Psychothérapeute
en 2012

3 décembre 2012
Docteur François-Marie Michaut
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    Le monde médical dans son ensemble, à l'image exacte de la société dont il fait partie, n'a qu'une idée des plus approximatives de ce que peut être une psychothérapie en 2012. Il y a là une lacune culturelle importante dans notre compréhension de ce qui n'est pas du domaine des déficiences organiques diagnostiquables et soignables par la médecine organique conventionnelle. La question est loin d'être anecdotique pour les médecins dont l'une des fonctions thérapeutiques est de prescrire en connaissance de cause le recours aux professionnels de la (ou des) psychothérapie(s).
Le mieux pour aller plus loin est de céder la parole à une personne qui exerce chaque jour dans son cabinet cette spécialité bien particulière.
Afin de ne porter aucune atteinte à la neutralité thérapeutique qui lui est indispensable pour travailler, et pour que ce texte ne puisse pas être taxé de promotion publicitaire, son nom ne figure pas dans ces lignes. Conflit d'intérêt, où ne peux-tu donc pas aller te nicher ?
Je suis le seul rédacteur de ses propos et présente à ma source d'information, avec mes remerciements pour sa collaboration et sa confiance, toutes mes excuses si je trahissais par mon expression et mes interprétations sa pensée.

Retrouver la confiance

Voici un petit choix pour définir d'un mot la mission d'un psychothérapeute. Il est à la fois l'accoucheur, le passeur, le jardinier,  le skipper, la boussole, l'empêcheur de tourner en rond, le critique, le confident, le conteur, l'ami  et l'adversaire, l'avocat et l'entraîneur au sens sportif. Parfois, n'ayons pas peur de ce mot antique, le sage. Ce sont là quelques illustrations du métier du thérapeute que je me fais. Sans surprise, je suis perçu comme le papa, la maman,le frère, la soeur . Mais je dirais que c'est plus dans une optique utilitaire qu'à la suite d'un mécanisme de transfert interprétatif.

   Créer du lien, pour utiliser le parler au goût du jour, reste le fondement de tout. Cela prend toutes les figures évoquées plus haut. Comprenez qu'il me faut passer par intermittence d'une position active à une position passive, savoir à fois écouter, laisser-faire, intervenir et interpeller. Belle gymnastique, qui ne laisse aucune place à de simples recettes toutes faites.

Restaurer la conscience

Il y a parmi nous de plus en plus de «déracinés» ( d'où peut-être la mode actuelle du jardinage), les sans repères ( je n'y peux rien, les choses se passent comme ça), les «insoutenable légèreté» , les traumatisés, et enfin les «qui flottent». Ramener au sol les gens dont on s'occupe est une tâche primordiale. L'hypnose a des effets radicaux sur ce plan : un avantage que ne soupçonnent même pas ceux qui ne l'utilisent pas.
À l'horizon, plus de bon névrosés , mais plutôt ceux qu'on dit atteints de «faille narcissique» , les égarés dans le faux-self . D'où les positions du thérapeute d'un côté comme l'entraîneur  et de l'autre comme l'ami critique ou le skipper. On ne passe pas par là, d'autres routes sont plus calmes et plus avenantes. Il faut se ré -affilier à soi-même et au monde, sous quelques formes que ce soit. Pas question pour autant de simple adaptation aux injonctions sociales. Mais bien apprendre à jouer avec sans se perdre soi-même, se déboussoler. Savoir retrouver du plaisir là où il manque et le limiter là où il déborde sans vergogne. Et ceci n'est pas exhaustif.

  Il existe toujours du travail plus clinique : des cas de séparation, de deuil, de peur, d'angoisse, de traumatisme. L'objectif alors est de faire retrouver du courage. Et cela dans le sens le plus concret qui soit : oser faire ce que l'on n'ose pas faire.

Renforcer la compétence

Sur le plan du lien thérapeutique ou de la technique relationnelle, il faut maintenant savoir varier ses angles d'abord. Il n'est plus question de «jouer» au psy - docteur s'exprimant du haut de sa science. Il faut se mouiller, comme le dit Roustang, il faut lâcher ses propres défenses (autrement dit sa propre peur). La  rencontre se fait si rare dans nos sociétés. Rester enfermé dans des rôles trop figés dans leur symbolique, même s'il sont à visée utilitariste ou instrumentale, n'aide pas beaucoup la majorité de ceux que l'on voit. Ils sont déjà parfois incapables dans leur façon d'être de dépasser un rôle ou une pseudo-identité.
La valeur ajoutée que nous amenons réside dans le singulier. Cela dans les deux sens du mot. En effet, la tendance est grande de nous utiliser non pas comme un thérapeute ( ce serait bien), mais comme un simple objet que l'on choisit dans un rayon de magasin. L'instrumentalisation, en tant que tentative d'utiliser l'autre comme un simple instrument, est le fléau du temps. Je dois donc savoir dire stop. Plus précisément il est nécessaire de dire ce que je ressens.

L'autre fléau majeur, c'est la rationalisation. Il est très dur de faire sortir de là. Déconstruire et pointer des aliénations. Là encore l'hypnose, selon mon expérience, donne un avantage : celui de faire vivre l'expérience du sentir. Je me demande même comment on peut faire pour y parvenir sans cela aujourd'hui.

Quel est l'avenir du métier de psychothérapeute ? Celui que l'on peut encore espérer offrir et celui que cherche à imposer le courant dominant. Dans une perspective d'espoir : pouvoir encore  faire découvrir des alternatives au cours effrayant de nos sociétés.
Devant les conceptions de l'humain qui ont pignon sur rue, fondées sur les seules neurosciences couplées à des thérapies de dressage à des comportements réputés adaptés ( les thérapies cognitivo-comportementales ou TTC) je dois dire que j'abdique. Pour parler sans détour, c'est un délire très masculin de devenir les maîtres du monde. Prière alors de conformer soi-même à ce modèle.

L'avenir pour moi, s'il y en a un,  prendrait alors plutôt la direction de la tâche de plus en plus importante à accomplir. Celle de la désaliénation, tant au niveau de la famille que de la société. Il s'agit somme toute d'une forme de résistance qui cherche à faire penser, à remettre en route la pensée des gens. Il est clair, à mon point de vue, qu'il y a nécessité et urgence pour les thérapeutes de retrouver, oui il s'agit bien de retrouver, l'apport philosophique, voire politique.

Je crains fort que les futurs médecins baignés dans un tel courant idéologique,  soient en majorité aliénés par leur science. Et hop, un comprimé ! comme le dit Hiri. Ils risquent de se trouver définitivement enfermés dans leur rôle dans une vision très étroite de l'humain.
Certains discours de psychanalystes déplorent la perte en symbolique de notre époque. Je dirais au contraire que nous assistons à l'enfermement dans le symbolique. Ceci aussi à cause d'un délire très répandu dans le monde psychanalytique et dont toute notre époque a été arrosée. Celui des limites et de la domination des émotions. D'une certaine façon, cela s'est retourné contre eux pour ne pas dire contre nous. C'est bien connu, quand on en fait trop, on atteint un seuil où cela vire de l'autre côté .  Il y a des tas de familles qui ne savent pas les poser, ces limites. D'autres qui en abusent. Les deux sont dépassés par les émotions et le sensible.
il va falloir parfois  autoriser à dépasser, pour permettre d'éprouver et alors pouvoir dire ce que l'on a ressenti. Sinon on devient un robot.  

Que cela soit dit sans fard, c'est aussi un moyen pour sauver notre démocratie. Pour l'avenir de notre civilisation, le psy, comme on le nomme familièrement, que cela plaise ou non, a une fonction politique.


(cliché Cath exmed)

Os court : «Ce n'est pas un signe de bonne santé d'être bien adapté à une société profondément malade.»
Krishnamurti
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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