. C'est possible 
              aux approximations près. Mais le fait que ce soit trop compliqué 
              est, en soi, un enseignement. La confusion et l'inutilité 
              des procédures de gestion de nos affaires " sociales " sont 
              filles et mères de rapports sociaux confus, de dissensions 
              inutiles, de fuite devant les responsabilités. 
             
               
                  
                 
              
            
             
               
                ... 
                par une conception renouvelée de l'économie 
                 
              
            
             
               
                  
                 
              
            
             
               
                3. 
                Théorie du capital et du profit (suite)  
              
            
             
               
                3.5. 
                Le profit est avant tout le terme d'un échange, marchand, 
                en contrepartie du service du placement en capital.   
              
            
              
            Nous 
              avons convenu de n'appeler, en théorie économique, 
              " profit " que les bénéfices des entreprises. 
            La 
              seule propriété qui n'appartient qu'au profit est 
              d'être le terme d'un échange marchand dont l'autre 
              terme est le placement en capital. L'intérêt et le 
              salaire ont aussi une propriété qui leur est spécifique. 
              L'intérêt est le terme d'un échange marchand 
              dont l'autre terme est le placement en crédit. Le salaire 
              est le terme d'un échange marchand dont l'autre terme est 
              un produit du travail. 
            Voir 
              avant tout dans le profit le terme d'un échange marchand 
              n'implique pas du tout de ne voir que cela. Tout objet économique 
              est plus qu'un objet économique par les autres rôles 
              sociaux qu'il joue. Il est le véhicule d'affects. Il alimente 
              des discussions à perte de vue. Il en acquiert des traits 
              de caractère qui peuvent avoir peu de rapport, voire aucun, 
              avec sa raison d'être.  
            Le 
              profit est plus soumis à ce phénomène que le 
              salaire, le capital et l'impôt. L'esprit de lucre lui est 
              chevillé au corps. C'est dangereux. Le sentiment masque ce 
              que la raison devrait voir. Or ce qu'il y a à voir est, nous 
              le constaterons, deux régulations essentielles du système 
              économique. Un corps médical rivé aux idées 
              courtes les plus ordinaires dès qu'il est question de profit 
              renforce une incapacité du corps social.  
             
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°34 
                 
              
            
             
               
                 10 
                novembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
             
               
                L'éthique 
                des justes prix  
              
            
            " 
              Je donnerai mes soins gratuitement aux indigents et je n'exigerai 
              jamais un salaire au-dessus de mon travail. " C'est le premier engagement 
              du Serment d'Hippocrate dans sa formulation actuelle. Le don qui 
              n'est pas gratuit n'en est plus un. La notion de salaire sans rapport 
              avec le travail fourni est assez floue pour n'engager à rien. 
            Tentons 
              une formulation plus claire. La phrase citée du Serment engage 
              à deux devoirs. Les deux phrases suivantes paraissent en 
              respecter l'esprit. " Je ferai payer mes soins à leurs justes 
              prix. Je ne ferai pas payer mes soins aux indigents. À première 
              vue, le " je ferai payer mes soins à leurs justes prix " 
              est tout aussi vague que le " je n'exigerai jamais un salaire au-dessus 
              de mon travail ". Il n'en présente pas moins trois avantages 
              décisifs. Il est plus réaliste. Il est attendu. Il 
              peut recevoir un contenu technique et moral bien plus riche. 
            Il 
              est plus réaliste parce qu'il y a dans les honoraires médicaux 
              plus que du salaire. Répétons qu'un médecin 
              dit libéral est, de fait, un salarié de son propre 
              cabinet. Son statut économique est le même que celui 
              de son confrère salarié au sens du Code du travail. 
              Toutes les entreprises sont asservies à la même règle. 
              Le prix final d'une prestation vendue par une entreprise doit couvrir 
              trois coûts et laisser une marge. Le salaire du praticien 
              qui a fourni la prestation n'est que l'un de ces coûts. Les 
              frais généraux et les amortissements sont les deux 
              autres sortes de coûts. La marge est, elle, de profit. 
            L'aspiration 
              aux justes prix est un fait de société. Ce fait est 
              occulté par la théorie moderne de l'économie. 
              Mais entendons-nous bien. Les intuitions populaires sont incohérentes. 
              L'économie ne fait pas exception, c'est le moins qu'on puisse 
              dire. Cela n'autorise pas à rejeter en bloc ce que le sens 
              commun pressent. De toute évidence il existe des justes prix. 
                
            Un 
              seul exemple : Paul est peintre en bâtiment. Ici et maintenant, 
              la subjectivité collective admet que le produit du travail 
              d'une heure d'un docteur en médecine vaut le produit du travail 
              de trois heures d'un peintre en bâtiment. Paul fait faire 
              chez lui des travaux qu'il confie à André. André 
              vend ses prestations à leurs justes prix si la facture qu'il 
              présente à Paul respecte la proportion qui vient d'être 
              dite. Se plaignant de douleurs, André fait appel aux soins 
              de Paul. Paul vend ses prestations à leurs justes prix si 
              la feuille d'honoraires qu'il présente à André 
              respecte à peu près la même proportion. 
            ... 
              par une conception renouvelée de l'économie 
             
               
                3. 
                Théorie du capital et du profit (suite)  
              
            
             
               
                3.5. 
                Le profit est avant tout le terme d'un échange, marchand, 
                en contrepartie du service du placement en capital.   
              
            
            Les 
              soins médicaux sont, nous l'avons vu, des produits industriels. 
              Le bon sens doit cependant venir vite au secours du sens commun 
              pour amorcer une théorie juste des prix de ces produits. 
              Il faut des salaires équitables et des profits équitables 
              pour que ces produits soient vendus à peu près à 
              leurs justes prix. " Évident, mon cher Watson ". Le " je 
              ferai payer mes soins à leurs justes prix " ne pourra cependant 
              faire utilement partie du Serment qu'à plusieurs conditions. 
              En premier lieu, deux théories, avec les pratiques qu'elles 
              impliquent, devront entrer dans la culture du corps médical. 
              La logique et les faits imposent que l'une de ces deux théories 
              serve de base à l'autre. La théorie de base doit être 
              celle du capital et du profit. L'autre théorie doit être 
              celle du salaire. 
            La 
              théorie de base doit être celle du capital par réalisme. 
              D'une part la suffisance du stock d'emplois dépend avant 
              tout de la suffisance du stock de capital. D'autre part la médecine 
              ne peut assurer son indépendance qu'en finançant et 
              faisant financer ses équipements par le moyen le plus approprié 
              à cette fin. Ce moyen le plus approprié est le capital 
              placé en contrepartie du revenu périodique constitué 
              par le profit. Le " je ferai payer mes soins à leurs justes 
              prix " ne pourra faire utilement partie du Serment qu'à une 
              autre condition. Il ne peut y avoir juste prix d'une prestation 
              intellectuelle que si son unité de facturation est elle-même 
              juste. Exprimons ce fait dans un vocabulaire un peu plus technique. 
              Il ne peut y avoir de justes prix que s'il y a de justes unités 
              d'Ïuvre. La tarification des actes médicaux devrait être 
              révisée en se demandant d'abord si elle utilise l'unité 
              d'Ïuvre la plus pertinente.
              
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°35 
                 
              
             
               
                 25 
                novembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Médecine, 
                capital, profit  
              
            
            Il 
              n'en est toujours pas question de capital et de profit dans les 
              comptes des médecins dits libéraux. Pour les cabinets 
              de groupe et les cliniques privées, quelques références 
              explicites à du capital et du profit existent ... à 
              l'état de trace. Le corps médical et le fisc continuent 
              à faire comme si ces choses n'avaient rien à voir 
              avec l'art de soigner. Il faut être déjà un 
              peu épicier, à savoir apothicaire, pour devoir se 
              compromettre avec ces vilenies mercantiles... Disons-le tout net. 
              Ce point de vue sur nos amis pharmaciens est minable.   
            Pas 
              d'indépendance médicale sans indépendance économique. 
              C'est là que le capital entre en jeu. L'indépendance 
              est devenue une fiction quand l'achat et la modernisation des cabinets 
              médicaux sont financés par trop de crédit et 
              pas assez de capital. Il faut cavaler commeÉ un malade, comme un 
              écureuil dans sa cage ( Dr Harold Burnham) pour faire face 
              aux échéances." L'humble justice de l'échange 
              " (Alain) est implacable. Le travail est échangé contre 
              du salaire. L'octroi d'un crédit est échangé 
              contre le service d'intérêts. Le placement en capital 
              est échangé contre les profits. Tenter de faire vivre 
              la médecine dans un autre monde revient à la priver 
              à terme de toute sa liberté. 
            Je 
              veux une médecine libre. Je ne veux pas qu'il soit question 
              de capital et de profit dans les activités médicales. 
              Je suis obligé de m'installer dans l'illusion. Il est impossible 
              de concilier la liberté avec le manque de capital. C'est 
              une loi de l'économie générale. Il est impossible 
              de reconquérir la liberté de soigner, et d'être 
              soigné, avec des médecins qui sont trop nombreux à 
              ignorer ce que capital et profit sont au juste et à quoi 
              ça sert. En général et dans leur cas. C'est 
              une loi de l'économie des soins médicaux. 
            Un 
              cabinet médical produit des soins dont il vend la plus grosse 
              partie. D'accord, d'accord, le but du médecin n'est pas de 
              vendre (nous y reviendrons). Il est bel et bien de rendre service. 
              Mais ne voyons pas une exception là où il n'y en a 
              pas. Tous les acteurs sur la scène économique sont 
              logés à la même enseigne. S'ils ne vendent pas 
              assez, ils ne joignent pas les deux bouts, comme l'on dit. Pour 
              vendre assez, il faut assez rendre service. Pour rendre assez service, 
              il faut assez d'instruments. Pour financer dans les meilleures conditions 
              ces instruments, il faut du capital. Pour honorer l'échange 
              dont le capital est un terme, il faut du profit. 
            Personne 
              n'a jamais pu et ne pourra jamais briser ces liens de causalité. 
              Des esprits embués continueront à les refuser ou les 
              négliger. Sur ce point encore, le monde de la santé 
              ne fera pas exception. Ce sont pourtant ces liens qui nous procurent 
              notre pain quotidien et souvent peu ou prou plus. Il est tout à 
              fait puéril de ne pas le reconnaître. 
            ... 
              par une conception renouvelée de l'économie 
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
            3.6. 
              Le profit est aussi légitime que le salaire et l'intérêt. 
               
            Salaire, 
              intérêt et profit sont les contreparties de la fourniture 
              d'un service. Dans le cas du salaire, il s'agit du service fourni 
              au moyen d'une dépense d'énergie personnelle. Dans 
              le cas de l'intérêt, du service du prêt à 
              terme. Dans le cas du profit, du service du placement en capital. 
              Le profit est aussi légitime que le salaire et l'intérêt. 
              Refuser le profit parce que trop " capitaliste " n'a pas de sens. 
              Tout cabinet médical verse un salaire périodique à 
              au moins une personneÉ souvent encore par prélèvements 
              indisciplinés. Tout cabinet médical devrait dégager 
              un profit périodique proportionné au capital qui le 
              finance. 
            Ne 
              pas faire d'un profit raisonné un devoir de tout médecin 
              libéral aussi, c'est (feindre de) ne pas savoir que c'est 
              contraire à l'intérêt général. 
              Cet intérêt est que toute l'épargne placée 
              en capital soit rémunérée. Il est aussi que 
              cette rémunération soit faite à un taux publié. 
              Sans cela, il n'y a trop peu de capital. Donc il y a trop peu d'emplois 
              tant en quantité qu'en qualité. Sans cela, il y a 
              trop peu d'autonomie des entreprises. Donc trop peu de libertés 
              circulent dans les veines du corps social et du corps médical. 
             
              
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°36 
                 
              
            
             
               
                 1 
                décembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                But 
                et moyen (1)  
              
            
            Hippocrate - Que va-t-il se passer si nous autres médecins 
              allons disant que nos cabinets sont des entreprises ? L'opinion 
              publique va en déduire que notre but est celui de tous les 
              entrepreneurs. Or, pour elle, ce but est le maximum de profit. Ce 
              n'est pas compatible avec notre éthique. Nos patients tolèrent 
              relativement bien que l'industrie pharmaceutique et les assureurs 
              privés fassent du profit. Nous aussi d'ailleurs, au demeurant, 
              en majorité. Mais nous n'osons pas franchir pour nous le 
              pas, comme par peur de transgresser un tabou. 
              
            Exocrate - Ce tabou existe bel et bien. Le corps médical 
              est loin d'être le seul organe du corps social qui tient à 
              le conserver. C'est la clé de voûte de toute une représentation 
              fausse mais commode. Il vous faut oser un refus et oser une affirmation. 
              Osez refuser d'attribuer d'office à tout propriétaire 
              ou copropriétaire d'une entreprise le but du maximum de profit. 
              Osez affirmer que le profit n'est qu'un moyen. Persistez quel que 
              soit ce qui se dit et se fait dès qu'il est question de profit 
              et de rentabilité. Le bon sens est avec vous. La logique 
              est avec vous. L'économie politique remise à l'endroit 
              est avec vous. 
            Hippocrate - Le profit, qu'un moyen ? Ce n'est pas ce qui se dit 
              le plus souvent. Ce n'est pas ce qui s'enseigne le plus académiquement. 
              Ce qui a été, pour ainsi dire, gravé dans nos 
              têtes est que le but suprême du libéralisme capitaliste 
              c'est le maximum de profit. Du coup le profit en tant que moyen, 
              cela ne nous dit rien du tout. Un moyen de quoi ? Et si le profit 
              est, comme tu le dis, avant un tout un moyen, quel est alors le 
              but ? 
              
            ... 
              par une conception renouvelée de l'économie 
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
            3.7. 
              Le profit n'est pas l'objectif de l'entreprise.  
            Le 
              principe d'économie politique selon laquelle le profit n'est 
              pas l'objectif de l'entreprise est contraire au préjugé 
              le plus répandu, et le plus enseigné, dès qu'il 
              est question d'entreprise. Or dès qu'il est question d'économie, 
              d'emploi, de retraite, de sécurité sociale, etc. il 
              est au moins implicitement question des entreprises, de leurs raisons 
              d'être, de leurs modalités de fonctionnement. Il faut 
              savoir que c'est au préjugé contraire au principe 
              ici énoncé qu'énarques et syndicalistes sont 
              les plus nombreux à croire dur comme fer. La conséquence 
              est très lourde parce qu'un tel principe d'économie 
              politique est évidemment aussi un principe de morale de la 
              vie sociale. 
            Dans 
              sa chronique titrée Le profit est-il l'objectif ? (Les Échos 
              du 5 novembre 1999, p. 63) Paul Fabra livre à ses lecteurs 
              un commentaire de ce principe. Pour situer ce commentaire, reproduisons 
              le résumé que son auteur donne lui-même de sa 
              chronique : " Aussi incroyable que cela puisse paraître, les 
              grands groupes privés tendent à gérer le capitalisme 
              selon le schéma formidablement déformé qu'en 
              avait donnéÉ Karl Marx ". 
            " 
              Rien de plus normal que de prendre en grande considération 
              les intérêts de ceux qui ont apporté leur épargne 
              en vue de constituer le capital d'une société [= de 
              toutes les sortes d'entreprises, cabinets médicaux inclus]. 
              Mais qu'on y réfléchisse bien, le capital n'a pas 
              d'autre objet, dans l'Ïuvre de production (le commerce est une production 
              ainsi que tous les " services " offerts sur le marché [dont 
              celui des soins médicaux]) que de permettre au travail d'être 
              productif, le plus productif possible. Du point de vue de l'économie 
              en général et de l'entreprise en particulier, celui 
              qui apporte son travail est aussi indispensable que l'apporteur 
              des fonds [des " fonds propres ", c'est-à-dire du capital] 
              , même si l'on doit reconnaître que ce dernier a une 
              antériorité dans l'acte de constitution de la société, 
              d'où découlent ses droits de propriété. 
              Selon cette logique, le profit n'est pas à proprement parler 
              l'objectif de l'entreprise capitaliste, il est la condition sans 
              laquelle elle n'existerait pas. Aucune chance en effet de réunir 
              un capital sans l'espoir d'un bénéfice. " 
             
              
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°37 
                 
              
            
             
               
                 1 
                décembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                But 
                et moyen (2)  
              
            
            Hippocrate 
              - Je te répète qu'il a été gravé 
              dans nos têtes de médecins, et de citoyens, que le 
              but suprême de l'économie libre est le maximum de profit. 
            Exocrate 
              - L'économie, c'est la mécanique des échanges 
              marchands et des transferts de pouvoir d'achat. Or une mécanique 
              n'a pas de but. Les mécaniciens, eux, en ont. Ton cabinet 
              médical est un dispositif sans but. Toi tu as des buts. Quel 
              est ton but principal ? Est-il économiquement viable ?  
            Examinons 
              d'abord ces questions. 
            ... 
              par une conception renouvelée de l'économie 
              
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
            3.8. 
              La vocation naturelle de l'entreprise est la satisfaction d'une 
              clientèle.  
            ." 
              But de l'entreprise " est une expression utilisée à 
              tort et à travers, en théorie économique aussi. 
              Dans une langue maniée avec assez de soin pour s'en tenir 
              d'abord aux faits, cette expression ne prend un sens que si elle 
              s'applique à tous les propriétaires et dirigeants 
              des entreprises. Autant dire que ce sens est introuvable. Tous les 
              propriétaires d'une même entreprise, et à plus 
              forte raison de toutes les entreprises, ne hiérarchisent 
              pas leurs vrais buts, quand ils en sont conscients, de la même 
              façon. Il en va de même de tous les dirigeants, un 
              collège au demeurant en bonne part différent de celui 
              des propriétaires. Ces diversités et ces incertitudes 
              ne sont pas détachables de la pratique même de la liberté 
              d'entreprendre et de gérer. Chercher, tout en admettant le 
              bien fondé de cette pratique, à identifier le " but 
              de l'entreprise ", commun de façon certaine à toutes 
              les entreprises, ne peut que créer l'illusion d'avoir trouvé 
              ce qui n'existe pas.  
              
            Cette 
              illusion est une des grandes faiblesses de la pensée économique 
              dominante. Un bienfait essentiel s'en trouve masqué. La liberté 
              d'entreprendre crée et entretient plusieurs concurrences. 
              Ces concurrences déterminent à leur tour une vocation 
              naturelle de n'importe quelle sorte d'entreprise. Cette vocation 
              peut fort bien de ne pas inspirer le choix de leur but par les chefs 
              d'entreprises. Ce défaut de reconnaissance n'empêche 
              pas que cette vocation existe indépendamment de toute volonté. 
            La 
              vocation naturelle de l'entreprise en situation de concurrences 
              est la satisfaction d'une clientèle. C'est un fait essentiel. 
              C'est aussi un fait qui n'a rien de neuf. Une entreprise qui, pour 
              une raison quelconque, a perdu trop de clients, ou bien n'a jamais 
              réussi à transformer assez de prospects en clients, 
              n'a plus aucune valeur. Le capital qui a servi à tenter de 
              la faire vivre est perdu. C'est non seulement de profit et de plus-value 
              dont il ne peut pas être question dans ces conditions. C'est 
              aussi de conservation de la valeur de l'épargne placée 
              en capital dans cette entreprise et des premiers emplois créés 
              au moyen de ce capital. Il reste d'usage de voir dans l'individualisme 
              un trait fort de toute économie libre. C'est trop vite dit. 
              C'est aussi à de l'altruisme - le respect et le service des 
              autres - que la pratique des échanges pousse (certes un altruisme 
              intéressé mais existe-t-il vraiment des altruismes 
              désintéressés à tous points de vue ?). 
            Il 
              n'est pas sérieux d'objecter que ces réalités 
              font que toute entreprise a certes un besoin vital de clients mais 
              pas besoin de la satisfaction de ses clients. Si c'était 
              vrai, ce qui vaudrait dans toutes les activités vaudrait 
              aussi en médecine. Il n'y a que les clients captifs des monopoles, 
              par la loi ou de fait, qui sont privés de la liberté 
              de choix. L'économie de marché rend à tout 
              un chacun des pouvoirs d'arbitrage que l'économie dirigée 
              confisque. Que la prospérité de la population bénéficiaire 
              s'en trouve accrue, l'histoire l'a prouvé. Qu'il en résulte 
              une démocratie plus réelle, l'histoire l'a aussi prouvé. 
            Pourquoi 
              tant et tant en doutent-ils encore ? Il faut le courage du parler 
              vrai sans avoir peur de se faire rire au nez. Courage de dire que 
              la règle du jeu d'une économie libre est le maximum 
              de satisfactions sous contrainte de justes rémunérations. 
              Courage, donc, de ne pas se laisser aller au facile préjugé 
              contraire selon laquelle la règle de base est le maximum 
              de gains. Courage, donc, de confier d'abord à la justice 
              naturelle de l'échange libre la réduction des injustices 
              sociales par abus de pouvoir. 
             
              
             
               
                D'un 
                caducée à l'autre n°38 
                 
              
            
             
               
                 15 
                décembre 1999  
              
            
             
               
                Comité 
                éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel. 
              
            
             
               
                Conception 
                & réalisation : Dominique & François-Marie 
                Michaut 
              
            
             
               
                Une 
                pratique plus saine de la médecine  
              
            
             
               
                But 
                et moyen (3)  
              
            
            Exocrate 
              - Ton but principal est-il de gagner le plus d'argent possible ? 
            Hippocrate 
              - Tu connais mon Serment. Tu connais mon Code de déontologie. 
              Il y est dit que la profession de médecin n'est pas commerciale. 
              C'est, tu le sais bien, une façon d'éliminer le but 
              du plus grand gain. 
            Exocrate 
              - C'est aussi, Hippocrate, une façon de dire que le commerçant 
              a, lui toujours pour but de gagner le plus d'argent possible. Or 
              la seule chose qui puisse en la matière se prouver, par examens 
              cliniques répétés, est que ce n'est pas systématiquement 
              vrai. Mieux vaudrait que ton Serment et ton Code de déontologie 
              disent clairement que tu t'interdis d'avoir pour but de gagner le 
              plus d'argent possible. Cela t'éviterait d'apporter ton crédit 
              à une rumeur fausse et néfaste. 
            Hippocrate 
              - Dont acte, Exocrate. Mais ne finassons pas avec les mots. Tu sais 
              bien quel est mon but principal. C'est de soulager et, chaque fois 
              que cela se peut, de guérir. Toutes les professions ne peuvent 
              pas en dire autant ! 
            Exocrate 
              - En es-tu si sûr que ça ? Ton but n'est pas lucratif. 
              Il n'est d'ailleurs pas quantitatif. Il est du côté 
              du service que tu rends. Il est qualitatif. Ton métier est, 
              comme tu viens de le dire et comme tes clients te le demandent, 
              " de soulager et, chaque fois que cela se peut, guérir ". 
              Mais aussi tous les métiers, et non pas que le tien, ont 
              pour fonction de rendre service à autrui ! Ton but a certes 
              un aspect spécifique. Il n'en a pas moins un aspect commun 
              à tous les professionnels qui ne se contentent pas de la 
              proposition faussement explicative : " je travaille pour gagner 
              de l'argent ". 
            Hippocrate 
              - Irais-tu jusqu'à dire que le but naturel de tout travailleur 
              et de toute entreprise est la serviabilité ? L'âpreté 
              au gain ça existe ! Sa rentabilité n'est-elle pas 
              à une entreprise ce que la bonne santé est à 
              un individu ?  
            Exocrate 
              - La liberté des échanges marchands dicte le devoir 
              de la serviabilité aux travailleurs et aux entreprises. Ceux 
              qui refusent le plus ce fait sont, d'une façon ou d'une autre, 
              à l'abri de la concurrence. Je te prie de remarquer que ces 
              mêmes sont les premiers à faire jouer la concurrence 
              entre leurs fournisseurs. Ce n'est vraiment pas par hasard que les 
              agents des " services publics " sont si souvent pris en défaut 
              d'une serviabilité à laquelle leur position protégée 
              ne les voue pas. Sur l'âpreté au gain et la rentabilité 
              des entreprises, cabinet médical inclus, tu as raison. Mais 
              prenons bien garde à ne pas voir un but inévitable 
              dans ce qui est, en fait, un moyen indispensable. 
              
            ... 
              par une conception renouvelée de l'économie 
              
            3. 
              Théorie du capital et du profit (suite) 
            3.9. 
              Le profit est le prix du placement en capital. L'expression la plus 
              appropriée de ce prix est le taux de profit sur capital. 
                
              
            Il 
              existe deux manières d'exprimer le prix du placement en capital. 
              L'une consiste à rapprocher le profit en valeur absolue du 
              capital qui y a donné droit. Il s'agit donc du taux de profit 
              sur capital. Le plus souvent, il s'agit d'un profit annuel. L'autre 
              manière inverse les termes. C'est la valeur actuelle du placement 
              en capital qui est divisée par le profit annuel. Elle est 
              connue sous le nom anglais de Price Earning Ratio (PER). 
              
            De 
              ces deux manières d'exprimer le même prix, la première 
              est la plus significative. Elle seule permet la comparaison directe 
              entre la rentabilité de l'épargne placée en 
              capital et la rentabilité de l'épargne placée 
              en crédit. Le prix du crédit est lui, en effet, toujours 
              exprimé au moyen d'un taux déterminé en plaçant 
              au numérateur le montant des intérêts annuels 
              et au dénominateur le principal - le taux d'intérêt 
              devenu si familier. 
            Les 
              taux de profit sur capital sont moins connus que les taux d'intérêt. 
              Est-ce significatif ? Il se dit que notre économie est capitaliste. 
              Il est permis de se demander si elle n'est pas avant tout créditiste. 
            Formation 
              économique 9 
             |