Formation économique 14
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D'un caducée à l'autre n°77 9/11/00

Une pratique plus saine de la médecine

Exocrate - Ce qui caractérise une activité commerciale, c'est l'échange à titre onéreux, autrement dit l'échange marchand. Ce n'est pas de faire usage des interdits imposés aux médecins, à savoir principalement la réclame, le succursalisme, la libre fixation des prix des actes et autres choses de ce genre. Pour parler du commerce accompagné des choses de ce genre, indispensables dans d'autres secteurs d'activité, il existe le mot " négoce ". Quand bien même il y aurait unanimité moins une voix pour soutenir qu'il est d'intérêt général qu'un médecin ne soit pas un commerçant - ne soit pas un marchand, un vendeur de ses prestations -, c'est cette voix qui aurait raison car la réalité est ainsi faite.

Hippocrate - C'est vrai que la déontologie médicale revient, pour une part notable, à interdire aux praticiens de se comporter en négociants. Mais tu avoueras que la distinction entre ce qu'est le commerce réduit à l'échange à titre onéreux et le négoce n'est pas attendue par la mentalité ambiante. Les médecins qui, sur ton conseil, s'en réclameraient risquent de passer pour des esprits spécieux !

Exocrate - Le corps social souffre d'un malaise chronique incurable tant qu'il se raconte à lui-même que seule une partie de ses membres sont des marchands. Sous couvert de plus de justice sociale, il sème de l'injustice sociale en conséquence de cette erreur. Il n'arrive pas à l'un des équilibres dont il a besoin. Le corps médical, aussi instruit qu'il puisse être par ailleurs, donne la tête la première dans le panneau et s'en porte mal.

Hippocrate - Me faut-il aller dire au fonctionnaire et au politicien : " Je ne suis certes pas un négociant mais je suis un marchand, acteur sur le marché des soins médicaux, comme vous êtes vous-même un marchand, acteur sur le marché des emplois rémunérés de la fonction publique " ? Et mutatis mutandis tenir le même discours aux industriels et aux salariés du secteur privé ?

Exocrate - Oui et plus encore. Un marchand, quel qu'il soit, n'est bien installé dans son métier, à ses yeux et à ceux d'autrui, que s'il opère à la vente sur un vrai marché. Le marché des emplois de la fonction publique, élus compris, n'est pas un vrai marché. Le marché des soins médicaux n'est pas un vrai marché. La perte de confiance d'une large part de l'opinion dans le dévouement et le sens de l'intérêt général des politiciens se poursuivra tant que sa cause économique ne sera pas comprise puis éliminée. Il en ira de même de la perte de confiance dans la profession médicale. Dans l'un et l'autre cas, c'est avant d'abord une affaire de gros sous dont la collecte est mal collectée.

Hippocrate - Je note bien ton jugement, et le rapprochement qu'il comporte, sur l'absence d'un vrai marché des emplois de la fonction publique et d'un vrai marché des soins médicaux. Mais pour que je le comprenne, il faut que tu me dises ce qu'est, à tes yeux, un vrai marché.

 

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4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.17. C'est principalement la subjectivité collective qui détermine le niveau des salaires par qualification professionnelle.

Le pouvoir de la subjectivité collective sur les niveaux des salaires nominaux par qualification professionnelle n'est pas absolu. Dans un certain nombre de situations, un individu est en mesure de s'en affranchir et de pousser sa rémunération jusqu'à un niveau très largement abusif. Mais ces situations sont exceptionnelles. Au sein de la profession médicale, il n'y a toujours eu qu'une minorité de praticiens pour se trouver dans un tel cas et, dans cette minorité, encore une autre minorité pour en tirer une rémunération nettement abusive de leur travail et, façon marque de luxe, de leur notoriété. Les professions médicales se comporteraient conformément à l'esprit du Serment d'Hippocrate et auraient tout intérêt à veiller à la publication économiquement exacte et comptablement sincère de statistiques de résultats : honoraires, c'est-à-dire chiffre d'affaires, frais, rémunérations du travail décomptées pour les rendre comparables à celle d'un salarié au sens de la législation du travail, marge de profit, rémunération du capital. C'est notamment la comparaison des vrais salaires qui compte dans le jugement que prononce, de toute façon, la subjectivité collective.

Faut-il objecter que de telles publications feraient courir aux médecins le risque d'être ouvertement jugés comme trop payés ? Il est évidemment insoutenable de prétendre d'une part ne pas avoir pour motivation première ce que le métier rapporte - esprit du Serment et du Code de Déontologie - et d'autre part de tenir aussi discret que possible ce qu'il rapporte de peur d'exciter la convoitise.


D'un caducée à l'autre n°78 16/11/00

Une pratique plus saine de la médecine

Exocrate - Il y a vrai marché quand l'acheteur effectif d'une chose vendue sur ce marché en connaît le prix et en supporte complètement le paiement, même quand ce paiement lui est par ailleurs remboursé en totalité ou en partie moyennant versement d'une prime d'assurance qu'il paie aussi directement et complètement. Faute de la charge directe du paiement complet et dolosif par l'acheteur effectif, on se trouve nécessairement dans une situation où une bureaucratie, publique ou privée, est appelée à rationner l'offre et la demande parce que les acheteurs sont privés par cette bureaucratie d'un pouvoir qui leur revient pourtant pleinement en droit naturel et en démocratie réelle.

Hippocrate - Que faudrait-il donc pour qu'il existe un vrai marché de l'emploi public ? Qui est dans ce cas l'acheteur effectif ?

Exocrate - Les acheteurs effectifs du travail des fonctionnaires sont les contribuables en tant que personnes physiques. C'est eux, et eux seuls, qui paient les fonctionnaires. Mais les citoyens ne savent pas de façon palpable tout ce que le financement des dépenses publiques leur coûte et ne coûte qu'à eux. Pour qu'Il en aille autrement, il faudrait renoncer à la fiction - une de plus ! - de l'entreprise en tant que sujet fiscal et, plus généralement, à l'expédient de l'impôt aussi indolore que possible. L'offre d'emplois par les collectivités publiques serait alors beaucoup plus étroitement dépendante de la volonté de ceux qui en supportent le coût, les fonctionnaires compris.

Hippocrate - Il faudrait donc réformer en profondeur l'ensemble du système fiscal, avec pour objectif politique que cette réforme radicale au long cours fasse passer de la démocratie virtuelle à force de fictions et d'expédients économiques à une démocratie beaucoup plus réelle par la présentation loyale de la note à payer par ceux qui la paient effectivement.

 

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4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.18. L'augmentation des plus bas salaires réels dépend en partie du resserrement de la fourchette des salaires nominaux.

La mécanique économique attribue à chaque bénéficiaire d'un niveau de revenu du travail une responsabilité vis-à-vis des bénéficiaires des autres niveaux de revenu du travail. L'analyse économique dominante, empêtrée dans l'illusion d'une loi absolutiste de l'offre et de la demande, n'enseigne pas cette responsabilité. Cette responsabilité se présente de façon différente selon que le revenu du travail dont il s'agit a ou n'a pas d'effet sensible sur le niveau général des prix de vente des entreprises. L'effet sensible sur le niveau général des prix est d'autant plus prononcé qu'il s'agit des bas salaires. Une forte augmentation du grand nombre des salaires les plus faibles est beaucoup plus génératrice d'une élévation générale des prix que la même augmentation en valeur relative du petit nombre des salaires supérieurs à la moyenne. Cela provient du fait que la masse des salaires inférieurs à la moyenne est beaucoup plus importante que la masse des salaires supérieurs à la moyenne. La responsabilité des syndicalistes qui représentent les intérêts des salariés les moins rémunérés est de ne pas revendiquer d'augmentation nominale qui, si elle est obtenue, sera vite dépassée par une augmentation générale des prix devenant alors une cause de stagnation, voire de régression, des salaires réels. La responsabilité des titulaires de revenus du travail supérieurs à la moyenne des salaires est de ne pas contribuer à bloquer le resserrement de la hiérarchie des salaires. Ils ont cette contribution négative quand ils n'acceptent pas que leurs salaires augmentent moins vite que ceux du bas de l'échelle. Ils l'ont aussi quand ils voient plus d'avantages que d'inconvénients à pousser leurs salaires jusqu'à des hauteurs scandaleuses pour les salariés qui n'ont pas cette possibilité. Les nets dépassements des niveaux de rémunération qui pourraient être jugés enviables mais normaux par une majorité de salariés n'ont qu'un effet quantitativement faible à très faible sur les autres salaires quand ces dépassements ne bénéficient qu'à un très petit nombre de personnes. En revanche, leur effet qualitatif est dévastateur. Ils entretiennent la fausse bonne idée que, pour plus de justice sociale, il faut absolument transférer une part des plus gros revenus vers les autres revenus par la progressivité de l'impôt éventuellement poussée jusqu'à l'impôt négatif pour les plus faibles revenus. Résultat : une bureaucratie coûteuse et étouffante est substituée à ceux qui ont le devoir naturel de se montrer justes.


D'un caducée à l'autre n°79 23/11/00

Une pratique plus saine de la médecine

Exocrate - " La présentation loyale de la note à payer ", dis-tu. Je retiens la formule. C'est bien cela qu'il faudrait pour qu'il existe un vrai marché de l'emploi public et, plus généralement, une régulation plus authentiquement démocratique du volume global des dépenses publiques. Quand tes confrères deviendront assez nombreux à en être convaincus, nous serons enfin sur le chemin de la solution du problème économique numéro un que pose la pratique des soins médicaux - " l'économie de la santé " comme il se dit pour masquer par des mots utilisés à contre-emploi les fictions et les expédients qu'il n'est pas question d'avoir le courage de dénoncer.

Hippocrate - Dans le cas des soins médicaux, c'est la prise en charge financière par des assureurs qui rend le dispositif financièrement opaque pour les assurés eux-mêmes. Or l'assurance de remboursement d'une partie au moins du coût des soins médicaux est manifestement nécessaire !

Exocrate - Oui, complètement oui, pour ta deuxième affirmation mais non, résolument non, pour la première. L'assurance automobile ne rend pas financièrement opaque ce qu'elle coûte aux automobilistes. Or elle aussi est obligatoire, pour sa partie qui concerne la responsabilité civile du conducteur et du propriétaire du véhicule.

Hippocrate - En irait-il de même s'il existait un monopole public de la partie obligatoire de l'assurance des automobilistes ?

Exocrate - Probablement non mais là n'est pas, je crois, l'essentiel. Etre, en droit, un monopole et, en fait, une administration publique ne sont pas les vices majeurs de la Sécurité sociale. Son péché originel est d'être financée selon des modalités qui reposent sur une fiction et plusieurs autres mensonges, les uns et les autres déguisés en avancées sociales et devenus des " avantages acquis " alors qu'ils ont été des expédients dont les attendus n'ont pas du tout la haute valeur politique et éthique notre bonne conscience collective leur prête. Ce financement aurait pu être, dès le départ, conçu pour assurer " la présentation loyale de la note à payer ". Ce n'est pas le choix qui a été fait. Tant qu'on ne reviendra pas sur ce choix, les tentatives d'assainissement ne feront qu'ajouter de nouveaux désordres au désordre originel.

 

par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.19. La correction par la fiscalité de la distribution des revenus au prétexte d'une redistribution moins inégalitaire est illusoire et dommageable.

Il n'y a pas de cloison étanche entre le système fiscal et le système des prix, salaires compris. Deux sortes d'imposition doivent cependant être distinguées au regard de la vitesse à laquelle tel ou tel impôt altère le système des prix jusqu'au point où la correction que le législateur a voulu instaurer est annulée.

La taxe à la valeur ajoutée fait partie des impôts dont les variations de taux affectent très rapidement la hiérarchie des prix toutes taxes comprises. L'impôt sur le revenu fait, au contraire, partie des impôts dont les changements de barème se répercutent le plus lentement sur les prix. Mais ils se répercutent quand même. Les tranches d'imposition les plus élevées poussent à la hausse les revenus les plus élevés, quitte à ce que ce soit par des détours qui augmentent l'opacité des revenus réels - dernier avatar de ce genre : les stock options. Lentement mais sûrement, la hiérarchie des revenus diminués des impôts (ce qui importe surtout pour les revenus les plus élevés) et augmentés des subventions accordées (ce qui importe surtout pour les salaires les plus bas) retrouve d'elle-même toute l'étendue que le législateur a voulu comprimer au moyen de la fiscalité. Cette récupération n'empêche pas qu'il existe une tendance naturelle au resserrement de la hiérarchie des revenus du travail. Mais pour ce qui est de ce resserrement, la machinerie fiscale est inefficace pour administrer au corps social un remède dont il ne veut pas. Au fil du temps, les dispositifs fiscaux pris pour assurer une redistribution s'empilent. L'objectif n'est pas atteint mais le moyen de l'atteindre reste en place. Or ce moyen est un arsenal de textes qui tendent à constituer une jungle dans laquelle le contribuable ordinaire se perd et désespère d'autant plus que sur cet arsenal prospère une bureaucratie qui enchérit sensiblement le coût de perception des impôts. Sur longue période, la redistribution fiscalement administrée pourrait bien être une des causes pour lesquelles une démocratie qui la pratique se mue en une technocratie....

 


D'un caducée à l'autre n°80 30/11/00

Une pratique plus saine de la médecine

par une conception renouvelée de l'économie

Hippocrate - La réforme la moins radicale consisterait à supprimer la fiction des cotisations patronales. Les salaires bruts seraient augmentés des cotisations patronales. Les employeurs continueraient à payer l'ensemble des cotisations, comme c'est déjà le cas, sauf quand, meilleure procédure pour la vérité économique, le salarié accepterait que ce soit sur son compte en banque que ces cotisations soient prélevées. Toutes choses égales par ailleurs, les salariés continueraient à toucher ni plus ni moins qu'avant, au centime près. Assez rapidement, le nouveau salaire brut deviendrait " le prix du travail " et le salarié prendrait conscience de ce qui lui coûte sa " couverture sociale ".

Exocrate - Sans aucun débours supplémentaire pour qui que ce soit, un mensonge serait éliminé. Mais la mentalité qui prédomine n'incline pas à cette réforme. Celui de nous deux qui passera le dernier l'arme à gauche la verra-t-elle ? J'en doute beaucoup.

Hippocrate - Pourquoi cet accès de pessimisme ?

Exocrate - Parce qu'il faudra très probablement beaucoup d'efforts et de temps pour qu'une minorité active de citoyens ait entrepris de convertir la majorité à une conception plus juste de l'économie. À l'heure où nous parlons, le chantier n'est pas ouvert. Ce qu'il faudrait faire pour que cette minorité se constitue n'est pas entrepris.

Hippocrate - Il faut publier. Seul un livre peut ouvrir le chantier.

Exocrate - J'ai, aujourd'hui, plutôt le sentiment qu'il faut d'abord ouvrir le chantier de l'écriture du livre ou de la série de livres qui ouvrira progressivement une carrière publique à une conception plus juste de l'économie. Ce n'est pas par hasard que la pensée économique dominante est dans l'état bien peu satisfaisant que nous lui connaissons. L'entreprise est difficile, très difficile.

Hippocrate - Quand tu parles de définition de l'économie, de théorie de la marchandise, de théorie du profit et du capital, de théorie des salaires et de la répartition, tu trouves les mots justes. Est-ce une erreur de ma part de considérer que, puisque ce sont là les bases d'une conception renouvelée de l'économie, la matière d'un bon livre d'initiation est rassemblée ?

Exocrate - Pour que ces bases soient assez complètement établies, il convient qu'elles comportent aussi une théorie des prix des marchandises composées. Profit et salaire sont, en effet, les prix des marchandises élémentaires. Cela précisé, je dois t'accorder que le contenu de la théorie des prix des marchandises composées est, lui aussi, rassemblé et bien vérifié expérimentalement. Ce n'est pas le contenu d'une initiation à la conception la plus juste qui en rend la publication très difficile.

Hippocrate - Même, pour dans un premier temps, toucher un petit public de précurseurs ?

Exocrate - Même pour cela. Très grande, trop grande, est la distance morale et intellectuelle entre nos pratiques sociales, dont nos pratiques politiques et culturelles, et la vue que nous donne, sur ce qu'elles pourraient être, la conception la moins fausse de l'économie. Trop élevés sont les degrés de rigueur intellectuelle, d'exigences éthiques et d'aptitudes esthétiques que nécessite la culture de cette conception. C'est en se voulant plus une science mathématique qu'une science morale que la science économique a vendu son âme au diable. Je t'ai entendu, ces jours derniers, poser avec espoir la question : " La science pour la science céderait-elle la place à la science pour les hommes ? ". La réponse deviendra nettement positive quand il sera enfin largement admis que jamais des exploits techniques ne procureront aux hommes ce qu'ils ne peuvent obtenir que par leur élévation morale.

Hippocrate - Bien vu. Une nouvelle école de pensée économique a un grand rôle à jouer dans le profond changement de trajectoire que toutes sortes d'évènements sont en train de nous imposer !

Exocrate - Pour qu'une conception plus juste de l'économie voie publiquement le jour, il ne suffit pas d'accepter l'épreuve de la publication en environnement culturellement défavorable, avec tout ce que cela comporte de limitatif économiquement même - ce disant, je pense prosaïquement au financement du travail de ceux qui participent à l'entreprise. Il faut réussir la percée. Il faut donc bien identifier le plus gros obstacle que l'environnement défavorable place sur le chemin du succès. Cela fait, il faut concentrer tous ses efforts sur la levée de cet obstacle. Si tu le veux bien, parlons-en d'abord, avant d'examiner ensemble la série des propositions qui disent l'essentiel de la théorie des prix des marchandises composées, dernière partie de ton initiation à la conception de l'économie la plus en phase avec ton Serment, nous semble-t-il.

 


D'un caducée à l'autre n°81 7/12/00

Une pratique plus saine de la médecine par une conception renouvelée de l'économie

L'obstacle majeur, une trilogie, des cercles

Hippocrate - Pour moi, l'obstacle majeur est la facilité de lecture d'un ouvrage d'exposition des bases de la conception de l'économie la plus en phase avec mon Serment. Mais tu pensais certainement à autre chose. Avant de me le dire, peux-tu me donner l'une des formules que tu préconises pour caractériser cette conception ?

Exocrate - Ton Serment est un exercice d'équilibriste. Il faut que le médecin soigne tous ceux qui le lui demandent, indigents démunis de tout compris,mais il faut que le médecin tire un revenu convenable de l'exercice de son art. La conception de l'économie la mieux en phase avec ton Serment est aussi un exercice d'équilibriste. Il faut des appareils politico-administratifs, de la concurrence, des profits. Il faut une fiscalité qui, par la double renonciation à l'expédient funeste de l'imposition indolore et aux interventions par octrois d'exemptions, place les appareils politico-administratifs sous la tutelle réelle de la majorité des contribuables ; alors seulement la fiscalité devient démocratique. Il faut des cotisations sociales sans la fiction des cotisations patronales ; alors seulement les prélèvements sociaux deviennent démocratiques. Il faut de la concurrence, débarrassée des protections qui la faussent, s'exerçant sur des marchés organisés par les appareils politico-administratifs en exécution de la volonté de la majorité des électeurs ; alors seulement la concurrence devient de bon aloi. Il faut le profit suffisant à la place du profit maximum et, dans le financement de toutes les entreprises la préférence pour le capital au détriment de la préférence pour le crédit ; alors seulement il y a capitalisme du plein-emploi. Je te propose la trilogie : " Prélèvements obligatoires démocratiques, concurrence de bon aloi, capitalisme du plein-emploi ".

Hippocrate - Des marchés organisés, dont le marché des soins médicaux. Préférence pour le capital et profit suffisant dans toutes les entreprises dont les cabinets médicaux. Voir L'épure en dix mesures d'assainissement des pratiques économiques dans le " secteur de la santé ". Cela précisé, tu peux ajouter ceci à tes " il faut " : il faut reconnaître que ces considérations sont sous-tendues par des critiques de nos mÏurs actuelles et que ces critiques sont de nature à être largement accréditées sans initiation préalable à une conception renouvelée de l'économie. Grâce aux éclaircissements que tu m'as fournis, il ne m'échappe pas que la trilogie " Prélèvements obligatoires démocratiques, concurrence de bon aloi, capitalisme du plein-emploi " repose aussi sur une théorie économique dont je dois connaître les principales propositions pour juger de la salubrité de l'orientation libérale que la trilogie préconise. C'est plus particulièrement le cas pour ce que tu nommes le " capitalisme du plein-emploi ". Tout cela est à la portée d'un tas de gens de bonne volontéÉ médecins compris ! Le " matériel " disponible est suffisant pour que des dirigeants des syndicats de " professionnels de la santé ", pour ceux de ces syndicats qui sont plus enclins aux convictions libérales qu'aux options dirigistes, soient en mesure d'organiser des réunions d'une part de sensibilisation - exploitation du volet critique sur lequel repose la trilogie " Prélèvements obligatoires démocratiques, concurrence de bon aloi, capitalisme du plein-emploi " -, d'autre part des réunions de formation - exploitation du volet conceptuel sur lequel repose la trilogie.

Exocrate - Le contenu existe mais la volonté politique fait défaut. Tant que l'obstacle majeur n'aura pas été levé, le verrou restera tiré. Contrairement à ce que tu m'as laissé entendre tout à l'heure, cet obstacle est bien pour moi le même que pour toi : la lisibilité, pour ne pas dire la limpidité, d'un livre exposant les bases de la conception juste de l'économie. La difficulté est que cette conception est hors de portée au-dessous d'un seuil élevé de rigueur intellectuelle et d'exigence morale. Quel ton employer, quel ordre d'exposition adopter, quel vocabulaire sélectionner pour concilier autant que faire se peut la facilité de lecture et la rigueur d'écriture sur un tel sujet ?

Hippocrate - C'est en forgeant qu'on devient forgeron.

Exocrate - Je suis persuadé que, dans une telle matière, l'auteur qui réussira la percée sera entouré d'acolytes et aura la libre disposition de travaux qui n'ont pas été publiés ou qui l'ont été en un tout petit nombre d'exemplaires. Au moins un cercle dans lequel la conception la plus juste de l'économie est activement recherchée existera. Plusieurs acolytes seront des membres de cette sorte de cercle. C'est eux qui procureront à l'auteur les travaux dont il disposera pour y appliquer son aptitude à rendre d'un abord facile et captivant ce qui ne l'est pas encore assez.

Hippocrate - Comment vois-tu que cette sorte de cercle puisse se constituer ? Comment conçois-tu leur fonctionnement ?


D'un caducée à l'autre n°82 - 20 /12/00

Une pratique plus saine de la médecine par une conception renouvelée de l'économie

un objectif, une méthode

Plus les rigueurs intellectuelles et les exigences morales d'une conception de l'économie sont élevées et moins il faut s'attendre à ce qu'un livre suffise à lui ouvrir une carrière publique. Au moins un livre très bien écrit et résolument conçu à des fins avant tout didactiques n'en est pas moins le premier objet nécessaire. C'est aussi, je crois, le seul objectif sur lequel il convient de concentrer ses efforts et de les maintenir tant qu'il n'est pas atteint. Les difficultés de cette réalisation sont assez grandes pour qu'il soit justifié d'en faire une entreprise établie méticuleusement puis développée patiemment, voire très patiemment.

 

Laissons ici de côté la question de la forme juridique qui convient le mieux à cette entreprise. Dans un premier temps, la mobilisation de moyens financiers n'a rien de prioritaire. En revanche, la constitution d'un sociétariat méthodiquement coopté est indispensable pour lancer l'entreprise. Pour la suite, c'est aussi ce moyen qui est le plus déterminant des actions à mener.

La cooptation doit être méthodique parce que l'entreprise ne peut pas être établie puis développée sans beaucoup d'affinité intellectuelle et morale entre des sociétaires. L'instrument principal de détection de cette affinité paraît devoir être quelques dizaines ou centaines de pages. Une position épistémologique en ce qui concerne la science économique, une définition de l'économie et d'autres propositions premières de théorie économique sont exposées dans ces pages ; les lignes de force d'une éthique et d'une conception de la vie sociale sont esquissées puisqu'il y a ces ingrédients dans toute conception de l'économie.

Aussi grands que puissent être les défauts des premières versions de ces textes mais à condition qu'il soit nettement indiqué à la personne à qui ils sont remis que c'est sa participation à leur amélioration qui est recherchée, l'effet en retour ne peut être que clairement révélateur. Si, cas le plus fréquent, c'est le silence ou si, cas le plus décevant, c'est un bavardage dont il n'y a rien à tirer de constructif, il ne faut pas coopter cette personne, quelles que puissent être par ailleurs ses qualités.

 

Instruire scrupuleusement l'appréciation d'un texte ou d'une partie d'un texte se fait en lisant et en relisant, crayon à la main et gomme à portée de main. Peu à peu, d'abord spontanément puis de façon plus réfléchie, des traits et des signes que le lecteur se donne en convention en viennent à souligner des clartés, des obscurités, des inutilités, des maladresses, des erreurs. Des annotations du lecteur proposent d'éliminer, d'introduire, d'inverser, de développer, de nuancer. Même succinct, un compte-rendu de lecture est établi. Si le texte ou la partie de texte ainsi travaillé a suggéré au lecteur de s'essayer lui-même à l'écriture d'un texte, son essai est ou bien joint au compte-rendu de lecture ou bien annoncé par ce compte-rendu.

Il y a tout lieu de redouter qu'une conception fondamentalement saine de l'économie ne puisse pas être efficacement diffusée sans que le travail qui vient d'être décrit ait été et reste bénévolement fourni par un assez grand nombre d'hommes et de femmes de bonne volonté. L'économie étant devenue de fait l'activité qui domine la vie sociale et politique et qui désormais infléchit le plus le destin des civilisations, c'est bien davantage que des assainissements techniques qui sont en jeu.

 

Pour trouver l'esprit et la lettre les mieux adaptés à l'expression savante et à la vulgarisation de la conception fondamentalement juste de l'économie, il faut s'attendre à ce que beaucoup plus de travail et de persévérance que ce qui est à la portée d'un individu soit nécessaire, même si le moment venu il revient à un génial publiciste de réaliser la percée en ajoutant ses propres mises au point au meilleur des travaux précédents. Il aurait fallu que l'histoire non seulement des pensées et des pratiques économiques mais aussi, plus généralement, des idées et des mÏurs n'ait pas suivi le cours qui a été le sien pour qu'il puisse en aller autrement. Force est bien de reconnaître que nous n'avons pas hérité de toute la lucidité, de toute l'honnêteté et de tout le courage qui nous sont nécessaires pour maîtriser la machinerie économique, d'abord conceptuellement puis démocratiquement.

 

Celles de nos attitudes qui entretiennent nos manques de lucidité, d'honnêteté et de courage sont radicalement liées à notre façon d'être, à notre tour, des modernes. C'est pourquoi des remises en cause elles-mêmes radicales s'imposent pour réduire substantiellement ces manques. Il nous faut collectivement, c'est-à-dire d'abord à plusieurs puis de plus en plus nombreux, trouver des repères qui ont été perdus de vue puis trouver ceux des autres repères qui auraient évité cette perte. Seul le penseur enfermé dans sa tour d'ivoire - intérieurement tapissée d'étagères remplies d'Ïuvres d'hier et d'aujourd'hui - peut entretenir la présomption - mensongère à cause de la bibliothèque dont il use et il abuse - de réussir seul cette recherche pour le compte de la collectivité. En laissant de côté cette présomption, il faut certes faire le travail auquel le penseur s'astreint durement. Mais, au moins dans un premier temps, pas ou pas seulement pour un public nombreux : pour les quelques ouvriers de même affinité avec lesquels je coopère ou je cherche à coopérer.

 

Ainsi prend fin actuellement la formation D'un Caducée à l'autre . Merci de l'avoir suivie.

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