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    26 mai 2008

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Ordinaire d'une journée ordinaire

Photo de l'auteur Docteur X.Antoine lui écrire

Le Dr S., généraliste de quartier, revient de sa « tournée » de personnes âgées. Matinée bien remplie à essayer de faire la part des choses entre le vrai et le moins vrai, à tenter de convaincre tel patient, de dissuader tel autre, à communiquer le moins mal possible avec les autres professionnels, les institutions sociales ou administratives. Après avoir mangé avec un lance-pierres, il débute ses consultations de l'après-midi.

retrouver la confiance

Dès le début de sa consultation, le téléphone sonne, il décroche (puisqu'il tient de temps à autre à être joignable). « Docteur, il faut venir chez moi, mon mari vient de sortir de l'hôpital, le médecin de l'hôpital a dit qu'il fallait que j'appelle mon médecin dès mon retour à la maison » et le Dr S. de tenter sa réponse « désolé Madame, je suis en consultation jusqu'à ce soir, je ne pourrai pas venir maintenant ou alors ce soir ?», « Non Docteur, l'hôpital a dit qu'il fallait les médicaments pour aujourd'hui et la pharmacie ne veut pas délivrer ce médicament ». Le Dr S. « désolé, Madame, je ne peux pas quitter mes consultations avant ce soir ; je passerai voir Monsieur ce soir si vous le voulez ; pour éviter cela il aurait fallu que l'hôpital ou vous-mêmes me prévienne avant votre sortie pour que je puisse m'organiser, mais là ça n'est pas possible ». « Tant pis, Docteur, mon mari ne peut pas attendre, je vais appeler le Dr A., au revoir. » Sortir de l'hôpital est une urgence. Première leçon de la journée pour le généraliste de quartier ou, j'oserais dire, de famille.

restaurer la conscience

Durant sa consultation de l'après-midi, le Dr S. reçoit un appel d'un pharmacien très remonté car le Dr S. , abuseur de la société et contenteur de ses « clients », a prescrit en avance du SUBUTEX à son patient ancien toxicomane à l'héroïne. Le Dr S. explique au pharmacien qu'il y a une raison, que cette raison est « expliquée » sur l'ordonnance. Le pharmacien rétorque au faible Dr S. « Docteur, il faut savoir dire non avec ces patients là ».
Sans égard, le Dr S. raccroche au nez du pharmacien car, oui il faut savoir dire non, mais qui sait, à part le Dr S. apparemment que son patient vit une période de sa vie très difficile, qu'il vient de perdre son épouse de 22 ans d'une rupture d'anévrisme, qu'il se retrouve seul sans travail avec 3 enfants en bas âge et que, de ce fait, il a « replongé ». Mais qui sait à quel point ce fut difficile pour ce patient de revenir chez son médecin chercher son SUBUTEX en avance car, de son « aveu », il a tout consommé ?
Le Dr S. n'est pas pour autant dupe de quoi que ce soit mais il ne se voyait pas supporter qu'aujourd'hui un pharmacien lui apprenne la médecine générale.
Deuxième leçon, un généraliste reste un généraliste. Le Dr S. l'avait un instant oublié.

renforcer la compétence

En fin de consultation, un des amis de faculté de médecine du Dr S., le Dr V. lui apprend au détour d'une conversation qu'il partira bientôt 6 jours en congrès en Australie avec un laboratoire qui offre voyage et restauration ainsi que, bien entendu, quelques cours de leaders d'opinion sur la phlébite (domaine inconnu du médecin de famille !!) autour d'un buffet autochtone. Le Dr S., sans vouloir donner de leçon de morale, encore moins à son ami, estime pour sa part que l'indépendance intellectuelle est le moins que l'on puisse espérer d'un soignant et qu' à ce titre, il déclinerait ce type d'invitation par un « labo ».
Le soir même, le Dr S. ouvre son courrier et découvre son « RIAP », qui est en quelque sorte la statistique émanant de la sécurité sociale de son activité dans tous les détails. Le Dr S. prescrit peu de médicaments mais par contre, comble de l'horreur, il prescrit plus d'arrêt-maladies que la moyenne des médecins de sa région. Peu importe le profil de sa patientèle, il est au-dessus, voilà tout.
Qui inquiétera le Dr V. de son voyage « formatif » (ou normatif devrais-je dire) ? Personne. Qui inquiétera le Dr S.: la sécurité sociale et les médias car, le Dr S. a oublié que pour les médias de masse, prescrire un arrêt-maladie est un délit. Le Dr S. abuse encore et ne sait pas refuser un arrêt-maladie ?
Décidément la journée du Dr S. ne fut pas simple. Il s'est vu reprocher sa « lenteur », son écoute, son indépendance.
Si le Dr S. était proche de la retraite, il se dit qu'il décrocherait bien.
Qui pourrait convaincre le Dr S. de l'inverse ?

Os court : << Les jours se suivent et ne se ressemellent pas. >>
Jacques Sternberg


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