Poésie - Jacques Grieu
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Vive la France


A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.
Dans toutes les matières, en toutes circonstances,
Depuis deux millénaires, elle guide la connaissance.
France, terre des arts, des armes et des lois
Pays des Droits de l’Homme et du savoir gaulois,
Qui sur le globe entier a montré tes exploits.
Tu es la référence et tu indiques la voie.
J’ai appris à l’école qu’on était les meilleurs,
Que le génie français n’a pas d’égal ailleurs.
Formés dans l’hexagone, qu’ingénieurs et savants,
Artistes et philosophes marchaient toujours devant.
Que brandissant leur science ainsi qu’un étendard,
Ils éclairaient le monde, le guidant tel un phare.

Construit à Taïwan mon réveil Hollandais,
Entonne sa sonnerie sur un air Irlandais.
Ce matin ma radio, qu’au Japon on fabrique,
Me servait pour musique un rap qui vient d’Afrique.
Je tourne le bouton, du Schubert trouve enfin,
Chanté par une Suissesse d’un orchestre Italien.
Je « breakfast » de corn-flakes et d’un peu de soja,
D’une orange Espagnole avant l’arabica.
Je le verse dans mon bol qui est « made in China »
En le sucrant d’un miel produit au Canada.
Mon rasoir Coréen m’ayant fait la peau lisse,
Dans ma Renault Slovène, j’ouvre ma radio Suisse
Et tombe sur Monaco, où les Beattles trépignent.
Green-Peace, je m’en étonne, c’est un scandale indigne
N’a pas son siège chez nous ? Seraient-ils rancuniers,
Ceux du Rainbow-Warrior pourtant bien amnistiés ?
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.

Depuis la tour Eiffel jusqu’au canal de Suez,
Airbus ou TGV, on vit la touche française.
De Clovis à De Gaulle, de Sully à … Mitterrand,
Avec Napoléon, la France montrait son rang.
Les Maurras, les Jaurès, les Barrès, les Briand,
Par leurs belles envolées, brillèrent tels des géants,
Comme le firent avant eux Bossuet ou Talleyrand
Richelieu, Mirabeau, Thiers ou Chateaubriand.
De Bizet à Fauré, Debussy ou Ravel
La musique française eut des œuvres immortelles.
Que dire des Jean Gabin, des Piaf et des Trenet
Des Delon, des Brassens, des Brel ou des Jouvet !
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.

Au bureau, mon PC qui est « made in Ireland »
D’invectives en Anglais me tance, me réprimande.
Et quand sur Internet, spams et virus se lâchent,
Il m’abreuve de « daemons » ou de « bogs » qui me fâchent.
Au self pour déjeuner, c’est un osso-buco
Que j’arrose de ketchup sans faire cocorico.
Le fromage mimolette et la glace gelati
Complètent ce léger « lunch » avec un vin d’asti.
Alors mon téléphone, un Nobia de Finlande,
Fabriqué en Pologne, avec des piles Allemandes
M’appelle de Belgique où est ma direction
Pour prendre le « shuttle » dès demain en mission.
Quand je rentre chez moi, un camion Belge me bloque
Son chauffeur est Hongrois mais sa marque « amerloque ».
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.

Arago et Buffon, Ampère, Ambroise Paré,
Gay-Lussac, Lavoisier, Descartes ou Poincaré
Comme Laplace ou Curie, Pasteur ou Champollion
Pour toutes leurs découvertes, se battirent comme des lions.
Picasso, l’espagnol, passa sa vie en France ;
Ce n’est pas par hasard s’il saisit cette chance …
En peinture, c’est Courbet, et Corot, et Monnet
Qui après Géricault et Chardin et Manet
Nous offrirent des Matisse, des Tanguy, des Buffet,
Ouvrant des éres nouvelles au monde stupéfait.
Le bel avion Rafale, le superbe char Leclerc
Font partout référence, surclassant l’adversaire
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance

Ma vieille banque CCF, chez moi dans mon courrier
M’avise qu’elle est rachetée par une HSBC
Que mes titres Arcelor sont devenus Indiens
Que mes « Eurotunnel » ne valent presque plus rien.
Je cours me réfugier dans ma bibliothèque
Où la France littéraire est restée intrinsèque.
De Rabelais à Verlaine, de Ronsard à Mauriac
De Montaigne à Voltaire, de Racine à Balzac
De Marot à Pascal, de Musset à Prevert,
Je me repais de Proust et puis passe à Flaubert.
Des vers de Mérimée, je saute à Giraudoux,
Avant de m’apaiser par un Baudelaire bien doux.
J’allume la télé, une énorme machine.
Signée d’une marque Allemande, mais qui est faite en Chine.
Au programme, je trouve, des films Américains
Une série Autrichienne, un document Indien,
Une pièce de Shakespeare, un ténor Italien,
Un thriller Ecossais, un polar Brésilien.
Je regarde Thalassa qui en Corée s’en va
Pour visiter Samsung, Daewoo et Kia,
Pour admirer comment nos cargos chez Hyundaï,
Sont construits en neuf mois pour charger à Shangaï.
L’équipage est Roumain, le second Australien.
Déprimé, je m’endors : un songe étrange me vient.
La grande tour de l’ONU trône au quartier Défense,
Et les Jeux Olympiques auront bien lieu en France.
La langue de Molière en ces lieux prestigieux,
Triomphe et se répand parmi tous les milieux.
La coupe America se déroule à Marseille
Où la douce CGT fait taire son appareil.
Nos Universités que le monde nous envie,
Attirent tous les cerveaux, les surdoués, les génies.
Budget en excédent, dette publique résorbée ;
Bruxelles nous félicite ; nous sommes adoubés.
Si Renault dépasse Ford et Peugeot Toyota,
Le Havre n’est pas en reste qui surpasse Nagoya.
Plus trace de chômage ; pouvoir d’achat record
Et au Moyen-Orient, Kouchner crée un accord.
Nos banques aux analyses subtiles et proverbiales,
Règnent sur la finance et les bourses mondiales.
La Sécu euphorique, saturée d’excédents
Baisse ses cotisations et rembourse toutes les dents.
Nos trente-cinq heures géniales dans tous les pays plaisent
Et à Vaulx-en-Velin on chante la Marseillaise.
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.

Mon réveil est brutal lorsque sonne mon portable.
Le shuttle est en grève ! Et ce report m’accable.
On dit qu’ une banque française défrayerait la chronique,
Pendant que la croissance, comme la bourse, se panique.
Je ne sais pas pourquoi mon moral tombe en berne :
C’est que, probablement, je ne suis plus moderne.
Je sors donc mon mouchoir de ma chemise écossaise ;
Mais l’un est de HongKong, l’autre Taïwanaise.
Un vieil auteur a dit : « Ces choses-là sont rudes ;
Il faut pour les comprendre avoir fait des études ».
Mais les études chez nous, sont-elles celles qu’il faudrait ?
Dois-je aller à Séoul, à Oxford, à Bombay ?
Une idée, tout à coup : Coué au moins, est Français ?
Celui de la méthode, de génie, comme on sait ?
C’est exact, m’assure-t-on. Alors c’est l’espérance !
Vive la France ! vive la France ! vive la France ! vive la France …
A mes enfants, j’ai dit : soyez fier de la France ;
Sur les cinq continents, on admire sa puissance.


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Jacques Grieu
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