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Formation économique 11

D'un caducée à l'autre n°46

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - Reprenons le fil. Praxicrate propose deux protocoles d'expérience. Je lui ai demandé quelles étaient les caractéristiques communes à ces deux protocoles. Il a répondu que la plus importante était le chef d'atelier. Normal. Ce mentor dirige les travaux et utilise un programme et des textes. Bien. Mais quel programme et quels textes ? Comment dirige-t-il les travaux ?

Praxicrate - Pour le programme, je laisse à Exocrate le soin de répondre. Quand il l'aura fait, je vous ferai part de mon point de vue sur les textes puis sur la conduite des travaux.

Exocrate - En socle de la conception aujourd'hui dominante de l'économie, il y a une théorie de la valeur. En socle de la conception renouvelée, c'est une théorie des valeurs.

Hippocrate - Une théorie fondée sur la distinction entre valeur d'usage et valeur d'échange, n'est-ce pas ?

Exocrate - Oui, mais pas seulement. Toute théorie de la valeur repose sur le postulat d'une seule sorte de valeur d'échange. Or il existe plusieurs sortes de valeurs d'échange. De ces sortes, on ne pourra jamais dire, en toute rigueur, qu'elles ont plus en commun que d'être des prix. Mal posé, le problème de la théorie de la valeur ne recevra jamais de solution. En revanche, le problème de la théorie des valeurs a, lui, une solution de fait. Son sous-ensemble principal est, bien entendu, la théorie des prix. Cette dernière comporte elle-même une théorie par sorte homogène de marchandises.

Hippocrate - Quatre théories, donc. Ta critique de n'importe quelle théorie de la valeur est radicale. L'économie politique marxiste et l'économie politique néoclassique ont pour fondement leur théorie de la valeur. Si tu as raison, tu viens de fournir une des raisons pour lesquelles le réel ne peut qu'échapper à ces deux constructions.

Praxicrate - Je dois confesser que je ne fais qu'entrevoir l'importance des choses que vous venez de dire. Permets-moi de te faire remarquer, Exocrate, que tu es entrain de justifier le programme demandé alors que tu ne l'as pas encore annoncé.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.14. L'aspiration capitale du corps social est le meilleur état de l'emploi. Toute autre contribution de l'économie est auxiliaire.

 

Dans un monde de grandes avancées des sciences et des techniques, le chômage endémique est un net recul de civilisation. En ce cas, tout se passe comme si le progrès social était étouffé par ces avancées. Le but est sacrifié aux moyens.

La variété et la gravité des effets de l'état de l'emploi en font une donnée primordiale. Le corps social n'aspire pas seulement à la suffisance de la quantité d'emplois adaptés à la diversité des capacités des individus. Il aspire tout autant à l'élévation de la qualité des emplois. Il veut les emplois mieux payés, plus sûrs, plus aptes à faire valoir les talents en tout genre, y compris la masse des moins rares. Il ne peut pas y avoir de plus grand succès économque que le maintien, sur lon-gue période, de l'équilibre dynamique du plein emploi avec une progression des conditions de travail et du pouvoir d'achat des salaires. À l'inverse, il n'y a pas de plus grand échec économique que le sous-emploi.

Nous savons depuis longtemps que la pratique des échanges marchands libres forme un système cybernétique. Nous savons que ce système, fait d'une myriade de capteurs et de moteurs, a d'étonnants pouvoirs homéostatiques. Nous avons aussi expérimentalement appris qu'il y a des interventions qui réduisent plus ou moins considérablement ces pouvoirs. Cette réduction provoque des défaillances trop nombreuses dans le fonctionnement du système. Ces défaillances font des victimes. Au sens propre et figuré, nos hôpitaux sont remplis d'accidentés du travail. À coup sûr, il y en aurait bien moins, et ils seraient dans l'ensemble moins gravement atteints, si on reconnaissait enfin comment la myriade des capteurs et des moteurs commande la régulation centrale du plein emploi.


D'un caducée à l'autre n°47

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Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - Je viens d'essayer, Praxicrate, de situer en un minimum de mots la rupture épistémologique entre la science économique et les idéologies qui en tiennent lieu. Une vraie science économique ne peut avoir pour base qu'une théorie des valeurs et non pas une théorie de la valeur, je le répète. Les considérations de Ricardo sur le thème de la valeur conduisent à des conclusions beaucoup plus circonstanciées que nos professeurs ne cessent de le répéter. Ricardo n'admet la tendance à la proportionnalité partielle aux quantités de travail que pour une seule sorte de marchandise - celle des marchandises composées (= non élémentaires) industrielles (=non rares). Or il y a quatre sortes de marchandises. En revanche, l'économie politique néo-classique repose, elle, sur une théorie subjective universelle de la valeur.

Praxicrate - Le programme porte donc sur ce que tu appelles la théorie des valeurs ?

Hippocrate - Et sur ses applications dans les domaines qui intéressent le plus directement les membres de l'atelier. S'il s'agit de médecins, en premier lieu dans le domaine de l'économie des soins médicaux. Mais aussi, pour tous, en fiscalité et sur ce qu'il faut faire et ne pas faire pour assurer le plein-emploi durable.

Praxicrate - La perspective de ces applications est attrayante. Mais elle vient après l'annonce de l'étude de " la théorie des valeurs ". Cette annonce est rebutante. Pas moyen de commencer par des exemples d'application pour ouvrir les appétits théoriques ?

Exocrate - Il me semble que trois propos simples sont de nature à ouvrir l'appétit. Le premier attire l'attention sur les rapports entre l'économie et la santé, tant celle du corps social dans son ensemble que des groupes d'individus et des individus qui le composent. Le deuxième donne des exemples de réformes possibles, comme Praxicrate le propose. Il y en a des spectaculaires à tirer de l'économie des soins médicaux et de la fiscalité. Le troisième dénonce une anomalie dont je vous ai déjà parlé. La pensée économique est confisquée. Il manque aux électeurs et aux élus les repères de bon sens pour faire front aux abstractions excessives et aux erreurs les plus dommageables des experts.

Hippocrate - Il y a aussi Le principe d'Exocrate et La parabole des tailleurs de pierre. Mais cela ne fait qu'une introduction.

Praxicrate - Une introduction de ce genre n'est complète que si elle annonce un plan de travail. Permets-moi, cher Exocrate, de te dire ma crainte, sans détour mais non sans malice. Annoncer l'étude d'une théorie des valeurs est une abstraction excessive d'expert.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.15. Régulation E.P.C.E. : le niveau de l'emploi E agit sur le niveau de profit P qui agit sur le niveau de capital C qui réagit sur le niveau de l'emploi E.

Prenons pour point de départ le début d'une crise de sous-emploi. La hausse du chômage entraîne assez rapidement un ralentissement de la hausse des salaires nominaux. La sous-enchère à laquelle les chercheurs d'emploi se livrent est la cause quasi mécanique de ce ralentissement qui, dans un premier temps, ne fait que freiner la hausse des salaires réels, c'est-à-dire du pouvoir d'achat que les salaires nominaux procurent. Dans ce freinage, il n'y a rien d'assez déterminant pour que la crise qui s'amorce tourne court. Le taux de chômage continue à grimper. La sous-enchère s'accentue jusqu'à ce qu'il y ait baisse des salaires réels. Dès que cette baisse apparaît, les profits réels augmentent. Pourquoi ?

Les salaires réels aussi bien que les profits réels ne sont pas des quantités d'argent. Ce sont des parts de la production totale de marchandises. Plus précisément, ce sont les deux seules parts du revenu réel total dont la mesure ne peut se faire qu'au moyen d'un agrégat monétaire mais qui est un ensemble de marchandises de toutes sortes, des plus immatérielles (les services) aux plus tangibles (les biens qui, en fait, sont toujours achetés pour les services qu'ils procurent et dont la vente est elle-même un service vendu).

© Exmed 2000


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Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - Tu fais semblant, Praxicrate, d'oublier que toute pratique est fondée sur une théorie. L'histoire de la médecine l'atteste, je me permets de te le rappeler. Ce qu'il advient aujourd'hui de la prétendue " économie de la santé " est en germe dans la théorie de la valeur que des économistes ont enseignée. Pour coller à la réalité, il faut, nous dit Exocrate, un autre point de départ. Qu'il nous en dise plus. Jugeons après.

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.16. Les salaires et les profits réels sont absolus et relatifs

C'est sous la forme d'un inventaire de marchandises et non pas d'une quantité monétaire qu'il faut se représenter le revenu réel total, le revenu réel du travail (somme des salaires réels), le revenu réel du capital (somme des profits). L'argent n'est qu'un moyen intermédiaire d'échange des marchandises contre les marchandises.

 

Le revenu réel total étant égal, par définition, au revenu réel total du travail et au revenu réel total du capital, c'est aussi sous la forme d'un inventaire de marchandises qu'il faut se représenter chacun de ces revenus. Cependant il convient de remarquer qu'il s'agit là de revenus réels absolus.

 

D'une brioche ce dimanche plus grosse que dimanche dernier et coupée en deux parts inégales, les deux parts peuvent être plus grosses en valeur absolue (poids, dans ce cas) et l'une plus petite en valeur relative. De la même façon, les revenus réels absolus du travail et du capital peuvent continuer à augmenter mais dans des proportions variables qui font que le revenu réel relatif du travail baisse et le revenu réel relatif du capital augmente.

En situation de plein-emploi, la croissance d'une économie libre provoque inévitablement une hausse du revenu réel relatif du travail et une baisse du revenu réel relatif du capital. Nous le démontrerons ultérieurement. Dit autrement et de façon imagée : la brioche augmente ; la part relative constituée par les salaires augmente ; la part relative constituée par les profits baisse ; la part absolue constituée par les salaires augmente donc encore plus vite que la brioche. Mais cette tendance ne joue à plein qu'à plusieurs conditions dont l'une, ne le perdons pas de vue, est le plein-emploi.

 

3.17. La variation du total des salaires réels relatifs est mécaniquement liée à la variation du total des profits réels relatifs.

La baisse de l'un de ces deux revenus réels relatifs entraîne la hausse de l'autre.

Cette proposition nous paraît résumer convenablement l'enseignement principal qu'il faut tirer de l'existence des deux parts du revenu réel total. Quand, pour une raison quelconque, un des deux parts relatives baisse, l'autre augmente.

 

3.18. L'amorce de la régulation E.P.C.E. est une baisse du revenu réel relatif du travail. Une hausse du revenu réel relatif du capital en résulte.

Quand, dans un pays libre et pour une raison quelconque, l'aspiration capitale au plein-emploi n'est plus satisfaite, la tendance à la baisse de la part relative des profits se renverse. Ce sont les salaires relatifs réels qui repassent à la baisse. En conséquence, la part relative constituée par les profits repasse à la hausse.

Cette hausse des profits est d'autant plus à même d'amorcer la régulation E.P.C.E. qu'il se produit en même temps une autre hausse. Les ménages augmentent leur épargne de précaution.

Tout se passe comme si le corps social comprenait qu'il faut avant tout plus de capital pour créer plus d'emplois durables. Bien entendu, les économistes et leurs élèves politiciens, hauts fonctionnaires et syndicalistes qui, par idéologie, ne veulent pas voir que le stock d'emplois est commandé par le stock de capital ne voient pas davantage comment le corps social entreprend de soigner la maladie du chômage endémique.


D'un caducée à l'autre n°49

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Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - Qu'est-ce que l'économie ? La pratique des échanges marchands et des transferts de pouvoir d'achat. C'est la définition que nous avons admise. Elle attire l'attention, je crois à juste titre, sur le fait que, parmi les composants principaux d'un système économique, il y a un sous-système de transferts publics et, dans les pays non totalitaires, un sous-système d'échanges marchands libres. C'est ce dernier qu'il faut d'abord comprendre. La raison de cette nécessité est fort simple. Les transferts font changer de main de la valeur créée au moyen d'échanges marchands, passés ou potentiels.

Hippocrate - Le secteur public tire ses ressources du secteur privé. Le 20e siècle a confirmé que la prospérité d'un pays était à la mesure de la prospérité de son secteur privé. C'est pourquoi les lois économiques de cette prospérité importent plus que les autres.

Praxicrate - Par quel bout aborder l'étude du sous-système des échanges marchands libres ? Il se présente sous un jour différent pour le consommateur, le salarié, l'entrepreneur, le riche, le pauvre, etc. Quel point de vue faut-il privilégier ?

Exocrate - Aucun. Les opinions sont, certes, des faits. Mais il y a des faits qui ne sont pas des opinions. Ce sont eux qui, à cause des opinions, nous échappent le plus facilement. Il faut les débusquer en observant la pratique des échanges marchands libres. Ce n'est pas difficile. Je vous ai déjà indiqué ce qu'il fallait faire pour y arriver.

Hippocrate - Si tu le répètes maintenant, Praxicrate, qui n'était pas là quand tu en as parlé, va juger ta mise au point sans doute juste mais par trop verbale - trop " théorique ". Je connais ce sentiment. Il s'atténue chez moi mais je ne parviens pas à l'éliminer tout à fait. Ton entreprise, Exocrate, est d'élucidation. Nos motifs pour te suivre dans tes efforts d'élucidation ne sont pas à la hauteur de tes motifs

Exocrate - Je dois en conclure que mon exposé des motifs n'a pas été assez efficace.

Praxicrate - M. Lionel Jospin, l'actuel Premier ministre français, a prononcé deux jugements dont le commentaire te permettra peut-être d'exciter davantage notre faible appétit pour de la bonne théorie économique. Puis-je te les soumettre ?

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.19. Pendant que le taux de chômage progresse, la hausse du taux moyen de profit sur capital et celle de l'épargne de précaution des ménages entraînent tôt ou tard une augmentation plus ou moins vive du stock de capital.

Les deux conditions majeures qui doivent être remplies pour qu'il y ait une accélération de la montée du stock de capital sont évidentes. Il faut qu'il y ait une hausse du taux d'épargne des ménages. Il faut que le placement d'épargne en parts de capital devienne plus attractif.

La montée du chômage de masse tend à provoquer ces deux effets. La crise fait souffrir ses victimes mais la réaction curative tend à être suscitée.

Les gouvernants et leurs conseillers qui ignorent cette réaction ne voient que cette souffrance et ne songent qu'aux moyens de la réduire au plus vite. Ceux qui la connaissent mais qui n'y croient pas font de même. Leurs propres réactions charitables leur suggèrent des mesures qui retardent ou bloquent la sortie de crise.

Est-ce à dire qu'il convient, au plus fort d'une crise de sous-emploi, de ne rien faire pour soulager la souffrance de ses victimes ? Certainement pas. Mais il est d'intérêt général de le faire au moins sans contrarier la réaction curative et au mieux en la favorisant.

Ce n'est pas toujours possible. Il existe à chaque instant, dans un pays, une conception dominante de l'économie que la population respire avec l'air du temps. Il suffit que cette conception ait pour piliers d'assez sérieuses contre-vérités pour rendre politiquement impraticable la médecine qui serait socialement aussi la plus efficace. Dans une telle situation, le courage politique ne peut conduire à rien de mieux qu'à renoncer à la politique.


D'un caducée à l'autre n°50

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Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - Essayons cet exercice pratique. Quels sont ces jugements énoncés publiquement par M. Lionel Jospin ? En as-tu seulement pris note mot à mot ?

Praxicrate - Oui, je crois, dans l'état où la presse écrite en a rendu compte. J'en ai annoncé deux mais je m'en aperçois qu'il y en eut trois. Les voici dans l'ordre où j'en ai pris note. La première : " Oui à l'économie de marché, non à la société de marché. " La deuxième : " On ne peut pas administrer l'économie. " La troisième : " Le capitalisme est une force qui va, mais qui ne sait pas où elle va. "

Hippocrate - Laquelle choisis-tu, Exocrate, de commenter ? La première ?

Exocrate - La première. La formule est percutante. Des trois jugements, c'est celui qui me semble traiter du problème le plus général que l'économie pose. Je poursuivrai mon commentaire par la troisième puis par la deuxième.

Praxicrate - En retour, nous dirons si nous avons trouvé dans cet exercice les motifs supplémentaires de l'effort intellectuel des bases conceptuelles d'une conception non idéologique de l'économie - la théorie économique des valeurs dont la seule annonce me semble devoir être plus souvent répulsive qu'attractive, surtout chez nos confrères.

Hippocrate - Pour ce qui est du " Oui à l'économie de marché, non à la société de marché " reconnaissons quand même à son crédit qu'il vaut refus de totalitarisme.

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.20. L'augmentation du stock de capital s'amorce d'autant plus tard et progresse d'autant moins vite que la politique économique entrave la réaction provoquée par le sous-emploi croissant.

La proposition suivante affirmera que le retour ou le premier accès au plein-emploi résulte de l'augmentation du stock de capital (total des " fonds propres " des entreprises). Son commentaire s'attardera sur ce point clé. Ce ne sera pas parce que cette relation de cause à effet est difficile à comprendre. Ce sera parce que cette proposition énonce l'une des lois économiques qui devraient être connues par le grand public en libéralisme conscient. Alors seulement on pourra commencer à dire que le capitalisme est une force qui sait où elle va (écho à la troisième citation ci-dessus rapportée).

Plus évidente encore que la relation de cause à effet entre le stock de capital et le stock d'emplois stables est la dépendance politique de l'augmentation du stock de capital en réponse à une dégradation du stock d'emplois. L'inventaire de toutes les décisions du législateur et de tous les comportements des acteurs de la vie économique qui sont susceptibles d'entraver plus ou moins gravement la régulation E.P.C.E. serait sans fin.

 

La fiscalité manipulée à des fins d'intervention - " de régulation " dirait aujourd'hui plus volontiers le Premier ministre français - est le moyen principal à la disposition de la puissance publique. Est-il donc de sage politique d'encourager par des avantages fiscaux le placement d'épargne en capital ? Faut-il au contraire que les revenus du capital (profits et plus-values) soient davantage mis à contribution que les revenus du travail à des fins de justice sociale ? Plus généralement, pourquoi la plus grande neutralité économique possible de la fiscalité a-t-elle aujourd'hui si peu d'adeptes ?

Aucune entrave du côté dit " social " quand la loi bloque la pratique de la vérité des salaires ? Crée de faux emplois ? Administre la réduction forcée du temps de travail ? Etc. Il est ici prématuré d'apporter des éléments de réponse à ces questions. Il ne l'est pas, en revanche, d'attirer l'attention sur le fait que légion sont les mesures qui réduisent peu ou prou l'efficacité de la régulation E.P.C.E., voire qui l'empêchent complètement. S'il ne fallait retenir qu'un seul motif de faire l'effort d'une initiation aux mécanismes d'une économie libre, ce motif ne devrait-il pas être, en démocratie, le devoir civique du discernement des mesures qui ont l'effet pervers d'aller à l'encontre de leurs objectifs ?


D'un caducée à l'autre n°51

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Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - Le " Oui à l'économie de marché, non à la société de marché " se veut, en effet, refus de tous les totalitarismes. Or il existe bel et bien le totalitarisme de la pensée économique néo-classique, inspiratrice du néo-libéralisme et de l'ultra libéralisme. Pour elle, tout est économique. Ce tout conduit aussi à un totalitarisme, certes plus lentement que le matérialisme marxiste mais aussi certainement. Nous sommes en train de noyer une à une toutes nos libertés dans cette sorte de totalitarisme insidieux.

Hippocrate - Et tu crois qu'un " Oui à l'économie de marché, non à la société de marché " peut enrayer ce destin funeste ?

Exocrate - Personne ne détient à lui seul le pouvoir de mettre fin au règne d'une conception néfaste de l'économie. La pensée économique qui prétend avoir mis au jour des catégories qui s'appliquent à toutes les activités des hommes contamine tout le champ de la vie sociale. La théorisation du " marché politique " par des économistes en est l'exemple actuellement le plus frappant et politiquement le plus polluant.

Praxicrate- Comment éliminer cette pollution ?

Exocrate - Nous n'avons pas le choix. Il faut ramener l'économie politique, c'est-à-dire la science économique, à la seule étude des aspects impersonnels - non psychologiques, non subjectifs - de la pratique des échanges marchands et des transferts de pouvoir d'achat. C'est indispensable pour repartir à la conquête de nos libertés.

 

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3. Théorie du capital, du profit et de l'emploi

3.21. Le stock de capital est la plus importante variable de commande du stock d'emplois stables, tant en quantité qu'en variété de ces emplois.

Keynes, en reprise d'une des idées les plus chères à Malthus, a vu dans la demande le moteur de l'activité économique et dans le manque de demande la cause du chômage. La révolution keynésienne, décapée de toutes ses arguties techniciennes, revient à cela, en renversement de la perspective selon laquelle le moteur de l'activité économique est du côté de l'offre. C'est, a soutenu Jean-Baptiste Say, l'offre qui crée la demande et non pas l'inverse. Lequel croire ? On peut croire ce que la chaîne complète de cause à effet indique. Quand il y a, dans un pays, chômage structurel, il faut qu'il y ait une vague d'embauches pour que la demande reprenne la vigueur qui lui manque. Or, dans le secteur privé, embaucher est, par définition, offrir du travail en vue d'accroître une capacité de production, c'est-à-dire une offre. Les premiers salaires réamorcent la pompe. La croissance repart alors à un rythme assez soutenu pour réduire le chômage de masse.

 

Cette reprise s'effectue quand les entreprises sont redevenues assez nombreuses à disposer des capacités de la financer. La base de ce financement, c'est le capital qui la fournit, étant entendu qu'il s'agit du capital au sens univoque dans lequel ce mot est employé ici (fonds propres). Une population qui souffre du manque d'emplois stables vit dans un pays où le stock de capital est insuffisant.

 

Pour nier ce fait ou, ce qui revient presque au même, pour le négliger, il faut ne pas voir dans le capital ce qu'il est avant tout dans sa nature d'être. Le capital est un apport fourni par des épargnants à des entreprises pour leur donner les moyens, en équipements et en personnels, d'élargir leurs débouchés et d'en ouvrir de nouveaux.

 

Les motifs pour ne pas mettre ce fait au premier plan de sa conception de l'économie sont puissants. Le capitalisme reste une notion qui fixe toute une part de mes ressentiments et de mes peurs si je le prive, dans la représentation que je m'en donne, du pouvoir d'être par construction socialement positif. J'y parviens d'autant mieux que je me refuse à voir dans le capital ce qu'il est dans sa nature d'être : l'instrument de la création d'emplois.

Formation économique 11