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                    COMBIEN 
 Combien sont démunis ces hommes,
 Qui parlent, exigent mais qui vont nus,
 Quand très bientôt ils font la somme
 Des années qui sont advenues ?
 
 Combien sont amoindries ces femmes,
 Qui prient, attendent et qui vont mal,
 Quand elles ont entrevu le drame
 D'un compagnon qui fuit le bal ?
 
 Combien sont démunis ces hommes,
 Qui souffrent, pleurent et ne vont plus,
 Quand très bientôt ils vivent comme
 Si toute leur vie il avait plu ?
 
 
 
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 Combien sont éperdus ces êtres,
 Qui crient, demandent et qui vont loin,
 Pour constater que leurs fenêtres
 se ferment mal et s'ouvrent moins ?
 
 Combien sont désarmés ces gens,
 Qui marchent, buttent, et qui vont mieux,
 Quand ils découvrent que l'argent
 Ne permettra pas d'aller vieux ?
 
 Combien de ceux que l'on voit naître,
 Qui crient, appellent et qui vont vivre,
 A l'heure de clore les fenêtres,
 Auront encore envie de suivre ?
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                | PORTRAIT
 Il l'a placé dans la lumière,
 Ce portrait tendre qu'il ne se lasse
 De répéter comme une prière,
 Il la revoit, le temps s'efface,
 C'était... c'était avant hier,
 Sous le soleil et sur la place,
 Elle se retourne, fait presque face,
 Et cette mèche sur sa paupière...
 Il ne faut pas qu'elle la replace.
 Il l'a aimée à sa manière,
 Guettant son reflet dans la glace,
 Quand elle rectifiait la lanière
 D'un sac, d'une jupe ou d'une besace,
 Qu'elle ébouriffait sa crinière,
 Dont il aimait froisser la masse.
 
 Il l'a fixée dans un couloir,
 Il hésitait avec l'entrée,
 Mais il souhaite tant pouvoir
 Passer devant elle, accoutré,
 A ses retours, ses au revoir,
 Une sorte d'endroit attitré,
 Où il était sûr de la voir.
 Etait-il sûr d'avoir montré...
 Pouvait-elle vraiment concevoir... ?
 Trente ans qu'il l'avait rencontrée,
 Sur un banc de square un soir,
 Ensuite à travers la contrée
 Ils n'avaient cessé de s'asseoir,
 L'horrible jour où, raide, vautrée,
 Les yeux ouverts, contre l'armoire,
 Sa vie s'est rayée d'un noir trait.
 
 Il a placé son regard tendre
 Et l'ironie de ses yeux verts
 Qui se retournent pour l'attendre
 Sous les reflets de ce sous-verre.
 Elle lui sourit, il peut l'entendre,
 Elle ne savait être sévère,
 Et très souvent il croit comprendre,
 Pourtant elle parle à mots couverts,
 Qu'a-t-elle encore à lui apprendre ?
 Elle s'adresse à lui à revers,
 Comment songer qu'allait dépendre
 De cet être, de ce trouvère,
 ce feu follet, ce scolopendre,
 sa vie à lui, son univers,
 Combien de fois viendra-t-il prendre
 Auprès d'elle sa chaleur d'hiver ?
 
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                | RIMES 
                  ET SAISONS 
 Il est des rimes de saisons,
 Quelques couleurs de renoncules
 Offertes sans une vraie raison,
 Et des vapeurs de canicule
 Figées sur le toit des maisons,
 Et dénudant les clavicules...
 
 Il est des rimes de poison,
 Une existence qui bascule,
 Des cris perdus dans l'oraison,
 L'apparence du minuscule
 Qui perd la vie ou la raison,
 Un quotidien qui vous bouscule.
 
 Il est des rimes de raisons,
 Mot qui revient si l'on calcule
 Quatre fois là en livraison,
 Car si la vie va, qui macule,
 Le ciel, et qui devient prison,
 Bien des colères sont ridicules.
 
 Il est des rythmes de saisons,
 Qui sentent les fruits ou la fécule,
 Qui couvrent l'air ou l'horizon,
 Et courent de route en monticules.
 Les anciens croient avoir raison
 Quand ils pensent que le temps recule...
 |           Il 
                    est des rimes de bonheur,Quand le ciel devient un tableau,
 Il suffit d'être à la bonne heure
 Installé derrière un rideau,
 Et peut-être sans déshonneur
 Sentir ses yeux pleins d'eau.
 
 Il est des rimes de couleurs,
 Des pivoines fraîches dans un seau,
 Un homme aux bras chargés de fleurs,
 Des enfants gais sous un préau,
 Et cette femme dans la chaleur
 Dont le port de tête est si beau...
 
 Il est des rimes de saveurs,
 Celle du plaisir, comme un cadeau,
 Un poulet bien grillé au cœur
 Des vieilles ruelles du hameau,
 Et l'air gourmand du pêcheur
 qui porte sa pêche sur le dos.
 
 20 Juin 2002
 
 
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                |  
                    LIFOU
 La mer est verte et bleue
 Et elle clapote quelque peu,
 La plage écrue est toute blanche,
 Et tu vas là, qui fais la planche,
 La mer devient bientôt violette,
 Dans la partie aux vaguelettes
 La baie se ferme, presque étanche,
 Une cloche claire tinte dimanche.
 
 Comme toujours le temps s'arrête,
 Peut-être ici la mer s'y prête,
 Incroyable paix de Lifou.
 Il reste l'air, l'eau et c'est fou
 Comme un simple jour s'apprête,
 Et comme pour un départ s'affrêtent
 Les heures étales au confort dissous
 Dans la limpidité qui dort dessous.
 
 La vague, au bord, devient lèchure,
 Et je suspends alors ma lecture,
 Les nuances de l'eau sont sublimes,
 Et cris et mouvements sont infinis
 Quand le décor est une enluminure
 Jubilatoire, limpide et si pure,
 Il me semble que tout devient crime,
 Parler, bouger, seule s'accepte la rime...
 |          Un 
                    vent doux peigne les filaos,Et le soleil a une humeur à l'eau,
 Tu calmes ta peau en la baignant
 Près de la crique où les banians
 Rappellent si fort ceux de Vao,
 Avec leur branche de chaos,
 Partout les oiseaux vont, niant
 Le temps, qu'ils chantent en communiant.
 
 Le bonheur simple, quand tombe le fruit,
 Murmure des vagues quand cessent les bruits,
 Le plein midi magnifie les couleurs
 Du lagon indicible dans la chaleur,
 L'odeur tranquille d'un poisson cuit,
 Et cet oiseau qui persistera de nuit
 à nous rappeler son infinie valeur,
 en accompagnant nos rêves, siffleur.
 
 
 23 Juillet 2001 |   
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