Moins mal connaître l'Islam

25 février 2013
Docteur François-Marie Michaut
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« Ils » sont pourtant près d'un habitant sur dix de notre pays. « Ils » ne cessent de défrayer la chronique avec des faits divers, vrais ou inventés par la rumeur, qui entretiennent un sentiment d'étrangeté et de peur à leur égard. « Ils » demeurent silencieux sur la culture ou la tradition de leurs familles ancestrales. « Ils », ce sont les musulmans. Pour la plupart, citoyens français ou non, ces personnes, d'origine arabe, berbère ou du continent africain, semblent transparentes pour notre société.
Une étrange loi du silence continue de régner sur les réalités de l'Islam en France au XXI ème siècle, comme si quelque chose devait rester caché ou incompréhensible à l'ensemble de la population. Charles Martel à Poitiers, qui fut quand même le grand-père du célèbre empereur germanique Charlemagne, continue-t-il de nous boucher les yeux ? Ce qui n'est pas connu fait peur, et la peur ne conduit jamais à rien de bon pour personne quand elle s 'exprime en façon d'agir ou de réagir.
Les soignants, pour faire au mieux leur métier auprès des malades et de leur famille, ne peuvent pas rester dans ce climat d'ignorance culturelle. Mon ami Jacques Blais, quand il exerçait et enseignait la médecine générale en banlieue parisienne, insistait sur l'aide irremplaçable de compréhension du fonctionnement de ses patients que lui amenait l'ethnopsychiatrie.

Comment sortir de ce trou noir culturel, qui concerne quand même, c'est considérable, le deuxième groupe religieux de notre Hexagone ? J'ai eu la chance de découvrir, à la suite d'une émission de télévision, un guide précieux et accessible aux non initiés en la personne de Tareq Oubrou. Pour le situer rapidement, cet homme né dans le sud du Maroc, est venu en France il y a une trentaine d'années. Attiré par les sciences et la France comme beaucoup de ses amis de lycée, il voulait devenir médecin et s'est inscrit pour cela à la faculté de Bordeaux. Très vite, son engagement personnel auprès des membres les plus jeunes de sa communauté spirituelle, ainsi que sa foi personnelle, l'ont conduit à se consacrer conjointement à une action sociale et à une formation poussée en théologie.
Le candidat médecin est ainsi devenu au fil des années l'imam aux multiples fonctions de la mosquée de Bordeaux.

C'est de l'expérience de cette fonction aussi complexe que concrète qu'il a signé un livre d'entretiens avec Samuel Lieven (1) intitulé : « Un imam en colère », dont le sous-titre est tout un programme des sujets qui coincent : « Intégration, laïcité, violences ». Cet ouvrage très court (166 pages) et non dogmatique est une mine de renseignements précieux et pleins de vie, presque une sorte de guide pour franchir sans ennui les portes de cet univers aussi proche que lointain, dont nous n'avons, à travers nos sources habituelles d'information, que des caricatures, des non dits et des outrances.

Si cette lecture peut éveiller, et je le crois, l'attention des soignants et des personnes intéressées par la santé, elle nous pose une question bien particulière. Tareq Oubrou fait justement remarquer combien il serait important de rappeler à tous (de découvrir pour le plus grand nombre) à quel point les apports culturels de l'Islam, en particulier à travers les huit siècles brillants de la civilisation andalouse ont été capitaux dans le développement de nos sciences occidentales actuelles.
La médecine associée depuis ses origines à l'aventure de l'Islam n'a pas échappé à cet extraordinaire mouvement des savoirs et des idées. Une fois, encore, il me faut faire mention du livre remarquablement documenté de Claudine Brelet « Médecines du monde » (2), qui devrait être au premier rang de toute bibliothèque médicale consciente de l'ère de la globalisation.
Le chapitre « La médecine des Arabes » (p 417-468) démontre quelle importance ont encore pour notre pensée médicale et éthique des praticiens comme Avicenne, Averroès, ou Razhès.
Comme c'est curieux, et probablement significatif, le nom de ces trois esprits d'exception de confession musulmane se trouve latinisé dans notre mémoire.
    Il n'y a pas qu'à César ou à Dieu que des choses sont à rendre.

 


Notes :

(1) NDLR: Samuel Lieven est un journaliste et écrivain qui dirige la rubrique Religions au journal catholique Le Pélerin.

(2) F-M Michaut « Médecine sans racine n'est que...» LEM 760, 4 juin 2012




 

Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « Ce qui est en cause, c'est la qualité du regard sur l'autre. »
Tareq Oubrou
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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