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 N° 585
 
 
 
      26 janvier 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Information des patients par internet

Photo de l'auteurDocteur Cécile Bour lui écrire

xxxCe patient, venu pour son échographie thyroïdienne de contrôle, me pose des questions sur sa prise de sang, à savoir pourquoi sa TSH ( hormone hypophysaire de stimulation thyroïdienne ) est élevée alors même que ses hormones thyroïdiennes sériques, élevées elles aussi devraient engendrer un feed-back négatif sur son système hypothalamo-hypophysaire, entraîner ainsi une chute de la TSH … et ainsi de suite , me ravivant des souvenirs un peu défraîchis d’endocrino-physio-pathologie. Rentrée chez moi, et pour ne plus être prise en flagrant délit de bafouillage, me voilà plongée dans des révisions , et quoi de plus naturel que d’aller au plus simple, à savoir sur le web.

retrouver la confiance

xxLors de mes pérégrinations je tombe sur un forum dédié à la pathologie thyroïdienne ; je vous livre brut quelques citations d’un échange inter-malades :
-« Mon médecin m’a dit que j’ai dû faire une thyroïdite et que le lévo (Lévothyrox) allait me faire perdre des kg… »
-« ton médecin a tout faux. Dans le cas d’une hypothyroïdie etc etc… 
»

plus loin :
« … c'est tout simplement que la thyroïde est niée enfin son impact sur l'organisme, au niveau médical. Elle est banalisée, la maladie n'est pas prise au sérieux du tout.
Les Basedow ou hyperthyroïdiens ont un peu plus de "chance" de ce côté car les risques cardiaques qu'ils encourent font réagir les médecins de suite.  
 
Et quand aux examens supplémentaires à moins qu'il y ait des antécédents familiaux les médecins ne feront pas les analyses systématiquement. Ils préfèrent diagnostiquer une dépression. D'où d'ailleurs la France est en tête de prescriptions d'AD.  
 
Les médecins ne font pas aussi ces analyses car ils ont des ordres des administrations.
 
C'est malheureusement au patient de se battre et de se faire entendre. Certains choses commencent à évoluer grâce à l'impact de internet; Les patients peuvent s'informer c'est d'ailleurs ce qui contrarient certains médecins, car maintenant ils ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent de leurs patients.
 »

xxxNous médecins devons donc faire face à ce phénomène d’auto-information, le malade surfe et glane des informations plus ou moins vérifiées, parfois entièrement fausses, dans tous les cas inadaptées à son cas précis à lui, puisque généralisantes, souvent mal comprises, et l’amenant à consulter, méfiant, le praticien pour une confirmation de son auto-diagnostic.

restaurer la conscience

xxxÉvidemment, en cas de désaccord, cette information erronée conduit souvent le patient à une défiance accrue vis à vis du médecin qu’il considère comme omni-puissant. Le corollaire est également la demande d’examens et d’hospitalisation abusifs que le médecin se sent obligé de prescrire pour trancher et réconforter son malade anxieux. Car c’est bien là le problème : le malade effectue sa recherche web en fonction de deux ou trois symptômes qu’il présente, il va s’arrêter ensuite sur les premiers résultats donnés, se « reconnaît » fatalement et en général opte pour le pire, sans pouvoir faire un tri de cette information, et sans avoir la possibilité de nuancer ces données, faute de connaissances médicales, par rapport à son propre cas.
xxxD’où vient cette web-information médicale ?
Elle provient d’associations de malades, qui correspondent sur de nombreux forum. Le malade y cherche une réponse, mais qui ne sera pas scientifique, avec parfois des échanges sur des médications qui peuvent conduire le malade à les revendiquer auprès son médecin. Celui-ci aura alors bien du mal à le convaincre d’une éventuelle autre option thérapeutique.
L’information provient également de journaux médicaux spécialisés mais accessibles, et d’éditeurs qui synthétisent les données, puisque destinées à un lectorat averti, médical justement. Cette information-là ne sera pas comprise en l’absence d’un bagage scientifique.
Enfin citons les laboratoires et l’industrie pharmaceutique, qui bien entendu ne sont pas objectifs et pour lesquels le web est un outil publicitaire.
xxxMais à l’inverse, nous devons , nous médecins, accepter cette nouvelle donne. Il faudrait que le médecin soit reconnaissant pour cette nouvelle source d’information, qui le met en présence d’un malade émancipé, motivé à discuter du bien-fondé de ses examens ou traitements. La vision positive du médecin par rapport à un patient informé peut certainement conduire à une relation de confiance et à une meilleure motivation pour l’observance du traitement. Nous devons recevoir avec gratitude des données nouvelles sur une maladie que le malade, concerné et à l’affût de nouveautés, aura interceptées avant nous . Ce tableau idyllique toutefois est possible dans la mesure où existe une bonne relation entre médecin et patient.

renforcer la compétence

xxxIl doit y avoir une complémentarité entre l’information directe, celle venant du médecin, et l’information indirecte, celle venant de divers médias. L’information médicale doit avant tout rester directe, effectuée par le professionnel de santé, qui adapte et gère la maladie et la conduite thérapeutique qui découle de ses constatations médicales. L’information indirecte est un apport supplémentaire qui doit générer une discussion en confiance entre un médecin et un malade, permettant une collaboration constructive entre ces deux acteurs, si les deux sont volontaires à s’écouter l’un l’autre, à accepter les modulations, les réserves des uns et des autres, sans que le praticien ne se drape dans un mépris de l’homme savant, sans que le malade ne s’emmure obstinément derrière des connaissances partielles et sans nuance.
En conclusion, on n’insistera jamais assez sur l’importance capitale de la relation humaine, de confiance, directe, bilatérale et réciproque entre le praticien et son malade, car l’information médicale sur le web est anxiogène, et même parfois fausse. Le médecin doit savoir accepter ces informations reçues hors du cadre médical, et doit être capable de discuter avec le malade d’éventuelles alternatives.

 


NDLR : Cette lettre illustre l’article 12 de notre
CHARTE D'HIPPOCRATE
. Lien
- 12°) Je saurai informer le patient, et sa famille, en tenant compte de ce qu’ils peuvent entendre, afin qu’ils comprennent son état , acceptent et restent actifs dans la prise en charge thérapeutique proposée.


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Alphonse Allais


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