Voyages
retour sommaire                                     La santé est notre affaire à tous
     
 

AÇORES

"La voile dévoilée"

Jacques Blais

 
     
 

Les Açores sont à classer dans les voyages de curiosité. Le besoin et le désir d'en savoir plus. Pour la plupart des gens, les Açores évoquent l'anticyclone, point final. De là à situer l'endroit, à en définir l'aspect, les populations, l'historique, un monde entier apparaît.

 
 

L'histoire des Açores est une partie intégrante de celle du Portugal, de l'époque de Henri le Navigateur, c'est à dire XV ème siècle. Il serait aisé de dire " comme toute l'évolution des découvertes maritimes portugaises ". L'archipel des Açores est donc une dépendance européenne, localisée en gros à la latitude de Lisbonne, plus proche du tiers européen de l'Atlantique que des deux tiers américains.

Les Acores

 
 


 
Ceux qui s'attendraient pour autant à y découvrir un pays tropical, des Antilles modifiées à la portugaise, seraient déçus. L'archipel est bien davantage une sorte de mélange d'Irlande ou de Normandie verte, lumineuse, couverte de vaches, avec un terrain volcanique très marqué, et une végétation exotique luxuriante bénéficiant du climat, de l'hydratation, de la localisation atlantique.
 




Le nom des Açores dérive à l'origine de celui d'un grand oiseau, buse ou épervier nommé "Açor", dont la présence en quantité sur les îles avait impressionné les arrivants.
 
 
 

L'autre caractéristique de cet archipel est son implication maritime, et ceci en constitue un autre intérêt majeur. Après avoir représenté, des décennies durant, un centre de pêche à la baleine fondamental, une industrie prédominante, accompagnée des légendes et des exploits de ces émérites fous du harpon, si la reconversion dans la pêche au thon est demeurée un axe important, les activités marines sont progressivement concentrées vers les fous du tangon, du hauban, du safran, les régatiers.
 
Les Açores sont maintenant l'essentiel rendez-vous de tous les navigateurs transatlantiques à la voile, depuis les plus modestes inconnus jusqu'aux célèbrités.
 
On y sent toujours, perpétuellement la mer, mais plus l'huile de baleine, et les légendes se comptent en nœuds et jours de traversées, quand elles se contaient en odyssées et heures de chasse au cachalot autrefois.
 
Les 9 îles de l'archipel sont groupées en petits paquets, deux occidentales semblent appartenir à la plaque tectonique américaine, quand les deux ensembles, des 5 centrales et de 2 orientales sont issues de la plaque eurasiatique.
 
Il existe une forte similitude de disposition, de nombre, d'origine volcanique, avec l'archipel très au sud, celui du Cap Vert, également dans chacun des archipels se trouve une île au parfait cône de volcan spectaculaire, Pico aux Açores et Fogo au Cap Vert.
 
On atteint aisément les Açores depuis Lisbonne par avion, ensuite des lignes intérieures aériennes ou des bateaux joignent les îles entre elles. D'emblée, sur place, frappent les caractéristiques portugaises, dans les équipements des pêcheurs, les villages colorés entretenus, la morue délicieuse présentée de dix façons différentes dans les petits restaurants des ports, la langue utilisée, les habitudes des populations.
 
Mais l'industrie agricole, outre celle des cultures comme la betterave, l'ananas, le tabac, le thé, des cultures exotiques souvent, est celle du lait. Toutes ces vaches produisent un quart de la production du Portugal, et tout au long des routes les véhicules croiseront et suivront des mules tirant ou portant d'énormes bidons de lait ramassé en chemin. Les cultures, elles, sont étagées en fonction de l'altitude, banane et pommes de terre en bas, maïs et fourrage ensuite, pâturages au delà de 400 m de relief.
 
Partout, l'activité volcanique des îles a été très intense, au long des siècles, avec des tremblements de terre et des éruptions à tous les siècles répertoriés depuis le XIV ème, donnant naissance à d'intenses et spectaculaires modifications des paysages : caldeiras, mot à mot des chaudières produisant de superbes lacs volcaniques, misterios qui sont des coulées de lave refroidies après avoir détruit des villages, et très récemment encore, en 1957, cette arrivée d'un cratère tout neuf à la pointe de l'île Faïal, créant ce splendide site de Capelhinos.

L'île la plus vaste, la plus peuplée, la plus verte, est celle de São Miguel, localisée à l'est de l'archipel, elle présente également des points de vue splendides sur les cratères jumeaux de Sete Cidades , ces sept cités qu'autant d'évêques auraient créées selon une des nombreuses légendes locales. Il y a dans cette île, un mélange de Suisse avec conifères et vaches, de province rangée avec les magnifiques hortensias qui représentent la fierté caractéristique des îles en saison, et de coin volcanique sauvage lorsqu'on approche des zones remaniées, c'est une très belle excursion générale résumant l'étrangeté de sites si mêlés.
 
Le tour du site est parsemé de miradors, de points de vue élevés, de lacs et de trouées, avant de retrouver la ville de Ponta Delgada et son centre historique ancien. Mais c'est l'île de Faïal, la plus à l'ouest du groupe central principal, qui réserve les trésors et les évocations de la marine ancienne, celle des baleiniers, et de la nouvelle, celle des voiliers des transats modernes. L'île est, elle-aussi, centrée sur un volcan ancien, dont il reste le " chaudron ", la caldeira, qui s'atteint au sommet après l'ascension d'une route sinueuse dotée d'un beau point de vue.
 
C'est de Faïal qu'est née l'idée, en 1893, du premier bulletin météorologique, lorsque plusieurs scientifiques ont identifié l'influence importante de l'anticyclone des Açores sur le climat de l'Europe. Un câble téléphonique reliant Faïal à Lisbonne assura dès lors les premières transmissions rapides des informations. D'une manière courante, l'archipel a assuré le relais des câblages transatlantiques par la suite.
 
Le port de Horta garde la mémoire des baleiniers d'autrefois, avec son café des sports à l'ancienne, tout de bois plaqué, " Chez Peter " dont le petit musée du premier étage présente les œuvres des baleiniers sculptées dans des dents de cachalot. Le musée de la ville, lui, montre des objets travaillés dans la moelle du figuier, représentant des monuments, des navires, des scènes anciennes. Le café Chez Peter sert encore régulièrement de boîte postale pour tous les courriers des marins en route pour une traversée de l'atlantique, dont on sait qu'ils effectueront l'inévitable escale des Açores.
 
Et Horta possède aussi une extraordinaire marina, celle où tous les navigateurs plaisanciers, ou à présent professionnels des grandes régates, vont apporter leur contribution au décor. Tout au long des quais, d'innombrables écussons, des dessins, des fanions, des inscriptions décrivant un parcours, des noms d'équipiers, des dates, écrivent peu à peu l'histoire des transats à voile, en une immense fresque, une histoire en plein air emplie d'aventure et de mystère. S'y côtoient les traces des célèbres vedettes médiatiques, et les humbles marques des aventuriers anonymes, modestes et inconnus, qui viennent cependant partager leur existence, leur rêve, leur parcours ici.
 
Faïal est dénommée l'île bleue, en raison des hortensias qui l'envahissent, l'enrichissent, la décorent, la marquent de leur teinte et de leur ambiance. A son extrémité occidentale, le cratère tout récent du Capelhinos rappelle l'évolution permanente de la vie des volcans, susceptibles de surgir partout sur terre ou de la mer, à tout moment. Dans la mesure où, pour les vulcanologues, cinquante ans représentent un moment de la vie de notre planète, un éternuement!
 
Une île est particulière, celle qui demeure porteuse du cône volcanique du Pico, qui offre une vue panoramique à 2350 m d'altitude, avec des fumeroles. L'île est encore emplie de laves ayant donné naissance à des constructions l'utilisant comme matériau, elle garde les traces de la principale usine de traitement des produits tirés de la baleine, quelques berges abruptes sur lesquelles se brise la mer, des caves à vin, et une grande nostalgie de la pêche au cachalot.

Les Açores représentent un lieu de curiosité, avec ce mélange d'histoire, tant les capitaines-donataires, les gouverneurs, les luttes pour les accessions au trône, y amenèrent leurs épisodes, d'épopée héroïque surtout dans toute la période de chasse aux cétacés. Qui portèrent tant de récits, de romans, le plus célèbre étant Moby Dick. Une autre aventure étant celle des séismes et des éruptions, gorgeant encore les légendes d'énormes évènements terribles de morts en grand nombre. Et puis vinrent des époques plus raisonnées, à partir d'une agriculture spécifique, plantes tinctoriales d'abord, pastel, puis récemment l'industrie laitière.
 
La tonalité actuelle, celle que l'on conserve de son passage, est celle agréable d'un mélange considérable. De paysages verts irlandais ou normands dans un environnement exotique, volcanique. De populations très mêlées, entre migrants perpétuels de et vers les amériques, l'europe, un nombre d'habitants tendant progressivement vers un peu plus de 200 000. Puis cette caractéristique météorologique conservée, anticyclonique, dont au fil des siècles l'Europe persiste à attendre les effets stabilisants ou non du climat, comme une aumône, une obole, une générosité ou une surprise.
 
Et il semble que ces bouts de terre aient un besoin absolu et définitif de conserver leur attitude de héros et d'aventuriers, en relayant ce rôle maintenant aux fanatiques de voile sur les longs parcours transatlantiques, comme pour garder la notion permanente du risque, du dépassement de soi, ce défi entre mer et hommes, bateaux et vagues, même si les queues et les jets d'eau des baleines manquent définitivement au paysage, à la mort menaçante, et à la vraie légende.
 
Vraie aussi, la nature des gens sur place, des êtres sans faux-semblant, sans faux besoins, sans illusions inadaptées, marins et terriens conscients de leur condition, juste fiers et lucides.
 
De curiosité, la visite des Açores se mue en envie, celle d'aller très au sud découvrir un autre archipel du même groupe géologique, de même langue, mais si différent dans ces autres conceptions, le Cap Vert.
 
Jacques Blais

Tous droits réservés. © François-Marie Michaut 1997-2004