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                          RITUEL ETRANGE
 C'est un jour d'inquiètude et d'effroi,
 Un soir de solitude et de froid,
 Qui quelquefois fige la mer sous le gel,
 Ou bien parfois met des larmes de sel
 Aux joues d'humains saisis par le doute,
 Qui tendront les mains au long de la route...
 
 C'est un temps d'hébétude et d'histoire,
 Qui emplit d'habitude les mémoires,
 Et qui va en creusant pour les pleurs des sillons
 Où la peur en pesant coule à gros bouillons,
 Mais des êtres se soutiennent côte à 
                          côte,
 Ils chantent des antiennes et ils sautent.
 
 C'est un soir d'attente et d'espérance,
 Et puis d'heures dilettantes et d'absence,
 C'est un jour d'illusion sous les paillettes,
 De brûlures, de contusions et d'allumettes,
 C'est un temps d'autrefois et de présents,
 Souvenir de foi, d'espoir et de brisants...
  
                           
                             
                               
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                                  Décembre 2002 |   
                | Une simple observation me vient, à lire et relire ces 
                    écrits innombrables, étalés dans leurs 
                    vers sur des décennies, comme une absolue nécessité 
                    de dire, d'exprimer, de crier, entre sanglots et hurlements, 
                    clameurs et émerveillements, musique et rythme. Cette 
                    remarque a trait à l'usage inévitablement répété 
                    de mots identiques, parce qu'ils constituent alors une trame, 
                    une sorte de ligne de conduite ou de cadre pour cette expression 
                    au fil des années. Je pense à effroi, qui tout 
                    comme sa rime froid revient souvent, hébétude 
                    et habitude également un peu comme si progressivement 
                    le monde se coagulait entre ces positions frigorifiées, 
                    figées entre routine et incapacité de réagir. 
                    A l'opposé, tout un vocabulaire de couleurs, de nuances, 
                    un descriptif floral, le vent, les nuages, tant d'éléments 
                    apportant leur teinte et leur douceur. Et puis, je l'ai déjà 
                    évoqué, le regard, les yeux. Finalement tous 
                    les sens, tant celui sigifiant que celui de la perception 
                    et de la réception, tout ce qui maintient l'être 
                    aux aguets...
 
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                    TREMBLE  
 Il resterait cette photo qui tremble,
 Où vous étiez ensemble,
 Au bord du temps, au bord d'une table,
 Le souvenir n'est plus que sable...
 
 Tu peines à empêcher tes membres
 De frissonner comme en décembre,
 Sous un soleil qui pourtant crible
 Ces canisses qu'il prit pour cible.
 
 Et tu trouves encore qu'elle ressemble
 A la gazelle courant à l'amble,
 Dont la beauté si impensable
 Te manquera indispensable.
 
 Tu rêveras de sa peau d'ambre,
 Toujours tu haïras septembre,
 Qui reste un mois inadmissible,
 L'automne est si imprévisible.
 
 Et tu vas t'asseoir sous le tremble,
 Dont la fraîcheur souvent te semble
 Un refuge assez acceptable
 Pour ton impertinence coupable.
 
 Tu n'oublieras pas le gingembre
 Que sent son dos lorsqu'elle se cambre,
 Et la chaînette presque invisible
 Qui rendait sa cheville sensible...
 
 
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                | Il 
                    existera toujours des exceptions et des prétextes, 
                    pour constituer des sortes d'échappatoires aux règles 
                    et aux carcans, et l'ultime poème qui va suivre représentera 
                    ici l'anomalie au delà du titre général. 
                    Car ce poème a été rédigé 
                    peu avant les années 2000, et donc reste un rappel 
                    du 20ème siècle. Mais il possède ces 
                    caractéristiques développées des mots 
                    de froid, de douleur et de grisaille, des yeux et un regard, 
                    et depuis quelques temps me taraudait l'envie de le glisser 
                    ici. Prétexte. Parce que l'ambiance, le contexte, les 
                    éléments du vocabulaire cités, l'amenaient 
                    peu à peu à ma conscience. Derrière les 
                    yeux, nul voyeurisme, il m'est depuis toujours apparu évident 
                    que, dès lors que l'on écrit, on place les lecteurs 
                    au delà de cette glace sans tain qui autorise à 
                    voir sans être vu, en même temps que l'on entrouve 
                    quelques portes de placards, et jusque dans le texte le plus 
                    anodin et neutre en apparence se lira naturellement un filigrane 
                    d'existence. Exactement comme le praticien saura s'il le souhaite 
                    débusquer sous les symptômes érigés 
                    en barrière, les descriptifs soigneux et protecteurs, 
                    les signes dérivatifs et les illustrations et schémas 
                    des résultats d'imagerie et de laboratoire la réalité 
                    primordiale des existences qui constituent perpétuellement 
                    la vraie motivation des échanges avec le professionnel 
                    de santé. Même s'il arrive, parfois ou souvent, 
                    que ni l'un ni l'autre des protagonistes de l'acte médical 
                    n'aient perçu ou admis ce phénomène. |   
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                        DES 
                          YEUX GRIS
 Tu m'attendais dehors, avec des yeux gris,
 Comme un ciel qui s'endort sous un soleil détruit,
 Comme le froid, la peur ou la pluie,
 Ou l'envers d'une histoire, dont l'espoir s'est dépris
 
 Tu m'attendais dehors, avec tes yeux si gris,
 Comme un dernier effort sous un manteau de nuit,
 Un reflet d'eau perdue au plus profond d'un puits,
 L'espérance d'un soir dont l'élan s'est 
                          mépris
 
 Tu m'attendais dehors et tes yeux étaient gris,
 Comme un trop mauvais sort à l'illusion enfuie,
 Un impossible port où n'existerait bruit,
 Ou l'évadé d'un fort dont l'envol est 
                          repris.
 
 J'ai vu tes yeux clairs, ton regard si gris,
 Comme un jour de faire-part sous un bas ciel de suie,
 Et j'ai revu la larme qu'un doigt furtif essuie,
 Dans un jour de galère à parure de débris
 
 Fais revenir le vert en ton beau regard gris,
 Merveilleuse lumière que ton amour produit,
 Appelle encore le bleu qui danse et qui reluit,
 Un morceau de mer sous un oiseau qui crie.
 
 Tu m'attendais dehors et tes yeux étaient gris,
 Je n'avais jamais vu ce bonheur éconduit,
 Remplacé comme meurt le soleil à minuit,
 Par la douleur qui mord le regard amaigri... (Ecrit 
                          à Zurich)
 
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