Formation économique 12
retour sommaire                                     La santé est notre affaire à tous

Formation économique 13

 

D'un caducée à l'autre n°62

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut

Hippocrate - Pour que la théorie économique utilise des catégories dont la précision ne déborde pas son objet, il faut qu'elle commence par définir son objet.

 

Exocrate - La pensée économique reste tellement sous perfusion idéologique qu'il faut d'abord, je crois, commencer par se mettre d'accord sur ce qu'est une définition, faute de quoi la prétendue définition de l'objet de l'économie risque d'être un énoncé qui ne circonscrit pas les limites du sous-ensemble économique de l'ensemble des activités humaines. Ce préalable me semble d'autant plus souhaitable qu'il faut continuer à respecter ce qu'il nous enseigne pour parvenir à distinguer des catégories précises tout au long du processus d'élaboration théorique en économie aussi.

 

Hippocrate - Je suis avant tout un praticien et un clinicien. Les jeux de miroir des logiciens, du genre de la définition d'une définition, ne sont pas ma tasse de thé.

 

Exocrate - Se mettre d'accord sur ce qu'est un définition scientifiquement exploitable n'est pas bien compliqué. Tu fais d'ailleurs quotidiennement appel à des principes de ce genre dans l'exercice de la partie scientifique de ton art. L'usage est d'appeler " définition " plusieurs sortes d'énoncés. Parmi ces sortes, commençons par éliminer la plus grosse part des énoncés qui figurent dans les dictionnaires et les glossaires. Ils indiquent des significations et non pas des définitions logiquement bien établies. Il ne reste alors que deux sortes d'énoncés qui constituent des définitions, c'est-à-dire des délimitations d'ensembles dont on peut dire que tel objet en fait ou n'en fait pas partie.

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

Le revenu du capital, nous savons, pour l'essentiel, ce qui le légitime et comment il est régulé dans une économie libre gérée pour ce qu'elle tend à être. Mais le revenu du travail ? Nous n'avons aucun doute sur sa légitimité. Mais comment se forme-t-il ? D'où vient la disparité des rémunérations du travail ? Est-ce que la mécanique des échanges marchands a pour effet imparable de privilégier l'un des deux revenus, du capital et du travail, par rapport à l'autre ? S'il y a privilège, en quoi consiste-t-il ? Sans réponses techniquement correctes à ces questions, nos appréciations sur les effets sociaux majeurs d'une économie libre sont nécessairement beaucoup plus objectives que subjectives.


D'un caducée à l'autre n°63

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut 7/7/00

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - N'est-ce pas en théorie des ensembles qu'on distingue deux sortes de définitions ?

Exocrate - C'est beau, la mémoire bien entraînée !

Hippocrate - Entraînée mais sélective, comme toutes les mémoires. Je n'arrive pas à me remettre en tête les noms donnés à ces deux définitions.

Exocrate - La définition en extension et la définition en compréhension. Une

définition en extension est une liste des éléments d'un ensemble. L'inventaire anatomique des os de la main est une définition en extension. Une définition en compréhension énonce une propriété qui appartient exclusivement aux éléments de l'ensemble défini. La propriété d'un os humain d'être une vertèbre définit en compréhension un ensemble. Ces deux définitions n'ont pas le même statut. Seule une définition en compréhension garantit une homogénéité logique de l'ensemble défini. C'est, en économie, en partie pour cette raison et en partie parce que des définitions en extension sont très souvent impossibles à établir qu'il convient de faire surtout usage de définitions en compréhension. Ce n'est pas sans soulever de redoutables problèmes terminologiques.

Hippocrate - Je veux bien le croire. De la définition de la définition en compréhension, comment passes-tu à une définition de l'économie ?

Exocrate - Je me méfie des roueries de mon intellect quand il court de droite et de gauche comme un chien flairant la piste. J'accumule une à une les observations qui conduisent raisonnablement à une vraie définition en compréhension de l'économie.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.2. Convenons d'appeler " rente totale " le revenu global de l'épargne et " salaire total " le revenu global du travail.

Le revenu global de l'épargne n'est pas composé que de profit proprement dit. Mais n'entrons pas ici dans des détails techniques qui ne changent rien d'essentiel à l'évolution du revenu global du travail. Dans une économie bien réglée, c'est le taux de profit sur capital qui commande les taux d'intérêt dont certains déterminent une autre sorte de revenu global de l'épargne que des profits. Même quand ce n'est pas le cas, les taux d'intérêt ont la même caractéristique que les taux de profit sur capital : leur hausse est toujours suivie, tôt ou tard, d'une baisse. Sur longue et très longue période, ils ne sont pas affectés par une tendance à la hausse non plus qu'à la baisse.

Les loyers, les fermages et d'autres sortes de redevances perçues par des propriétaires sont des chiffres d'affaires d'où il résulte, après déduction d'un certain nombre de coûts, une marge de profit, positive quand les coûts ne sont pas supérieurs au chiffre d'affaires. Les plus-values sont des gains mais pas des revenus, comme les moins-values sont des pertes mais pas des dépenses. Plus-values, moins-values, successions, gains aux jeux font varier des patrimoines, parfois dans des proportions considérables. La répartition qui est susceptible de s'en trouver modifiée est celle des patrimoines et non pas celle des revenus. Or ce que nous voulons maintenant étudier est la répartition des revenus, qui sont des flux, et non pas celle des patrimoines, qui sont des stocks.

Bien que le mot " rente " ait été employé en théorie économique pour désigner ce qui est en fait, pour son bénéficiaire, un chiffre d'affaires d'une sorte particulière - celui que procure la propriété de la terre agricole exploitée par un fermier -, utilisons-le pour regrouper sous le nom de " rente totale " les revenus de l'épargne. La rente totale a la même caractéristique que les profits et les intérêts qui en sont les composants : sur longue et très longue période, elle n'est pas affectée par une tendance à la hausse ou à la baisse des taux de profit et des taux d'intérêt.

De son côté, le revenu global du travail n'est pas composé que de salaire au sens étroit que nos mÏurs réglementaires donnent à ce mot. Du point de vue qui est ici le nôtre, toutes les sortes de rémunération du travail sont des salaires.

 


D'un caducée à l'autre n°64

Comité éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.

Conception & réalisation : Dominique & François-Marie Michaut 7/7/00

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - Quelles sont les observations qui, selon toi, conduisent à une vraie définition de l'économie ?

Exocrate - Une définition repose sur des conventions de vocabulaire. La première que je soumets à ta sagacité consiste à convenir de dire qu'est socialement naturel ce qui survient par un enchaînement logique de pratiques sociales qu'il est dans la nature de l'homme d'avoir. Y compris dans la nature de l'homme médecin, bien sûr.

Hippocrate - Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir.

Exocrate - Ma définition commence par : " l'économie est le système socialement naturel " au lieu du plus lourd début de phrase : " l'économie est le système constitué par un enchaînement logique de pratiques sociales qu'il est dans la nature de l'homme d'avoir ".

Hippocrate - Tu veux, dans l'ensemble des pratiques sociales, identifier un sous-ensemble de pratiques économiques. Les soins médicaux font partie des pratiques sociales. Ne font-ils pas également partie des pratiques économiques puisqu'ils sont le plus souvent fournis à titre onéreux ?

Exocrate - L'échange, contre paiement, ou le don de soins médicaux font partie des pratiques économiques. Une conception de l'économie qui admet que les soins médicaux sont eux-mêmes des pratiques économiques ne procède pas d'une définition en compréhension de l'économie. Si tu estimes que l'économie indéfinie est ou peut devenir une menace pour la santé et pour la médecine, alors tu ne restes conséquent avec toi-même qu'en entrant dans les considérations de ceux qui proposent une définition en compréhension de l'économie. Si tu as besoin de tenir en respect des énarques, il te faut cette arme.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail...

4.2. Convenons d'appeler " rente totale " le revenu global de l'épargne et " salaire total " le revenu global du travail.

Le revenu global de l'épargne n'est pas composé que de profit proprement dit. Mais n'entrons pas ici dans des détails techniques qui ne changent rien d'essentiel à l'évolution du revenu global du travail. Dans une économie bien réglée, c'est le taux de profit sur capital qui commande les taux d'intérêt dont certains déterminent une autre sorte de revenu global de l'épargne que des profits. Même quand ce n'est pas le cas, les taux d'intérêt ont la même caractéristique que les taux de profit sur capital : leur hausse est toujours suivie, tôt ou tard, d'une baisse. Sur longue et très longue période, ils ne sont pas affectés par une tendance à la hausse non plus qu'à la baisse.

Les loyers, les fermages et d'autres sortes de redevances perçues par des particuliers en leur qualité de propriétaire sont des chiffres d'affaires d'où il résulte, après déduction d'un certain nombre de coûts, une marge de profit, positive quand les coûts ne sont pas supérieurs au chiffre d'affaires. Les plus-values sont des gains mais pas des revenus, comme les moins-values sont des pertes mais pas des dépenses. Plus-values, moins-values, successions, gains aux jeux font varier des patrimoines, parfois dans des proportions considérables. La répartition qui est susceptible de s'en trouver modifiée est celle des patrimoines et non pas celle des revenus. Or ce que nous voulons maintenant étudier est la répartition des revenus, qui sont des flux, et non pas celle des patrimoines, qui sont des stocks.

Bien que le mot " rente " ait été employé en théorie économique pour désigner ce qui est en fait, pour son bénéficiaire, un chiffre d'affaires d'une sorte particulière - celui que procure la propriété de la terre agricole exploitée par un fermier -, utilisons-le pour regrouper sous le nom de " rente totale " les revenus de l'épargne. La rente totale a la même caractéristique que les profits et les intérêts qui en sont les composants : sur longue et très longue période, elle n'est pas affectée par une tendance à la hausse ou à la baisse des taux de profit sur capital et des taux d'intérêt.

De son côté, le revenu global du travail n'est pas composé que de salaire au sens étroit que nos mÏurs réglementaires donnent à ce mot. Du point de vue qui est ici le nôtre, toutes les sortes de rémunération du travail sont des salaires. Pour exemple, un pourboire est un élément de salaire. Qu'il en ait conscience ou non, un médecin libéral s'attribue un salaire sur le montant des honoraires encaissés par son cabinet.


D'un caducée à l'autre n°65

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Hippocrate - Quelles sont donc à tes yeux les pratiques strictement économiques ?

Exocrate - Il y a trois pratiques sociales auxquelles il paraît logiquement viable et politiquement sain de réduire le champ de l'économie proprement dite. Toutes trois comportent l'usage de l'argent.

Hippocrate - Pour le sens commun, l'économie est avant tout ce qui a trait à l'argent. Dès qu'il est question d'amour (non tarifé), de santé, d'art, de spiritualité, cela ne fait pas plus partie de ce que le même sens commun appelle spontanément l'économie, me semble-t-il.

Exocrate - Sur ce point, le sens commun est plus clairvoyant que les économistes qui, dans leur écrasante majorité, paraissent craindre de rapetisser l'économique à des considérations d'intendance. L'une des pratiques sociales dont tout le monde s'accorde à considérer qu'elle est économique, c'est celle de l'échange marchand. La convention qui fait qualifier de marchand un échange est : l'un des termes de l'échange est un service rendu et l'autre une quantité d'argent ou un autre service rendu.

Hippocrate - Quand j'achète du pain chez le boulanger ou de l'essence chez le pompiste, c'est pour le service que ces objets me rendent. C'est vrai aussi que quand un patient vient me consulter, c'est pour que je lui fournisse un service - en réalité un panier de services.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.3. Le revenu global (R) est, par définition, égal à la somme de la rente totale (r) et du salaire total (s).

La loi économique qui régit la répartition du revenu global est beaucoup plus facile à expliquer en ayant recours à quelques notations et déductions algébriques, avec le danger que cela représente : prendre un effet pour une cause et réciproquement. Puisqu'il n'y a de revenu proprement dit que de l'épargne placée ou par du travail fourni contre rémunération, c'est par définition que le revenu global (R) est égal à la somme de la rente totale (r) et du salaire total (s).

Puisque R = r + s, dois-je déduire que r = R - s en voulant dire : la rente totale (r) est ce qui reste du revenu global après répartition entre les travailleurs du salaire total (s) ? Ou bien dois-je, au contraire, déduire que s = R - r en voulant dire : le salaire total (s) est ce qui reste du revenu global après répartition entre les rentiers en tant que tels de la rente totale (r) ?

Voyons bien que, comme nous le constations presque à vue d'Ïil depuis plusieurs générations, le revenu (R) est susceptible de croître. Plaçons-nous dans l'hypothèse de cette croissance. Est-ce que la hausse du revenu global (R) entraîne mécaniquement une hausse de la rente totale (r) ? Non. L'assiette, pour ainsi dire, de la rente totale (r) est d'une part un total d'épargne placée (E) et d'autre part un taux moyen de rentabilité (de rendement, de rapport) de cette épargne. La croissance du revenu global (R) n'implique pas nécessairement une croissance de même proportion de l'épargne placée (E), non plus qu'une élévation du taux moyen de rentabilité. Il peut même y avoir stabilité de (E) et baisse du taux moyen de rentabilité de l'épargne placée avec une croissance de (R) pourvu que s'élève assez vivement la productivité de (E), c'est-à-dire sa capacité à produire des marchandises composées.

L'évolution de la rente totale (r) étant, de période en période, indépendante de l'évolution du revenu global (R), c'est au salaire total (s) que revient la part de (R) qui n'est pas absorbée par la rente totale (r). C'est pourquoi nous constatons sur longue période une augmentation des salaires réels plus importante que celle non seulement de la rente totale (r) mais aussi que le revenu global (R). De l'équation R = r + s, il faut déduire non pas que r = R - s mais que s = R - r.

Sautons à la conclusion la plus importante, à charge de revenir sur la démonstration qu'il est prudent et souvent nécessaire de reprendre de plusieurs façons pour tenter de la prendre en défaut. Le cours naturel d'une économie libre n'est pas le maximum de rente totale, non plus que le maximum de profit, sous contrainte d'un salaire total minimal pour assurer la paix sociale. C'est très exactement l'inverse : le maximum de salaire total (s) sous contrainte d'une rente totale suffisante pour assurer le rétablissement ou le maintien du plein-emploi ainsi que l'augmentation du salaire total (s) plus rapide que celle du revenu global (R). Mais il est tout aussi vrai qu'il ne faut pas injecter cette dernière vérité dans la mentalité collective pour maintenir l'enfermement dans une culture du conflit social.
D'un caducée à l'autre n°66 27/7/00

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - Ce que nous allons admettre de l'économie ne vaudra qu'à titre d'hypothèse jusqu'à ce que, entre autres conditions, nous ayons établi qu'il est possible de définir en compréhension ce qu'est une marchandise. Ma deuxième observation, en vue d'une définition de l'économie, est que l'existence, indispensable, de dépenses publiques impose la pratique de contributions obligatoires.

Hippocrate - Tout aussi socialement naturelle que la pratique des échanges marchands ?

Exocrate - Oui, très résolument oui, malgré la mauvaise humeur atavique du contribuable en tant que tel. Pour tout un bouquet de causes faciles à observer dans tous les aspects de la vie sociale et pour toutes les activités professionnelles, le développement des échanges marchands, dont ceux qui assurent l'intendance des soins médicaux, est largement tributaire de la hauteur des contributions obligatoires et de la qualité de la gestion des dépenses publiques. Selon ce qu'est cette qualité, il existe dans chaque pays et à chaque instant un plancher des contributions obligatoires au-dessous duquel l'insuffisance des dépenses publiques freine le développement des échanges marchands et un plafond au-dessus duquel c'est l'excès des dépenses publiques qui freine le développement des échanges.

Hippocrate - Le seuil d'insuffisance n'est-il pas d'autant plus bas et le seuil d'excès d'autant plus haut que la qualité de gestion des dépenses publiques est meilleure ?

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

Après un premier survol de la théorie de la répartition et avant d'en tirer une théorie du salaire par qualification professionnelle - comment se fait-il que le salaire moyen d'un généraliste exerçant en situation libérale s'établisse à ce niveau et non pas à un autre sensiblement différent ? -, reprenons d'une façon plus analytique la démonstration de la loi qui régit la répartition du revenu global. Ce faisant, nous allons vérifier que nous aboutissons bien au même constat sur une propriété essentielle d'une économie libre, lourde de plusieurs implications politiques qui, c'est le moins qu'on puisse en dire, ne sont pas minimes : discours et mesures sur la répartition imposée pour corriger les injustices de la répartition naturelle procéderaient-ils d'une illusion d'optique et n'auraient-ils, en définitive, pour effet essentiel que de faire prospérer inutilement des appareils bureaucratiques ?

4.4. Comme pour les taux de profit et les taux des intérêts payés par les entreprises, il existe deux taux de rente totale : un taux de rente r sur la valeur de l'épargne placée E, un taux de rente r sur la valeur du revenu global R.

Puisque nous avons admis, bons arguments à l'appui croyons-nous, qu'un cabinet médical est une entreprise parmi toutes les autres sortes d'entreprise, prenons l'exemple du cabinet médical en " solo ". Sa création et sa viabilisation économique ont nécessité une mise en capital (en fonds propresÉ dont le montant est généralement inconnu du premier intéressé). Son exploitation produit un chiffre d'affaires - le montant des honoraires perçus. Si le salaire, toutes cotisations sociales comprises, que le praticien s'octroie est bien calculé pour rémunérer normalement la mise en capital, il y a une marge de profit (M) pour assurer cette rémunération. Cette marge (M) rapprochée des ventes (V) donne un taux. Le même profit (P) rapproché du capital (C) donne un autre taux.

Généralisons cette observation. Le profit (P) est une marge, le capital (C) un stock, le chiffre d'affaires (V) un flux. Dès qu'il y a une marge (M) dégagée par un flux de ventes (F) produit en mettant en Ïuvre un stock (S, au sens le plus large du mot " stock "), alors il y a d'une part le rapport de M sur F et d'autre part le rapport de M sur S. C'est peu différent quand il s'agit d'intérêts payés par une entreprise. Dès qu'il y a un intérêt, qui est un coût (C), sur un principal, qui est un stock (S), participant au financement d'une entreprise réalisant des ventes, qui sont un flux (F), il y a d'une part le rapport de C sur S, ou taux d'intérêt sur principal, et le rapport de C sur F, ou taux d'intérêt sur chiffre d'affaires.

Dans le cas de la rente totale (r), le stock c'est l'épargne placée (E), le flux le revenu global (R). Un des taux de rente totale (r) est par rapport à la valeur de l'épargne placée (E) : r / E. L'autre taux est par rapport à la valeur du revenu global (R) : r / R. Il n'est vraiment pas besoin d'être un grand mathématicien pour voir au premier coup d'Ïil qu'il existe forcément un troisième rapport qui lie ces deux taux : r / R = r / E fois E / R.

 
D'un caducée à l'autre n°67 4/8/00

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - La recherche par modélisation économétrique du niveau optimal des cotisations obligatoires est secondaire par rapport à l'identification et à la mise en Ïuvre des mesures d'amélioration de la qualité de gestion des dépenses publiques.

Hippocrate - De grande portée sera le progrès accompli dans notre pays quand il y deviendra commun de s'attacher dans le secteur privé à honorer les apports au bien commun du secteur public et dans le secteur public à honorer les apports au bien commun du secteur privé.

Exocrate - Cela fait partie des égalités hors desquelles l'aspiration à la justice sociale sert trop facilement de masque aux spoliations que la convoitise et les partis pris idéologiques inspirent. Je me demande parfois s'il serait bon de lister en amont de la théorie économique les égalités principales que l'économie ne doit pas enfreindre et en aval celles qu'elle peut et ne peut pas ajouter.

Hippocrate - Cet exercice serait intéressant. Gardons-en l'idée en réserve.

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

Trois conventions de vocabulaire facilitent grandement l'analyse de la répartition du revenu global (R). De plus, elles évitent plusieurs erreurs de gestion. C'est ce que nous allons commencer par montrer avant de revenir à la théorie de la répartition et du salaire.

Supposons vouloir comparer les résultats d'un cabinet médical et d'une pharmacie. Les chiffres qui nous intéressent ici sont les suivants. Le capital, le chiffre d'affaires annuel (honoraires) et la marge de profit du cabinet médical sont respectivement, en milliers de francs, de 200, 800 et 20 mille. Le capital, le chiffre d'affaires annuel et la marge de profit de la pharmacie, eux aussi en milliers de francs, sont respectivement de 1 000, 3 000 mille, 100 mille.

4.6. Appelons " rentabilité " le rapport r / E et, plus généralement, n'appelons " rentabilité " que les valeurs relatives de type marge / stock.

Disons de la rente totale (r) procurée par l'épargne placée (E) et exprimée en pourcentage de la valeur de l'épargne placée, soit r / E fois cent, qu'il s'agit d'une " rentabilité " et rien que d'une " rentabilité ", comme pour tout rapport de type marge / stock.

Le profit du cabinet médical par rapport à son chiffre d'affaires est de 2,5 % (20 / 800). Le profit de la pharmacie par rapport à son chiffre d'affaires est de 3,3 % (100 / 3000). La pharmacie est-elle plus rentable que le cabinet médical ? Non. Pour calculer une rentabilité, il faut rapprocher une marge, en l'occurrence de profit, d'un stock, en l'occurrence de capital : 10 % pour le cabinet médical (20 / 200), 10 % pour la pharmacie (100 / 1 000).

4.7. Appelons " profitabilité " le rapport r / R et, plus généralement, n'appelons " profitabilité " que les valeurs relatives de type marge / flux.

Disons de la rente totale (r) exprimée en pourcentage du revenu global (R), soit r / R fois cent, qu'il s'agit d'une " profitabilité " et rien que d'une " profitabilité ", comme pour tout rapport de type marge / flux. Cet artifice de vocabulaire est prescrit depuis une bonne vingtaine d'années par plusieurs auteurs d'ouvrages assez renommés de gestion d'entreprise mais les économistes continuent dans leur grande majorité à l'ignorer. Il convient parce que la marge considérée est souvent de profit. Entre un intérêt et un dividende, l'un et l'autre perçus par un particulier, seul le second est du profit proprement dit mais l'un et l'autre appartiennent à la catégorie des revenus de l'épargne placée.

Le défaut, très courant, de distinction entre la profitabilité et la rentabilité conduit à des erreurs d'observation et de décision dont voici un exemple. Une pharmacie vend d'une part des médicaments et d'autre part de la parapharmacie. La profitabilité des médicaments peut fort bien être inférieure à celle de la parapharmacie alors que la rentabilité est, elle, inverse : meilleure pour les médicaments que pour la parapharmacie. Le pharmacien qui ne juge de la " rentabilité " que par des profitabilités - c'est courant, très courant - clame haut et fort que ses marges sur les médicaments sont trop faibles et qu'il est obligé de les compenser en vendant le plus possible de parapharmacie. Son diagnostic est faux. Le remède qu'il applique va à l'encontre du but recherché : plus le chiffre d'affaires de la parapharmacie grimpe et plus la rentabilité proprement dite de la pharmacie dans son ensemble baisse.


D'un caducée à l'autre n°68 10/8/00

Une pratique plus saine de la médecineÉ

Exocrate - La troisième observation qui me semble appropriée pour guider le choix d'une définition de l'économie recouvre en partie celle que nous venons d'examiner. La pratique de la subvention privée et publique est tout aussi socialement naturelle que celle des échanges marchands et des contributions obligatoires.

Hippocrate - Du point de vue du contribuable, l'impôt est une subvention qui lui est imposée.

Exocrate - Les contributions obligatoires constituées par des impôts sont des subventions prélevées sur les particuliers et, en dernier ressort, rien que sur eux (c'est une illusion de penser que tous les impôts acquittés par les entreprises ne sont pas répercutés dans les prix de ce qu'elles vendent). Ces subventions prélevées financent les dépenses publiques, conjointement à des emprunts si emprunts publics il y a - et il y en a aujourd'hui beaucoup. Parmi ces dépenses, il y a les subventions accordées par les pouvoirs publics.

Hippocrate - De même que la charge en intérêts et principal des emprunts publics non encore amortis.

Exocrate - Les subventions accordées ne sont pas constitutives d'un revenu au sens du mot " revenu " que l'usage ordinaire a privilégié : produit perçu par un particulier en retour - en re-venu - d'un service fourni par lui. Assimiler des subsides à un revenu n'est pas socialement naturel puisque cela revient à considérer que les apports financiers à la collectivité de celui qui prend la peine de fournir un service en échange d'un service n'est pas socialement plus nécessaire que la prise en charge par la collectivité de tout ou partie du train de vie, si modeste soit-il, de celui dont le revenu est trop faible et, à plus forte raison, nul.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

Les deux premières conventions de vocabulaire qui facilitent grandement l'analyse de la répartition du revenu global (R) et qui évitent des erreurs de gestion portent sur l'emploi des mots " rentabilité " (toute marge sur stock) et " profitabilité " (toute marge sur flux). La troisième est relative à l'emploi du mot " productivité ". Quelles oreilles n'ont-elles pas été aujourd'hui rebattues de " productivité " ? Nous allons nous attarder un peu sur cette notion parce que les économistes lui font dire et font dire à un peu tout le monde des choses qui n'existent pas comme elles sont présentées.

4.8. Appelons " productivité " le rapport R / E et, plus généralement, n'appelons " productivité " que les coefficients de type flux / stock.

Disons du rapport entre le revenu global (R) et l'épargne placée (E) qu'il constitue une " productivité ", c'est-à-dire une capacité à produire le flux (R) au moyen du stock (E). La capacité de l'épargne placée (E) à produire une rente (r), nous sommes déjà convenus de dire que c'est une " rentabilité ". La capacité du revenu global (R) à produire une rente (r), nous sommes déjà convenus de dire que c'est une " profitabilité ". Puisque toute une marge sur flux, c'est-à-dire toute profitabilité, multipliée par le rapport entre le flux généré au moyen d'un stock et ce stock, c'est-à-dire par une productivité, est nécessairement égale à une marge sur stock, c'est-à-dire une rentabilité, toute profitabilité fois la productivité qui lui correspond est égale à une rentabilité.

Faut-il dire que cette relation d'égalité, que nous allons appeler PP'R (Profitabilité fois Productivité égale Rentabilité), décrit une loi économique ? En vérité, elle en révèle plusieurs, comme nous allons le constater. En elle-même, elle est inéluctable : partout où il y a une rentabilité, la relation PP'R est forcément satisfaite. Nous y reviendrons après avoir examiné un peu plus avant ce qu'est et ce que n'est pas la productivité.

 

Dans le cas d'un cabinet médical, comme dans celui de n'importe autre sorte d'entreprise, sa productivité est le rapport entre le montant du chiffre d'affaires et le capital. En reprenant l'exemple numérique donné dans la leçon précédente et exprimé en milliers de francs, la productivité est de 800 / 200 = 4. En multipliant la profitabilité correspondante de 2,5 par cette profitabilité de 4, on obtient bien la rentabilité de 10 %. Mais la productivité dont nous sommes entrain de parler n'est pas celle, fallacieuse, dont la conception aujourd'hui dominante de l'économie fait si grand cas.

 

 


D'un caducée à l'autre n°69 24/8/00

 

Une pratique plus saine de la médecine

Hippocrate - Un cas particulièrement remarquable de la nécessité de la subvention est celui de la nourriture, de l'habillement, du logement, des soins médicaux et de l'argent de poche du conjoint " cent professions " (sans profession), des enfants, des personnes âgées dont la retraite est trop faible ou inexistante, des handicapés. Ces prises en charge sont très manifestement des devoirs naturels.

Exocrate - Autre cas : le savoir. J'ai déjà eu l'occasion de te signaler que le savoir n'est pas une marchandise. Or l'accumulation de savoirs est indispensable à l'amélioration de ses conditions de vie par l'homme. Le financement par des subventions de travaux qui participent à cette accumulation, dans un cadre privé ou public, ne peut pas être assuré par du capital et des ventes. Cette accumulation étant socialement naturelle, son subventionnement l'est aussi.

Hippocrate - Mais tu considères que les soins médicaux pouvant être financés par des mises en capital et par les ventes de leurs prestations par les médecins et les auxiliaires médicaux, il est socialement naturel que leur fourniture soit une activité marchande et non pas une activité subventionnée.

Exocrate - Oui, après formations initiales des médecins et des auxiliaires médicaux et en applications de découvertes elles plus ou moins financées par des subventions publiques et privées. Chaque fois qu'il peut y avoir une activité marchande à la place d'une activité subventionnée parce que la nature de cette activité s'y prête, c'est presque toujours préférable. La quantité et la qualité des libertés et des pouvoirs diffusés dans le corps social en sont nettement accrus.

Hippocrate - Pour ce qui est des libertés, je vois ce que tu veux dire. Mais pour ce qui est des pouvoirs ?

Exocrate - Nombreux sont, malheureusement, nos contemporains qui considèrent, souvent sans en être clairement conscients, qu'à toute organisation sociale - une nation, une région, un syndicat, une entreprise, une famille, etc. - est attachée une quantité fixe de pouvoirs à exercer et de tâches à exécuter. Ils ne voient pas que toutes les centralisations réduisent la quantité de pouvoirs en circulation et réduisent aussi les champs d'initiatives cependant que toutes les décentralisations et beaucoup de reconnaissances d'autonomie ont l'effet contraire. Ils ne voient pas un corps social dont les cellules sont douées de plus ou moins de vitalité parce qu'ils n'entendent pas vanter les mérites du courage d'entreprendre et de la liberté de prendre des initiatives.

 

... par une conception renouvelée de l'économie

4. Théorie de la répartition et du revenu du travail

4.9. La productivité du travail n'existe pas.

Le courant actuellement principal de la pensée économique s'est efforcé de tirer plusieurs concepts et lois de la notion de productivité. On ne peut qu'approuver cette tentative tant il est évident que la prospérité dépend du progrès des capacités à produire plus et mieux. Mais il y avait une question préalable à laquelle il aurait été préférable d'apporter du premier coup une réponse claire.

Qui ou quoi a la capacité de " produire des richesses ", étant entendu que cette dernière expression est une façon dangereusement figurée de dire : produire des marchandises composées ? Du fait que pour produire, il faille travailler ne résulte pas que ce sont les seules quantités et qualités de travail qui déterminent les quantités et les qualités produites. Ce sont les quantités et les qualités de travail outillé. Cet adjectif change tout.

Il n'y a pas d'un côté la productivité du médecin et de l'autre côté la productivité des équipements que le médecin utilise dans l'exercice de son métier. Cela n'empêche pas la majorité des économistes actuels de distinguer la productivité du travail et la productivité des équipements - du capital physique, disent-ils - comme s'il était possible de séparer ce qui est d'une part dû au travail et d'autre part aux équipements. Dire que le travail et le " capital physique " sont des " facteurs de production " n'autorise en aucune façon à considérer qu'il existe d'une part une capacité à produire du travail non outillé et d'autre part une capacité à produire des outils indépendamment de leur mise en Ïuvre par des travailleurs.

La productivité d'un cabinet médical, d'un hôpital ou d'une clinique, d'un laboratoire et de n'importe quelle autre sorte d'entreprise existe. Elle est d'autant plus grande que chaque franc investi dans cette entreprise participe à la production de plus de chiffre d'affaires.

Formation économique 13